Un texte controversé : la vie de saint Gouesnou
Notre ami André-Yves Bourgès, bien connu pour ses nombreuses et érudites études hagiographiques bretonnes vient de publier aux Lettres Morlaisiennes, une jeune maison d’édition, un texte très controversé des origines bretonnes, la vie de saint Gouesnou . C’est donc aussi l’occasion de faire mémoire ici de notre cher Gwénaël Le Duc (1951-2006), collègue disparu prématurément, lequel s’était également attaqué à ce texte emblématique. Voir notre post : http://pecia.blog.tudchentil.org/2007/08/21/un-ami-nous-a-quitte-gwenael-le-duc-12-octobre-1951-24-decembre-2006/
<<<< La vita de Goëznou, dont le texte n’est plus connu dans son intégralité, connaît aujourd’hui encore une certaine célébrité, alors même que l’historicité du personnage, comme c’est le cas pour presque tous les saints « bretons » de la période héroïque, est inaccessible. Cette relative notoriété de la vita de Goëznou est principalement la conséquence d’une controverse ancienne et durable sur la date de sa composition : controverse de pure histoire littéraire, mais dont les enjeux idéologiques se sont rapidement révélés bien plus importants que le texte qui l’avait fait naître. Plus généralement, il s’agit, au travers de ce cas particulièrement discuté, sinon même disputé, de confronter un texte dans sa dynamique de déperdition d’informations, aux différentes interprétations, parfois malencontreuses, qu’en ont faites certains historiens: les excès qui se remarquent à cette occasion doivent inciter à appliquer la même démarche critique à l’ensemble de la littérature hagiographique, notamment en Bretagne où la geste des saints se déroule entre légendes et histoire.
En annexe est publié pour la première fois le texte de la vita de saint Ténénan, dont plusieurs indices laissent à penser qu’elle est peut-être sortie de la plume du même hagiographe.>>> (André-Yves Bourgès)
Prix : 15 Euros (plus 5 Euros de frais d’expédition)
Renseignements et commandes :
LES LETTRES MORLAISIENNES
leslettresmorlaisiennes@gmail.com
Statue de saint Gouesnou dans la chapelle Saint-Guénolé de Plougastel-Daoulas (Finistère)
Le livre d’heures enluminé en Bretagne
Lorsqu’un projet personnel de deux dizaines d’années voit enfin le jour, c’est bien une nouvelle page de votre vie qui s’ouvre … comme la naissance d’un nouveau né tant attendu. Même si tout ne fut pas facile sur cet énorme « chantier », les satisfactions ont été grandes à découvrir et à admirer tant de richesses. Cet ouvrage, fruit d’une insatiable recherche, représente l’aboutissement d’un lointain projet, construit autour d’une passion pour les livres d’heures. Mais au-delà de la solitude d’un travail, parfois ingrat, s’établit aussi un réseau de contacts, aides indispensables à l’aboutissement d’une si grande entreprise. La persévérance a eu raison de mes compétences limitées, qui maintes fois se sont érigées en barricades … J’ai ainsi bénéficié des échanges constructifs et des notes érudites de mon amie d’Outre Atlantique Diane Booton dont les travaux de bibliologie bretonne m’ont bien servi. Mais cet ouvrage n’aurait pu voir le jour sans l’accueil bienveillant d’Alison Stones, qui a bien voulu l’inclure dans la série « Manuscripta Illuminata« , qu’elle dirige avec Adelaide Bennett sous la supervision du Publishing Manager Johan Van der Beke des éditions BREPOLS. Dans cette grande et historique maison je dois aussi remercier Eleni Souslou qui a supervisé, avec patience je présume, toute la matière de ce livre.
Contempler, toucher, palper un livre d’heures c’est comme pénétrer l’âme de ses anciens possesseurs, c’est en quelque sorte revivre sa minutieuse élaboration, suivre les mains expertes des enlumineurs et des ornemanistes, les manies d’un copiste singulier. Comprendre le manuscrit reste l’objectif principal du chercheur. Né du désir d’un commanditaire, modeste ou prestigieux, le livre d’heures, livre de piété privée par excellence, s’illumine comme le miroir du pécheur en prière. Aussi, s’est-il souvent représenté en imploration devant son saint patron, unique intermédiaire avec Dieu. C’est du moins une grande caractéristique des manuscrits bretons. Un autre élément révélateur de ces livres d’heures, dont l’origine n’est pas toujours établie, reste la présence des saints locaux dans les calendriers ou (et) les litanies. Pour la Bretagne, les diocèses de Saint-Pol-de-Léon et de Vannes nous ont fourni des listes hagiologiques précieuses. Enfin, soulignons l’intérêt des livres de raison, ces livres d’heures portant naissances ou décès des membres d’une même famille, parfois sur plusieurs générations. Documentation inédite de première main, ces ouvrages de piété attestent indéniablement de la diversité de la production manuscrite bretonne et de sa décoration parfois étonnante, dans un contexte plus étendu, celui de la mobilité des hommes et des influences acquises. Du plus modeste au plus luxueux, le livre d’heures offre aux chercheurs une palette suffisamment étendue pour y déceler l’âme bretonne dans toute son infinie complexité.
When a personal project of some two decades finally sees the light, it is indeed a new page of your life that opens … like the birth of an infant so eagerly awaited. Even if all was not easy on this enormous ‘construction site’, there was great satisfaction to discover and admire so many riches. This work, the fruit of insatiable research, represents the completion of a faraway project, built around a passion for books of hours. But beyond the solitude of work, sometimes unappreciated, is the creation of a network of contacts, vital assistance for the completion of such a substantial undertaking. Persistence conquered my limited skills, which many times had set up barricades … I have thus benefited from helpful exchanges and scholarly notes of my friend on the other side of the Atlantic, Diane Booton, whose research on Breton bibliology has assisted me considerably. But this work would not have seen the day without the generous welcome of Alison Stones, who kindly wished to include it in the series ‘Manuscripta Illuminata’, which she manages with Adelaide Bennett under the supervision of Publishing Manager Johan Van der Beke of Brepols Publishers. In this great and historical company, I must also thank Eleni Souslou who supervised, with patience I presume, everything concerning this book.
To gaze, touch, feel a book of hours is to enter the soul of their former owners, to relive its meticulous creation in a way, to follow the skilled hands of illuminators and decorators, the obsessions of a remarkable scribe. To understand a manuscript remains the primary aim of the researcher. Born of a patron’s wishes, modest or prestigious, the book of hours, the ultimate book of private devotion, lights up like the mirror of a sinner in prayer. In addition, he is often represented imploring his patron saint, sole intermediary with God. It is at least a important characteristic of Breton manuscripts. Another revealing aspect of these books of hours, whose origins are not always identified, remains the presence of local saints in the calendars and/or the litanies. With regard to Brittany, the dioceses of Saint-Pol-de-Léon and Vannes provide us with invaluable hagiologic lists. Finally, let us underscore the interest in ‘livres de raison’, these books of hours bearing mentions of births or deaths of members of the same family, sometimes over several generations. Unpublished first-hand documentation, these works of piety attest undeniably to the variety of Breton manuscript production and its sometime astonishing decoration, and in a larger context, to the mobility of men and vested influences. From the most modest to the most luxurious, the book of hours offers researchers a sufficiently extensive palette to detect the Breton soul in all its infinite complexity.
J.-L. Deuffic
Le livre d’heures enluminé en Bretagne
Car sans heures ne puys Dieu prier
Manuscripta Illuminata (MI 5)
742 p., 22 b/w ill. + 125 colour ill., 216 x 280 mm, 2019
ISBN: 978-2-503-58475-1
Hardback // Relié
Les 150 ans du « Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque nationale »
Journée d’étude (lundi 17 décembre 2018)
Fruit d’une collaboration entre l’École nationale des chartes, la Bibliothèque nationale de France et l’Institut de recherche et d’histoire des textes, cette journée étudie chacune des sections du «Cabinet des manuscrits» (1868-1881) de Léopold Delisle et met en lumière ce que cette publication a apporté à notre connaissance de l’histoire des manuscrits et les travaux ou recherches ultérieurs qu’elle a suscités.
Programme:
Mot d’accueil, par Michelle Bubenicek, directrice de l’École nationale des chartes
Introduction, par les organisateurs
Françoise Vielliard (ENC), « “Je les aimais passionnément”. La place du Cabinet des manuscrits dans la carrière de Léopold Delisle »
Véronique de Becdelièvre (BNF) et Monique Peyrafort-Huin (IRHT), « La librairie royale sous Charles V et Charles VI et le “prince des bibliothécaires” : apports et limites des recherches de Léopold Delisle. 1) L’édition des inventaires : un catalogue méthodique. 2) L’identification des personnages cités dans les inventaires »
Marie-Pierre Laffitte (BNF), « La librairie de Blois au travers des sources de Léopold Delisle »
Thomas Falmagne (Bibliothèque nationale du Luxembourg), « Une troisième version du catalogue des manuscrits de Jacques-Auguste de Thou retrouvée à New York »
Jérémy Delmulle (IRHT), « Delisle à l’école des mauristes ? Les archives personnelles des érudits bénédictins dans Le cabinet des manuscrits »
Marie Galvez (BNF), « Présentation du Comité d’histoire de la BnF. Portrait de la Bibliothèque impériale en 1868 »
Charlotte Denoël (BNF — ENC), « Delisle catalographe »
Conclusions, par les organisateurs
Le manuscrit des Coutumes de Bretagne de Julien Chauchart
La Bibliothèque municipale de Saint-Brieuc possède sous la cote 12 un exemplaire des anciennes Coutumes de Bretagne [1], précédées d’un calendrier [2], en latin, célébrant plusieurs saints bretons, parmi lesquels Yves, Méen, Guillaume (évêque de Saint-Brieuc), Armel, Gobrien, Malo, etc. C’est un manuscrit du XVIe siècle de 230 f. aux dimensions de 200 x 145 mm, écrit sur parchemin et papier, relié en plein veau. Au f. 31, se lit cette note A celx qui veulent vivre honestement et faire justice, ils deibvent savoir les coustumes, ordrenances et stilles de Bretaigne
Un ancien possesseur a laissé sa marque au f. 7 :
Ces presantes coustumes sont et apartiennent a Jullien Chauchart sieur de la Vicomté ce dixiesme juign 1594. – Jullien Chauchart
Cette famille Chauchart [3], possessionée à Dinard où elle disposait du manoir de la Vicomté, est mentionné dès 1513 sous le nom de la vicomté de la Motte. La maison manale appartenait encore aux Chauchart en 1541 et en 1678, et fut plus tard aux mains des seigneurs de Pontual et de la Perronnay. Une chapelle dédiée à Notre-Dame-du-Bois, une motte féodale, un colombier, des garennes et des pêcheries sur la Rance, composaient le domaine [4].
En la paroisse de Pleurtuit, les Chauchart possédaient également « le logis du Bois-Thomelin, avec sa chapelle, ses jardins, ses vergers, pourpris, moulin à eau et bois de haute futaie ». Fr. Bérard et Perronnelle Chauchart y sont attestés en 1539 ; notre Julien Chauchart, écuyer, sieur du Mottay, en 1604 [5]. Cette même année il déclare en outre la seigneurie du Chardonnay, sise en la paroisse du Rheu, qu’il vendra en 1624 à P. Ginguené, écuyer [6].
Julien Chauchart, seigneur de la Vicomté [7] et du Mottay, fils de Pierre Chauchart et de Marguerite Le Corvaisier, fut marié en 1608 à Gillette Giraud, fille d’Antoine Giraud, écuyer, seigneur de Clermont et de Gabrielle du Boisguérin, dont il n’eut pas d’enfant. Il descendait de Charles Chauchart, seigneur du Bois, et de Jeanne Heurtaut, vivants à la fin du XVe siècle. [8]
[1] Marcel Planiol, La Très ancienne coutume de Bretagne : avec les assises, constitutions de parlement et ordonnances ducales, suivies d’un recueil de textes divers antérieurs à 1491, Rennes, J. Plihon et L. Hervé & Paris, Champion, 1896. Réimpr. Genève, Slatkine, 1984.
[2] Les premiers folios sont déchirés. L’usage de faire précéder le texte des coutumes d’un calendrier n’est pas propre à la Bretagne. Voir par exemple pour la Normandie, les manuscrits Paris, BnF, Fr. 5336, 5960, 5964, 5965, 14550 (Heures de Notre-Dame), etc. Même après l’apparition de l’imprimerie, se perpétue cette pratique, du moins en Bretagne, comme dans une publication de Thomas Mestrard (1543 x 1548), où le calendrier breton est suivi d’ordonnances et d’arrêts : [Fol. a I :] « Ensuyt le kalendriez pour || trouver les jours ferielz tant a clero que les courtz et jurisdi || ctions, tant ecclesiastiques que secu || liers, des eveschez de Dol, Ren || nes, Nantes, Sainct-Malo et || Vennes cessent de exercez et te || nir, que a clero et populo que les oeu || vres terriennes cessent et doibvent || cesser estre faictes, quelles festes || sont à tel signe D. R. N. M. || V., ainsi que on pourra veoirs || par les moys cy après justifiez, || avecques l’almanach pour trou || ver le nombre d’or, festes mobil || les et aultres choses, avecques || In principio.|| Imprimé à Rennes, pour || Thomas Mestrard ». L’almanach couvre les années 1536-1546. Exemplaire : Bibliothèque nationale de France, Réserve, F. 2274. L. Delisle, Catalogue des livres imprimés ou publiés à Caen avant le milieu du XVIe siècle, I, Caen, 1903, p. 80-81, n° 88.
[3] D’azur, à trois têtes de cygne d ‘argent, becquées et arrachées de gueules.
[4] Nantes, ADLA, B 2165, paroisses de Saint-Enogat et Saint-Erblon : « le manoir de la Vicomté, avec droit de pêche et « gouasmonnerye » dans la Rance, par P. Chauchart (1541), Julien Ch., sieur du Mottay, lequel déclare en outre la seigneurie du Chardonnay, paroisse du Rheu (1604), Noël Ch., écuyer (1628), Jean Ch., écuyer, seigneur du Bois-Thoumelin (1673), etc. »
[5] Nantes, ADLA, B 1270. Le Maître, Inventaire sommaire, p. 302 : « Aveux et dénombrements de terres, de rentes, de fiefs, de maisons, de métairies, de dîmes, de droits réels et honorifiques tenus à charge de foi et hommage, sous le ressort de la barre royale de Dinan, avec les dénominations suivantes : … le logis du Bois-Thomelin avec sa chapelle, ses jardins, vergers, pourpris, moulin à eau et bois de haute futaie, possédé par Fr. Bérard et Perronnelle Chauchart (1539) ; Julien Chauchart, écuyer, sieur du Mottay (1604), Noël Chauchart (1628) et Guillemette Gardin, tutrice de leurs enfants, laquelle a fait aveu aussi pour le bailliage du Mottay (1653) ; Jean Chauchart, écuyer, sieur de la Vicomté et de la Villeneuve (1673) ». Voir également Nantes, ADLA B 1016 : hommage présenté au roi « sous la juridiction de Dinan, par Julien Chauchart, sieur de La Vicomté, pour la terre du Bois, paroisse de Pleurtuit, etc ».
[6] Nantes, ADLA B 2161.
[7] Voir Nantes, ADLA, B 2374, f. 23 : « Julien Chauchart, seigneur de la Vicomté ».
[8] Bulletins et mémoires de la Société d’Émulation des Côtes-du-Nord, 1908, p. 30.
Manuscrit numérisé en partie sur BVMM/IRHT
Texte extrait de : Jean-Luc Deuffic, Notes de bibliologie (Pecia. Le livre et l’écrit, volume 7), p. 45-46 (Brepols on line)