Nécrologie : Elizabeth Atkinson Rash Brown (1932-2024)
La vie est un long chemin semé de rencontres diverses, les unes furtives, d’autres que l’on n’oublie jamais. Autodidacte, n’étant pas universitaire, les occasions furent nombreuses d’en rencontrer dans ce milieu parfois étonnant. Parmi les personnalités qui m’ont le plus marqué figure Elizabeth Atkinson Rash Brown, « Peggy » pour les intimes, un prénom qui la caractérisait, puisqu’il s’agit d’un diminutif du persan « margiritis », qui signifie « perle ». Nous nous sommes rencontrés lorsque je préparais pour ma revue PECIA LE LIVRE ET L’ÉCRIT (Brepols) un volume spécialement consacré aux funérailles d’Anne de Bretagne, commémorant le 5e centenaire de sa mort (1514). Elle y participa avec grand plaisir conjointement avec notre amie Cynthia J. Brown. Depuis lors nos contacts étaient restés fréquents.
Née le 16 février 1932, à Louisville, Peggy fréquenta le collège de Swarthmore, épousa Ralph Brown, un étudiant de Boston. Ses premiers diplômes furent acquis avec les « plus hautes distinctions », ce qui en faisait la meilleure élève de sa classe. Par la suite, Peggy obtient son grade de doctorat et postule en histoire à Harvard où elle devient assistante pédagogique au département d’histoire. Publiant de nombreux livres et articles, enseignant aux étudiants de premier cycle et encadrant ceux des cycles supérieurs, Peggy est devenue leader dans son domaine de prédilection.
Parallèlement à ses travaux universitaires, Peggy fonda une belle famille.
Après avoir exercé au Brooklyn College pendant plusieurs décennies, pris sa retraite et occupé le poste de professeur émérite, Peggy continua à enseigner aux États-Unis, dans les universités de Yale et de Berkeley, et donna des conférences dans toute l’Europe. Le CUNY Graduate Center a reconnu son travail lors d’une conférence « Peggyfest » [programme en ligne ]. Elle fut vice-présidente et présidente de la Medieval Academy of America de 2010 à 2011, laquelle l’a récompensée lors d’une conférence.
Peggy, femme courageuse et forte, luttant contre la cruelle maladie qui l’avait durement atteinte, continua ses travaux jusqu’à la dernière limite. Ses papiers sont conservés dans les bibliothèques de l’Université de Pennsylvania, où elle a créé un fonds dédié à la préservation des archives des historiens médiévistes.
Peggy est décédée le 8 août 2024 dans son appartement de l’Upper Westside de Manhattan, entourée de ses chers papiers et livres bien-aimés. Qu’elle repose en paix à tout jamais. R.I.P.
BIBLIOGRAPHIE
Parmi ses ouvrages importants :
The Oxford Collection of the Drawings of Roger De Gaignières and the Royal Tombs of Saint-Denis, Transactions, American Philosophical Society (vol. 78, part 5), Philadelphia : American Philosophical Society, 1988.
Politics & Institutions in Capetian France, Aldershot : Variorum, 1991. 258 p.
The Monarchy of Capetian France and Royal Ceremonial, Aldershot : Variorum, 1991. Compte-rendu dans Bibliothèque de l’Ecole des chartes [ en ligne ]
« Franks, Burgundians, and Aquitanians » and the Royal Coronation Ceremony in France, Transactions, American Philosophical Society (vol. 82, part 7), Philadelphia : The American Philosophical Society Press, 1992.
Customary Aids And Royal Finance in Capetian France: The Marriage Aid of Philip the Fair, Cambridge : Medieval Academy of America, 1992. Compte-rendu dans la Revue du Nord [ en ligne ]
Jean Du Tillet and the French Wars of Religion: Five Tracts, 1562-1569 (Medieval & Renaissance Texts & Studies, Vol 108), Binghamton (N.Y.): Center for medieval and early Renaissance studies, 1994.
Saint-Denis: la basilique, avec Calude Sauvageot, Saint-Léger-Vauban, 2001.
Pour la liste de ses nombreuses études, voir le site RI OPAC: Literature Database for the Middle Ages : [ en ligne ]
Pecia. Le livre et l’écrit, 15 (2012)
« Qu’il mecte ma povre ame en céleste lumière ». Les funérailles d’une reine: Anne de Bretagne (1514). Textes, images et manuscrits
Cynthia J. Brown and Elizabeth A. R. Brown, Le trespas de l’hermine regrettée : A Critical Edition
Cynthia J. Brown and Elizabeth A. R. Brown, L’ordre qui fut tenue a l’obseque et funeraille de feue tresexcellente & tresdebonnaire princesse Anne par la grace de Dieu royne de France, duchesse de Bretaigne, tant aux eglises que au chemin depuis Bloyz iusques a l’abbaye de Saint Denis en France : A Critical Edition
Entretien avec Elizabeth A. R. Brown sur le site Cour de France.fr
réalisé par Kathleen Wilson-Chevalier et Caroline zum Kolk, Paris, Cour de France.fr, 2014 (https://cour-de-france.fr/article3388.html). Interview publié le 1er septembre 2014.
Kings Like Semi-Gods. Autour des travaux D’Elizabeth A. R. Brown
An american in Paris
Elizabeth A. R. Brown, « An american in Paris », Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 31 | 2016, mis en ligne le 03 août 2019, consulté le 23 août 2024. URL : http://journals.openedition.org/crmh/14013 ; DOI : https://doi.org/10.4000/crm.14013
Elizabeth A. R. Brown, en 1958
Kings Like Semi-Gods. Autour des travaux d’Elizabeth A. R. Brown
Sous la direction de Olivier Canteaut et Xavier Hélary
CRMH Cahiers de Recherches Médiévales et Humanistes / 31/ 2016
[ en ligne ]
Political Ritual and Practice in Capetian France: Studies in Honour of Elizabeth A. R. Brown
(Rencontres culturelles dans l’Antiquité tardive et au Moyen Âge, 34), Turnhout : Brepols, 2021 [ description ]
Dans ce volume, treize des plus grands spécialistes de la France médiévale explorent certaines des idées, des événements, des personnalités et des créations artistiques les plus importantes du monde capétien (987-1328). Depuis certaines des premières tentatives médiévales de traitement narratif de l’histoire de France, en passant par l’invention des écoles, la création de l’architecture gothique, les pratiques de la chevalerie, la pratique de l’art de gouverner et la promulgation des codes de lois, le volume offre une vue panoramique du royaume et de l’époque qui a défini le monde médiéval dans l’imagination des érudits et du grand public.
Les chercheurs réunis dans ce volume partagent également un sentiment commun de gratitude et une dette intellectuelle envers Elizabeth AR Brown, dont la rigueur et le génie ont inspiré leur travail et façonné leur perception du passé. Political Ritual and Practice in Capetian France est à la fois un hommage à une érudite de grande valeur et un recueil de travaux universitaires originaux fondés sur les fondements qu’Elizabeth AR Brown elle-même a posés.
Entretien avec Elizabeth A. R. Brown le 26 février 2024: Une discussion avec Richard Matthew Pollard lors du 50e anniversaire de son article « The Tyranny of a Construct: Feudalism and Historians of Medieval Europe », publié dans The American Historical Review, 79, 1974, p. 1063-1088.
Le « Livre des simples médecines » de Simon Chabot, apothicaire de Nantes (XVIIe siècle)
Le Livre des simples médecines, un texte en français conservé dans plus de 25 manuscrits enluminés des XVe et XVIe siècles, est une traduction du Tractatus de herbis, un traité latin dérivé du Circa instans compilé au XIIe siècle autour de l’école de médecine de Salerne. Ce livre décrit des substances végétales, minérales ou animales aux vertus thérapeutiques, présentées par ordre alphabétique et illustrées. Nous donnons ci-dessus un feuillet de l’exemplaire de la BnF, Français 12322 (fol. 138v)
Parmi ces manuscrits figure le Paris, BnF, Français 19081 (1), du XVe siècle, probablement écrit en Flandre. Le parcours de cet ouvrage donne à comprendre la circulation des manuscrits entre des territoires bien éloignés. Dans la seconde moitié du XVIe siècle, l’Herboriste se trouvait à Fontainebleau comme le précisent plusieurs inscriptions :
Françoys Presdeseigle, bon marchant mercyer, demourant à Fontainebleaud, où pend pour enseigne le Pillier vert, maison René Habert, filz de deffunct Jehan Habert, son père.
Ce présent livre appartient à honnorable home Françoys Presdeseigle, dem[ourant] à Fontainebleaud, où pend pour enseigne le Pillier vert
Peut-être de la même famille, un François Presdeseigle, marchand marchand drapier et chaussettier, bourgeois de Paris, demeure rue Galande, en la maison du Soleil-d’Or, près de la place Maubert, paroisse Saint-Étienne-du-Mont, à Paris, époux de Marie Le Bé. Il est parrain de Frédéric Lombart, le 1er juin 1587 et le 16 mars 1604, de Charles Content (fds Laborde),.
Le 15 février 1626 notre marchand drapier participe à la consécration de l’autel de Saint-Étienne-du-Mont.
Le 15 mars 1645 fut dressé l’inventaire après décès de François Presdeseigle l’aîné, marchand drapier, demeurant Rue Galande, à la requête de son fils, François Presdeseigle, marchand drapier, dans la même rue, contenant tapisserie, tableaux et livres (Paris, AN, MC/ET/XXXIII/284). Rien pourtant n’indique un rapport avec le Presdeseigle de Fontainebleau.
À Fontainebleau, l’enseigne du « Pilier vert » se trouvait dans la rue, aujourd’hui supprimée, des Fossés, tandis que le « carrefour du Pilier vert » faisait le coin de la place d’Armes et de la rue de la Chancellerie.
Le mot pilier aurait ici le sens de pileur, ou garçon de laboratoire pilant des drogues ; le pileur de l’enseigne était habillé de vert (2).
Dès la fin du XVIe siècle ou le commencement du XVIIe, le manuscrit quitte Fontainebleau pour Nantes, et devient la propriété d’un apothicaire de la ville ligérienne, Simon Chabot, sur lequel nous ne possédons que peu d’éléments biographiques.
On sait, quand même, que notre maître apothicaire épouse, à Saint-Denis de Nantes, le 27 janvier 1626, Françoise Mainguy, fille de Jean Mainguy (sieur de Pineau, la Noë-Huette et de L’Epine, à Couëron), Me procureur à la Cour, et d’Ester Millet dont le frère, Jean, exerce comme greffier de la Cour de l’Officialité de Nantes.
Jean Doucet (3) nous apprend qu’en 1616, Simon Chabot, avait son officine dans la Grand-Rue, près le Pilori, et qu’en 1663, Françoise Mainguy était veuve.
Place du Pilori, à Nantes
Détail de la Maison des apothicaires de Nantes, rue des Carmes
Notes
(1) Manuscrit numérisé (en noir et blanc, hélas !) sur Gallica
(2) Les anciennes enseignes de Fontainebleau, par F. Herbet, avec un supplément par E. Thoison, Les enseignes et les rues de Fontainebleau au XIXe siècle, par M. Bourges, Enseignes, logis historiques, villas et rues d’Avon, par Th. Fleureau, (Fontainebleau), 1898.
(3) Les apothicaires Nantais sous l’ancien régime : contribution à l’histoire de la pharmacie à Nantes, Lussaud, 1959, p. 283.
Balade : Un apothicaire dans la ville
sur le site des Archives départementales de Nantes
https://archives.loire-atlantique.fr/44/balade-un-apothicaire-dans-la-ville/c_29999
Paris, BnF, Français 19081, dernier folio. Inscriptions
Bibliographie : François Avril, « Étude codicologique et artistique », dans Matthaeus Platearius, Ghislaine Malandin (traduction et adaptation), François Avril (étude codicologique) et Pierre Lieutaghi (commentaire historique, botanique et médical), Le Livre des simples médecines : d’après le manuscrit français 12322 de la Bibliothèque nationale de Paris, Paris: éditions Ozalid et textes cardinaux, 1986.
Yves Baron, « François Le Duc, apothicaire nantais », dans Revue d’Histoire de la Pharmacie, t. 107, 1939, p. 158-161 [ en ligne ]
Manuscrits médiévaux et marques de provenance
Étudier un livre manuscrit, un imprimé ancien, ne peut se concevoir sans en rechercher le (les) commanditaire(s) ou les possesseurs successifs. Aussi, j’ai voulu consacrer quelques pages sur le sujet à cette adresse :
https://sites.google.com/view/manuscritsetprovenances/home
Marques de provenance, d’appartenance, les unes très célèbres, d’autres beaucoup plus modestes forment un corpus qui peut rendre quelque service aux chercheurs.
On consultera sur ce thème :
► La page de Peter Kidd : Marks in manuscripts et son blog dynamique Medieval Manuscripts Provenance
► « Manuscrits et marques d’appartenance », dans Des armoiries et des livres. Les manuscrits de Pierre Lorfèvre, D. Nebbiai, H. Loyau, P. Barasc, C. Gadrat, eds, Paris-Orléans, IRHT, 2010 (Ædilis, Publications pédagogiques,7). [http://lorfevre.irht.cnrs.fr/manuscrits_et_marques_dappartenance.html]
► Claire Josserand, Les données de provenance des collections des bibliothèques (Université de Lyon), avec bibliographie, 2016 [ en ligne ]
Quelques bases et sites très utiles :
► BIBALE : l’histoire des manuscrits (CNRS/IRHT, section Codicologie, histoire des bibliothèques et héraldique) – ARCA / IRHT : Bibliothèque numérique de l’IRHT, répertoire des cotes de manuscrits, incunables et livres anciens conservés dans les bibliothèques du monde entier.
► Projet CULTIVATE MSS : étudie le commerce des manuscrits médiévaux entre 1900 et 1945
► Mapping Manuscript Migrations (MMM) : portail sémantique permettant de trouver et d’étudier les manuscrits pré-modernes et leurs mouvements (Schoenberg Institute for Manuscript Studies, Bodleian Libraries, Institut de recherche et d’histoire des textes)
► Bases de provenances élaborées par les bibliothèques françaises de l’Association BiblioPat
► Base provenance des livres anciens de la Bibliothèque de Lyon
► « Ex meis libris »: Provenance of Rare Books ETH-Bibliothek Zürich, E-Pics Provenienz
► Galerie de photos de Penn Provenance Project
► The Schoenberg Database of Manuscripts
► Denis Muzerelle, Ex-libris carolingiens et cisterciens de la bibliothèque municipale de Laon. Problèmes de datation et d’attribution (2006) [ en ligne sur HAL/CNRS ]
Bibliographie:
Denis Muzerelle. « L’écriture » ; « Colophons et souscriptions, mentions de date, d’origine ou de copiste ». Paul Géhin. Lire le manuscrit médiéval. Observer et décrire, Paris: Armand Colin, 2005, p. 157-177 et 191-210.
Bénédictins du Bouveret
Colophons de manuscrits occidentaux des origines au XVIe siècle. Éditions Universitaires, Fribourg, 1965-1982
T.I. Colophons signés A-D
T. II. Colophons signés E-H
T. III. Colophons signés I-J
T. IV. Colophons signés L-O
T.V. Colophons signés P-Z
T. VI. Lieux, anonymes
Illustration :
Ex-libris de l’abbaye Saint-Benoît-sur-Loire : « Hic est liber sancti Benedicti super Ligerim »
Source : Augustinus. — Macarius. — Ambrosius Mediolanensis. Isidorus Hispalensis.Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits, Latin 2730, fol. 87v (Xe siècle)
Les heures manuscrites de « maistre Jacques Coffey » de Saint-Lô (Normandie)
Étudier un manuscrit, en connaître son histoire, c’est parfois prendre un chemin qui vous fait pénétrer la mémoire lointaine de certaines familles. En ce sens, les livres d’heures sont un magnifique exemple car souvent, que ce soit par des inscriptions ou des décors héraldiques, ils nous laissent entrevoir leur long cheminement à travers les siècles.
Le livre d’heures mis en vente par Arenberg Auctions (Brussels, Belgium), le 29 juin prochain, appartient à cette catégorie. 175 x 125 mm. 123 f. d’une écriture gothique brune sur 15 lignes. Si son état n’atteint pas l’ordinaire, son histoire le compense. Plusieurs inscriptions nous apprennent son parcours depuis le XVe siècle. L’usage liturgique est bien celui du diocèse de Coutances: : dédicace de la cathédrale le 12 juillet, fête des « reliques » le 30 septembre. Sa composition : 1) La Passion du Christ d’après les évangiles des saints Jean, Luc, Matthieu et Marc (avec 1 miniature) ; (2) calendrier en français ; (3) heures (matines (1 miniature), prime, laudes, tierce, sexte, none, vêpres et complies) ; (4) antiennes ; (5) heures du Saint-Esprit ; (6) les sept psaumes et les litanies des saints ; (7) « Vespres des trespasses » et « Matines des trespasses » ; (8) « Oraison de Nostre Dame » et suffrages.
Le premier possesseur, comme c’est souvent le cas, est une femme. Elle se nomme Jeanne (Jehenne) Lissot, et est l’épouse d’un juriste de Saint-Lô, en Normandie, maître Jacques Coffey, qu’elle épousa le jour de la « saint Hyllaire 1520 », c’est-à-dire le vendredi 13 janvier 1521 (n.st.) :
Ces matines sont et appartiennent a Jehenne fille de Noel Lissot en son vivant leg… de St Lo, femme de maistre Jacques Coffey bourgeois dudit lieu . Il espousa ladite Jehenne le jour saint Hyllaire 1520 [signé] Coffey
Il ne semble pas que notre juriste normand ait laissé beaucoup de traces. Pourtant nous remarquons « maistre Jacques Coffey » présent dans un acte du 29 avril 1550, édicté en la « maison commune de ceste ville de Saint-Lô » (Annuaire des cinq départements de la Normandie / publié par l’Association normande, 1931, p. 111). Peu d’éléments, de même, sur la famille Lissot.
Un siècle plus tard, le livre d’heures se retrouve en Bretagne, dans le diocèse de Nantes, en possession de Jean Lorido, prieur-recteur de Saint-Denis de Mauves:
J’ay achepté ce livre manuscrit a la vente des meubles de defunt v[enerable] et d[iscret] missire Jean Lorido, antien prieur et recteur de Mauves, qui mourut le 4e d’octobre 1698, âgé de 88 ans, après avoir gardé sa cure plus de 50 ans
Nous sommes bien plus documentés sur ce nouveau personnage. C’est sans doute lui qui, baptisé le 25 octobre 1614, à Sainte-Croix de Nantes, est le fils de « noble homme » François Lorido, sieur du Houssay et du Mesnil, marchand de draps de soie à Nantes, capitaine de la milice, décédé le 6 septembre 1637 à Saint-Saturnin de Nantes, lequel avait épousé le 9 février 1602, à Saint-Nicolas de Nantes, Marie Belloeil (1582-1641).
En 1655, est attesté « Maitre Jean Lorido, prestre, chanoine & soûchantre en la même église de Saint-Maurice de Montaigu », dont la collégiale avait été construite en 1613. Le doyenné de Montaigu faisait partie de l’évêché de Luçon. Proche de Nantes, cette paroisse se trouvait sur les Marches Communes de Poitou et de Bretagne.
Signature de Jean Lorido, prieur recteur de Mauves, en 1685 / BMS/
En 1661, nous le retrouvons en procédure : « Factum de l’instance pendante au grand conseil pour Me Jean Lorido, prêtre, pourvu de la chapelanie de Bonne mère, alias in parvis quies, demandeur en garantie de ladite chapelanie contre Me Yves Melot défendeur M Pierre Baudry et le chapitre de Nantes demandeurs, S. l. 1661 (Paris, BnF). La chapellenie de Bonnemère, alias in parvis quies, avait été fondée en l’église de Saint-Saturnin de Nantes. En 1684, Jean Lorido, prêtre, recteur de Mauves, fonde une messe à célébrer, les dimanches et fêtes, en l’église paroissiale, à l’autel de la Vierge (Nantes, ADLA, G 446), et en 1687, Jean Lorido, chanoine de la collégiale de Notre-Dame de Nantes, fonde 31 livres de rente foncière sur une maison de la Fosse, au profit des Carmes de Nantes (ADLA, H 231). Notre homme devait donc cumuler les bénéfices, puisque en 1694, « maître François Courson, vicaire perpétuel de Lanmeur, demanda au prieur de Kernitron de lui fournir une portion congrue comme gros décimateur dans la paroisse et la trêve de Locquirec. Il touchait déjà 300 livres du doyen de Lanmeur, M. de Lorido, prieur de Mauve près de Nantes« . Nous avons retrouvé l’acte de décès de maître Jean Lorido. Il mourut et fut inhumé dans sa paroisse dont il fut recteur pendant 50 ans, dans le chœur de l’église de Saint-Denis. Une divergence de date entre l’inscription du livre d’heures et celle du registre BMS qui le dit âgé de 85 à 86 ans … Quant à l’acheteur, dont la lecture du nom (Jean-Baptiste Dupré ?) a posé quelque problème, il reste à identifier: le patronyme Dupré se trouve attesté à cette époque dans la paroisse de Mauves, dont il est peut-être bourgeois. Merci au lecteur qui pourrait nous mettre sur une piste …
Nantes, ADLA, registre de MAUVES : BMS 3 E 94/2. Acte de décès de Jean Lorido, inhumé le 6 octobre 1698
Mais l’histoire de notre livre d’heures ne s’arrête pas là, en rejoignant par la suite plusieurs cabinets de collectionneurs. Il porte notamment le cachet Claude-Charles de Bourlamaque (4 novembre 1720 – 11 décembre 1769). Seigneur du Vivier et de Courtevron, il était également capitaine au Régiment de Saluzy, et grand collectionneur d’art et bibliophile. Les livres lui ayant appartenus portent au titre un cachet à ses armes (d’or, à une croix d’azur), entouré de la mention : « Ex. bibl. Dom. C. C. de Bourlamaque ». Le catalogue de sa bibliothèque fut publié à sa mort, en 1770 : Catalogue des livres de la Bibliothèque de feu M. de Bourlamaque, à Paris par Prault fils. De même, ses collections, dans un « Catalogue raisonné du cabinet des objets curieux de feu M. de Bourlamaque […] » (vente du 27 mars 1770) [ en ligne ]. Voir la Base EDITEF. Les aïeux de Claude-Charles de Bourlamaque, les Burlamacchi, étaient originaires de Lucca (Toscana, Italie). Sur les manuscrit de C.C. de Bourlamaque, BIBLISSIMA/IRHT.
Le cachet « D.L.R. de Saint-Victor » indique que notre livre d’heures passa entre les mains du collectionneur Louis-Robert de Saint-Victor (Rouen, 1738-Saint-Victor-la-Campagne, 1822). Sur ses manuscrits, voir BIBLISSIMA/IRHT.
Illustrations : Arenberg Auctions (Brussels, Belgium)
Bibliographie
Ce livre d’heures est déjà passé en vente le 8 décembre 1975 chez Sotheby’s, Western manuscripts and miniatures, lot 88.
Sur les ouvrages liturgiques de Coutances : Léopold Delisle, « Note additionnelle sur les anciens bréviaires imprimés et manuscrits du diocèse de Coutances conservé à la Bibliothèque nationale et à la Bibliothèque Mazarine », dans Revue catholique de Normandie, vol. 5, 1895, p. 387-392.
Monique Dosdat, Alain R. Girard, Livres d’heures de Basse-Normandie: manuscrits enluminés et livres à gravures XIVe-XVIe siècles, Association des amis de la bibliothèque, 1985.
Jason N. R. Herrick, Louis Robert de Saint Victor (1738-1822): A Case Study on Collecting Paintings in France from the 1770s to the 1820s with Particular Reference to Dutch and Flemish Art, University of Oxford, 2000.
Jason Herrick, « Louis Robert de Saint Victor’s Letters to Aignan-Thomas Desfriches : Collecting in Normandy Before and After the Revolution and its Links with Parisian Art Market », dans Monica Preti-Hamard et Philippe Sénéchal (dir.), Collections et marché de l’art en France 1789-1848, Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2005, p. 131-146.