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26 Août 2022
Jean-Luc Deuffic

Entre les Universités d’Orléans et de Paris: le parcours d’Aufred Saisiz, étudiant breton de Carhaix à la fin du Moyen Âge

Étudié par Léopold Delisle, un manuscrit malheureusement détruit lors de l’incendie de la bibliothèque de Tours le 19 juin 1940, coté 663, renfermait, entre autres, les notes d’un étudiant breton de l’Université d’Orléans, originaire de Carhaix, portant le nom d’Aufred Saisiz (ou Aufroy Saisiz). Le recueil en question nous donne les noms de quelques uns de ses professeurs de droit, comme Bertrand Chabrol, Henri de Marle, Jean Gilles ou Guillaume de Dormans, futur évêque de Meaux, de 1377 à 1390, puis archevêque de Sens. Nous sommes alors dans les années 1373/1378.

Toutefois, avant de fréquenter Orléans, Aufred avait fait ses premières études à Paris où il avait obtenu sa maîtrise ès-arts en 1371, année où il se trouvait  en troisième année d’audition. Peut-être était-il boursier du collège parisien de Plessis, puisque celui de Cornouaille fondé par Jean de Guiscriff ne vit le jour que vers 1374.

Après ses études de droit à Orléans, il revient à Paris. Licencié in utroque jure en 1387, Aufred se décrit lui-même comme « licencié es loys et en décret » en 1398.

En dehors de ses études, Aufred Saisiz, à l’instar de ses compatriotes, recherche des bénéfices : en 1371, à la collation de l’évêque de Dol. En 1378, sous-diacre, il est recteur de l’église paroissiale de Pluzunet au diocèse de Tréguier et candidat à un canonicat avec expectative de prébende à la cathédrale de Quimper en 1387. En 1403, il est encore candidat à un bénéfice sur le « rotulus » de l’Université de Paris. Après cette date, nous ne savons plus rien de notre maître de Carhaix. Est-il décédé ? S’en est-il retourné en Bretagne ?

Aufred Saisiz avait participé à l’assemblée de l’Université de Paris en tant que représentant de la Faculté des Arts pour entendre la synthèse des votes sur l’attitude à avoir face au schisme en 1394 (24-25 février) et débattre des actions à entreprendre. Quatre ans plus tard, il fait à nouveau partie de l’assemblée de l’Église de France en tant que représentant de l’Université de Paris et au choix de la soustraction d’obédience pour lequel il a personnellement voté (source : Millet (H.) et Poulle (E.), Le vote de la soustraction d’obédience en 1398, Paris, 1988, I, 179 (n145).


Signature d’Aufred Saisiz

Aufred Saisiz appartenait à une très ancienne famille bretonne de Cornouaille dont le berceau était Carhaix : Les Saizy de Kerampuil dont l’histoire a été retracée jadis par la comtesse du Laz. Elle est bien documentée par ses preuves de noblesse. Peut-être notre étudiant était-il frère d’Alain de Saisy, écuyer seigneur de Kerampuil, décédé en 1379 ?

La ville de Carhaix, la grande Vorgium gallo-romaine, a connu d’autres copistes. J’ai relevé les noms de deux homonymes. Un Jean de Karahes, copia un manuscrit aujourd’hui conservé en Autriche (Graz, BU, 63. Digestum novum) daté de 1390 ; un autre, surnomé « Ira », est l’artisan du manuscrit Bruxelles, KBR, 21190 (Apparatus, Innocent IV), daté de 1290, dont enluminure ci-dessous:

Bibliographie

Rotuli Parisienses : Supplications to the Pope from the University, publié par William J. Courtenay, Eric D. Goddard, I, 175; II, 365-366.

Delisle, « Les professeurs de droit à Orléans sous Charles V », dans BEC, XXXIII, 1872, p. 319-324. https://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1872_num_33_1_462046

Baron de Saint-Pern, Revue Historique de l’Ouest, année 12 (1896), p. 92-112 (Preuves de noblesse (1669/1778)). En ligne sur Tudchentil : https://www.tudchentil.org/spip.php?article118

De Saisy, comtesse du Laz, Généalogie de la maison de Saisy de Kerampuil, Imp. Galles, Vannes, 1896. Sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k55351888

Jean-Luc Deuffic, « Copistes bretons du Moyen Age (xiiie-xve) : une première “handlist”… », in Pecia. Le livre et l’écrit, Notes de bibliologie , vol.13, 2010, p. 151-198.

Camille Gaspar et Frédéric Lyna, Les principaux manuscrits à peintures de la Bibliothèque royale de Belgique, PL. XLIIb.

Base STUDIUM http://studium-parisiense.univ-paris1.fr/?action=index&letter=A

31 Août 2021
Jean-Luc Deuffic

Un logicien renommé, proviseur de Sorbonne au XIVe s. : Raoul le Breton de Ploudiry / 1



NOTA : Ce texte, un peu modifié, a initialement été publié (en partie) dans PECIA, volume I. (Brepols)

PREMIERE PARTIE

À MON AMI BILL COURTENAY

Depuis déjà quelques décennies l’oeuvre de Raoul le Breton (1) suscite un regain d’intérêt. L’édition intégrale de certains de ses textes, les analyses qui en découlent, nous montrent l’importance du maître logicien breton, considéré aujourd’hui comme l’un des plus éminents de son époque, c’est-à-dire autour des années 1290-1320. De même, nous bénéficions à présent de la belle étude de William J. Courtenay, “Radulphus Brito, master of arts and theology“, publiée dans les Cahiers de l’Institut du Moyen-Âge Grec et Latin, 76, 2005, p. 131-158.

Déjà, à la fin du XIXe siècle, Barthélemy Hauréau voulait « protester contre l’injustice de l’histoire. Ils sont en nombre infini les compilateurs de vulgaires rapsodies dont les noms figurent avec honneur dans tous les manuels de bibliographie, et ce libre thomiste, interprète discret et d’autant plus fidèle d’Aristote, est resté, depuis sa mort jusqu’à nos jours, complètement ignoré.» (2). Notre but n’est pas ici de faire une analyse philosophique de l’oeuvre de Raoul le Breton, très loin de nos compétences, mais de faire un état des travaux engagés (3) sur cet auteur et d’apporter quelques éléments nouveaux sur son entourage familial, et peut-être le faire connaître à ses compatriotes bretons.

La Bretagne médiévale, à vaincre ce cliché hostile qui la fait paraître l’ombre même d’un « désert culturel », a généré hors de ses frontières de remarquables esprits. Jean de Garlande (4) louange Hervé le sophiste : « la palme de la gloire lui revient en logique, ses vertus embaument jusqu’au ciel, tel l’encens d’Arabie » (5). Ainsi maître Hervé, surnommé à la « voix rauque » (6), compte parmi les plus grands logiciens de l’école parisienne en cette première moitié du XIIIe siècle.
Otto de Freising († 1158) décrit la Bretagne comme une « terre féconde en clercs doués d’un esprit fin et appliqué, tels les deux frères Bernard et Thierry, hommes très doctes et d’un savoir éclatant » (7). Piliers de l’enseignement dispensé à Chartres au milieu du XIIe siècle, maints témoignages contemporains s’accordent sur leur immense prestige : Jean de Salisbury, Guillaume de Tyr (8) ou Clarambaud d’Arras font ainsi, comme bien d’autres, leur éloge.
Hildebert de Lavardin, archevêque de Tours en 1125, nanti d’une forte réputation, flatte un Rualen (Riwallon, archidiacre de Nantes ?), de famille noble, clerc, philosophe et poète (In armis audio te Caesarem, in carmine Virgilium obstupesco ou Socrati virgilioque parem !), natif et promu en cette ville, célèbre aux alentours et dans la France entière (9) :

Milice splendor, lux cleri, gloria uatum,
Nobilim soboles, hic, Rualenne, iaces …
Urbi bona Nannetum te nutrit, extulit in se,
Reddita supra se nomine clara tuo …

Au XIVe siècle, d’autres bretons s’illustrent. Hervé Nedelec, parvenu à l’autorité suprême dans l’ordre des Frères Prêcheurs le 10 juin 1318, après avoir gravi tous les échelons, depuis son petit couvent de Saint-Dominique de Morlaix, fait autorité par ses écrits théologiques (10). Henri Bohic, juriste, originaire du diocèse de Léon, achève le jour de la saint Mathieu 1349 ses Distinctiones, rassemblant là l’essentiel de son enseignement parisien. Au reste, l’importante tradition manuscrite de son oeuvre souligne l’audience étendue de ce canoniste dans tout l’occident médiéval (11).
Ces derniers exemples significatifs pour détruire enfin ce que l’on a pu appeler, dans bien des domaines, « l’archaïsme breton » (12).

I. RAOUL LE BRETON : DONNÉES BIOGRAPHIQUES

L’émigration bretonne en pays de France (et ailleurs) semble trouver en cette fin du XIIIe s. son réel apogée. De nombreux témoignages montrent les Bretons bien installés dans la bourgeoisie parisienne et en « banlieue », occupant des places prestigieuses auprès du roi (13), au premier rang de la hiérarchie religieuse ou dans les universités, même si d’autres affrontent, il est vrai, les conséquences d’une certaine ségrégation et succombent à la marginalisation (14).
Les Bretons cultivent la solidarité nationale, préemptent des zones spécifiques dans la capitale : sur la rive droite, la rue de la Bretonnerie, où saint Louis fonda entre 1254 et 1258 un couvent pour les frères de la Sainte Croix ; sur la rive gauche, les deux ruelles de la petite et grande Bretonnerie, vicus britoneria, près de la Porte Saint-Jacques, forment le fief de la Bretonnerie inféodé dès 1219 par le roi Philippe II. Par la suite, l’intégration se faisant, nous les rencontrons, mais souvent regroupés, dans divers quartiers de la capitale.
Cette immigration grandissante favorise la venue d’étudiants de province. C’est l’époque, à Paris – comme dans les autres grandes villes universitaires –, de la création d’une multitude de collèges. Ils sont dus à la générosité de fondateurs soucieux de favoriser l’accès aux études à de
pauvres clercs ou laïcs, membres de leur famille ou issus de leur diocèse. Un clerc breton, mestre Galeran Nicolas dit de Grève, testant le lundi avant l’Ascension 1317, nomma parmi ses légataires de pauvres écoliers originaires de Bretagne, étudiant à Paris. Avec les revenus du legs furent établies cinq bourses pour un collège qui allait devenir celui de Cornouaille (15). D’autres établissements verront le jour : collège du Plessis (1323, par Geoffroy de Plessis-Balisson, secrétaire de Philippe V, et notaire apostolique, quarante bourses, essentiellement pour des écoliers des diocèses de Saint-Malo et de Léon), collège de Tréguier (1325, fondé par Guillaume de Coetmohan, pour huit écoliers de ce diocèse) (16), collège de Léon (v. 1325, par Eonnet de Kaerembert) (17).

Nous connaissons mal les circonstances de l’arrivée de Raoul le Breton à Paris, ses débuts scolaires. Avant la fondation des collèges bretons de Paris, d’autres établissements ouvraient leurs portes à ces « pauvres écoliers ». En 1285, Yves le Breton, fréquente le collège de Saint-Thomas du Louvre (18).


Porche de l’église paroissiale Saint-Pierre de Ploudiry. Photo: Henri Moreau

Les seules informations disponibles pour définir le lignage de Raoul, et nous dévoiler le lieu de sa naissance, PLOUDIRY (Finistère, Bretagne), proviennent d’un vidimus (19) de certaines dispositions testamentaires prises par son oncle (20) en 1317. Par cet acte, Hervé Even Daniel, bourgeois de Paris, clerc originaire du diocèse de Léon, lègue l’usufruit de ses biens à venerabili uiro magistro Radulpho de Plebedyri (21) nunc doctori in theologia, et leur propriété aux religieux de l’Hôtel-Dieu et à ceux du prieuré de Sainte-Catherine du Val-des-Ecoliers.
PLOUDIRY, paroisse de l’ancien diocèse de Léon, dépendait de l’abbaye Notre-Dame de Daoulas (ordre des chanoines réguliers de Saint-Augustin) comme un de ses plus importants et plus riches prieurés.


Abbatiale Notre-Dame de Daoulas (XIIe siècle)

Le vidimus de 1317, précité, porte sur les héritages suivants :
— Deux maisons mitoyennes situées à Paris, in civitate, devant les propriétés de défunt Raoul Coquatrix, paroisse de Saint-Pierre-aux- Boeufs, en la censive de Saint-Eloi. L’une d’elles voisine une maison jadis possédée par maître Hervé dit le Cardinal (22); l’autre fait le coin de la rue Saint-Pierre-aux-Boeufs, et est contiguë à celle de feu maître Thierry le Breton, avocat à la cour (23).
— Un arpent de vigne à Vauvert (24), derrière le pressoir des bourgeois de Paris, en la censive d’Alice Arrode.
— Une maison sise au-delà du Grand-Pont, dans la rue Neuve-Saint-Merri, contiguë à celles de Jeanne la Renarde et de Nicolas dit le Peintre.
Un document essentiel, le Censier de Saint-Merri (25), composé au début du XIVe siècle, complète nos informations sur cet article, apportant d’autres précisions sur la personne d’Hervé Even Daniel :
— En Rue Neuve, d’une part et d’autre, jusques au kairefour du Temple … Dame Gile Arrode, fame jadis du dit mestre Hervi [dicta domus que fuit dicti Nicholai], pour sa dite maison tenant d’une part, à le dite meison du dit Borgeois, et d’autre part, à le meison Ysabieu Le Renarde [modo beneficerius sancti Martini], ii sols vi d. ; des quieux la communité prent xviii d., et les chanoines xii d.
— Renaut l’Ermitain et Ysabieu le Renarde, sa fame, pour le dite meison leur tenant, tenant, d’un cousté, à le meison du dit feu mestre Hervi [que est G. de Meldis], et, d’autre part, à une autre leur meison, xii d.
— Le dit Borgeois [le Peinhtre] pour sa maison ajoignant, d’une part, et, d’autre part, tenant à la maison que feu mestre Hervi le Breton (26), clerc [que fuit Nicholai le Teules, heres de G. de Mal Auroy], xviii d.
Le Livre de la taille de Paris, en l’année 1297, donne pour la rue Neuve Saint-Merri : Hervi le breton, procureeur , taxé à 8 s., de même que « Bourgeois le peintre » (27).
Ainsi Hervé Even Daniel épousa Gila Arrode. Cette famille reste parmi les plus en vue de la bourgeoisie parisienne au même titre que les Gencien, Barbette ou Popin. Jean Arrode exerce comme prévôt des marchands de la capitale en 1289/1291. Nous savons par ailleurs que Gila (morte avant 1318), fonde dans la cathédrale Notre-Dame une chapellenie perpétuelle en l’honneur de saint Rigobert. L’un des premiers desservants en fut Guillaume de Ploudiry (28), prêtre, sans doute de la proche famille de Raoul le Breton, puisque originaire de la même paroisse en Bretagne. Gila (de même qu’Alice) a été reconnue comme étant une fille de Nicolas Arrode, probable frère du prévot (Boris Bove, Dominer la ville: prévôts des marchands et échevins parisiens de 1260 à 1350, Paris : Editions du CTHS, 2004, p. 381).

Raoul le Breton reconnaîtra l’affection de ses oncle et tante. Alors proviseur de Sorbonne, ou encore peut-être simple socius, il affecte plusieurs sommes à la célébration d’obits en leur mémoire :
[3 février] Obitus avunculi magistri radulphi britonis. pittancia. xiiij. sol. par. sed quatuor solidi sunt pro beneficiariis. ergo intimari debet beneficiariis ut veniant ad capellam.
[26 mars] Obitus uxoris avunculi magistri Radulphi Britonis. xiiii sol. parisiens. pro pittancia ; sed habent beneficiarii iiij sol. et ideo ipsis intimetur ut veniant ad capellam.
[30 juillet, obit de Raoul] … item dimisit de predicta pecunia duos obitus faciendos, unum scilicet in crastino Purificationis beate Virginis pro anima advunculi sui, alterum in crastino Adnunciationis dominice pro anima uxoris predicti avunculi. Pittancia cujuslibet xxiiij. sol. par. set quatuor solidis participant predicti beneficiarii, dividendis inter illos ex ipsis qui venient ad capellam (29).

                                                              

NOTES =============

(1) Quelques auteurs (P. GLORIEUX, C. LOHR, etc.) veulent voir en lui un certain Raoul de Hotot, maître ès-arts, mais cette recognition ne tient pas dans la mesure où ces deux universitaires figurent distinctement dans un acte émanant du collège de Sorbonne daté du 8 novembre 1317 (Palémon GLORIEUX, Cartulaire, p. 210). Doit-on le confondre avec Raoul Renaud, Radulphi Reginaldi Britonis, docteur en théologie, qui reçoit un canonicat avec expectative de prébende au Mans le 13 novembre 1316. Un maître Reginaldo Radulphi canonico Laudunensi, inscrit dans l’obituaire du collège de Sorbonne au 6 mai brouille encore les solutions possibles d’une réelle identification de Raoul le Breton : Auguste MOLINIER, Obituaires de la province de Sens. Diocèse de Sens et de Paris (Recueil des historiens de la France par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, série Obituaires), Paris, 1902, p. 743. Le nom même de Raoul le Breton, Radulphus Brito, apparaît à plusieurs reprises au Moyen Âge. Ainsi, à Paris, vers 1290/1300, il est porté par des libraires installés rue Neuve-Notre-Dame : Raoul le Breton le jeune et Berte, sa femme, Raoul le Breton le vieil. Un copiste de ce nom transcrit une Summa de vitiis et virtutibus de Jean de Galles (manuscrit Florence BNC II VI-1), de l’ancienne bibliothèque du monastère de Santa Maria del Carmine. Voir notre étude : Jean-Luc Deuffic, « Copistes bretons du Moyen Âge (XIIIe-XVe siècles): une première “handlist” », Du scriptorium à l’atelier. Copistes et enlumineurs dans la conception du livre manuscrit au Moyen Âge, Turnhout: Brepols, 2010 (Pecia, 13), p. 151-197. Au reste, pour mémoire, signalons un Raoul le Breton, prêtre chapelain de Saint-Jean en l’église de Saint-Barthélemy de Paris qui teste en 1316 (Paris AN L 596, n° 11). Le « Cartulaire » de l’Université de Paris cite, vers 1329/1335, Dominus Rodulphus Brito cum 6 sociis, logeant rue du Four, et Raulfus (sic) Brito in vico sancti Illarii (CUP, III, 661a, 662b). Il ne s’agit là en fait que de quelques exemples d’un nom courant utilisé dans le milieu breton du Paris médiéval. Ailleurs, on peut citer un « Raoul de Bretagne », chanoine de Sainte-Croix de Cambrai en 1287 (A.D. Nord, 6G 150). De fait, « le Breton » affirme l’origine géographique du personnage, l’appartenance à une nation.
(3) Il faut souligner ici l’important travail accompli par l’Institut du Moyen Âge Grec et Latin de
Copenhague. Jan PINBORG († 1982) puis Sten EBBESEN, et d’autres, ont grandement oeuvrer pour la redécouverte de Raoul le Breton en étudiant nombre de ses commentaires dans les Cahiers de cet Institut.
(4) Jean de Garlande, ca 1195-1272. Etudie à Oxford, Paris et Toulouse (1229-1232).
(5) Fallunt doctores iustos quidam seniores
Nautis peiores et ventis mobiliores.
Regnat in Herveo logicali palma tropheo,
cuius corda deo fragrant quasi thure Sabeo.
Dum largis itidem facit invidiam domat, idem
Cuius laudo fidem, cum sit michi cognita pridem.
JEAN DE GARLANDE, “Morale scholarium”, dans Morale scholarium of John of Garland (Johannes de Garlandia), a professor in the universities of Paris and Toulouse in the thirteenth century. Edited, with an introduction on the life and works of the autor, together with facsimilies of four folios of the Bruges manuscript by Louis John PAETOW, Berkeley, 1927, p. 178, v. 647-652. Voir l’article essentiel d’Alain DE LIBERA, “Les Abstractiones d’Hervé le Sophiste (Hervaeus sophista)”, dans Archives d’Histoire Doctrinale et Littéraire du Moyen Âge, 1985, p. 163-230, édition d’après l’unique ms. Paris BnF Lat. 15170, ff. 48va-52va. Hervé le Breton figure aux nécrologes de plusieurs abbayes et couvents parisiens , outre celui de la cathédrale Notre-Dame de Paris (Benjamin GUERARD, Cartulaire de l’église Notre-Dame de Paris, Collection de Documents inédits sur l’histoire de France, Paris, 1850, t. IV, p. 138-139) : Saint-Martin des Champs (Paris BnF Lat. 17742, f. 266r, de seconde main, au IV des calendes de Septembre), Saint-Victor (Paris BnF Lat. 14673, édit. MOLINIER dans Obituaires de la Province de Sens, II, Paris, 1902, p. 580), les Trinitaires (Paris Mazarine 3356, édit. MOLINIER, ibid., p. 687), Saint-Geneviève (Paris AN LL 881). Cf. aussi celui des marguilliers laïcs de la cathédrale Notre-Dame (Paris AN S 853) : En août est fait l’obit maistre hervy le breton dit le rout (sic) et y prendre les dits marregl. xii d. Censitaire de l’abbaye Sainte-Geneviève, maître Hervé demeurait in vico sancte Genovefe (voir par ex. Paris AN S 1626/1, censier de 1276).
(6) Conséquence de son accent breton ?
(7) Otto de Freisingen, Gesta Friderici imperatoris, Liber. 1, n. 47, édit. G.H. PERTZ, MGH, Script., XX, 376 et dans J. P. MIGNE, Patrologie Latine, t. XIII, c. 654. « Petrus iste [Abailard] ex ea Galliae provincia quae nunc ab incolis Britannia dicitur, originem trahens (est enim praedicta terra clericum, acuta ingenia et artibus applicata habentium, sed ad alia negotia penè stolidorum
ferax : quales fuerunt duo fratres Bernardus et Theodoricus viri doctissimi)… ». Voir la notule de notre ami André-Yves Bourgès, “Les trois Bernard” (2008).
(8) « Fuerunt autem nobis hoc medio tempore, quo in partibus transmarinis nostram in disciplinis transegimus adolescentiam <et> in paupertate voluntaria literarum studiis etatis nostros dedicavimus dies, in liberalibus artibus doctores precipui viri venerabiles et pia recordatione digni, scientiarum vasa, thesauri disciplinarum, magister Bernardus Brito, qui postea [fuit] in patria unde ortus fuerat episcopus fuit Cornualenssis (sic = Cornouaille / Quimper) … Hii omnes magistri Theodoricii senioris viri litteratissimi per multa tempora auditores fuerunt … ». R.B.C. HUYGENS, “Guillaume de Tyr étudiant. Un chapitre (xix, 12) de son « Histoire »”, dans Latomus, 21, 1962, p. 822. Voir les développements donnés par E. JEAUNEAU, “Note sur l’école de Chartres”, dans Mémoires des Sociétés Archéologiques d’Eure-et-Loire, 23, 1964-1968, p. 1-45, et les précisions d’A. VERNET, “Une épitaphe inédite de Thierry de Chartres”, dans Recueil des travaux offerts à M. Clovis Brunel, t. II, Paris, 1955, p. 660-670.
(9) Dom WILMART, “Un nouveau poème de Marbode. Hildebert et Rivallon”, dans Revue Bénédictine, 51, 1939, p. 169-181.
(10) Sur Hervé Nédélec (Herveus Natalis) voir la biographie toujours utile dressée par AG. DE GUIMARAES, “Hervé Noël (†1323). Etude biographique”, dans Archivum Fratrum Praedicatorum, 8, 1938, p. 5-81. De même, pour des orientations bibliographiques, Thomas KAEPPELI O.P., Scriptores ordinis Praedicatorum medii aevi, vol. II, Rome, 1975, p. 231-244. L’identification de certaines de ses oeuvres doit être revue et leur paternité rendue à Hervé dit « le sophiste ». Références sur la base STUDIUM.
(11) Ses Distinctions sur les Décrétales de Grégoire IX ont donné lieu à plusieurs éditions : Lyon
1498 et 1520, Venise 1576. Voir sa notice par P. FOURNIER dans l’ Histoire Littéraire de la France, 37, 1938, p. 153-173. Nous avons publié une note sur la « dynastie » des Bohic : Jean-Luc Deuffic, “Universitaires bretons au Moyen Âge : les Bohic”, dans Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. 110, 1982, p. 209-214. De même: Jean-Luc Deuffic, “Au service de l’Université et au conseil du duc … Notes sur le canoniste breton Henri Bohic († v. 1357)“, dans Pecia. Ressources en médiévistique, vol. 4, 2004, p. 47-101; “Henri Bohic et le receveur Yves de Cleder”, dans Notes de bibliologie. Livres d’heures et manuscrits du Moyen Âge identifiés (XIVe-XVIe s.), Pecia. Le livre et l’écrit 7, 2009, Turnhout: Brepols, 2010, p. 57-62.


Henri Bohic enseignant. Amiens, BM, 365

(12) Lire à ce propos les bonnes remarques de Jean KERHERVE, L’Etat breton aux XIVe et XVe siècles, Paris: Maloine édit., 1987, t. I, p. 4 et n., de même les témoignages anciens signalés par l’abbé François DUINE, Catalogue des sources hagiographiques pour l’histoire de Bretagne jusqu’à la fin du XIIe siècle, Paris, Champion, 1922, pp. 21 sq. L’art breton du haut Moyen Âge connaît également les critiques de spécialistes trop pénétrés du stéréotype carolingien. René CROZET, jugeant les représentations anthropo-zoomorphiques des évangélistes dans les anciens manuscrits armoricains (New-York, Public Library 115, par ex.) relève leur « exécution … grossière » (in Cahiers de Civilisation Médiévale, 1, 1958, p. 182-187). On pourrait ici faire un rapprochement avec le vocabulaire entendu lors de quelques salons parisiens du XIXe siècle sur l’art pictural breton : « grossier, inélégant, laid, archaïque … ». Denise LELOUCHE, “La critique et les peintres de la Bretagne au XIXe s.”, dans Bulletin de la Société archéologique du Finistère, 106, 1978, p. 397.
(13) Le chroniqueur Guillaume le Breton pourrait initialiser cette série de serviteurs royaux. Né
dans le diocèse de Léon v. 1160, il fut envoyé à Mantes à l’âge de 12 ans pour y faire ses études.
Par la suite il fréquenta les écoles de Paris avant d’entrer dans l’entourage de Philippe Auguste
dont il devint le chapelain. On lui doit deux biographies du roi, l’une en prose (Chronique),
l’autre en vers ( Philippide ). Jacques le Breton, doyen de Saint-Quentin, fut clerc de Louis VIII le Lion et de Blanche de Castille. En 1234, il fait don à l’Hôtel-Dieu de Paris d’une maison, à charge de servir à Yves son neveu, une rente de 100 sous pendant tout le temps de ses études, et d’établir un chapelain breton (unum capellanum britonem) pour entendre les pauvres infirmes bretons reçus à l’Hôtel-Dieu (Cf. L. BIELE, Archives de l’Hôtel-Dieu de Paris, Paris, 1894, p. 324). Ce Jacques, dont le sceau représentait un homme lisant un livre et assis, est peut-être celui qui obtient en mai 1264 un canonicat à Quimper : magistrum Jacobum, recteur de Plouhinec, a longtemps professé la dialectique et la physique (qui in dialectica et in arte phisice diu docuisse  dicitur) (Reg. Vat. 29, f. 319). Maître Yves le Petit, juriste renommé, et sa femme Jeanne, fondent à l’Hôtel-Dieu une chapellenie pour le remede de leur ames et pour lame de tres haut prince, monseigneur Phelippe, jadis roy de France qui trespassa es parties d’Aragon, que le dit mestre Yves servi moult longuement … (Archives de l’Hôtel-Dieu, layette 193, liasse 975c). Ces différents personnages, et d’autres, comme Yves le Breton, maître des « pavillons » du roi , ou Galeran le Breton, échanson et concierge du palais royal sous Philippe VI le Bel et Louis le Hutin, feront l’objet d’une étude particulière.
(14) Ne retenons pas les réflexions excessives de Bronislaw GEREMEK dans Les marginaux parisiens aux XIVe et XVe s. : « Il est Breton et, à l’instar de nombre de ses compatriotes, il exerce une profession naturellement méprisée : l’origine et le métier entraînent une répulsion sociale … » (Paris, Flammarion, 1976, p. 118). De même, dans J. C. CASSARD, “Les premiers immigrés : Heurs et malheurs de quelques Bretons dans le Paris de saint Louis”, dans Médiévales, 6, 1984, p. 85 : « ces Bretons sont marqués en bloc du sceau indélibile d’une civilisation rustique, attardée … ».
(15) René COUFFON, Le Collège de Cornouaille à Paris, Quimper, Bargain, 1941, extr. du BSAF, 68, 1940. Les statuts de ce collège, de 1380, forment le ms. Paris BnF. Lat. 4354.
(16) René COUFFON, Le Collège de Tréguier à Paris, Saint-Brieuc, Les Presses Bretonnes, 1931, extr. des Mémoires de la Société d’Emulation des Côtes-du-Nord. Son fondateur était secrétaire de Philippe le Bel, docteur régent de la Faculté de décret et grand chantre de la cathédrale de
Tréguier. Voir Paris Bibl. Univ. carton 22.V (titres de fondation, testament) et dans Paris AN M
193 et MM 441 les statuts du collège de 1411.
(17) Evein de Kerberz, archidiacre de Léon, était en 1326 clerc et conseiller d’Edouard d’Angleterre et d’Isabelle de France « dans leurs affaires du royaume ». Voir Henri JASSEMIN et Aline VALLÉE, Jean GUEROUT, Registres du Trésor des chartes, t. II, Règnes des fils de Philippe le Bel, 2e partie. Inventaire analytique, Paris, Archives Nationales, 1990, p. 268.
(18) C.E. DU BOULAY, Historia Universitatis Parisiensis, ipsius fundationem, nationes, facultates, magistratus, decreta, censuras … cum instrumentis publicis et authenticis …, Parisius, Apud Franciscum Noel & Petrum de Bresche, 1665-1673, t. III, p. 469.
(19) Paris AN S 6213, n° 148 (fonds du Collège de Sorbonne), transcrit le samedi après la fête de la Toussaint 1320 par le notaire « d. de veteri villa » (latinisation du breton « Kergoz »), et collationné par [Yvo de] Lesploydern, clerc notaire juré. Ce dernier se retrouve sur un autre document du collège de Sorbonne, Paris AN M 75, n° 8 (16 mars 1325, édition GLORIEUX, Cartulaire, n°424, p. 547) avec un second notaire breton, Raoul de Sizun, et doit son patronyme à Plouedern (commune et canton de Landerneau, Finistère), située non loin de Ploudiry d’où est originaire Raoul. Sizun n’en est guère non plus très éloignée.
(20) Oncle paternel ou maternel ? Dans le premier des cas on aurait ainsi le patronyme DANIEL,
assez répandu il est vrai en Léon. Cf. la paroisse de Ploudaniel (Ploedaniel, vers 1330, “Plou” désignant la paroisse), ou nombre de l.d. Kerdaniel dans ce même diocèse (ker-, pour “village”).
(21) Ploudiry  donna à Daoulas un abbé remarquable, Jean Guerault de Penhoat (1350-1390). Voir Jean-Luc DEUFFIC, “Les documents nécrologiques de l’abbaye Notre-Dame de Daoulas”, dans Bulletin de la Société archéologique du Finistère, 106, 1978, pp. 83-102 et 107, 1979, pp. 103-147. De même, il nous paraît utile de faire mention ici d’une autre figure emblématique de Ploudiry : Olivier Salahadin. Issu d’une noble famille, fondue dans celle des Kermadec, cet illustre, « la fleur des prélats de son temps », dixit le Chronicon Briocense, représente un des piliers du milieu universitaire breton : recteur de l’ Université de Paris (1318), docteur en théologie et grand maître du Collège de Navarre (1333), doyen de Notre-Dame de Paris (1335-1340), évêque de Nantes (1340-1354). Olivier Salahadin était-il en relation avec Raoul le Breton ? Une délibération de l’Université de Paris reconnaissant aux maîtres de Sorbonne le droit de reprendre leurs cours à la Faculté des Arts, fait intervenir plusieurs Bretons: magister Herveus brito in medicina decanus … magistris Herveo ordinis Predicatorum (Hervé Nedellec), Radulpho Britone … in theologia ; olivero britone … in artium facultate regentibus (Paris AN M 74, n° 7, édit. GLORIEUX, Cartulaire, I, pp. 210-211, 8 novembre 1317). Cet Olivier Salahadin (discreto viro magistro Olivero Sallahadin rectore Universitatis parisiensis) apparaît aussi dans un compromis entre la Sorbonne et le collège de Cluny à l’époque du provisorat de Raoul (Paris AN M. 74, n° 10 ter, lundi 11 décembre 1318, apud Sanctum Julianum Pauperem Parisius : édit. GLORIEUX, II, p. 538-539). Ploudiry englobait sa trève de Pencran d’où est issue la dynastie des Keroullay. Voir Jean-Luc Deuffic (en collaboration avec Jean Kerhervé), “Du Léon en Anjou, le singulier destin des Keroullay (XIVe-XVe siècle)”, dans Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. CXLI, 2013, p. 263-294.


Jean de Keroullay, enseignant: sa tombe à Saint-Yves de Paris

(22) Nommé ainsi dans le document. Mais il s’agit plus probablement du breton Hervé le
chancelier. En effet, le censier et cartulaire de Saint-Eloi (Paris AN LL 75, fol. lvi, 1300) donne
pro domo que fuit hervei cancellarii britoñ. D’autre part, un acte du cartulaire de l’Hôtel-Dieu de Paris signale la vigne de defuncti Hervei dicti cancellarii, quondam advocati in curia Parisiensi, en la censive de Pétronille, veuve de Nicolas Arrode (6 octobre 1297, layette 76, liasse 432, édit. p. 470).
(23) Nous aurions ainsi, en ce quartier de la Cité, un groupe de juristes bretons (avec le nommé
Brice étudié plus loin), sans doute habitués au Parlement.
(24) Cette tenure apparaît au censier d’Issy (Paris AN LL 1073A) comme étant possédée par Mons. Auffroy de Ploedry prestre breton. Voir Marie-Thérèse MORLET, Marianne MULON et Jean JACQUART, “Le censier d’Issy (1332-1334)”, dans Mémoires de la Société d’Histoire de Paris, 26-27, 1975-1976, p. 60, n° 255. Aufredus de Plebediry, clerc juré de l’officialité de l’archidiacre de Paris figure dans une charte de Saint-Magloire du 11 janvier 1306. Il peut appartenir à l’entourage familial de Raoul. Lucie FOSSIER, Anne TERROINE, Chartes et documents de l’abbaye de Saint- Magloire, 146, p. 205.
(25) Léon CADIER et Camille COUDERC, “Cartulaire et censier de Saint-Merri de Paris”, dans Mémoires de la Société de l’histoire de Paris et de l’Ile de France, 18, 1891, p. 101-271 (p. 202).
(26) Notez à nouveau l’expression employée : « Hervé le Breton », sans précision du patronyme.
Cette pratique perdure au moins jusqu’au milieu du XIVe siècle. Plus tard ce qualificatif est
devenu lui-même patronymique.
(27) Karl MICHAELSON, Le Livre de la Taille de Paris l’an 1297, Göteborg, 1962 (Romanica
Gothoburgensia, IX).
(28) Guillelmus de Plebe diri presbiter, Paris, AN, S 92, nn. 8 et 16, 1318. Guillaume de Ploudiry figure déjà comme prêtre de la cathédrale Notre-Dame en 1304, procureur de la communauté des chapelains en 1310 (Paris, AN, S 848A), bénéficier de Notre-Dame faisant don au Collège des Dix-Huit de 12 sols de rente sur une maison de la rue Sainte-Opportune (Paris, AN, M 121, n° 16, 2 juin 1324). Un fragment de compte pour l’Université de Paris (CPU II, 663), de l’année 1329, nomme un Guillelmus de Plobediri cum 3 sociis dans la rue Saint-Germain. Il s’agit là, sans doute, de deux personnages différents.
(29) Palémon GLORIEUX, Cartulaire, p. 158, 161, 170. L’obituaire de la Sorbonne procède
d’additions marginales au calendrier du manuscrit Paris, BnF, Lat. 16574, le Liber prioris (A.
MOLINIER, Obituaire de la province de Sens, p. 739, 741, 747).


Paris, BnF, Lat. 16609 : Expliciunt questiones supra algorismum et compostum et questiones communes mathematice et geometrie a Britone date per copiam. Numérisé.


Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. lat. 3042. Numérisé.

Première illustration: Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana, Pal. lat. 1059. Numérisé.

LIENS
Radulphus Brito, dans The Stanford Encyclopedia of Philosophy (Ana María Mora-Márquez et Iacopo Costa)
ALCUIN

A SUIVRE      ——————–    A SUIVRE

4 Mar 2015
Jean-Luc Deuffic

Maître Jacques le Breton, clerc de Louis VIII et de Blanche de Castille et les Bretons bretonnants de Paris

En octobre 1234, Jacques le Breton, clerc du roi, alors en fin de vie, faisait donation à l’Hôtel-Dieu de Paris d’une maison dans la rue située entre les Frères mineurs et les Frères prêcheurs, en la censive de Sainte-Geneviève. Ce don devait lui assurer sa vie durant l’usufruit de la dite maison, de servir à Yves, son neveu, une rente de 100 sols pendant tout le temps de ses études, d’établir un chapelain breton bretonnant pour entendre la confession des pauvres Bretons reçus à l’Hôtel Dieu, et enfin de célébrer son anniversaire et celui de Louis VIII à l’autel de saint Thomas martyr dans la salle construite par la reine Blanche.
Parmi les exécuteurs de Jacques le Breton : Alain, trésorier de Vannes.

Sources : Léon Brièle, Archives de l’Hôtel-Dieu de Paris (1157-1300), 1894, p. 148, n° 324 ; p. 515-516, n° 942.
L’acte était scellé sur double queue de parchemin, d’un sceau de cire verte, pendant sur lacs de soie rouge, où est empreint la figure d’un personnage lisant un livre et assis, autour de laquelle figurent ces mots en lettres gothiques : Jacobi Britones dicti Magistri.
Illustration : Livre de vie active, manuscrit enluminé vers 1482. Musée de l’Assistance Publique

1 Nov 2011
Jean-Luc Deuffic

Maître Galeran de Pendref, chantre de Notre-Dame de Paris et médecin réputé … († 1404)

Issu d’une famille noble de Cornouaille (1), en Bretagne, c’est dans ce même diocèse de Quimper que dès 1362 Galeran (Glazren) de Pendref(f) sollicite un canonicat. Il était alors maître ès-arts à l’Université de Paris. Boursier au collège de Navarre à partir de 1368, il y poursuivit ses études de théologie. Bachelier en 1371, il obtient sa licence trois ans plus tard.
Déjà maître en médecine en 1365, il s’honore alors de posséder l’ensemble des trois grades universitaires tant convoités. Vers 1375, il devient pénitencier et chanoine de la cathédrale de Bayeux. Il se voit par la suite attribuer une expectative de prébende pour Notre-Dame de Paris en 1378, sans doute à la faveur de ses fonctions curiales. Médecin du pape Clément VII, il pratique également comme commensal du cardinal de la Grange.
Le rotulus de l’Université le désigne en 1387 prêtre, maître ès-arts et en médecine, faisant acte de régence à la Faculté de théologie et postulant pour un canonicat à Narbonne. Il en avait déjà sollicité au Mans, à Bayeux, à Paris … En 1395, Galeran fait partie du chapitre cathédral de Notre-Dame de Paris et en 1401 il y dirige la chantrerie.
[ Biblio : Danielle Jacquart, Ernest Wickersheimer, Dictionnaire biographique des médecins en France au Moyen Age, p. 164 ]

De la bibliothèque personnelle de Galeran de Pendref subsistent au moins trois manuscrits  :
– une Concordance de la Bible d’Hugues de Saint-Cher : Paris BnF Lat. 520, XIVe s. Au f. 513 : Iste liber est magistri Gal[l]erani de Pinderfe magistri in Theologia, note contemporaine.
– un Libellus novus de Laudibus B. Marie : Paris BnF Lat. 17492, XIIIe s. Au f. 237v : Liber iste de Laudibus Marie Virginis datus est ecclesie Parsiensi, cum postilla de Lyra supra totam bibliam in quatuor voluminibus, de bonis defuncti magistri Galerani de Penderef, quondam cantoris et canonici ejusdem ecclesie Parisiensis. Léopold DELISLE, Cabinet des Manuscrits, t. I, p. 429, n. 3.
– une partie d’un recueil factice sans doute recomposé par Petau : Leyde BU Vossius LAT 4° 13, f. 15-30, fin du Xe s. Au f. 30v la souscription suivante (avec résolution des abréviations) : Iste liber est magistri Galerani de Pendreff in medicina, artibus et sacra pagina professoris quem emit Avinione precii III florenorum currentium. Voir K. A. DE MEYIER, Codices Vossiani Latini, 2e partie, Leiden, 1975, p. 38-39.
Par son obit à Notre-Dame il fait don au chapître de 200 livres monnaie en manuscrits (et amplius). De ceux-ci, la communauté vendit une Postille de Nicolas de Lyre en quatre volumes. Cf.  ms Paris BnF Lat 17492 (Voir Les  Anciennes bibliothèques de Paris de A. FRANKLIN, t. I, 1867, p. 49, extraits des anciens registres du chapitre de Notre-Dame de Paris relatifs à la bibliothèque de cette église).
L’inventaire de la chapelle Saint-Yves établi en 1402 par les procureurs Alain Guillou et Alexandre Hugues signale un bréviaire donné par Galeran de Pendref, lequel fut en 1365 un des gouverneurs de la confrérie Saint-Yves avec Jehan de la Porte et Saliot Castric.

Sur sa carrière universitaire nous ne possédons que peu de détails. P. Glorieux  a montré en cadrant la formation de Jean de Falisca, maître en théologie, au travers de ses manuscrits, l’organisation d’un système de prêt à ses étudiants. Ainsi nous apprenons par quelques notes brèves du ms. Paris BnF Lat. 16535 l’utilisation de 23 sisternis quos habet m. Galeranus contentis in 1° sisterno. [Sénion, Sexternion, Sisterne : cahier composé de six bifeuillets, soit 12 f. ou 24 pages = D. Muzerelle, Vocabulaire codicologique]

Lors d’une réunion organisée dans la chapelle de la Sorbonne, le 13 juin 1389, Galeran de Pendref refusa, avec Pierre d’Ailly et plusieurs autres docteurs de la Faculté de théologie, de disputer ainsi que le demandait frère Jean de Montson des Prêcheurs sur des propositions « mal sonnantes » qu’il avait avancées dans sa Resumpte. Quelques années auparavant  il avait également participé à l’enquête faite par les commissaires du pape Grégoire XI pour savoir si la Faculté de théologie approuvait la traduction française du livre intitulé Défenseur de la Paix par Marsile de Padoue et Jean de Jandun.

Côté médecine, il fut en 1378 médecin du pape Clément VII, et dans les dernières années de sa vie proviseur de l’Hôtel-Dieu de Paris. Des lettres spéciales de don, expédiées à Vincennes, le 10 juillet 1393, fournissent la liste des médecins qui soignaient alors Charles VI, L’Insensé. On y remarque, outre Regnault Fréron (premier médecin), Evrard de Coucy, le nom de Galeran de Pendreff. (Voir Bernard Guénée, La folie de Charles VI, p. 106, 107, 121.
Ces quelques exemples montrent qu’à cette époque Galeran de Pendreff avait une certaine notoriété. Au reste, il est doyen de la Faculté de théologie en 1403. Une autre preuve de cette reconnaissance serait la présence du chancelier Jean Gerson, le « miroir de son temps », parmi les exécuteurs testamentaire de ses dernières volontés.
Galeran de Pendref mourut dans la nuit du 10 au 11 juillet 1404 et fut enterré à la cathédrale Notre-Dame de Paris, vis-à-vis du second pilier, au milieu de la nef, avec comme épitaphe :

Hic jacet vir venerandae virtutis galeranus de pendref dioecesis corisopitensis oriundus in artibus medicina q ; peritissimus. Obiit parisiis die decimae mensis julii anno domini millesimo quadringentesimo quarto. Requiescat in pace. Amen.

Son testament enregistré au Parlement de Paris le 9 juillet 1404 (Paris, AN, X1A 9807, f. 119-119V) nous donne les noms de ses « exécuteurs » et des témoins de cet acte rédigé « in domo habitationis » de notre chantre, au cloître de Notre-Dame : Robert de Lorris, doyen de Cambrai et chanoine de Notre-Dame de Paris, maitre Jean de Gerson, chancelier et professeur sacre pagine, Denis Courson, sous-chantre de Paris, et Herbert Berenger, prêtre chanoine de Saint-Aignan, et Maurice de Kergourant, docteur en décret. Parmi les Bretons présents : Nuz de Cornouaille, clerc des matines de la cathédrale ; Thomas Guenou, prêtre ; Yves Flochguen, et Arnoul de Villa Lacus, alias Trimdic (ou Trividic – dont la tombe a été découverte à Primelin en 1996 : voir article de A. Y. Castel dans Bulletin de la Société archéologique du Finistère, 135, 2006, p. 131).

Note
(1) D ‘argent au croissant de gueules accompagné de trois étoiles de même.  Ces armes se voient entre autres sur la voute du chœur de la cathédrale gothique de Quimper.

Lien : texte développé avec notes et bibliographie dans Pecia, 2, 2003, p. 55-58 [ Lien ]

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