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14 Oct 2007
Jean-Luc Deuffic

Les Heures de Pierre II, duc de Bretagne

Le Livre d’Heures de Pierre II, duc de Bretagne (1450-1457), conservé aujourd’hui dans le fonds latin de la Bibliothèque nationale de France sous la cote 1159, est l’un des plus précieux manuscrits qui nous soient restés de l’entourage ducal breton au Moyen Age. C’est un volume de 197 feuillets, écrits à 16 lignes sur vélin, et mesurant 188 sur 130 mm, avec une justification de 78 x 57 mm.
Au verso du f. 197, on peut lire ces lignes: Cestes heures sont au duc, qui les trouuera si les range. Et il aura bonnes trouuuailles …
Le calendrier (f. 1) atteste de l’usage de Nantes, et mentionne les fêtes de plusieurs saints bretons: Felix (év. de Nantes), et Gildas (janvier); Yves, Paterne, Donatien et Rogatien (mai); Tugdual, Similien, Hervé, Méen (juin); Turiaw, Samson (juillet); Paterne (septembre); Clair (év. de Nantes) (octobre); Paterne, Maudez (novembre); Corentin (décembre)


(c) Cliché Paris Bibliothèque nationale de France
 
Composition et décoration:
f. 13 (extraits des quatre évangiles et de la Passion selon saint Jean ), représentation de saint Jean l’évangéliste; f. 15, saint Luc; f. 18, saint Marc; f. 19v, Portement de Croix. f. 21, prières en français et en latin. f. 23, le duc de Bretagne à genoux devant la Vierge tenant l’enfant Jésus; f. 27, le duc à genoux, implorant Dieu le Père f. 32 (matines et laudes de la Vierge), l’Annonciation; f. 41, la Visitation; f. 50 (matines de la Croix et du Saint-Esprit) , le crucifiement, la flagellation, comparution de Notre-Seigneur devant Hérode f. 52 (vêpres et complies de la Vierge, de la Croix et du Saint-Esprit), la Nativité de N. S.; f. 57v, es bergers, le Gloria in excelsis. f. 61v, l’adoration des mages; f. 65v, la Présentation ; dans la bordure, un couple d’amoureux, un chasseur de sanglier; f. 69v, La fuite en Egypte. f. 74v, le couronnement de la Vierge, avec un ange portant l’écusson de Bretagne; f. 80, le jugement dernier; dans la bordure, l’écusson de Bretagne tenu par un ange. f. 80. Psaumes de la Pénitence. f. 90, 98 (litanies, office des morts, à l’usage de Nantes), un enterrement. Dans la bordure, la Mort frappant un jeune homme; un fossoyeur creusant une fosse; à côté, étendu sur le gazon, un corps de femme, de la tête duquel se détache une couronne. f. 125v (suffrages, prières en français et en latin), martyre de S. Eutrope; f. 126v, S. Fiacre; f. 127v, S. Bernardin; f. 128v, S. Vincent Ferrier; f. 129v, S. Jean l’évangéliste. f. 138, N. S. avec les cinq plaies; f. 141, La mesure de la plaie du côté de N. S., portée par quatre anges; f. 146v, S. Germain d’Auxerre; f. 147v, S. Dominique; dans la bordure, S. Dominique prêchant, très joli et très curieux; f. 148v, S. Pierre Martyr, frère Prêcheur; f. 149v, S. Thomas d’Aquin; f. 150v, S. Antoine; f. 151v, Martyre de sainte Apollonie; f. 152v, Ste MagdeIeine; f. 153v, Ste Catherine; f. 154v, Ste Marguerite; f.155v, S Julien; f. 156v, S. Christophe; f.157. S. Sébastien; f. 158v. S. Maudet; écusson de Bretagne et très jolie bordure; f. 159v, martyre de S. Adrien; f. 160v, S. Michel; dans la bordure, une vue du Mont Saint-Michel; f. 161v, S. Jean-Baptiste; f. 162v, S. François d’Assise; f. 163, S. Gilles; f. 164v, Ste Anne, la Vierge et l’enfant Jésus; écusson de Bretagne; f. 165, S. Etienne; f. 166v, Ste Barbe; f. 167v, S. Donatien et S. Rogatien, vêtus d’hermines; f. 168v, Ste Ursule, écusson de Bretagne; f.169v, les Onze mille vierges; f. 170, tous les Saints. f. 172, prières à la Croix, Stabat, suffrages. 

Portraits du duc de Bretagne
Au f. 23, le duc est couvert de ses armes, mais tête nue, vêtu d’une cotte d’armes de drap d’argent semé d’hermines, à genoux et mains jointes devant la Vierge qui tient l’enfant Jésus. Le prie-Dieu ducal est couvert d’un velours bleu semé de fleurons dorés; sur ce prie-Dieu, un livre d’heures à fermoirs. La Vierge vêtue d’une longue draperie blanche, a une tête charmante d’ingénuité et de jeunesse. Du duc à la Vierge se déroule et s’étend un cartouche portant ces, mots: 0 mater Dei, memento mei. Derrière, le duc pend une tapisserie de drap rouge à grands feuillages dorés. Au fond, on aperçoit les voûtes, les arcades, les fenêtres d’une haute église ou chapelle du XVe siècle. Dans la peinture du f. 27, le duc implore Dieu par cette oraison:
« Concede michi, misericors Deus, que tibi placita sunt ardenter concupiscere, prudenter investigare, veraciter agnoscere et perfecte adimplere »
Le duc est revêtu de ses habits ducaux, couronne en tête, manteau de pourpre doublé d’hermines avec camail de même; sa robe, que l’on aperçoit par la fente latérale du manteau, est bleue, et bleue la manche de cette robe couvrant le bras qui sort du manteau. Le prince est sous un dais à pentes, de drap (ou peut-être de velours) vert à ramages dorés; à genoux sur un prie-Dieu cou vert de drap d’or portant un coussin herminé, sur lequel est posé un livre d’heures fermé à tranches dorées. Le fond du tableau, ou si l’on veut, la muraille de l’appartement où se trouve le duc est tendu de drap vert et or; mais de chaque côté du dais descend jusqu’en bas un rideau bleu. Ce portrait, comme le précédent, est délicatement peint. Malheureusement, le Père éternel, auquel le duc adresse sa prière, est beaucoup moins bien traité que la Vierge du f. 23. Il se montre, en haut de la peinture. comme par une lucarne, entouré de langues de feu, tenant en main le globe du monde, barbe blanche, cheveux blancs, et coiffé d’un grand bonnet blanc pointu qui ne lui donne aucune majesté. 
Dans les bordures qui encadrent ce portrait se détachent quatre écussons de Bretagne, diversement soutenus ou accompagnés.
Au f. 192r/v: « Memoire que Monseigneur le Duc a fait veu de jamès ne manger char le jour de Monsr saint Estienne, qui est le lendemain de Nouuel. Et fut fait celui veu durant le siege de Foulgieres. (Fougères, 1449) Le VIIe jour de juillet, l’an mil ccccxviii, nasquit Monseigneur Pierre, à present duc de Bretaigne. Le jour saint Nicolas, ixe jour de may, l’an mil ccccxxvii, nasquit Madame Franczoise d’Amboise, àprésent duchesse de Bretaigne. »
Ce manuscrit passa ensuite dans les collections de Jacques de Foissy X Marguerite de Grenaisie (1).
Sur le premier feuillet de garde, cette inscription:
« Cestes presentes heures apartiennent à Marguerite de grenaysie, ettens veneus de son chieff de ces pere et mere, à present fame de Jacques de Foissy ». A côté de cette note un monogramme unissant les lettres « I F » et « MDG » que l’on retrouve en or sur les plats de la reliure en maroquin rouge à petits fers. Au verso du premier plat et aux f. IIv-III, prières en français et en latin (XVI-XVIIe s.). Anciennes cotes: Colbert 4791; Regius 4661/3. Notes: (1) Marguerite de Grenaisie, veuve du seigneur de Moreines en 1593, est sans doute la petite-fille de Jehan Grenaisie, licencié en lois, conseiller du roi, et maître des comptes au comté blésois qui, avec Nicollas Dreux (ou Dux), dressa l’inventaire de la bibliothèque du château de Blois en 1544. Cf. manuscrit Paris BnF Fr. 5660; A. Franklin, Précis de l’histoire de la bibliothèque du roi, 1875, p. 70-72. Jacques de Foissy, sr de Cresné, de Motheus était écuyer de la petite écurie du roi (Paris BnF, pièces originales, vol. 1171, Foissy, f. 79).

Sources et bibliographie
Arthur de La Borderie, Le livre d’heures et les oraisons d’un duc de Bretagne (1450), dans Bulletin de la Société des bibliophiles bretons, 9e année, 1885-1886, p. 57-71. Léopold Delisle, Cabinet des manuscrits, II, 344. Ph. Lauer, Catalogue général, I, p. 424-425. Victor Leroquais, Les Livres d’Heures, I, p. 75 et II, p. 331 (éd. f. 21v). Christian de Merindol, Le livre peint à la fin du Moyen Age, support privilégié d’une politique dynastique, familiale ou personnelle. Les Miracles de Notre-Dame (B. N., n. a. fr. 24541) et le Livre d’heures de Pierre II de Bretagne (B. N., lat. 1159), dans Pratiques de la culture écrite en France au XVe siècle. Actes du Colloque international du CNRS, Paris, 16–18 mai 1992, organisé en l’honneur de Gilbert Ouy par l’unité de recherche « Culture écrite du Moyen Age tardif », éd. par Monique Ornato et Nicole Pons (Textes et études du Moyen Age 2) Louvain-la-Neuve 1995, Fédération Internationale des Instituts d’Etudes Médiévales, p. 499–514.
Sur le site Paris BnF: Saint Michel combattant le dragon [Lien]

5 Oct 2007
Jean-Luc Deuffic

Horae ad usum macloviensis diocesis

Texte publié dans : Jean-Luc Deuffic, Notes de bibliologie. Livres d’heures et manuscrits du Moyen Age identifiés, dans Pecia. Le livre et l’écrit, 7, 2009 [Lien]. 

4 Oct 2007
Jean-Luc Deuffic

Un manuscrit de Bède d’une abbaye bretonne oubliée … Locmaria de Quimper

La splendide collection SCHØYEN (Oslo-Londres) dont on peut admirer la richesse sur un site web très illustré, renferme sous la cote 2036 un manuscrit du mémorable Bède, In Marci Evangelium Expositio. Ce n’est pas tant le manuscrit lui-même dont on conserve encore nombre de copies, mais la provenance de ce livre qui nous interpelle. En effet, rares sont les manuscrits bretons de cette époque (début XIIe s.) dont on peut définir avec exactitude l’identité. Ce présent manuscrit issu d’un scriptorium inconnu (mais probablement « local ») porte la marque de l’antique abbaye de Locmaria de Quimper, établissement double « fondé » par le comte de Cornouaille Alain Canhiart († 1058), mais que certains historiens font remonter à l’époque carolingienne. Elle fut rattachée par la suite à Saint-Sulpice de Rennes, elle-même dépendant de l’abbaye de Fontevrault.
On remarquera sur ce feuillet le parchemin cousu avec soin, ci-dessous:


(c) Collection Schøyen = Manuscrit 2036

A Bede manuscript from a forgotten Breton abbey: Locmaria de Quimper
The splendid SCHØYEN collection (Oslo, London), whose beauty can be tasted on a website wihich contains many illustrations, has under catalogue number 2036 a manuscript of the venerable Bede, In Marci Evangelium Expositio. The manuscript itself, which exists in several copies, is not as compelling as it provenance. In fact, there are very few Breton manuscripts from this time (beginning of the 12th century) whose identity can be ascertained exactly. The manuscript in question was produced in an unknown (though probably local) scriptorium, and carries the mark of the antique abbey of Locmaria de Quimper, \”founded\” by Alan Canhiart count of Cornouaille (d.1058), but which some historians date as far back as the carolingian era. The abbey later became attached to that of Saint-Suplice in Rennes, which was itself dependent on the abbey of Fontevrault.
It can be seen from the flyleaf how carefully the parchment was sewn.

BEDE. In Marci Evangelium expositio. Début XIIe s. Parchemin. 78 f. 210 x 130 (180 x 100) mm. 41 longues lignes. Reliure moderne. Provenance: A. Villand (1569); collection privée (Est de la France. -1995); Sandra Hindman, Chicago.

Collection Schøyen [En ligne]


Projet du prieuré de Locmaria. (c) Lefèvre architectes


Locmaria en 3D = © 2006-2012 Heritage-Virtuel

Biblio
Joëlle Quaghebeur, La Cornouaille du IXe au XIIe siècle, Quimper, Société archéologique du Finistère, 2001, p. 205 sq.
A. de La Borderie, Chartes inédites de Locmaria de Quimper, dans Bulletin de la Société archéologique du Finistère, 24, 1897, p. 96-113.
 

2 Oct 2007
Jean-Luc Deuffic

Le copiste Jehan Cachelart: breton ou anglais? ~ Was the scribe Jehan Cachelart from Brittany or from England?

Texte publié dans : Jean-Luc Deuffic, Notes de bibliologie. Livres d’heures et manuscrits du Moyen Age identifiés, dans Pecia. Le livre et l’écrit, 7, 2009 [Lien]. 

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