30 Nov 2020
Jean-Luc Deuffic

« Jean de Malzéville m’a écrit … »

Les livres d’heures à l’usage des Carmes étant assez rares, je ne resiste pas à donner ici quelques lignes sur l’ouvrage conservé à la National Library of New Zealand sous la cote MSR-11. Son intérêt tient à ce que le copiste et le destinataire y soient mentionnés, même si sur ces personnages la documentation fait défaut.

Le livre d’heures en question a, en effet, été copié en 1511 au couvent de Baccarat (Meurthe-et-Moselle, Lorraine) par le frère carme Jean de Malzéville, qui au folio 58v inscrit son nom : « f. Jo. de Malzevilla carme(ta) conventus baccareti me scripsit », après avoir, donné la date de son travail (fol. 16v).

Le destinataire ou commanditaire y est représenté au folio 17, avec ces lettres « F.[. .].P. DARGENT », en l’occurrence Frère Pandargent, connu comme prieur de Baccarat en 1505. Effectivement, cette année-là, il s’engageait au nom de sa communauté à chanter à perpétuité après Complies le Salve Regina devant l’image de la Vierge, moyennant 200 francs qui lui avaient été donné par Olry de Blâmont, évêque de Toul (1495-1506).

La destinée de ce livre d’heures l’a conduit entre les mains du savant italien Ferdinando Carli, qui y a apposé sa signature « Dominus Ferdinandus Carli Petrasanctensis », au fol. 103.

Érudit, collectionneur et marchand d’art, Fernidando Carli ( 1578-1641 ), fait l’objet d’une riche notice dans le Dizionario Biografico degli Italiani – Volume 20 (1977) :

https://www.treccani.it/enciclopedia/ferdinando-carli_%28Dizionario-Biografico%29/

Livre d’heures numérisé à l’adresse :

https://ndhadeliver.natlib.govt.nz/delivery/DeliveryManagerServlet?dps_pid=IE3296920&dps_custom_att_1=emu

L’ensemble des photos © National Library of New Zealand

6 Nov 2020
Jean-Luc Deuffic

PECIA 22/23 : Le manuscrit médiéval: texte, objet et outil de transmission

Les 2 prochains volumes de PECIA. LE LIVRE ET L’ÉCRIT (Brepols), en cours de préparation, auront pour thème : “Le manuscrit médiéval: texte, objet et outil de transmission“, avec au sommaire :

Aurore GASSEAU
(Université de Lorraine, CRULH)
Les cycles iconographiques des calendriers des livres d’heures à l’usage de Metz

Jennifer SOLIVAN
(Universidad de Puerto Rico, Recinto de Río Piedras)
Prudentius’ mnemonic images in a twelfth century Psychomachia manuscript

Audrey PENNEL
(Université de Bourgogne)
Jacques d’Armagnac et Jean du Mas, entre bibliophilie et sédition politique

Ismérie TRIQUET
(Université de Rouen)
Des manuscrits pour transmettre l’histoire du duché de Normandie à la fin du Moyen Âge

Gleb SCHMIDT
(Université de Lorraine, CRULH)
Authorial intent and the reality of reading history: the case of Honorius Augustodunensis’ Elucidarium

Diego BELMONTE FERNANDEZ
(Universidad de Sevilla)
Difusión legal en la reconquista española: el manuscrito como herramienta de transmisión en los cabildos capitulares del sur de Castilla

Antonio MARSON FRANCHINI
(St. Cross College, Oxford University)
Nicolas de Biard’s de festis model sermon collection. Preliminary study for an edition

Thibaut RADOMME
(Université de Fribourg – FNS)
De tali amore loquitur Dominus. Les marginalia bilingues de l’Ovide moralisé comme support d’édification dans la fable de Phébus et Daphné

Ilsiona NUH
(Université Clermont Auvergne)
Le miracle marial par personnages dans le ms. BnF, Fr. 819-820 : reflet poétique d’une célébration bourgeoise et urbaine

Ainoa CASTRO CORREA
(Universidad de Salamanca)
Dating and placing Visigothic script codices: A quick guide for beginners

Nathalie CROUZIER-ROLAND
(Université Bordeaux Montaigne)
Construire une mémoire urbaine : les cartulaires municipaux bordelais et libournais
(XIVe-XVe siècle)

Thomas BERGQVIST RYDÉN
(Researcher by Lund Cathedral Chapter / The Historical Museum of Lund University)
The Valréas Book of Hours, Avignon, BM, ms. 1903

Isabel BARROS FELIX
(Université Catholique de Louvain)
Le Traité des quatre dernières choses. Étude comparative des enluminures de trois manuscrits bourguignons du XVe siècle (mss Bruxelles, KBR, 11129, KBR, 9048 et Paris, BnF, Fr. 993)

Estelle GUÉVILLE
(Assistant Researcher – Louvre Abu Dhabi)
Les manuscrits médiévaux occidentaux dans la collection du Louvre Abu Dhabi
2009-2017

Synnøve Midtbø MYKING
(Université de Bergen)
Les livres français en Norvège médiévale : témoins de connexions culturelles, religieuses, sociales

Marjorie MOUREY
(Centre d’études romand)
La marque de l’auteur dans les manuscrits BnF, Fr. 9343-9344
Une proposition d’attribution du Roman de Buscalus à Jean Wauquelin

Gauthier GRÜBER
(CALHISTE / DeScripto – EA 4343
Université polytechnique Hauts de France)
La mort Gerin :Un épisode à la tradition bouleversée dans Girbert de Metz

Armando NORTE
(CHSC-UC; CH-ULisboa)
A library for eternity : Books and textbooks donated on death bed by Mem Peres de Oliveira, a Portuguese ecclesiastical and scholar of the early 15th century

7 Oct 2020
Jean-Luc Deuffic

Un texte controversé : la vie de saint Gouesnou

Notre ami André-Yves Bourgès, bien connu pour ses nombreuses et érudites études hagiographiques bretonnes vient de publier aux Lettres Morlaisiennes, une jeune maison d’édition, un texte très controversé des origines bretonnes, la vie de saint Gouesnou . C’est donc aussi l’occasion de faire mémoire ici de notre cher Gwénaël Le Duc (1951-2006), collègue disparu prématurément, lequel s’était également attaqué à ce texte emblématique. Voir notre post : http://pecia.blog.tudchentil.org/2007/08/21/un-ami-nous-a-quitte-gwenael-le-duc-12-octobre-1951-24-decembre-2006/

<<<< La vita de Goëznou, dont le texte n’est plus connu dans son intégralité, connaît aujourd’hui encore une certaine célébrité, alors même que l’historicité du personnage, comme c’est le cas pour presque tous les saints « bretons » de la période héroïque, est inaccessible. Cette relative notoriété de la vita de Goëznou est principalement la conséquence d’une controverse ancienne et durable sur la date de sa composition : controverse de pure histoire littéraire, mais dont les enjeux idéologiques se sont rapidement révélés bien plus importants que le texte qui l’avait fait naître. Plus généralement, il s’agit, au travers de ce cas particulièrement discuté, sinon même disputé, de confronter un texte dans sa dynamique de déperdition d’informations, aux différentes interprétations, parfois malencontreuses, qu’en ont faites certains historiens: les excès qui se remarquent à cette occasion doivent inciter à appliquer la même démarche critique à l’ensemble de la littérature hagiographique, notamment en Bretagne où la geste des saints se déroule entre légendes et histoire.
En annexe est publié pour la première fois le texte de la vita de saint Ténénan, dont plusieurs indices laissent à penser qu’elle est peut-être sortie de la plume du même hagiographe.>>> (André-Yves Bourgès)

Prix : 15 Euros (plus 5 Euros de frais d’expédition)
Renseignements et commandes :
LES LETTRES MORLAISIENNES
leslettresmorlaisiennes@gmail.com

 


Statue de saint Gouesnou dans la chapelle Saint-Guénolé de Plougastel-Daoulas (Finistère)

7 Sep 2020
Jean-Luc Deuffic

Le livre d’heures enluminé en Bretagne

Lorsqu’un projet personnel de deux dizaines d’années voit enfin le jour, c’est bien une nouvelle page de votre vie qui s’ouvre … comme la naissance d’un nouveau né tant attendu. Même si tout ne fut pas facile sur cet énorme “chantier”, les satisfactions ont été grandes à découvrir et à admirer tant de richesses. Cet ouvrage, fruit d’une insatiable recherche, représente l’aboutissement d’un lointain projet, construit autour d’une passion pour les livres d’heures. Mais au-delà de la solitude d’un travail, parfois ingrat, s’établit aussi un réseau de contacts, aides indispensables à l’aboutissement d’une si grande entreprise. La persévérance a eu raison de mes compétences limitées, qui maintes fois se sont érigées en barricades …  J’ai ainsi bénéficié des échanges constructifs et des notes érudites de mon amie d’Outre Atlantique Diane Booton dont les travaux de bibliologie bretonne m’ont bien servi. Mais cet ouvrage n’aurait pu voir le jour sans l’accueil bienveillant d’Alison Stones, qui a bien voulu l’inclure dans la série “Manuscripta Illuminata“, qu’elle dirige avec  Adelaide Bennett sous la supervision du Publishing Manager Johan  Van der Beke des éditions BREPOLS. Dans cette grande et historique maison je dois aussi remercier Eleni Souslou qui a supervisé, avec patience je présume, toute la matière de ce livre.
Contempler, toucher, palper un livre d’heures c’est comme pénétrer l’âme de ses anciens possesseurs, c’est en quelque sorte revivre sa minutieuse élaboration, suivre les mains expertes des enlumineurs et des ornemanistes, les manies d’un copiste singulier. Comprendre le manuscrit reste l’objectif principal du chercheur. Né du désir d’un commanditaire, modeste ou prestigieux, le livre d’heures, livre de piété privée par excellence, s’illumine comme le miroir du pécheur en prière. Aussi, s’est-il souvent représenté en imploration devant son saint patron, unique intermédiaire avec Dieu. C’est du moins une grande caractéristique des manuscrits bretons. Un autre élément révélateur de ces livres d’heures, dont l’origine n’est pas toujours établie, reste la présence des saints locaux dans les calendriers ou (et) les litanies. Pour la Bretagne, les diocèses de Saint-Pol-de-Léon et de Vannes nous ont fourni des listes hagiologiques précieuses. Enfin, soulignons l’intérêt des livres de raison, ces livres d’heures portant naissances ou décès des membres d’une même famille, parfois sur plusieurs générations. Documentation inédite de première main, ces ouvrages de piété attestent indéniablement de la diversité de la production manuscrite bretonne et de sa décoration parfois étonnante, dans un contexte plus étendu, celui de la mobilité des hommes et des influences acquises. Du plus modeste au plus luxueux, le livre d’heures offre aux chercheurs une palette suffisamment étendue pour y déceler l’âme bretonne dans toute son infinie complexité.

When a personal project of some two decades finally sees the light, it is indeed a new page of your life that opens … like the birth of an infant so eagerly awaited. Even if all was not easy on this enormous ‘construction site’, there was great satisfaction to discover and admire so many riches. This work, the fruit of insatiable research, represents the completion of a faraway project, built around a passion for books of hours. But beyond the solitude of work, sometimes unappreciated, is the creation of a network of contacts, vital assistance for the completion of such a substantial undertaking. Persistence conquered my limited skills, which many times had set up barricades … I have thus benefited from helpful exchanges and scholarly notes of my friend on the other side of the Atlantic, Diane Booton, whose research on Breton bibliology has assisted me considerably. But this work would not have seen the day without the generous welcome of Alison Stones, who kindly wished to include it in the series ‘Manuscripta Illuminata’, which she manages with Adelaide Bennett under the supervision of Publishing Manager Johan Van der Beke of Brepols Publishers. In this great and historical company, I must also thank Eleni Souslou who supervised, with patience I presume, everything concerning this book.
To gaze, touch, feel a book of hours is to enter the soul of their former owners, to relive its meticulous creation in a way, to follow the skilled hands of illuminators and decorators, the obsessions of a remarkable scribe. To understand a manuscript remains the primary aim of the researcher. Born of a patron’s wishes, modest or prestigious, the book of hours, the ultimate book of private devotion, lights up like the mirror of a sinner in prayer. In addition, he is often represented imploring his patron saint, sole intermediary with God. It is at least a important characteristic of Breton manuscripts. Another revealing aspect of these books of hours, whose origins are not always identified, remains the presence of local saints in the calendars and/or the litanies. With regard to Brittany, the dioceses of Saint-Pol-de-Léon and Vannes provide us with invaluable hagiologic lists. Finally, let us underscore the interest in ‘livres de raison’, these books of hours bearing mentions of births or deaths of members of the same family, sometimes over several generations. Unpublished first-hand documentation, these works of piety attest undeniably to the variety of Breton manuscript production and its sometime astonishing decoration, and in a larger context, to the mobility of men and vested influences. From the most modest to the most luxurious, the book of hours offers researchers a sufficiently extensive palette to detect the Breton soul in all its infinite complexity.

J.-L. Deuffic
Le livre d’heures enluminé en Bretagne
Car sans heures ne puys Dieu prier
Manuscripta Illuminata (MI 5)
742 p., 22 b/w ill. + 125 colour ill., 216 x 280 mm, 2019
ISBN: 978-2-503-58475-1
Hardback // Relié

BREPOLS Publishers

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