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17 Oct 2024
Jean-Luc Deuffic

À propos du « Catéchisme breton » de Gilles de Kerampuil (1576) : Léopold Delisle et Théodore Hersart de La Villemarqué

Le catéchisme breton du recteur cornouaillais Gilles de Kerampuil, daté de 1576, dont un des deux exemplaires connus, celui du comte de Kergariou, a été mis en vente récemment, a fait l’objet d’une correspondance en 1894/1895 entre le directeur de la Bibliothèque nationale, l’érudit Léopold Delisle, et le philologue breton Hersart de La Villemarqué. Je publie ici deux lettres susceptibles d’apporter quelques lumières sur l’histoire d’un document patrimonial breton exceptionnel, extraites du fonds de l’académicien (des Inscriptions et Belles-Lettres) conservées à Quimper, par les Archives départementales du Finistère :

Lettres de Léopold Delisle à Théodore Hersart de La Villemarqué
Paris, le 20 décembre 1894
Monsieur le vicomte et très honoré confrère,
A la veille d’acheter l’exemplaire des Heures bretonnes qui a appartenu à M. Pol de Courcy [1], j’ai dû me rendre compte de l’intérêt de ce livre et sans me préoccuper de sa valeur philologique, que vous et M. Whitley Stokes [2] vous avez pleinement mise en relief, je l’ai examiné simplement en bibliographe pour en déterminer l’origine. J’ai établi, je crois, que ce petit volume est postérieur à 1550, qu’il a été exécuté dans l’atelier parisien de Kerver et qu’il a été fait à l’usage du diocèse de Saint-Pol-de-Léon. Ces points seront exposés avec preuves à l’appui dans une petite notice dont vous et La Borderie vous aurez la primeur.
Je soupçonne qu’il y a un étroit lien de parenté entre les Heures et la traduction bretonne du Catéchisme de Canisius. J’aurais donc grand intérêt à voir le dit Catéchisme, dont aucun exemplaire n’est connu à Paris. Vous, à qui n’échappe rien de ce qui touche à votre chère Bretagne, vous pouvez me venir en aide, en me disant dans quel sanctuaire est conservé le Catéchisme et en me procurant, s’il y a lieu, la communication pendant quelques heures d’un livre qui n’a pas encore été décrit avec la minutie bibliographique dont il est digne.
Si, comme je l’espère avec tous mes confrères de l’Académie, vous deviez venir prendre part à la nomination du successeur de M. Duruy, ne pourriez vous pas vous faire donner pour compagnon de voyage le précieux catéchisme que je suis si curieux de voir ? C’est là, je le sais, une curiosité bien ambitieuse; mais vous savez jusqu’où va l’importunité de ceux qui s’adressent à vous pour obtenir aide et protection dans un domaine scientifique qui vous appartient de droit de naissance et par droit de conquête. Vous excuserez donc ma témérité, et vous agréerez, monsieur le vicomte et très honoré confrère, avec les vœux que Madame Delisle et moi nous formons pour vous, l’assurance réitérée de mon affectueux et respectueux dévouement.
(signé) L Delisle
Au-dessous, annotation de La Villemarqué, d’une écriture difficilement lisible:
Ville …la comtesse de Kergariou a les Heures a l’exemplaire …. par W. Stockes avec les vignettes de G. Tori
Courcy ne les a pas
La comtesse pourrait avoir l’original de 1575 …

Paris, le 4 janvier 1895
Très cher et honoré confrère
Je vous remercie bien de la gracieuse attention que vous avez eu de me communiquer la lettre de M. le chanoine Peyron, et plus encore de la démarche que vous avez pris la peine de faire pour me procurer, si c’est possible, l’examen pendant quelques heures du Catéchisme breton possédé par madame la comtesse de Kergariou.
Je commence à voir clair dans l’histoire des Heures bretonnes, et le renseignement fourni par M. le chanoine Peyron achève de me confirmer dans la pensée que les Heures sont à peu près de la même époque que le Catéchisme. Mon principal argument est tiré de l’exécution matérielle du livre, comme vous le verrez dans la notice dont j’aurai l’honneur de vous soumettre une épreuve.
Ma femme se joint à moi pour vous transmettre mes meilleurs vœux. Puisse votre santé se raffermir, et vous permettre de revenir bientôt à l’Académie, où votre présence cause un vrai plaisir à tous vos confrères ! – Ce sera sans doute vers la fin du mois de janvier qu’il sera procédé à l’élection du successeur de M. Duruy. Les candidats actuellement en ligne sont MM. le duc de La Trémoille, de Ruble et Dieulafoy.
Monsieur votre fils, qui lira probablement cette lettre, voudra bien agréer tous mes remerciements pour les lettres qu’il a pris la peine de m’écrire.
Avec tous mes vœux, recevez, très cher et honoré confrère, l’assurance réitérée de mon vieil et respectueux attachement.
(signé) L Delisle

NOTES
(1) L’exemplaire de ces Heures bretonnes de 1576 se trouve effectivement aujourd’hui à la Bibliothèque nationale de Frances, B 27815, mais la notice précise toujours [Heures à l’usage du diocèse de Saint-Pol de Léon], comme l’avait jadis suggéré Léopold Delisle, alors que l’on sait aujourd’hui qu’il s’agit de l’usage cornouaillais.
(2) Whitley Stokes, Horae Britonnicae et latinae : Middle-Breton Hours, Edited, with a translation and glossarial index, Calcutta, 1876

SOURCES
Quimper, Archives Départementales du Finistère : 263 J 2/1106 et 107

Grâce à Yann Celton, le Catéchisme de Gilles de Kerampuil (exemplaire ex comte de Kergariou / Le Goaziou) a été numérisé par la Bibliothèque diocésaine de Quimper [ en ligne ]. J’en ai donné une notice dans mon Inventaire des livres liturgiques de Bretagne. Livres d’heures, de piété, de dévotion et ouvrages associés antérieurs à 1790 (2014).
Vente dernière du Catéchisme de Kerampuil par la maison Dupont Associés [ catalogue en ligne ]


Signature du comte de Kergariou sur la page de titre du Catéchisme de Gilles de Kerampuil

Sur les collections de la riche bibliothèque du comte de Kergariou voir Jean-Luc Deuffic, « Le comte de Kergariou. A propos d’un Livre d’heures… et de saint Fiacre », dans Notes de Bibliologie. Livres d’heures et manuscrits du Moyen Âge identifiés (Pecia, Le livre et l’écrit, 7), Brepols, Turnhout, 2010, p. 171-175. [ Lien ]


Catéchisme breton de 1576. Lettre dédicatoire de Gilles de Kerampuil
© Bibliothèque abbatiale de Landévennec

Titre du Catéchisme de Gilles de Kerampuil
CATECHISM || HAC INSTRVCTION || EGVIT AN CATHOLICQVET || Meurbet Necesser en Amser presant, Eguit || quelen, ha discquifu an Iaouancdet : || Quētafu composet en Latin, Gant || M. P. Canisius Doctor en || Theology, ves à socie- || té an hanuà Iesus. || Goudé ez eux un abreget ves an pez a dléer principalafu || da lauaret en prosn an offeren dan tut lic. || Troet bremman quentafu à Latin en Brezo- || nec, Gant Gilles Kanpuil, personn en || Cledguēpochær, hac autrou à Bigodou. || Congrega ad me populum, vt audiant ser- || mones meos & discant timere me, om- || ni tempore quo viuunt in terra, || doceātq; filius suos. Deut. 4. || [marque de Kerver] || A PARIS, || Pour Iacques Keruer, demeurant rue sainct || Iacques à l’enseigne de la Licorne. || [ — ] || M. D. LXXVI.

3 Juin 2024
Jean-Luc Deuffic

Les heures manuscrites de « maistre Jacques Coffey » de Saint-Lô (Normandie)

Étudier un manuscrit, en connaître son histoire, c’est parfois prendre un chemin qui vous fait pénétrer la mémoire lointaine de certaines familles. En ce sens, les livres d’heures sont un magnifique exemple car souvent, que ce soit par des inscriptions ou des décors héraldiques, ils nous laissent entrevoir leur long cheminement à travers les siècles.

Le livre d’heures mis en vente par Arenberg Auctions (Brussels, Belgium), le 29 juin prochain, appartient à cette catégorie. 175 x 125 mm. 123 f. d’une écriture gothique brune sur 15 lignes. Si son état n’atteint pas l’ordinaire, son histoire le compense. Plusieurs inscriptions nous apprennent son parcours depuis le XVe siècle. L’usage liturgique est bien celui du diocèse de Coutances: : dédicace de la cathédrale le 12 juillet, fête des « reliques » le 30 septembre. Sa composition : 1) La Passion du Christ d’après les évangiles des saints Jean, Luc, Matthieu et Marc (avec 1 miniature) ; (2) calendrier en français ; (3) heures (matines (1 miniature), prime, laudes, tierce, sexte, none, vêpres et complies) ; (4) antiennes ; (5) heures du Saint-Esprit ; (6) les sept psaumes et les litanies des saints ; (7) « Vespres des trespasses » et « Matines des trespasses » ; (8) « Oraison de Nostre Dame » et suffrages.
Le premier possesseur, comme c’est souvent le cas, est une femme. Elle se nomme Jeanne (Jehenne) Lissot, et est l’épouse d’un juriste de Saint-Lô, en Normandie, maître Jacques Coffey, qu’elle épousa le jour de la « saint Hyllaire 1520 », c’est-à-dire le vendredi 13 janvier 1521 (n.st.) :

Ces matines sont et appartiennent a Jehenne fille de Noel Lissot en son vivant leg… de St Lo, femme de maistre Jacques Coffey bourgeois dudit lieu . Il espousa ladite Jehenne le jour saint Hyllaire 1520 [signé] Coffey

Il ne semble pas que notre juriste normand ait laissé beaucoup de traces. Pourtant nous remarquons « maistre Jacques Coffey » présent dans un acte du 29 avril 1550, édicté en la « maison commune de ceste ville de Saint-Lô » (Annuaire des cinq départements de la Normandie / publié par l’Association normande, 1931, p. 111). Peu d’éléments, de même, sur la famille Lissot.
Un siècle plus tard, le livre d’heures se retrouve en Bretagne, dans le diocèse de Nantes, en possession de Jean Lorido, prieur-recteur de Saint-Denis de Mauves:

J’ay achepté ce livre manuscrit a la vente des meubles de defunt v[enerable] et d[iscret] missire Jean Lorido, antien prieur et recteur de Mauves, qui mourut le 4e d’octobre 1698, âgé de 88 ans, après avoir gardé sa cure plus de 50 ans

Nous sommes bien plus documentés sur ce nouveau personnage. C’est sans doute lui qui, baptisé le 25 octobre 1614, à Sainte-Croix de Nantes, est le fils de « noble homme » François Lorido, sieur du Houssay et du Mesnil, marchand de draps de soie à Nantes, capitaine de la milice, décédé le 6 septembre 1637 à Saint-Saturnin de Nantes, lequel avait épousé le 9 février 1602, à Saint-Nicolas de Nantes, Marie Belloeil (1582-1641).
En 1655, est attesté « Maitre Jean Lorido, prestre, chanoine & soûchantre en la même église de Saint-Maurice de Montaigu », dont la collégiale avait été construite en 1613. Le doyenné de Montaigu faisait partie de l’évêché de Luçon. Proche de Nantes, cette paroisse se trouvait sur les Marches Communes de Poitou et de Bretagne.


Signature de Jean Lorido, prieur recteur de Mauves, en 1685 / BMS/

En 1661, nous le retrouvons en procédure : « Factum de l’instance pendante au grand conseil pour Me Jean Lorido, prêtre, pourvu de la chapelanie de Bonne mère, alias in parvis quies, demandeur en garantie de ladite chapelanie contre Me Yves Melot défendeur M Pierre Baudry et le chapitre de Nantes demandeurs, S. l. 1661 (Paris, BnF). La chapellenie de Bonnemère, alias in parvis quies, avait été fondée en l’église de Saint-Saturnin de Nantes. En 1684, Jean Lorido, prêtre, recteur de Mauves, fonde une messe à célébrer, les dimanches et fêtes, en l’église paroissiale, à l’autel de la Vierge (Nantes, ADLA, G 446), et en 1687, Jean Lorido, chanoine de la collégiale de Notre-Dame de Nantes, fonde 31 livres de rente foncière sur une maison de la Fosse, au profit des Carmes de Nantes (ADLA, H 231). Notre homme devait donc cumuler les bénéfices, puisque en 1694, « maître François Courson, vicaire perpétuel de Lanmeur, demanda au prieur de Kernitron de lui fournir une portion congrue comme gros décimateur dans la paroisse et la trêve de Locquirec. Il touchait déjà 300 livres du doyen de Lanmeur, M. de Lorido, prieur de Mauve près de Nantes« . Nous avons retrouvé l’acte de décès de maître Jean Lorido. Il mourut et fut inhumé dans sa paroisse dont il fut recteur pendant 50 ans, dans le chœur de l’église de Saint-Denis. Une divergence de date entre l’inscription du livre d’heures et celle du registre BMS qui le dit âgé de 85 à 86 ans … Quant à l’acheteur, dont la lecture du nom (Jean-Baptiste Dupré ?) a posé quelque problème, il reste à identifier: le patronyme Dupré se trouve attesté à cette époque dans la paroisse de Mauves, dont il est peut-être bourgeois. Merci au lecteur qui pourrait nous mettre sur une piste …


Nantes, ADLA, registre de MAUVES : BMS 3 E 94/2. Acte de décès de Jean Lorido, inhumé le 6 octobre 1698

Mais l’histoire de notre livre d’heures ne s’arrête pas là, en rejoignant par la suite plusieurs cabinets de collectionneurs. Il porte notamment le cachet Claude-Charles de Bourlamaque (4 novembre 1720 – 11 décembre 1769). Seigneur du Vivier et de Courtevron, il était également capitaine au Régiment de Saluzy, et grand collectionneur d’art et bibliophile. Les livres lui ayant appartenus portent au titre un cachet à ses armes (d’or, à une croix d’azur), entouré de la mention : « Ex. bibl. Dom. C. C. de Bourlamaque ». Le catalogue de sa bibliothèque fut publié à sa mort, en 1770 : Catalogue des livres de la Bibliothèque de feu M. de Bourlamaque, à Paris par Prault fils. De même, ses collections, dans un « Catalogue raisonné du cabinet des objets curieux de feu M. de Bourlamaque […] » (vente du 27 mars 1770) [ en ligne ]. Voir la Base EDITEF. Les aïeux  de Claude-Charles de Bourlamaque, les Burlamacchi, étaient originaires de Lucca (Toscana, Italie). Sur les manuscrit de C.C. de Bourlamaque, BIBLISSIMA/IRHT.
Le cachet « D.L.R. de Saint-Victor » indique que notre livre d’heures passa entre les mains du collectionneur Louis-Robert de Saint-Victor (Rouen, 1738-Saint-Victor-la-Campagne, 1822). Sur ses manuscrits, voir BIBLISSIMA/IRHT.


Illustrations : Arenberg Auctions (Brussels, Belgium)

Bibliographie

Ce livre d’heures est déjà passé en vente le 8 décembre 1975 chez Sotheby’s, Western manuscripts and miniatures, lot 88.
Sur les ouvrages liturgiques de Coutances : Léopold Delisle, « Note additionnelle sur les anciens bréviaires imprimés et manuscrits du diocèse de Coutances conservé à la Bibliothèque nationale et à la Bibliothèque Mazarine », dans Revue catholique de Normandie, vol. 5, 1895, p. 387-392.
Monique Dosdat
Alain R. Girard, Livres d’heures de Basse-Normandie: manuscrits enluminés et livres à gravures XIVe-XVIe siècles, Association des amis de la bibliothèque, 1985.
Jason N. R. Herrick, Louis Robert de Saint Victor (1738-1822): A Case Study on Collecting Paintings in France from the 1770s to the 1820s with Particular Reference to Dutch and Flemish Art, University of Oxford, 2000.
Jason Herrick, « Louis Robert de Saint Victor’s Letters to Aignan-Thomas Desfriches : Collecting in Normandy Before and After the Revolution and its Links with Parisian Art Market », dans Monica Preti-Hamard et Philippe Sénéchal (dir.), Collections et marché de l’art en France 1789-1848, Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2005, p. 131-146.

15 Mai 2024
Jean-Luc Deuffic

Les Heures de Philippotte Ruffier

Vente du 27 mai 2024 : Ketterer Kunst GmbH & Co. KG, Munich. Catalogue en ligne.

Livre d’heures. vers 1380, nord-ouest de la France (Rennes ?). 195 x 155 mm, vélin, 90 feuillets, incomplet, manque au moins 15 feuillets et probablement un calendrier, 17 lignes, 115 x 75 mm, 6 grandes peintures, pour la plupart avec bordures, initiales enluminées.
fol. 35-36 déchirées; section coupée dans la marge du fol. 70.

Reliure veau doré français du XVIe siècle sur des ais en carton, chaque plat avec un ovale central représentant la Crucifixion, la devise LOYAL DESIR, des armes héraldiques à un ou deux chevrons, et une semée de fleurs de lys dorées, le plat inférieur également avec le date « 1[5]90 ».
Le dos est doublé d’un fragment de manuscrit musical du XIIIe siècle avec portées rouges de quatre lignes.

LEAL DESIR est bien la devise des Monbrison (d’argent, au chevron d’azur, accompagné de merlettes de sable), mais point de merlettes ….

Exécuté pour une femme, sans doute  représentée dans l’une des miniatures, identifiée comme étant « PHELIPES RUFFIER ».
Suffrages aux saints Pierre, Paul et Anne (fol. 1, illustration ci-dessus) (note 1)De sancta Anna. Ant. De mutua visi/one et promissa sibi prole Domum (suam?) sunt regressi facti leti / et jocundi
Heures de la Vierge (fol. 3), Laudes suivies d’un suffrage à sainte Catherine (fol. 16v°) ; Psaumes pénitentiels (fol. 32); un bifolium mal placé de l’Office des Morts (fol. 35) ; Heures de la Croix (fol. 37) et du Saint-Esprit (fol. 38) ; les Quinze Joies (fol. 40) et les Sept requêtes (fol. 43) ; prières, etc. (fol. 45); Office des morts (fol. 47) ; prière, en vers français : Glorieuse virge raine / En qui, par la virtu divine… (Sonet-Sinclair n° 695) (fol. 70v°) ; Psaumes progressifs, dans un format inhabituel : en trois groupes de cinq, chacun suivi de versets, de réponses et d’un recueil (fol. 78) ; le récit de la Passion selon saint Jean (fol. 85) ; La Vie et légende de sainte Marguerite, en vers français (fol. 87), avec des notes marginales du XVe siècle indiquant que des feuillets manquaient déjà à cette date. Tous les textes sont plus ou moins imparfaits à l’exception des suffrages, des Psaumes graduels et du récit de la Passion.
Provenance : plusieurs remplissages de ligne porte le nom de « PHELIPES RUFFIER » ou une forme abrégée de celui-ci (fol. 15, 63v°, 78v°, 81v°, etc.).
Décor : miniatures : fol. 1, saints Pierre et Paul ; fol. 2, sainte Anne ; fol. 23, Présentation au Temple ; fol. 28v°, Massacre des Innocents ; fol. 70v°, la commanditaire agenouillée devant la Vierge à l’Enfant ; fol. 89v°, sainte Marguerite, presque nue, les mains liées et suspendue à une barre par les cheveux, battue par deux hommes.

Olivier du Guesclin, seigneur de la Ville-Anne, auquel son frère donna cette terre en partage, située dans la paroisse de Saint-Servan. Il eut pour femme Amice, nommée dans un acte du mois de novembre 1340, dont vint Saveline, dame de la Ville-Anne qui fut émancipée par son père au mois d’octobre 1340 et mariée à Jean Ruffier, seigneur du Bois Ruffier. Elle est enterrée en la chapelle de Sainte-Catherine au bout du Chapitre des Frères Prêcheurs de Dinan. Elle ne laissa qu’une fille nommée Philippotte Ruffier, dame du Bois Ruffier et de la Ville-Anne, qui s’est mariée à Raoul, seigneur de Coëtquen, duquel étant veuve, elle fit une donation en l’église des Jacobins de Dinan, le 20 octobre 1431.
Armoiries des Ruffier : D’azur billetté d’argent, au lambel de gueules à quatre pendants.
De La Chesnaye-Desbois et Badier, Dictionnaire de la noblesse, tom. 10, Paris, 1866, col. 44.

Philippotte Ruffier fonda plusieurs messes en la chapelle du Vau-Ruffier, le 17 octobre 1427 (René Couffon). D’après Saint-Brieuc, Archives départementales des Côtes d’Armor, E 2933
Dame Philippotte, pour le repos de l’âme de son époux, Raoul IV de Coëtquen, maréchal de Bretagne, ainsi que pour celles de ses père et mère et pour elle-même, fonda cinq messes à dire par semaine, à savoir deux à l’église de Plouasné et trois à la chapelle du Vau-Ruffier, et présenta pour assurer ces messes Dom Jehan « Heriezon »* à Mgr l’Evêque de St-Malo, lequel approuva la fondation, qui fut en 1434 définitivement fixée à 25 livres de rente annuelle. (Page Joseph Denoual)

Le manoir de Vau-Ruffier, d’après un dessin de Henri Frotier de La Messelière (1876-1965)

Une autre Philippotte Ruffier, de la maison du Vau-Ruffier, est donnée par l’historien Du Paz comme épouse de messire Bertrand Herisson,  seigneur de La Ville-Hélouin (Médréac, ancien évêché de Saint-Malo), chevalier, en 1427.
Armoiries: D’argent, à trois hérissons de sable.

Notes
(1) Voir le culte de sainte Anne à Plouasne (département des Côtes-d’Armor). Paul-Victor Charland, Le culte de sainte Anne en Occident, Québec, 1921, p. 19. Cantus index 201115. Medieval Music Manuscripts Online Database


Sceau de Guillaume Ruffier (Nantes, ADLA, E 142/23, 1379) Base Sigilla

Bibliographie

Vente aux enchères Christie’s du 7 juin 2006, lot 42
Sotheby’s : Medieval And Renaissance Manuscripts, 5 juillet 2016, lot 59 (Mara Hofmann)

21 Mar 2021
Jean-Luc Deuffic

Le « livre de raison » des Bivelat (1574)

Présenté récemment pour une vente publique (31 mars 2021), un exemplaire défectueux du très rare Thresor de devotion contenant plusieurs oraisons devotes & exercices spirituelles: pour dire en l’Eglise pendant l’office divin (Douai: Jean Bogard, 1574), une impression gothique en rouge et noir décorée de 30 vignettes gravées sur bois représentant des scènes de la Passion, dont 9 avec le monogramme CI ou IC (Jean Croissant, xylographe français ?), porte dans quelques marges les naissances de plusieurs enfants d’une famille Bivelat, protestante, dont la patronyme semble éteint aujourd‘hui. Hélas, les prénoms et noms des parents ne sont pas connus et figuraient peut-être sur des feuillets manquants de l’ouvrage  :

Par la grace de Dieu Nicole Bivelat fut née le vendredy vingt septiesme jour de juin environ cinq heures du soir l’an 1615

Par la grace de Dieu Barbe Bivelat fut née le sabmedy seiziesme jour se septembre 1617 et ce envyron les huict heures et demy du soir

Nicolas Bivelat fut né par la grace de Dieu le jour de la st Nicolas l’an 1613

Jean Bivelat deuzieme du nom fut né par la grace de Dieu le jour de la st Lucian le 27e de may la veille de l’Assention 1620 (cette fête de saint Lucien semble inconnue pour ce jour)

Barbe Bivelat 2e du nom fut née le jour de la st Crespin vingt cinquiesme d’octobre 1622 environ sur ledix et onze heures

Claude Bivelat fut né 9 juin 1628 environ dix heures et demy du soir parain Anthoine …. Et Barbe ….

Francois Bivelat par la grace de Dieu fut né jour de dimanche 9e jour de juin 1630 parain Francois Br… et la maraine dame Jeannon ….

Jean Bivelat semble avoir été le plus connu des membres de cette famille au XVIIe siècle. Il est probablement à identifier avec le Jean Bivelat, maître sculpteur et menuisier parisien, demeurant Vallée de Misère, à l’Image Notre-Dame de Boulogne, et qui, le 27 novembre 1650, passa marché avec Caprais Gourdan, maître peintre et sculpteur, demeurant sur le pont Notre-Dame, pour faire un tabernacle d’ébène de deux pieds et demi de haut, suivant le dessin qui lui avait été remis et moyennant la somme de 100 livres dont 32 livres payées d’avance (Paris, AN, MC/ET/IV/106). Cette demeure, à l’Image Notre-Dame de Boulogne, est connue pour avoir été occupée vers 1571/1572 par Pierre-Antoine Carneschi, un marchand florentin.

Jean Bivelat épousa Nicole Bonichon, et eut plusieurs enfants. Le dimanche 13 décembre 1648 fut baptisée Barbe, dont le parrain se trouve être justement ce Caprais Gourdan[1], maître peintre à Paris, cité plus haut ; la marraine fut Barbe Bivelat, femme de Jean Arnoult, boulanger, peut-être une sœur de Jean, celle née en 1622 (St Eustache n° 58 ; Fonds Laborde). Malheureusement cette jeune Barbe mourut quelques mois plus tard, le 14 octobre 1649, et fut enterrée à Saint-Père (cimetière Saint-Germain, « Cimetières des huguenots à Paris, p. 229)

Pierre-Jean Bivelat fut baptisé à Charenton, en octobre 1659; parrain, Pierre-Jean Bivelat orfèvre et peintre en émail, et marraine Marguerite Jumeau, femme de Sébastien Bourdon.

Ce Pierre-Jean fut graveur à Paris à la « Belle Etoile Couronnée », rue Saint-Louis, puis à « l’Image Saint-Louis », rue de Harlay. Il épousa Marie-Elisabeth Langlois, d’où Madeleine-Angélique Bivélat, née rue Saint-Louis, baptisée à Saint-Barthélemy le 1er décembre 1686 ; parrain, Claude Gaspard Langlois, marqueteur, rue Dauphine, marraine, Marie-Madeleine Bivelat, fille de feu Jean, sculpteur, rue Saint-Louis. Il décéda après 1702, à Paris. Madeleine-Angélique Bivelat, épousa l’orfèvre Nicolas Bouillerot (inventaire décès, 16 juillet 1733, Y 14948).

En plus de Marie-Madeleine, deux autres filles de Jean Bivélat sont connues : Marie et Elisabeth, lesquelles le 8 avril 1686, renoncèrent à la « religion prétenduë et réformée, de laquelle elles faisoit cy devant profession », dans la paroisse Sainte-Madeleine de Besançon (GG 54, fol. 11v)

https://www.interencheres.com/meubles-objets-art/angers-livres-anciens-et-modernes-284257/lot-27111857.html

[1] Le 14 mai 1645, âgé de 28 ans, il participe à une rixe survenue le 14 mai 1645 au soir avec d’autres peintres, à Fontainebleau : Pierre Gargan, de Paris, 33 ans, Jean Barbier, 19 ans, Alexandre Vernavont, flamand (AD 77, 2Bp 5310. Gourdan, Gourdon (Cappris, Capère, Caprais), p. sc., cité 1656 comme m. p. (Herl.) , 1659-1661 (G, Statuts). Agé de 28 ans; travaille à Fontainebleau, chambre du roi, en 1645 (Thoison, 1902). Pont Notre-Dame, 1663, mort avant.


La Vallée de Misère et le Pont aux Meuniers, à Paris

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