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12 Sep 2021
Jean-Luc Deuffic

HERIBERT TENSCHERT : à propos de nos livres d’heures de Bretagne


HERIBERT TENSCHERT

Dans le monde assez fermé de la vente du manuscrit enluminé, HERIBERT TENSCHERT occupe une place privilégiée, au sommet même de la discipline. Depuis plus de 45 ans, cet homme, amoureux du livre manuscrit, a fait de l’art de collectionner son métier et sa passion. Nombre de trésors sont passés entre ses mains expertes, trésors qu’il a fait connaître de par le monde au travers de ses nombreux catalogues érudits somptueusement illustrés.
Heribert Tenschert est né en 1947 d’une famille de réfugiés de Silésie/ Bohème installée en Bavière (Allemagne). Après des études de littérature et de philologie allemandes et romanes (1969-1977) à l’université de Fribourg-en-Brisgau, avec Erich Köhler (1924-1981), il ouvre une librairie spécialisée à Rotthalmünster, en pays bavarois. Intéressé à l’origine par la bibliophilie moderne (épisode Franz Kafka), il se consacre principalement par la suite aux ouvrages médiévaux et plus particulièrement aux livres d’heures, tant manuscrits qu’imprimés. Parmi ses nombreux clients figure l’industriel et collectionneur d’art allemand Kurt Bösch, propriétaire alors de la Bibermühle, résidence « seigneuriale » près de Ramsen (Suisse), au bord du Rhin, composée du moulin d’origine avec ses dépendances et d’une villa aux allures de château, construite par Albrecht Sulzer en 1918.
C’est dans ce magnifique domaine de Bibermühle qu’il acquiert en 1993, que notre collectionneur passionné déploie toute son énergie dans l’expertise des plus beaux et des plus précieux manuscrits enluminés, tant pour leur illustre provenance (souvent royale) que pour leur somptueuse décoration (attribuée aux maîtres les plus prestigieux).
Heribert Tenschert, collectionneur, est avant tout un « connoisseur » doté d’une mémoire fabuleuse. En France, en 2002, il reçoit le grade de Chevalier de l’ordre des arts et des lettres et la communauté universitaire, au vue de ses compétences, a jugé bon de le nommer à juste titre docteur honoris causa de l’Albert-Ludwigs-Universität de Fribourg-en-Brisgau en 2010.
Bibermühle abrite ainsi la plus grande collection au monde de livres d’heures imprimés, ainsi que le plus important ensemble de livres illustrés du XVIIIe siècle (environ 2600 ouvrages), la plus belle réunion de reliures mosaïquées du XVIIIe siècle, et une collection unique de livres illustrés français de l’époque romantique (vers 1825-1875, environ 1000 volumes).


« à compartiments »

Heribert Tenschert s’est entouré des meilleurs spécialistes. Pas étonnant donc, si la plume et les connaissances d’historien d’art du professeur Eberhard König rehausse encore davantage  ses riches catalogues depuis de nombreuses années. Le dernier en date (Katalog LXXXVIII, 2021) est entièrement consacré au livre d’heures de Claude de Toulongeon (1), seigneur de Traves, de la Bastie, du Chastelier, etc… chevalier de la Toison d’or en 1481, un des principaux opposants à Louis XI en Bourgogne, lequel occupa plusieurs fonctions importantes : conseiller et chambellan de l’archiduc en 1477. Marié en février 1476 avec Guillemette de Vergy, dame de Bourbon-Lancy (+1504), veuve de Guillaume de Pontailler, seigneur de Talmay, fille de Charles de Vergy et de Claude de La Trémoille.


Les Heures de Claude de Toulongeon

Ma rencontre avec Heribert Tenschert s’est faite assez simplement, mais dans un lieu prestigieux, sous la coupole du Grand Palais, à Paris, lors d’un Salon International du Livre Ancien, toujours très fréquenté. Mes yeux avaient été attirés par le splendide livre d’heures de Jean Troussier, sénéchal de Lamballe (v. 1420-1430), d’une fraicheur exceptionnelle, exposé dans une de ces vitrines où s’étalaient bien d’autres merveilles.
Depuis plusieurs années déjà, je travaillais à rassembler un corpus des livres enluminés de Bretagne (2). Cette rencontre avec Heribert Tenschert me fut dès lors bénéfique, d’autant que plusieurs de ces ouvrages bretons étaient déjà passés entre ses mains. Quel bonheur d’échanger avec Heribert Tenschert ! De passionné à passionné il n’y a pas de frontières … Je dois bien remercier le destin de m’avoir fait connaître cet exceptionnel collectionneur, et surtout d’apprécier les qualités de l’homme qu’il est, autant par ses connaissances que par son humanisme. Depuis, nos contacts restent réguliers et c’est toujours avec grand plaisir de correspondre avec lui sur des sujets communs, à découvrir de nouvelles provenances.

Parmi les heures bretonnes rassemblées dans mon récent corpus, plusieurs ont « transité » par Heribert Tenschert. Je les donne ci-dessous avec leur numéro respectif dans l’ordre où ils sont placés dans notre ouvrage :
[57] Rennes Métropole, Bibliothèque, ms. 1509. Heures Du Chalonge-Boüan. Manuscrit numérisé sur BVMM/IRHT.
[61] Collection privée. Heures de Guémadeuc. Livre d’heures à l’usage de Rome, du capitaine Tanneguy Madeuc et de son épouse, Anne du Fou. Paris? Lyon? Bourges? vers 1500, par le Maître d’Antoine de Roche (Guido Mazzoni, v. 1450-1518), et le Maître du Spencer 6 (ou le Maître de Guillaume Lambert, de Lyon). Ce manuscrit a fait l’objet d’une somptueuse reproduction fac-similé publiée par Heribert Tenschert, commentée par Eberhard König, en 2001: Eberhard König, Das Guémadeuc-Stundenbuch. Der Maler des Antoine de Roche und Guido Mazzoni aus Modena, Kommentar zur Faksimile-Edition mit einem genealogischen Essay von Xavier Ferrieu, Rotthalmünster (Allemagne) : Ramsen (Suisse) : H. Tenschert. Collection : Illuminationen ; 3.


Heures de Guémadeuc, enluminées par Guido Mazzoni

[73] Collection privée. Livre d’heures à l’usage de Paris, de Jean Troussier, procureur général de Bretagne gallo et sénéchal de Lamballe. Paris, vers 1420-1430. Dites Heures de la Gaptière (3).
[82] New York, The Morgan Library & Museum, ms. M.1135. Livre d’heures à l’usage de Rome. Bourges ? vers 1522. Heures de Maubruny.
[83] Collection privée. Livre d’heures à l’usage de Poitiers. Tours, vers 1480. Heures du Pou.
[123] Collection privée. Livre d’heures à l’usage de Rome. Nantes ?, vers 1450. Décoration : Maître de Jacques d’Armagnac ? Maître des Heures d’Oxford ?
[149] Rennes Métropole, Bibliothèque, ms. 2054. Livre d’heures à l’usage de Rennes. Nantes?, vers 1460. Achat 2007 (Heribert Tenschert). Manuscrit numérisé sur les Tablettes Rennaises.
[157] Collection privée. Heures à l’usage de Rennes (ou Le Mans?). Rennes?, vers 1440.
[161] Collection privée. Livres d’heures à l’usage de Rennes. Bretagne, vers 1440. Commanditaire : un membre de la famille Le Veneur (Pierre?).
[165] Collection privée. Livre d’heures à l’usage de Rennes, vers 1420. Commanditaire non identifié (XVe siècle) ‒ Pierre Legros (XVIIIe siècle), Angers.
[207] Collection privée. Livres d’heures de Jean de Noual et de Jeanne Maingard, de Saint-Malo. Gand, Bruges, 17 mai 1499.


Heures de Jean Troussier, sénéchal de Lamballe. Heures de La Gaptière

Au-delà de cette liste de livres d’heures, tous aussi intéressants les uns que les autres, c’est l’amour du manuscrit qui nous rassemble. L’étude du livre « objet » s’est élargie aujourd’hui à des aspects jusque là quelque peu négligés. Tout a pris de l’importance dans les détails même du manuscrit, de la découverte d’un commanditaire jusqu’à l’identification des provenances. Connaître un livre c’est comprendre aussi son lecteur. On doit à Heribert Tenschert cette volonté suprême de sublimer le livre dans toutes ses composantes.

Notes
(1) Prof. Dr. Eberhard König, Katalog LXXXVIII, The Book of Hours of Claude of Toulongeon. Heribert Tenschert, 2021. 151 p., 100 illustrations coul. ISBN 978-3-906069-36-4.
(2) Jean-Luc Deuffic, Le livre d’heures enluminé en Bretagne – Car sans heures ne puys Dieu prier –, Collection Manuscripta Illuminata (MI 5), 742 p., 22 b/w ill. + 125 colour ill., 216 x 280 mm, 2019. ISBN: 978-2-503-58475-1. Turnhout: Brepols Publishers.
(3) Sur ces Heures, voir Prof. Eberhard König, Das Pariser Stundenbuch an der Schwelle zum 15. Jahrhundert. Die Heures de Joffroy und weitere unbekannte Handschriften, Antiquariat Bibermühle, 2011 (Studien und Monographien num. 15), p. 279-306, 19 pl. Jean-Luc Deuffic , « Miscellanées bretonnes : la page dans tous ses états : XV. Le commanditaire breton des « Heures de La Gaptière »« , dans Pecia, 16, 2013, Performance and the Page,  p. 221-228.

Sources
HERIBERT TENSCHERT (Site)
Andreas Platthaus, « Der Herr der alten Bücher », Frankfurter Allgemeine Zeitung,‎ 21 juillet 2010 (en ligne)
Lilli Binzegger, « Heribert Tenscherts Tresor » (en ligne)
D. Courvoisier, « Notes de lecture. Univers romantique. Les Français peints par eux-mêmes », dans Bulletin du Bibliophile, 2018, p. 409-411.


Le livre d’heures enluminé en Bretagne

28 Juin 2021
Jean-Luc Deuffic

La Bretagne des origines : de nouvelles approches. IrCaBriTT et CODECS

La Bretagne carolingienne n’a pas encore dévoilé tous ses mystères et ses richesses et les zones d’ombre sont encore nombreuses sur cette période et celle qui la précède. L’absence flagrante de documentation originale complique l’approche de l’historien. La dispersion des élites bretonnes à l’époque des grandes invasions scandinaves (IX-Xe siècle) s’est accompagnée d’une atomisation des collections monastiques contribuant à un éparpillement significatif des manuscrits échappés au vandalisme.

En 1985, lors d’un mémorable colloque organisé pour le 15e centenaire de l’abbaye Saint-Guénolé de Landévennec, j’avais modestement fait un état des lieux de la question (1) en dressant un catalogue des manuscrits bretons, initialement à partir de données puisées aux travaux pertinents du regretté professeur Léon Fleuriot (1923-1987) et aux contacts que j’avais alors avec l’éminent paléographe allemand Bernard Bischoff (1906-1991).

Depuis cette époque, quelques études ont été consacrées à tel ou tel manuscrit breton (2), mais pour lors nous attendons toujours une histoire globale des scriptoria armoricains dans un contexte plus large, celui de leurs relations avec les centres culturels de la grande Celtie. Aussi, c’est avec beaucoup d’intérêt que nous assistons à la genèse de plusieurs bases documentaires liées à cette problématique.

Mention particulière, tout d’abord, au projet « Ireland and Carolingian Brittany: Texts and Transmission » (IrCaBriTT) financé par Laureate Awards Scheme de l’Irish Research Council et dirigé par le Dr Jacopo Bisagni (Classics, NUI Galway).

Le projet IrCaBriTT explore les échanges culturels entre l’Irlande, la Bretagne et la Francia à l’époque carolingienne (vers 750-1000). Plus précisément, l’un des principaux objectifs du projet est d’évaluer l’impact de l’héritage littéraire et savant de l’Irlande paléochrétienne sur la formation de l’identité textuelle et culturelle de l’élite intellectuelle de la Bretagne médiévale.
IrCaBriTT se concentre sur un groupe nouvellement découvert de textes très distinctifs du début du Moyen Âge sur le comput (science du calcul du temps) et l’exégèse biblique, tous montrant des liens clairs avec la Bretagne. En plus de fournir de nouvelles preuves substantielles pour des domaines jusqu’ici négligés de l’éducation et de l’érudition bretonnes à l’époque carolingienne, ces travaux démontrent la contribution formative de l’apprentissage irlandais médiéval au développement des idées « scientifiques » et religieuses bretonnes entre la fin du VIIIe et le début du Xe siècle.
L’intégration de ces nouvelles preuves dans une évaluation globale de la transmission bretonne des textes hiberno-latins permet de reconstruire et de comprendre les réseaux intellectuels qui ont lié les scriptoria insulaires, bretons et francs où ces œuvres ont été produites, copiées et étudiées.
Les chercheurs trouveront en ligne une riche Handlist of Breton Manuscripts, c. AD 780–1100 (DHBM), travail remarquable de Jacopo Bisagni (avec les contributions de Sarah Corrigan), précédée d’une utile présentation sur les caractéristiques du « manuscrit breton ».
La base s’accompagne d’une bibliographie exhaustive et d’une liste de ressources internet.
Le projet IrCaBriTT marque une étape décisive dans l’étude de la Bretagne carolingienne. Saluons donc la très belle initiative de Jacopo Bisagni, en espérant qu’elle suscite de nouvelles idées parmi nos jeunes chercheurs bretons …

Dans cette même optique, signalons CODECS: Collaborative Online Database and e-Resources for Celtic Studies, publiée par la A. G. van Hamel Foundation for Celtic Studies. Textes, manuscrits et bibliographie composent cette riche base.
CODECS, acronyme de Collaborative Online Database and e-Resources for Celtic Studies, est une plateforme en ligne publiée par la Fondation A. G. van Hamel pour les études celtiques, basée aux Pays-Bas. Il présente une tentative continue de construire un catalogue descriptif complet des sources d’intérêt pour les études celtiques, y compris texte et manuscrit inédits, ainsi qu’une bibliographie qui contient actuellement plus de 20 000 références. De plus, pour enrichir les façons dont les utilisateurs peuvent découvrir et explorer ces ressources anciennes, il fournit des informations structurées sur les contenus ainsi que sur les contextes ou les provenances des sources décrites.
Parmi les ressources annexes nous trouvons même le dictionnaire néerlandais-breton de Jan Deloof (2004).

(1) Jean-Luc Deuffic, “La production manuscrite des scriptoria bretons (VIIIe-XIe siècle)”, in: Simon, Marc (ed.), Landévennec et le monachisme breton dans le haut Moyen Âge: actes du colloque du 15e centenaire de l’abbaye de Landévennec, 25-26-27 avril 1985, Association Landévennec 485-1985, Landévennec: Association Landévennec, 1986. 289-321.
(2) Je pense, par exemple, aux travaux de David N. Dumville et de Louis Lemoine. Avec le CRBC (Centre de Recherche Bretonne et Celtique), le CIRDOMOC, que j’ai contribué à créer au lendemain du colloque précité, fédéralise aujourd’hui une grande partie des études celtiques en Bretagne.

Illustrations: New York, Public Library, 115 / Boulogne, BM, 8

7 Oct 2020
Jean-Luc Deuffic

Un texte controversé : la vie de saint Gouesnou

Notre ami André-Yves Bourgès, bien connu pour ses nombreuses et érudites études hagiographiques bretonnes vient de publier aux Lettres Morlaisiennes, une jeune maison d’édition, un texte très controversé des origines bretonnes, la vie de saint Gouesnou . C’est donc aussi l’occasion de faire mémoire ici de notre cher Gwénaël Le Duc (1951-2006), collègue disparu prématurément, lequel s’était également attaqué à ce texte emblématique. Voir notre post : http://pecia.blog.tudchentil.org/2007/08/21/un-ami-nous-a-quitte-gwenael-le-duc-12-octobre-1951-24-decembre-2006/

<<<< La vita de Goëznou, dont le texte n’est plus connu dans son intégralité, connaît aujourd’hui encore une certaine célébrité, alors même que l’historicité du personnage, comme c’est le cas pour presque tous les saints « bretons » de la période héroïque, est inaccessible. Cette relative notoriété de la vita de Goëznou est principalement la conséquence d’une controverse ancienne et durable sur la date de sa composition : controverse de pure histoire littéraire, mais dont les enjeux idéologiques se sont rapidement révélés bien plus importants que le texte qui l’avait fait naître. Plus généralement, il s’agit, au travers de ce cas particulièrement discuté, sinon même disputé, de confronter un texte dans sa dynamique de déperdition d’informations, aux différentes interprétations, parfois malencontreuses, qu’en ont faites certains historiens: les excès qui se remarquent à cette occasion doivent inciter à appliquer la même démarche critique à l’ensemble de la littérature hagiographique, notamment en Bretagne où la geste des saints se déroule entre légendes et histoire.
En annexe est publié pour la première fois le texte de la vita de saint Ténénan, dont plusieurs indices laissent à penser qu’elle est peut-être sortie de la plume du même hagiographe.>>> (André-Yves Bourgès)

Prix : 15 Euros (plus 5 Euros de frais d’expédition)
Renseignements et commandes :
LES LETTRES MORLAISIENNES
leslettresmorlaisiennes@gmail.com

 


Statue de saint Gouesnou dans la chapelle Saint-Guénolé de Plougastel-Daoulas (Finistère)

7 Sep 2020
Jean-Luc Deuffic

Le livre d’heures enluminé en Bretagne

Lorsqu’un projet personnel de deux dizaines d’années voit enfin le jour, c’est bien une nouvelle page de votre vie qui s’ouvre … comme la naissance d’un nouveau né tant attendu. Même si tout ne fut pas facile sur cet énorme « chantier », les satisfactions ont été grandes à découvrir et à admirer tant de richesses. Cet ouvrage, fruit d’une insatiable recherche, représente l’aboutissement d’un lointain projet, construit autour d’une passion pour les livres d’heures. Mais au-delà de la solitude d’un travail, parfois ingrat, s’établit aussi un réseau de contacts, aides indispensables à l’aboutissement d’une si grande entreprise. La persévérance a eu raison de mes compétences limitées, qui maintes fois se sont érigées en barricades …  J’ai ainsi bénéficié des échanges constructifs et des notes érudites de mon amie d’Outre Atlantique Diane Booton dont les travaux de bibliologie bretonne m’ont bien servi. Mais cet ouvrage n’aurait pu voir le jour sans l’accueil bienveillant d’Alison Stones, qui a bien voulu l’inclure dans la série « Manuscripta Illuminata« , qu’elle dirige avec  Adelaide Bennett sous la supervision du Publishing Manager Johan  Van der Beke des éditions BREPOLS. Dans cette grande et historique maison je dois aussi remercier Eleni Souslou qui a supervisé, avec patience je présume, toute la matière de ce livre.
Contempler, toucher, palper un livre d’heures c’est comme pénétrer l’âme de ses anciens possesseurs, c’est en quelque sorte revivre sa minutieuse élaboration, suivre les mains expertes des enlumineurs et des ornemanistes, les manies d’un copiste singulier. Comprendre le manuscrit reste l’objectif principal du chercheur. Né du désir d’un commanditaire, modeste ou prestigieux, le livre d’heures, livre de piété privée par excellence, s’illumine comme le miroir du pécheur en prière. Aussi, s’est-il souvent représenté en imploration devant son saint patron, unique intermédiaire avec Dieu. C’est du moins une grande caractéristique des manuscrits bretons. Un autre élément révélateur de ces livres d’heures, dont l’origine n’est pas toujours établie, reste la présence des saints locaux dans les calendriers ou (et) les litanies. Pour la Bretagne, les diocèses de Saint-Pol-de-Léon et de Vannes nous ont fourni des listes hagiologiques précieuses. Enfin, soulignons l’intérêt des livres de raison, ces livres d’heures portant naissances ou décès des membres d’une même famille, parfois sur plusieurs générations. Documentation inédite de première main, ces ouvrages de piété attestent indéniablement de la diversité de la production manuscrite bretonne et de sa décoration parfois étonnante, dans un contexte plus étendu, celui de la mobilité des hommes et des influences acquises. Du plus modeste au plus luxueux, le livre d’heures offre aux chercheurs une palette suffisamment étendue pour y déceler l’âme bretonne dans toute son infinie complexité.

When a personal project of some two decades finally sees the light, it is indeed a new page of your life that opens … like the birth of an infant so eagerly awaited. Even if all was not easy on this enormous ‘construction site’, there was great satisfaction to discover and admire so many riches. This work, the fruit of insatiable research, represents the completion of a faraway project, built around a passion for books of hours. But beyond the solitude of work, sometimes unappreciated, is the creation of a network of contacts, vital assistance for the completion of such a substantial undertaking. Persistence conquered my limited skills, which many times had set up barricades … I have thus benefited from helpful exchanges and scholarly notes of my friend on the other side of the Atlantic, Diane Booton, whose research on Breton bibliology has assisted me considerably. But this work would not have seen the day without the generous welcome of Alison Stones, who kindly wished to include it in the series ‘Manuscripta Illuminata’, which she manages with Adelaide Bennett under the supervision of Publishing Manager Johan Van der Beke of Brepols Publishers. In this great and historical company, I must also thank Eleni Souslou who supervised, with patience I presume, everything concerning this book.
To gaze, touch, feel a book of hours is to enter the soul of their former owners, to relive its meticulous creation in a way, to follow the skilled hands of illuminators and decorators, the obsessions of a remarkable scribe. To understand a manuscript remains the primary aim of the researcher. Born of a patron’s wishes, modest or prestigious, the book of hours, the ultimate book of private devotion, lights up like the mirror of a sinner in prayer. In addition, he is often represented imploring his patron saint, sole intermediary with God. It is at least a important characteristic of Breton manuscripts. Another revealing aspect of these books of hours, whose origins are not always identified, remains the presence of local saints in the calendars and/or the litanies. With regard to Brittany, the dioceses of Saint-Pol-de-Léon and Vannes provide us with invaluable hagiologic lists. Finally, let us underscore the interest in ‘livres de raison’, these books of hours bearing mentions of births or deaths of members of the same family, sometimes over several generations. Unpublished first-hand documentation, these works of piety attest undeniably to the variety of Breton manuscript production and its sometime astonishing decoration, and in a larger context, to the mobility of men and vested influences. From the most modest to the most luxurious, the book of hours offers researchers a sufficiently extensive palette to detect the Breton soul in all its infinite complexity.

J.-L. Deuffic
Le livre d’heures enluminé en Bretagne
Car sans heures ne puys Dieu prier
Manuscripta Illuminata (MI 5)
742 p., 22 b/w ill. + 125 colour ill., 216 x 280 mm, 2019
ISBN: 978-2-503-58475-1
Hardback // Relié

BREPOLS Publishers

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