28 Juin 2021
Jean-Luc Deuffic

La Bretagne des origines : de nouvelles approches. IrCaBriTT et CODECS

La Bretagne carolingienne n’a pas encore dévoilé tous ses mystères et ses richesses et les zones d’ombre sont encore nombreuses sur cette période et celle qui la précède. L’absence flagrante de documentation originale complique l’approche de l’historien. La dispersion des élites bretonnes à l’époque des grandes invasions scandinaves (IX-Xe siècle) s’est accompagnée d’une atomisation des collections monastiques contribuant à un éparpillement significatif des manuscrits échappés au vandalisme.

En 1985, lors d’un mémorable colloque organisé pour le 15e centenaire de l’abbaye Saint-Guénolé de Landévennec, j’avais modestement fait un état des lieux de la question (1) en dressant un catalogue des manuscrits bretons, initialement à partir de données puisées aux travaux pertinents du regretté professeur Léon Fleuriot (1923-1987) et aux contacts que j’avais alors avec l’éminent paléographe allemand Bernard Bischoff (1906-1991).

Depuis cette époque, quelques études ont été consacrées à tel ou tel manuscrit breton (2), mais pour lors nous attendons toujours une histoire globale des scriptoria armoricains dans un contexte plus large, celui de leurs relations avec les centres culturels de la grande Celtie. Aussi, c’est avec beaucoup d’intérêt que nous assistons à la genèse de plusieurs bases documentaires liées à cette problématique.

Mention particulière, tout d’abord, au projet “Ireland and Carolingian Brittany: Texts and Transmission” (IrCaBriTT) financé par Laureate Awards Scheme de l’Irish Research Council et dirigé par le Dr Jacopo Bisagni (Classics, NUI Galway).

Le projet IrCaBriTT explore les échanges culturels entre l’Irlande, la Bretagne et la Francia à l’époque carolingienne (vers 750-1000). Plus précisément, l’un des principaux objectifs du projet est d’évaluer l’impact de l’héritage littéraire et savant de l’Irlande paléochrétienne sur la formation de l’identité textuelle et culturelle de l’élite intellectuelle de la Bretagne médiévale.
IrCaBriTT se concentre sur un groupe nouvellement découvert de textes très distinctifs du début du Moyen Âge sur le comput (science du calcul du temps) et l’exégèse biblique, tous montrant des liens clairs avec la Bretagne. En plus de fournir de nouvelles preuves substantielles pour des domaines jusqu’ici négligés de l’éducation et de l’érudition bretonnes à l’époque carolingienne, ces travaux démontrent la contribution formative de l’apprentissage irlandais médiéval au développement des idées « scientifiques » et religieuses bretonnes entre la fin du VIIIe et le début du Xe siècle.
L’intégration de ces nouvelles preuves dans une évaluation globale de la transmission bretonne des textes hiberno-latins permet de reconstruire et de comprendre les réseaux intellectuels qui ont lié les scriptoria insulaires, bretons et francs où ces œuvres ont été produites, copiées et étudiées.
Les chercheurs trouveront en ligne une riche Handlist of Breton Manuscripts, c. AD 780–1100 (DHBM), travail remarquable de Jacopo Bisagni (avec les contributions de Sarah Corrigan), précédée d’une utile présentation sur les caractéristiques du “manuscrit breton”.
La base s’accompagne d’une bibliographie exhaustive et d’une liste de ressources internet.
Le projet IrCaBriTT marque une étape décisive dans l’étude de la Bretagne carolingienne. Saluons donc la très belle initiative de Jacopo Bisagni, en espérant qu’elle suscite de nouvelles idées parmi nos jeunes chercheurs bretons …

Dans cette même optique, signalons CODECS: Collaborative Online Database and e-Resources for Celtic Studies, publiée par la A. G. van Hamel Foundation for Celtic Studies. Textes, manuscrits et bibliographie composent cette riche base.
CODECS, acronyme de Collaborative Online Database and e-Resources for Celtic Studies, est une plateforme en ligne publiée par la Fondation A. G. van Hamel pour les études celtiques, basée aux Pays-Bas. Il présente une tentative continue de construire un catalogue descriptif complet des sources d’intérêt pour les études celtiques, y compris texte et manuscrit inédits, ainsi qu’une bibliographie qui contient actuellement plus de 20 000 références. De plus, pour enrichir les façons dont les utilisateurs peuvent découvrir et explorer ces ressources anciennes, il fournit des informations structurées sur les contenus ainsi que sur les contextes ou les provenances des sources décrites.
Parmi les ressources annexes nous trouvons même le dictionnaire néerlandais-breton de Jan Deloof (2004).

(1) Jean-Luc Deuffic, “La production manuscrite des scriptoria bretons (VIIIe-XIe siècle)”, in: Simon, Marc (ed.), Landévennec et le monachisme breton dans le haut Moyen Âge: actes du colloque du 15e centenaire de l’abbaye de Landévennec, 25-26-27 avril 1985, Association Landévennec 485-1985, Landévennec: Association Landévennec, 1986. 289-321.
(2) Je pense, par exemple, aux travaux de David N. Dumville et de Louis Lemoine. Avec le CRBC (Centre de Recherche Bretonne et Celtique), le CIRDOMOC, que j’ai contribué à créer au lendemain du colloque précité, fédéralise aujourd’hui une grande partie des études celtiques en Bretagne.

Illustrations: New York, Public Library, 115 / Boulogne, BM, 8

13 Avr 2021
Jean-Luc Deuffic

Luces del Norte : manuscrits enluminés de la Bibliothèque nationale d’Espagne


Communiqué de Samuel GRAS

Je me permets de vous envoyer des informations au sujet d’une exposition à la Bibliothèque Nationale d’Espagne (Madrid) sur le fonds des manuscrits enluminés français et flamands et sur la publication du catalogue raisonné de ce fonds. Il s’agit de Luces del Norte, manuscrits enluminés de la Bibliothèque nationale d’Espagne, du 30 avril au 5 septembre 2021. L’exposition est ouverte au public dans le respect des règles sanitaires du pays, un peu plus de 70 manuscrits seront exposés. N’hésitez pas à partager ces informations si cela vous est possible ! Voici le lien avec l’information en español et in english. Il y a la possibilité de consulter 80 pages du catalogue et il y a un code promotion valable jusqu’au 25 avril “Luces del Norte” à indiquer. Il y a actuellement une offre de 10% sur l’achat de l’ouvrage par souscription.

Me permito informarles de la inauguración de la exposición en la Biblioteca Nacional de España (Madrid) en torno a los manuscritos iluminados franceses y flamencos de la institución y de la publicación del catálogo razonado de los 156 manuscritos de este fondo. Se trata de Luces del norte: manuscritos iluminados de la Biblioteca Nacional de España, del 30 de abril de 2021 al 5 de septiembre de 2021. Se mostrarán en la exposición algo más de setenta manuscritos. Les mando unos enlaces con la información en español y con la información en inglés. Hay un código de descuento (Luces del Norte) que se puede utilizar al hacer el pdf online y con el que el libro sale un 10% más barato.

Please allow me to inform you about the soon exhibition at the National Library of Spain (Madrid) dealing with French and Flemish Illuminated Manuscripts and about the publication of the exhaustive catalogue of 156 manuscripts. Name is Luces del Norte, Illuminated Manuscripts of the National Library of Spain (April 30 to September 5, 2021). The exhibition is open to the public in accordance with the country’s health regulations and will show a bit more than 70 manuscripts. Please find a presentation link en español and in english. There is the possibility to consult part of the catalogue and to buy it on the website and save 10% on this book until April 25 (Pre-sale coupon code: “Luces del Norte”).
8 Avr 2021
Jean-Luc Deuffic

Old Books and New Technologies : Medieval Books and the Digital Humanities in the Low Countries

ONLINE COLLOQUIUM

“Old Books and New Technologies: Medieval Books and the Digital Humanities in the Low Countries”

Thursday 6 May – Friday 7 May 2021

On 6 and 7 May 2021, KBR, in partnership with the Campus Condorcet of Paris, the National Library of Luxembourg, the KB national library of the Netherlands, the universities of Ghent, Leuven, Liège, Mons and Namur, and the Vlaamse Erfgoedbibliotheken, will be holding an international conference on medieval books and the digital humanities in the Low Countries.

It will bring together representatives from libraries, museums, archives with researchers interested in the ‘medieval book and new technologies’. Particular emphasis will be placed on the methodological dimension of the use of digital humanities.

Working languages will be English, Dutch, and French.

Registration and programme

Contact

21 Mar 2021
Jean-Luc Deuffic

Le « livre de raison » des Bivelat (1574)

Présenté récemment pour une vente publique (31 mars 2021), un exemplaire défectueux du très rare Thresor de devotion contenant plusieurs oraisons devotes & exercices spirituelles: pour dire en l’Eglise pendant l’office divin (Douai: Jean Bogard, 1574), une impression gothique en rouge et noir décorée de 30 vignettes gravées sur bois représentant des scènes de la Passion, dont 9 avec le monogramme CI ou IC (Jean Croissant, xylographe français ?), porte dans quelques marges les naissances de plusieurs enfants d’une famille Bivelat, protestante, dont la patronyme semble éteint aujourd‘hui. Hélas, les prénoms et noms des parents ne sont pas connus et figuraient peut-être sur des feuillets manquants de l’ouvrage  :

Par la grace de Dieu Nicole Bivelat fut née le vendredy vingt septiesme jour de juin environ cinq heures du soir l’an 1615

Par la grace de Dieu Barbe Bivelat fut née le sabmedy seiziesme jour se septembre 1617 et ce envyron les huict heures et demy du soir

Nicolas Bivelat fut né par la grace de Dieu le jour de la st Nicolas l’an 1613

Jean Bivelat deuzieme du nom fut né par la grace de Dieu le jour de la st Lucian le 27e de may la veille de l’Assention 1620 (cette fête de saint Lucien semble inconnue pour ce jour)

Barbe Bivelat 2e du nom fut née le jour de la st Crespin vingt cinquiesme d’octobre 1622 environ sur ledix et onze heures

Claude Bivelat fut né 9 juin 1628 environ dix heures et demy du soir parain Anthoine …. Et Barbe ….

Francois Bivelat par la grace de Dieu fut né jour de dimanche 9e jour de juin 1630 parain Francois Br… et la maraine dame Jeannon ….

Jean Bivelat semble avoir été le plus connu des membres de cette famille au XVIIe siècle. Il est probablement à identifier avec le Jean Bivelat, maître sculpteur et menuisier parisien, demeurant Vallée de Misère, à l’Image Notre-Dame de Boulogne, et qui, le 27 novembre 1650, passa marché avec Caprais Gourdan, maître peintre et sculpteur, demeurant sur le pont Notre-Dame, pour faire un tabernacle d’ébène de deux pieds et demi de haut, suivant le dessin qui lui avait été remis et moyennant la somme de 100 livres dont 32 livres payées d’avance (Paris, AN, MC/ET/IV/106). Cette demeure, à l’Image Notre-Dame de Boulogne, est connue pour avoir été occupée vers 1571/1572 par Pierre-Antoine Carneschi, un marchand florentin.

Jean Bivelat épousa Nicole Bonichon, et eut plusieurs enfants. Le dimanche 13 décembre 1648 fut baptisée Barbe, dont le parrain se trouve être justement ce Caprais Gourdan[1], maître peintre à Paris, cité plus haut ; la marraine fut Barbe Bivelat, femme de Jean Arnoult, boulanger, peut-être une sœur de Jean, celle née en 1622 (St Eustache n° 58 ; Fonds Laborde). Malheureusement cette jeune Barbe mourut quelques mois plus tard, le 14 octobre 1649, et fut enterrée à Saint-Père (cimetière Saint-Germain, « Cimetières des huguenots à Paris, p. 229)

Pierre-Jean Bivelat fut baptisé à Charenton, en octobre 1659; parrain, Pierre-Jean Bivelat orfèvre et peintre en émail, et marraine Marguerite Jumeau, femme de Sébastien Bourdon.

Ce Pierre-Jean fut graveur à Paris à la « Belle Etoile Couronnée », rue Saint-Louis, puis à « l’Image Saint-Louis », rue de Harlay. Il épousa Marie-Elisabeth Langlois, d’où Madeleine-Angélique Bivélat, née rue Saint-Louis, baptisée à Saint-Barthélemy le 1er décembre 1686 ; parrain, Claude Gaspard Langlois, marqueteur, rue Dauphine, marraine, Marie-Madeleine Bivelat, fille de feu Jean, sculpteur, rue Saint-Louis. Il décéda après 1702, à Paris. Madeleine-Angélique Bivelat, épousa l’orfèvre Nicolas Bouillerot (inventaire décès, 16 juillet 1733, Y 14948).

En plus de Marie-Madeleine, deux autres filles de Jean Bivélat sont connues : Marie et Elisabeth, lesquelles le 8 avril 1686, renoncèrent à la « religion prétenduë et réformée, de laquelle elles faisoit cy devant profession », dans la paroisse Sainte-Madeleine de Besançon (GG 54, fol. 11v)

https://www.interencheres.com/meubles-objets-art/angers-livres-anciens-et-modernes-284257/lot-27111857.html

[1] Le 14 mai 1645, âgé de 28 ans, il participe à une rixe survenue le 14 mai 1645 au soir avec d’autres peintres, à Fontainebleau : Pierre Gargan, de Paris, 33 ans, Jean Barbier, 19 ans, Alexandre Vernavont, flamand (AD 77, 2Bp 5310. Gourdan, Gourdon (Cappris, Capère, Caprais), p. sc., cité 1656 comme m. p. (Herl.) , 1659-1661 (G, Statuts). Agé de 28 ans; travaille à Fontainebleau, chambre du roi, en 1645 (Thoison, 1902). Pont Notre-Dame, 1663, mort avant.


La Vallée de Misère et le Pont aux Meuniers, à Paris

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