21 Mar 2021
Jean-Luc Deuffic

Le « livre de raison » des Bivelat (1574)

Présenté récemment pour une vente publique (31 mars 2021), un exemplaire défectueux du très rare Thresor de devotion contenant plusieurs oraisons devotes & exercices spirituelles: pour dire en l’Eglise pendant l’office divin (Douai: Jean Bogard, 1574), une impression gothique en rouge et noir décorée de 30 vignettes gravées sur bois représentant des scènes de la Passion, dont 9 avec le monogramme CI ou IC (Jean Croissant, xylographe français ?), porte dans quelques marges les naissances de plusieurs enfants d’une famille Bivelat, protestante, dont la patronyme semble éteint aujourd‘hui. Hélas, les prénoms et noms des parents ne sont pas connus et figuraient peut-être sur des feuillets manquants de l’ouvrage  :

Par la grace de Dieu Nicole Bivelat fut née le vendredy vingt septiesme jour de juin environ cinq heures du soir l’an 1615

Par la grace de Dieu Barbe Bivelat fut née le sabmedy seiziesme jour se septembre 1617 et ce envyron les huict heures et demy du soir

Nicolas Bivelat fut né par la grace de Dieu le jour de la st Nicolas l’an 1613

Jean Bivelat deuzieme du nom fut né par la grace de Dieu le jour de la st Lucian le 27e de may la veille de l’Assention 1620 (cette fête de saint Lucien semble inconnue pour ce jour)

Barbe Bivelat 2e du nom fut née le jour de la st Crespin vingt cinquiesme d’octobre 1622 environ sur ledix et onze heures

Claude Bivelat fut né 9 juin 1628 environ dix heures et demy du soir parain Anthoine …. Et Barbe ….

Francois Bivelat par la grace de Dieu fut né jour de dimanche 9e jour de juin 1630 parain Francois Br… et la maraine dame Jeannon ….

Jean Bivelat semble avoir été le plus connu des membres de cette famille au XVIIe siècle. Il est probablement à identifier avec le Jean Bivelat, maître sculpteur et menuisier parisien, demeurant Vallée de Misère, à l’Image Notre-Dame de Boulogne, et qui, le 27 novembre 1650, passa marché avec Caprais Gourdan, maître peintre et sculpteur, demeurant sur le pont Notre-Dame, pour faire un tabernacle d’ébène de deux pieds et demi de haut, suivant le dessin qui lui avait été remis et moyennant la somme de 100 livres dont 32 livres payées d’avance (Paris, AN, MC/ET/IV/106). Cette demeure, à l’Image Notre-Dame de Boulogne, est connue pour avoir été occupée vers 1571/1572 par Pierre-Antoine Carneschi, un marchand florentin.

Jean Bivelat épousa Nicole Bonichon, et eut plusieurs enfants. Le dimanche 13 décembre 1648 fut baptisée Barbe, dont le parrain se trouve être justement ce Caprais Gourdan[1], maître peintre à Paris, cité plus haut ; la marraine fut Barbe Bivelat, femme de Jean Arnoult, boulanger, peut-être une sœur de Jean, celle née en 1622 (St Eustache n° 58 ; Fonds Laborde). Malheureusement cette jeune Barbe mourut quelques mois plus tard, le 14 octobre 1649, et fut enterrée à Saint-Père (cimetière Saint-Germain, « Cimetières des huguenots à Paris, p. 229)

Pierre-Jean Bivelat fut baptisé à Charenton, en octobre 1659; parrain, Pierre-Jean Bivelat orfèvre et peintre en émail, et marraine Marguerite Jumeau, femme de Sébastien Bourdon.

Ce Pierre-Jean fut graveur à Paris à la « Belle Etoile Couronnée », rue Saint-Louis, puis à « l’Image Saint-Louis », rue de Harlay. Il épousa Marie-Elisabeth Langlois, d’où Madeleine-Angélique Bivélat, née rue Saint-Louis, baptisée à Saint-Barthélemy le 1er décembre 1686 ; parrain, Claude Gaspard Langlois, marqueteur, rue Dauphine, marraine, Marie-Madeleine Bivelat, fille de feu Jean, sculpteur, rue Saint-Louis. Il décéda après 1702, à Paris. Madeleine-Angélique Bivelat, épousa l’orfèvre Nicolas Bouillerot (inventaire décès, 16 juillet 1733, Y 14948).

En plus de Marie-Madeleine, deux autres filles de Jean Bivélat sont connues : Marie et Elisabeth, lesquelles le 8 avril 1686, renoncèrent à la « religion prétenduë et réformée, de laquelle elles faisoit cy devant profession », dans la paroisse Sainte-Madeleine de Besançon (GG 54, fol. 11v)

https://www.interencheres.com/meubles-objets-art/angers-livres-anciens-et-modernes-284257/lot-27111857.html

[1] Le 14 mai 1645, âgé de 28 ans, il participe à une rixe survenue le 14 mai 1645 au soir avec d’autres peintres, à Fontainebleau : Pierre Gargan, de Paris, 33 ans, Jean Barbier, 19 ans, Alexandre Vernavont, flamand (AD 77, 2Bp 5310. Gourdan, Gourdon (Cappris, Capère, Caprais), p. sc., cité 1656 comme m. p. (Herl.) , 1659-1661 (G, Statuts). Agé de 28 ans; travaille à Fontainebleau, chambre du roi, en 1645 (Thoison, 1902). Pont Notre-Dame, 1663, mort avant.


La Vallée de Misère et le Pont aux Meuniers, à Paris

30 Nov 2020
Jean-Luc Deuffic

« Jean de Malzéville m’a écrit … »

Les livres d’heures à l’usage des Carmes étant assez rares, je ne resiste pas à donner ici quelques lignes sur l’ouvrage conservé à la National Library of New Zealand sous la cote MSR-11. Son intérêt tient à ce que le copiste et le destinataire y soient mentionnés, même si sur ces personnages la documentation fait défaut.

Le livre d’heures en question a, en effet, été copié en 1511 au couvent de Baccarat (Meurthe-et-Moselle, Lorraine) par le frère carme Jean de Malzéville, qui au folio 58v inscrit son nom : « f. Jo. de Malzevilla carme(ta) conventus baccareti me scripsit », après avoir, donné la date de son travail (fol. 16v).

Le destinataire ou commanditaire y est représenté au folio 17, avec ces lettres « F.[. .].P. DARGENT », en l’occurrence Frère Pandargent, connu comme prieur de Baccarat en 1505. Effectivement, cette année-là, il s’engageait au nom de sa communauté à chanter à perpétuité après Complies le Salve Regina devant l’image de la Vierge, moyennant 200 francs qui lui avaient été donné par Olry de Blâmont, évêque de Toul (1495-1506).

La destinée de ce livre d’heures l’a conduit entre les mains du savant italien Ferdinando Carli, qui y a apposé sa signature « Dominus Ferdinandus Carli Petrasanctensis », au fol. 103.

Érudit, collectionneur et marchand d’art, Fernidando Carli ( 1578-1641 ), fait l’objet d’une riche notice dans le Dizionario Biografico degli Italiani – Volume 20 (1977) :

https://www.treccani.it/enciclopedia/ferdinando-carli_%28Dizionario-Biografico%29/

Livre d’heures numérisé à l’adresse :

https://ndhadeliver.natlib.govt.nz/delivery/DeliveryManagerServlet?dps_pid=IE3296920&dps_custom_att_1=emu

L’ensemble des photos © National Library of New Zealand

6 Nov 2020
Jean-Luc Deuffic

PECIA 22/23 : Le manuscrit médiéval: texte, objet et outil de transmission

Les 2 prochains volumes de PECIA. LE LIVRE ET L’ÉCRIT (Brepols), en cours de préparation, auront pour thème : « Le manuscrit médiéval: texte, objet et outil de transmission« , avec au sommaire :

Aurore GASSEAU
(Université de Lorraine, CRULH)
Les cycles iconographiques des calendriers des livres d’heures à l’usage de Metz

Jennifer SOLIVAN
(Universidad de Puerto Rico, Recinto de Río Piedras)
Prudentius’ mnemonic images in a twelfth century Psychomachia manuscript

Audrey PENNEL
(Université de Bourgogne)
Jacques d’Armagnac et Jean du Mas, entre bibliophilie et sédition politique

Ismérie TRIQUET
(Université de Rouen)
Des manuscrits pour transmettre l’histoire du duché de Normandie à la fin du Moyen Âge

Gleb SCHMIDT
(Université de Lorraine, CRULH)
Authorial intent and the reality of reading history: the case of Honorius Augustodunensis’ Elucidarium

Diego BELMONTE FERNANDEZ
(Universidad de Sevilla)
Difusión legal en la reconquista española: el manuscrito como herramienta de transmisión en los cabildos capitulares del sur de Castilla

Antonio MARSON FRANCHINI
(St. Cross College, Oxford University)
Nicolas de Biard’s de festis model sermon collection. Preliminary study for an edition

Thibaut RADOMME
(Université de Fribourg – FNS)
De tali amore loquitur Dominus. Les marginalia bilingues de l’Ovide moralisé comme support d’édification dans la fable de Phébus et Daphné

Ilsiona NUH
(Université Clermont Auvergne)
Le miracle marial par personnages dans le ms. BnF, Fr. 819-820 : reflet poétique d’une célébration bourgeoise et urbaine

Ainoa CASTRO CORREA
(Universidad de Salamanca)
Dating and placing Visigothic script codices: A quick guide for beginners

Nathalie CROUZIER-ROLAND
(Université Bordeaux Montaigne)
Construire une mémoire urbaine : les cartulaires municipaux bordelais et libournais
(XIVe-XVe siècle)

Thomas BERGQVIST RYDÉN
(Researcher by Lund Cathedral Chapter / The Historical Museum of Lund University)
The Valréas Book of Hours, Avignon, BM, ms. 1903

Isabel BARROS FELIX
(Université Catholique de Louvain)
Le Traité des quatre dernières choses. Étude comparative des enluminures de trois manuscrits bourguignons du XVe siècle (mss Bruxelles, KBR, 11129, KBR, 9048 et Paris, BnF, Fr. 993)

Estelle GUÉVILLE
(Assistant Researcher – Louvre Abu Dhabi)
Les manuscrits médiévaux occidentaux dans la collection du Louvre Abu Dhabi
2009-2017

Synnøve Midtbø MYKING
(Université de Bergen)
Les livres français en Norvège médiévale : témoins de connexions culturelles, religieuses, sociales

Marjorie MOUREY
(Centre d’études romand)
La marque de l’auteur dans les manuscrits BnF, Fr. 9343-9344
Une proposition d’attribution du Roman de Buscalus à Jean Wauquelin

Gauthier GRÜBER
(CALHISTE / DeScripto – EA 4343
Université polytechnique Hauts de France)
La mort Gerin :Un épisode à la tradition bouleversée dans Girbert de Metz

Armando NORTE
(CHSC-UC; CH-ULisboa)
A library for eternity : Books and textbooks donated on death bed by Mem Peres de Oliveira, a Portuguese ecclesiastical and scholar of the early 15th century

7 Oct 2020
Jean-Luc Deuffic

Un texte controversé : la vie de saint Gouesnou

Notre ami André-Yves Bourgès, bien connu pour ses nombreuses et érudites études hagiographiques bretonnes vient de publier aux Lettres Morlaisiennes, une jeune maison d’édition, un texte très controversé des origines bretonnes, la vie de saint Gouesnou . C’est donc aussi l’occasion de faire mémoire ici de notre cher Gwénaël Le Duc (1951-2006), collègue disparu prématurément, lequel s’était également attaqué à ce texte emblématique. Voir notre post : http://pecia.blog.tudchentil.org/2007/08/21/un-ami-nous-a-quitte-gwenael-le-duc-12-octobre-1951-24-decembre-2006/

<<<< La vita de Goëznou, dont le texte n’est plus connu dans son intégralité, connaît aujourd’hui encore une certaine célébrité, alors même que l’historicité du personnage, comme c’est le cas pour presque tous les saints « bretons » de la période héroïque, est inaccessible. Cette relative notoriété de la vita de Goëznou est principalement la conséquence d’une controverse ancienne et durable sur la date de sa composition : controverse de pure histoire littéraire, mais dont les enjeux idéologiques se sont rapidement révélés bien plus importants que le texte qui l’avait fait naître. Plus généralement, il s’agit, au travers de ce cas particulièrement discuté, sinon même disputé, de confronter un texte dans sa dynamique de déperdition d’informations, aux différentes interprétations, parfois malencontreuses, qu’en ont faites certains historiens: les excès qui se remarquent à cette occasion doivent inciter à appliquer la même démarche critique à l’ensemble de la littérature hagiographique, notamment en Bretagne où la geste des saints se déroule entre légendes et histoire.
En annexe est publié pour la première fois le texte de la vita de saint Ténénan, dont plusieurs indices laissent à penser qu’elle est peut-être sortie de la plume du même hagiographe.>>> (André-Yves Bourgès)

Prix : 15 Euros (plus 5 Euros de frais d’expédition)
Renseignements et commandes :
LES LETTRES MORLAISIENNES
leslettresmorlaisiennes@gmail.com

 


Statue de saint Gouesnou dans la chapelle Saint-Guénolé de Plougastel-Daoulas (Finistère)

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