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4 Juin 2025
Jean-Luc Deuffic

40 déjà ! Colloque du 15e centenaire de l’abbaye de Landévennec (1985)

(En hommage aux historiens disparus ! In tribute to the departed historians ! : Pierre Riché – Léon Fleuriot – Bernard Merdrignac – Louis Lemoine – Hubert Guillotel – Bernard Tanguy – Job an Irien – François Kerlouégan – Pierre-Roland Giot – Michel Huglo – David Dumville – Dom Jacques Dubois)

Le colloque du 15e centenaire de l’abbaye de Landévennec, qui se déroula du 25 au 27 avril 1985 fut un évènement mémorable, tant pour les Bretons que pour les amoureux de la Bretagne. Pour moi, alors jeune chercheur passionné, l’occasion de présenter les premiers résultats de mes travaux sur les scriptoria bretons, à l’appui et des contacts que j’avais alors avec l’éminent paléographe allemand Bernard Bischoff (1906-1991).
Ce colloque fut également un tremplin pour la création du CIRDOMOC, dont je fus, avec le regretté Gwenaël Leduc, le modeste initiateur. Aussi, je prends un réel plaisir en publiant ici, pour lui rendre hommage, le bref compte-rendu qu’en fit le grand celtisant Léon Fleuriot (1923-1987), qui décéda très peu de temps après le colloque.

The colloquium marking the 15th centenary of the Landévennec Abbey, held from April 25 to 27, 1985, was a memorable event for both Bretons and lovers of Brittany. For me, then a young, passionate researcher, it was an opportunity to present the initial findings of my work on Breton scriptoria, supported by my contacts at the time with the eminent German paleographer Bernhard Bischoff (1906-1991).
This colloquium was also a springboard for the creation of CIRDOMOC, of which I was, along with the late Gwenaël Leduc, the humble initiator.
Thus, it is with great pleasure that I publish here, in tribute to him, the brief report written by the great Celticist Léon Fleuriot (1923-1987), who passed away shortly after the colloquium.

Landévennec et le monachisme breton dans le Haut Moyen Âge. — Actes du Colloque du 15e centenaire de l’Abbaye de Landévennec, 25-26-27 avril 1985. Publication de l’Association Landévennec 485-1985, 1986, 335 p. in-4°.

Ce beau volume, abondamment illustré, a pu être publié dans un délai extrêmement court, grâce à l’activité de la communauté monastique de Landévennec, du Père Jean de la Croix et du Père Marc en particulier. Le contenu du volume est de première importance pour l’histoire de la Bretagne la plus ancienne. Il suit l’ordre des conférences prononcées dans le congrès international qui a célébré le quinzième centenaire, à côté de fêtes religieuses. Voici une liste très résumée des conférences ici publiées : P. Riché a traité des « Gesta Sanctorum Rothonensium », à la veille d’être publiés, tant en France qu’en Grande-Bretagne avec des traductions en français et en anglais. B. Merdrignac a exposé ce que l’on sait de la vie quotidienne dans les monastères bretons anciens. L. Lemoine a examiné les méthodes d’enseignement qui s’y trouvaient appliquées. L. Fleuriot a donné une traduction française des « Excerpta de libris Romanorum et Francorum » et proposé de placer au ve siècle la date des « Libri » primitifs. W. Davies a montré tout l’intérêt du Cartulaire de Landévennec sommairement exécuté par des critiques antérieures. J. M. H. Smith a étudié la politique frontalière de l’Empire franc et du Royaume breton dans la vallée de la Vilaine. B. Tanguy a scruté les enseignements qu’apporte la toponymie du Cartulaire de l’abbaye où se tenait ce congrès. R. Barrié et P. Castel ont fait le point des études sur la croix d’ivoire de Millizac. J. A. Irien a parlé des saints comiques et bretons, souvent les mêmes. X. Barrai y Altet a fait une communication très intéressante sur l’abbaye médiévale et ses bâtiments. F. Kerlouégan a pris pour sujet le latin de la « Vita Pauli Aureliani », P. R. Giot les fouilles de l’île de Lavret, Ph. Guigon celles de la crypte de Lanmeur, M. Huglo les évangéliaires de Landévennec, D. Dumville l’Amalarius de Landévennec, J. C. Alexander l’art breton du ixe siècle, C. Brett l’hagiographie de Winwaloe (Gwénolé). J. L. Deuffic a publié une liste commentée de 122 manuscrits d’origine bretonne antérieurs au xie siècle. Les travaux du Professeur B. Bischoff ont permis l’identification d’un grand nombre des manuscrits de cette liste. D. J. Dubois a tiré, avec science et humour, les conclusions de ce colloque. Il est impossible ici de résumer l’immense matière traitée dans ces exposés et d’autres que nous allons maintenant mentionner. De courtois échanges de vues ont eu lieu, avec pour seul souci l’avancement de la recherche. Par exemple H. Guillotel a exprimé des vues différentes de celles de W. Davies ou de B. Tanguy sur l’intérêt du Cartulaire de l’abbaye. L’intéressant exposé de Y. Tonnerre sur le Cartulaire de Redon montre la nécessité d’étudier le breton ancien pour l’étude de la Bretagne ancienne : dre ne « donne » pas drich dans les noms propres. C’est au contraire cette dernière graphie qui représente le mieux la prononciation d’un terme identique au « gallois » drych, edrych, avec le sens ancien d’« aspect » (Drichglur est une meilleure graphie que Dreglur). Dans d’autres domaines, le « baroque » du latin brittonique de Uurmonoc a pour pendant l’originalité de l’art breton ancien qui affirme sa vigueur face à l’art de l’Empire franc comme l’ont souligné J. J. C. Alexander et P. Mac Gurk. Les mânes de H. Bradshaw qui, il y a près d’un siècle, avait affirmé, après de longues années de recherches paléographiques, que la Bretagne armoricaine avait joué un très grand rôle dans les échanges intellectuels au Haut Moyen Âge, ont dû tressaillir. On commence, dans le monde scientifique, à se rendre compte de l’importance de cette région longtemps négligée, « long overlooked » comme disait H. Bradshaw. (Léon Fleuriot, dans Études celtiques, 24, 1987, p. 346-347)

Patrick Mac Gurk (1953-1988) et David Dumville (1949-2024)

3 Juin 2025
Jean-Luc Deuffic

EN LIBRAIRIE !



La bibliothèque de Jean-Emanuel de Rieux, marquis d’Assérac († 1657). Essai de reconstitution

La bibliothèque du marquis d’Assérac, Jean-Emanuel de Rieux († 1657), illustre de manière étonnante les aspirations de ce seigneur breton, issu d’une des plus prestigieuses familles de Bretagne. Notre quête pour essayer d’identifier les ouvrages qu’elle conservait révèle un homme à la fois curieux et complexe. Les liens particuliers que Jean-Emanuel de Rieux tissa avec des esprits éminents de son époque, tels que le théologien Tommaso Campanella, initiateur de sa conversion au catholicisme, le père Yves de Paris, dont les travaux en astrologie l’avaient profondément captivé, et François-Eudes de Mézeray, pilier de l’historiographie française du xviie siècle, contribuent à dresser le portrait d’un homme d’armes et de lettres, d’une personnalité fascinante.
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The library of the Marquis of Assérac, Jean-Emanuel de Rieux († 1657), offers an astonishing illustration of the aspirations of this Breton lord, from one of the most prestigious families of Brittany. Our quest to try to identify the assembled works reveals a man both curious and complex. The special connections that Jean-Emanuel de Rieux forged with eminent minds of his time, such as the theologian Tommaso Campanella, initiator of his conversion to Catholicism, the priest Yves de Paris, whose studies in astrology had profoundly captivated him, and François- Eudes de Mézeray, pillar of seventeenth-century French historiography, contributed in creating the portrait of a man of arms and letters, a fascinating personality.

ISBN-13 ‏ : ‎ 979-1097611408. 191 pages. Relié. Format 21 x 28 cm. Illustrations. Index. 553 gr. Prix : 32 euros

Disponible sur : /Available on

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jldeuffic@gmail.com

19 Mai 2025
Jean-Luc Deuffic

Thomas Carte, Thomas Astle : possesseurs anglais d’un exemplaire de l’édition de 1540 de la « Coutume de Bretagne »

© Kansas University. Specia Collections.

While preparing a book on « Manuscrits et imprimés de la Coutume de Bretagne », I reached out to the invaluable “Ex-Libris-L” listserv to locate unrecorded copies. I was delighted to receive a generous response from Ms. Eve Wolynes, Special Collections Curator at the Kenneth Spencer Research Library (Kansas), who kindly shared detailed information about the copies held at the University of Kansas — for which I’m deeply grateful. Among them is a remarkable copy of the 1540 edition :

Préparant un ouvrage sur les « Manuscrits et imprimés de la Coutume de Bretagne », j’avais lancé un appel sur la précieuse liste « Ex-Libris-L » en vu de rechercher des exemplaires non encore répertoriés. C’est avec beaucoup d’intérêt que j’ai reçu de Mme Eve Wolynes, Special Collections Curator, Kenneth Spencer Research Library (Kansas), une belle documentation sur les exemplaires conservés à l’Université de Kansas (je l’en remercie infiniment). Parmi ceux-ci figure un exemplaire de l’édition de 1540 :

Covstvmes generalles || des pays et dvche de Bretaigne, || nouuellement reformées & publiees en la ville de Nantes, en la-||congregation & assemblee des troys Estatz dudict pays, au moys || Doctobre, Lan mil cinq cens trenteneuf. Auecques les vsances lo-||calles dudict pays, & articles de plusieurs constitutions faictes sur || le faict de la Iustice, par plusieurs Roys. Ducz & Princes dudict || pays. Ensemble le proces verbal. [Vignette « Vigilanti »] Auec priuilege du Roy.|| On les vend a Rennes et a Nantes pour Philippes Bour-||goignon, Libraire iure de Luniuersite Dangiers. || 1540

Beyond its rarity, the true value of this volume lies in its prestigious provenance, having belonged successively to Thomas Carte and then to Thomas Astle, as evidenced by their respective signatures. || L’intérêt de cet ouvrage, au-delà de sa rareté, reste sa provenance prestigieuse puisqu’il a appartenu, successivement, à Thomas Carte puis à Thomas Astle, comme l’indiquent leurs signatures respectives.

Thomas Carte (1686-2 avril 1754), fils du révérend Samuel Carte, titulaire d’une maîtrise ès arts du Magdalen College d’Oxford, et frère de Samuel et Sarah Carte, naquit à Clifton, dans le Warwickshire, en 1686. Il s’inscrivit à University College le 8 juillet 1698, puis obtint son diplôme de Brasenose College en 1702. En 1706, il fut incorporé au King’s College de Cambridge, où il reçut sa maîtrise la même année.
Vers 1714, il fut ordonné prêtre, mais refusa cette année-là de prêter le serment d’allégeance. Accusé de haute trahison en 1722, il s’exila en France sous le nom de Philips et ne rentra qu’environ six ans plus tard, vers 1728. Durant son séjour en exil, il rassembla des matériaux en vue d’une édition anglaise de l’Histoire de De Thou, qui furent finalement utilisés pour l’édition latine en sept volumes publiée à Londres en 1733.
À son retour en Angleterre, il entreprit la rédaction de la Vie de Jacques, duc d’Ormonde, parue entre 1735 et 1736, son intérêt pour les affaires irlandaises remontant à sa jeunesse. Il publia ensuite une Histoire d’Angleterre, financée grâce à une société de souscripteurs (voir manuscrit Carte 174), dont la publication s’étala de 1747 à 1755.
Thomas Carte mourut le 2 avril 1754.

Au-dessous : « Tho[mas] Astle »
Thomas Astle (22 décembre 1735-1er décembre 1803) était un antiquaire et paléographe anglais, membre de la Society of Antiquaries et de la Royal Society. Après un stage chez un avocat, il choisit de ne pas exercer cette profession et s’installe à Londres, où il est chargé de réaliser un index pour le catalogue des manuscrits harléiens, publié en 1759. Astle constitue par la suite l’une des plus remarquables collections privées de manuscrits du pays. Sa bibliothèque imprimée, principalement constituée par Morant, est acquise en 1804 auprès de ses exécuteurs testamentaires pour la somme de 1 000 £, par les fondateurs de la Royal Institution.


Thomas Astle par William Ridley (1802)

David Pearson : Book Owners Online = https://bookowners.online/Thomas_Carte_1686-1754 || https://bookowners.online/Thomas_Astle_1735-1803

 

23 Avr 2025
Jean-Luc Deuffic

Le « Canzoniere » de Francesco Petrarca du marquis d’Assérac (1414)

Among the holdings of the distinguished library of Jean-Emanuel de Rieux, Marquis of Assérac (†1657), which I have sought to partially reconstruct, was a manuscript copy of Petrarch’s Canzoniere (Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Cod. ital. 81). This particular manuscript is of exceptional significance, as it was transcribed in 1414 by a certain Feraldus at the behest of Cambio Zambeccari.
Dans la riche bibliothèque de Jean-Emanuel de Rieux, marquis d’Assérac († 1657), que j’ai essayé de reconstituer en partie, figurait un exemplaire manuscrit du Canzoniere de Francesco Petrarca (München, Bayerische Staatsbibliothek, Cod. ital. 81), exemplaire exceptionnel dans la mesure où il fut copié en 1414 par un certain Feraldum à la demande de Cambio Zambeccari.
Le Canzoniere, aussi appelé Rerum vulgarium fragmenta, est un recueil de 366 poèmes en italien composé par Francesco Petrarca (1304-1374), consacré à son amour idéalisé pour Laure, qu’il aperçut en 1327 à Avignon. L’œuvre, surtout composée de sonnets, mêle élégie amoureuse et introspection poétique. Elle se divise en deux parties, marquées par la vie puis la mort de Laure, et explore l’évolution des sentiments du poète. Ce recueil a eu une grande influence sur la poésie européenne, donnant naissance au courant du pétrarquisme. Bien qu’il suive une logique thématique, il ne doit pas être vu comme un journal intime au sens strict [Voir, par ex. Pétrarque, Chansonnier. Rerum vulgarium fragmenta. Édition critique de Giuseppe Savoca ; introduction, traduction et commentaire de Gérard Genot ; avec la collaboration de François Livi, Paris : Les Belles Lettres (Les classiques de l’Humanisme, 31-32), 2009, 2 t., cxix + 909 p.

Portrait de Pétrarque (Francesco Petrarca) (1304-74). Ecole italienne. Galleria Sabauda, Turin, Italy

DESCRIPTION DU MANUSCRIT DE MUNICH
Francisco Petrarcha, Frammenti (Sonetti, Canzoni), Triumphi, Psalmi.
275 × 186 mm. I + 183 + I fol. 1414. Parchemin. Écriture humanistique. Initiales historiées en couleur et or. Armoiries non peintes comme certaines initiales. Deux peintures, fol. 105 et 146 (dont une représentation, en marge, de Pétrarque s’adressant à un ange ?). Numérotation ancienne. Réclames. Quelques inscriptions anciennes, effacées ou peu lisibles, en français (fol. 155, 158, 163v, 168, 175, etc.). Déchirure au fol. 84-85.
Reliure autrefois précieuse, aujourd’hui usée, avec bordure dorée. On y remarque un reste de décor (roue ou horloge centrale) avec inscriptions.
Fol. 1-8. Tabula carminum. Index alphabétique des premiers vers des poèmes du Canzoniere de Pétrarque (RVF : Rerum Vulgarium Fragmenta). Sous chacune des lettres de l’alphabet, les poèmes sont classés par ordre d’apparition. Les RVF 1 à 3 sont manquants en raison de la perte d’un fol. entre les fol. 8 et 9.
Fol. 8v. Extrait de l’Épistole III.24 de Pétrarque. Incipit : Alue (sic) cara deo tellus sanctissima salue … [Explicit :] Salue sancta parens, terrarum gloria salue.
Fol. 9-104. RVF, 4-263 :
Que chinfinita prouidentia et arte
mostro nel suo mirabil magistero…
Fol. 104v-et f. non numéroté, blancs.

Fol. 168. Inscription effacée, de même au bas du feuillet, une autre, à peine lisible, en français (XVe siècle) : « Cy est le IX … »

Fol. 105-145v. RVF, 264-366 :
I vo pensando e nel penser massale
Una pieta si forte dime stesso.
Che mi conduce spesso
Ad altro lagrimar chi non soleva.
Explicit :
Noia te, se non quanto il bel thesoro
Di castita par chella adorni & fregi.
Fol. 145v. Colophon : Completa sunt hec fragmenta Petrarce o[m]nib[u]s alijs meliora per me Feraldus ad placita magnanimi legum doctoris domini Cambij. olim inclite fame d[omi]ni Caroli de Çambeccharijs de Bononia. Anno d[omi]ni 1414. de mense sempte[m]bris.
Fol. 146-179v. Triumphi (dans l’ordre : Mortis II, Fame Ia, Amoris II, Amoris I, Amoris III, Amoris IV, Pudicitie (dans une version raccourcie et modifiée), Mortis I, Fame I, Fame II, Fame III, Temporis, Eternitatis.
Incipit : [L]a nocte che segui lorribil caso / Che spense il sole. Anzil ripose in cielo…
Finit : Et hic finiunt Triumphi Petrarce.
Fol. 180-182v. Les Psaumes pénitentiels de Pétrarque.
[Incipit psalmo primo :] [h]eu michi misero quia iratum aduersus me constitui redemptorem meum.
Finit avec le cinquième, inachevé :
[n]octes mee in merore transeunt et terroribus
agitant innumeris. conscientia concutit insomnem
et male michi est. [s]ompnus meus …
Fol. 182v. D’une main plus récente, sonnet d’un auteur inconnu :
Una angelica ydea in facie humana
vidi di fiori ornata l i capelli
a modo doro relucenti e belli
con gli occhi dargo el fronte de diana.

PROVENANCE
Fol. 183. Notes d’un ancien possesseur, Jacques Tiercelin (XVIe siècle), qui inscrit les dates de naissance de deux de ses enfants :
« Naissance de nobles George et Julies les Tiercelins ».
« L’an de grace 1570 le ven[dre]di 29 iour de decembre envir[on] 6 et 7 heures du matin le soleil estant au signe du Capricorne et la lune au signe d’aquarius regnant pour planette /effacée/ fut née Iules Tiercelin et fut leuée sur le fons par troys poures en tesmoin de quoy jay signé le present escrit de ma main le iour et an que dessus. Jacques Tiercelin. [en marge :] Née en croyssant »
« L’An de grace 1572 le dimanche iour St Pierre 29e de iuin entre onse et douse heures du soir le soleil estant au signe de cancer et la lune au signe des poissons regnant pour planette Mercure fut nay George Tiercelin et fut leué sur les fons par troys poures et nommé par Monsr de St Martin de Villeangloze capitaine de cinquante hommes d’armes, Monsr de la Possoniere Ronsard gouverneur de Vendomoys et Madame du Vau en tesmoin de quoy j’ay signé cest escrit comme l’autre cy dessus. Jacques Tiercelin. [en marge :] Né en decours »

Inscription par Jacques Tiercelin de la naissance de sa fille Julie

Jacques Tiercelin, chevalier de l’Ordre du roi, seigneur de La Chevalerie, La Chapelle-Gaugain, La Moynerye et La Court de Bersay, au pays du Maine, demeurait, avec dame Renée Carreau, de La Carrellière, son épouse, soit en sa maison seigneuriale de La Chapelle-Gaugain, soit au lieu seigneurial de la Chevallerie, paroisse de Sainte-Cerotte (Sarthe en région Pays de la Loire, Archives du Cogner). Gentilhomme ordinaire de la chambre du Roi, Jacques Tiercelin est cité avec la qualité de chevalier de l’Ordre de Saint-Michel, dans un acte du 13 juin 1570 (Bibliothèque nationale de France, Cabinet des Titres, 1041, p. 1145). Il était le fils de Jean Tiercelin, chevalier, seigneur de La Chevalerie, maître d’hôtel du duc de Bretagne, et de Julie d’Itre .
On lui donne une autre fille, non citée dans notre manuscrit, Renée, née le 16 août 1575. Après la mort de sa première épouse, il se remaria le 12 février 1586, à La Chapelle-Gaugain (Sarthe), avec Rolande Le Vasseur, fille d’Antoine Le Vasseur, seigneur de Cogners, de Fargot et d’Aillières.
Le manoir de La Chapelle-Gaugain avait été bâti par Olivier de Ronsart, premier du nom, qui en était seigneur en 1474. La famille le conserva jusqu’à l’année 1575, époque à laquelle Loys de Ronsart en transmit la seigneurie à son cousin Jacques Tiercelin.
Ce dernier, décédé avant 29 juillet 1611, portait d’argent à deux tierces d’azur posées en sautoir accompagnées de quatre merlettes de sable.
Feuille de garde : « Dialion des z / Tiercelin ».
J’ignore pour lors comment Jacques Tiercelin entra en possession de ce manuscrit italien. Un voyage (ou des études) en Italie ?

DÉCORATION
Manuscrit enluminé à Padoue ? Le fol. 105 présente une scène avec un lit de mort, Laura allongée sans vie sous un dais architectural riche, entourée de personnages en deuil debout, dont un Pétrarque méditatif. Voir Joseph Burney Trapp, Studies of Petrarch and His Influence, London : Pindar, 2003, p. 28. Joseph Burney Trapp, « Petrarch’s Laura : The Portraiture of an Imaginary Beloved », dans Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, vol. 64, 2001, p. 55-192.

COPISTE ET COMMANDITAIRE

Au fol. 145v : Completa sunt hec fragmenta Petrarce o[m]nib[u]s aliis meliora per me Feraldum ad placita maynanimi legum doctoris domini Cambij. olim inclite fame d[omi]ni Caroli de Çambeccharijs de Bononia. Anno d[omi]ni. 1414. de mense septe[m]bris
Cambio Zambeccari
, issu d’une illustre famille bolonaise, fils du célèbre Carlo di Cambio Zambeccari, occupa des fonctions éminentes à la cour de Philippe Marie Visconti. Là, il se lia d’amitié avec les plus grands érudits de son époque et partagea avec eux une passion ardente pour la quête des textes de l’Antiquité. Ce fut un collectionneur passionné d’ouvrages moraux anciens et de la vie de Plutarque.
Voir : Ludovico Frati, « Due umanisti bolognesi alla corte ducale di Milano » (Tommaso Tebaldi et Cambio Zambeccari », dans Archivio storico italiano, t. XLIII, 1909, n° 2, p. 367-373.

Les protagonistes, copiste et commanditaire, sont nommés dans une lettre de 1428, adressée par Giovanni Lamola (v. 1400-v. 1450) à Giovanni Aurispa (1376-1459), le célèbre humaniste italien, dont voici une traduction:
Ces derniers jours, maître Feraldus — homme éminent, profondément courtois, doté de nombreuses qualités et de grandes connaissances — est venu ici pour saluer le noble seigneur Cambius Zambeccarius (1), avec qui il entretient de longues et solides relations d’amitié et de proximité.
Comme il se trouvait que je rencontrai Feraldus chez Cambius, après que nous nous fûmes mutuellement embrassés, il me demanda aussitôt des nouvelles de toi et de notre cher Panormite (2). Il me dit que tu te portais bien, que tu occupais une position très honorable, presque royale, ce dont je me réjouis profondément, comme je le devais en retour de tous tes bienfaits, et en vertu de l’affection sincère que je te porte. Il m’a aussi transmis tes nombreuses salutations, affirmant les avoir reçues de toi, alors qu’il se rendait de Bologne à Ferrare.
Cela m’a permis de reconnaître une fois de plus la profonde humanité que tu m’as toujours témoignée — une bonté à laquelle je suis redevable au-delà de ce que les mots peuvent exprimer. En effet, je ressens que ni la distance, ni le silence de nos lettres n’ont pu affaiblir le moindrement ton affection envers moi.
Je garde en mémoire, et garderai toujours, cette grâce et cette générosité extraordinaires dont tu as fait preuve à mon égard lorsque, à deux reprises, tu m’as accueilli avec une hospitalité plus que bienveillante, bien au-delà de mes mérites. Tu m’as même invité à recevoir de toi des bienfaits non négligeables. Combien cela m’a touché — je préférerais l’exprimer par des actes plutôt que par des paroles.
Qu’il me soit cependant permis d’ajouter une chose, non par flatterie, mais par vérité : jamais je ne nierai que tu surpasses, par la dignité, l’intelligence, la richesse et le prestige, la plupart de tes amis. Et pourtant, en ce qui concerne l’affection et l’estime que je te porte, que je sois près de toi ou éloigné, je ne cède la place à personne.
Mais je m’arrête là, de peur qu’on croie que je m’abandonne à un style flatteur, ce que j’ai toujours évité par nature.
Venons plutôt à ce qui éclaire ta dignité et touche de près à ton bonheur exceptionnel : je me réjouis profondément et me félicite que tu aies obtenu cette charge si prestigieuse, si digne de ta vertu, véritablement royale. Je ne doute pas qu’à travers elle, tu atteindras les plus hauts sommets de gloire : en guidant les petits souverains et les princes confiés à tes soins par le destin et la fortune, tu les formeras véritablement à être de vrais princes — enrichis par la science, la sagesse, les conseils, et par tout l’éclat de l’humanité et de la vertu. Tu les rendras si illustres qu’ils porteront ton nom partout avec honneur.
Mais tu feras mieux encore que ce que je peux exprimer ici. Qu’il me suffise d’avoir formulé pour toi ce vœu et ce présage.
Je passe maintenant à ce que l’on m’a ardemment demandé, avec insistance, par un de mes proches. Je sais que, tandis que d’autres se donnent de la peine pour les honneurs, les richesses ou d’autres futilités, toi, tu prends un plaisir profond aux amitiés — les meilleures, comme le disait Laelius, ce qui est la plus belle richesse.
C’est pourquoi, dans ce domaine que tu aimes tant, j’ai décidé de te faire un don non ingrat : celui d’un ami excellent et très savant, Marianus (3), qui t’apporte cette lettre et qui souhaite ardemment se faire recommander auprès de toi. Je lui ai dit que cela te serait facile, en raison de ta bonté naturelle, mais aussi en raison de sa propre vertu et du grand désir qu’il a de te connaître.
Il t’a choisi, parmi les plus illustres des hommes, sur mon conseil et avec mon encouragement, pour placer en toi ses espoirs. Je te prie donc de le recevoir, non en vain, et que mon intervention lui soit bénéfique, et qu’elle montre que ta nature généreuse est bien ce que je lui ai décrite.
Accueille Marianus avec bienveillance, offre-lui ton aide et ton soutien dans toute la mesure permise par ta dignité. C’est un homme digne d’être accueilli dans ton cercle, et que tu ne pourras qu’aimer dès que tu l’auras connu.
Je suis convaincu que tu feras tout cela de toi-même, sans même que je te le demande. Je m’arrête donc là dans ma recommandation, mais je souhaite ajouter une dernière chose : ne pense pas un instant que je t’ai oublié. Je parle souvent de toi avec le noble Cambius, auprès de qui repose ici toute ma fortune — ou plutôt mon infortune.
Sache que ce seigneur t’est extrêmement favorable et se dit ton grand ami. Tu lui deviendras encore plus cher si tu consens à satisfaire une petite demande de sa part : comme tu possèdes, je le sais, un très grand nombre d’œuvres de Plutarque, plus que quiconque, et que tu accueilles cet auteur avec tant d’honneur, Cambius, qui cherche à rassembler toutes les traductions latines de Plutarque, t’en prie vivement.
Il te demande de bien vouloir dresser une liste de toutes les œuvres que Plutarque a écrites, dans tous les genres, et de nous l’envoyer — en particulier la liste des « Vies parallèles » : les vies des Romains, puis, dans l’ordre, celles des étrangers correspondants. Il veut ainsi savoir dans quel ordre les lire, lesquelles il possède déjà, et lesquelles lui manquent.
Je t’en prie, ne refuse pas ce petit effort, par égard pour un homme qui t’est si dévoué.
Adieu, et accueille Marianus, qui part de chez moi, avec tant de chaleur que j’aie le sentiment que ce que tu fais pour lui, c’est aussi un peu pour moi.
Encore une fois, adieu.
Milan, 7 octobre 1428
(Source : Carteggio di Giovanni Aurispa : A cura di Remigio Sabbadini, Roma, 1931, n° XXXXVI – EN LIGNE).

Notes
(1) Zambeccari quitta sa ville natale de Bologne à la fin de l’année 1426 et s’installa à Milan, emmenant avec lui Lamola. Il obtint rapidement une position honorifique à la cour des Visconti, tandis que Lamola poursuivait ses études à l’école de Barzizza, s’occupant à copier et rechercher des manuscrits.
(2) Antonio Beccadelli (1394-1471), humaniste né à Palerme. En 1429, il décrocha le poste de poeta aulicus à la cour du duc de Milan, Philippe Marie Visconti. Début 1434, par l’entremise du secrétaire royal Giacomo Pellegrini, il est rappelé à Palerme par le roi Alphonse d’Aragon, qui l’accueille et le nomme conseiller royal.
(3) Peut-être Mariano Socini l’Ancien (v. 1400-1467), juriste, né à Sienne, mais qui s’intéressait également à l’histoire, à la poésie, à la peinture et à la sculpture.

PROVENANCE ET EX-LIBRIS
Jean-Emanuel de Rieux, marquis d’Assérac : JEm. de Rieux (signature, au fol. 1).

Signature de Jean-Emanuel de Rieux, marquis d’Assérac

Franz Töpsl (1711-1796), chanoine régulier, prévôt de l’abbaye de Polling (Bavière). Plusieurs lettres montrent qu’il était en relation avec Mercier de Saint-Léger, bibliothécaire de l’abbaye de Sainte-Geneviève (Manuscrits et archives de la Bibliothèque Sainte-Geneviève, ms. 947). Ce manuscrit de Pétrarque n’aurait-il pas transité par l’abbaye parisienne ?
Ex-libris gravé sur cuivre : « Franciscus praepositus Cann Regg : in Polling. Anno 1744 ».

Ex-libris gravé de Franz Töpsl

Dans la bibliothèque du marquis d’Assérac se trouvaient encore des ouvrages de Pétrarque dont un, acheté à Rome, en 1629, lors de son séjour prolongé en Italie:

Francisci Petrarchae, … Opera quae extant omnia. In quibus praeter theologica, naturalis moralisque philosophiae praecepta, liberalium quoque artium encyclopediam, historiarum thesaurum & poësis divinam quandam vim pari cum sermonis majestate, conjuncta invenies. Adjecimus ejusdem authoris, quae Hetrusco sermone scripsit carmina rythmos…. Haec quidem omnia nunc iterum summa diligentia a mendis repurgata atque innumerabilibus in locis genuinae integrati restituta et in tomos quatuor distincta … Insigniorum atque doctissimorum… de hoc autore testimonia in praefationes habes. [Vignette] Basileæ excudebat Henrichus Petri [1554],
4 tomes en 2 volumes : [28]-1375-[44] p. In-fol.
Johann Herold signe la dédicace. Précédé d’une vie de Pétrarque par Girolamo Squarzaficus. Au colophon du second volume : « Basileæ per Henricvm Petri mense martio anno M. D. LIIII. ».
Exemplaire :
Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève, FOL Z 50 INV. 44 45 FA
Ex-libris :
Jean-Emanuel de Rieux, marquis d’Asserac, acheté à Rome le 19 août 1629.
Abbaye Sainte-Geneviève, 1753.

Il Petrarcha Con l’espositione d’Alessandro Vellutello, di novo ristampato con piv cose vtili in uarii luoghi aggiunte. [Marque]. In Venetia al segno della speranza M D L.
[8-]316[-4] f., le dernier blanc. In-8°.
Exemplaire :
Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève, 8 Y 1772 INV 3640 FA
Ex-libris :
J. Em. de Rieux
empt. 50 ass.
Bibliographie :
USTC n° 762456 – EDIT16, CNCE 47373.
Ce texte reproduit l’édition des œuvres de Pétrarque réalisée en 1525 par Alessandro Vellutello, connu pour son édition illustrée de Dante (1544). L’ouvrage, qui comprend une biographie de Pétrarque écrite par Vellutello, suivie de divers poèmes et de commentaires marginaux (Sonetti e Canzoni, Triomphi, etc), a été imprimé à Venise, al segno della speranza, presse active de 1544 à 1588. D’abord située à Santa Maria Formosa, elle s’est ensuite installée à San Giuliano. Jusqu’aux années 1570, l’imprimeur était probablement Giovanni della Speranza (Giovanni Francesi ?), d’origine française, qui serait mort en 1571, concepteur de livres souvent de petit format, portant une marque représentant l’Espérance.

BIBLIOGRAPHIE
Georg Martin Thomas, Codices manu scripti Bibliothecae Regiae Monacensis Gallici, Hispanici, Italici, Anglici, Suecici, Danici, Slavici, Esthnici, Hungarici descripti, Monachii : Sumptibus Bibliothecae Regiae, 1858 (Catalogus codicum manu scriptorum Bibliothecae Regiae Monacensis, Tomus 7).
Dorothy C. Shorr, « Some notes on the iconography of Petrarch’s Triumph of Fame », dans The Art bulletin, vol. 20, 1, 1938, p. 100-107 (p. 103). Agostino Sottili, I codici del Petrarca nella Germania occidentale, volume 1, Antenore, 1971, p. 340-341. Simona Cohen, « Catalogue of Illuminated Manuscripts of Petrarch’s Trionfi Located in European and American Collections », dans Transformations of Time and Temporality in Medieval and Renaissance Art, Brill, 2014, p. 313-338. The Petrarch Exegesis in Renaissance Italy Database (PERI) [EN LIGNE]
Manuscrit numérisé sur le site MDZ de la Bayerische StaatsBibliothek (München) [EN LIGNE].

Jean-Luc DEUFFIC, La bibliothèque de Jean-Emanuel de Rieux, marquis d’Assérac (+1657). Essai de reconstitution

ISBN : 979-1097611408. 191 pages. Relié. Format 21 x 28 cm. Illustrations. Index. 553 gr. Prix : 32 euros
Disponible sur : / Available on

https://www.mollat.com/livres/3328735/jean-luc-deuffic-la-bibliotheque-de-jean-emanuel-de-rieux-marquis-d-asserac-1657-essai-de-reconstitution

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