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21 Août 2015
Jean-Luc Deuffic

Guillaume Le Bret et Jehanne Paluel : des \”ornemanistes\” bretons révélés par un livre d’heures à l’usage de Saint-Malo (Rennes, BM, ms. 1510)?


© Bibliothèque Rennes Métropole. Nativité, f. 37, détail.

Plusieurs des livres d’heures possédés par la Bibliothèque Métropole de Rennes ont fait l’objet sur ce blog de notes diverses. 
Il en est un, malgré sa modeste allure (\”lamentable\”, comme le précisait en 1992 le Prof. Eberhard König), qui nous a très récemment laissé sur une joie toute particulière. Nous y avons en effet relevé un élément inédit : sa décoration, du moins en partie, a été signée par un couple qui nous semble être les ornemanistes du manuscrit, ces artisans spécialisés dans l’exécution d’initiales filigranées, entre autres. Cette découverte a bien entendu été facilitée par la numérisation du manuscrit (BVMM/IRHT et Tablettes Rennaises).  


© Bibliothèque Rennes Métropole
Ci-dessus, f. 26, les noms de Guillaume Le Bret et de Jehanne Paluel reliés ensemble avec un \”coeur\”.

La pratique de ces signatures ne semble guère courante quand on sait que la grande majorité des enluminures médiévales reste anonyme. Peter Kidd, dont je salue ici le travail (voir son excellent blog Medieval Manuscripts Provenance), me signale par exemple le cas de Stephanus de Aquila étudié par François Avril, un copiste attaché probablement à la chancellerie pontificale, auquel on doit un livre d’heures (Escorial (h.iV.9) et dont le nom se retrouve dans un décor filigrané très élaboré du manuscrit Latin 4969 de la Bibliothèque nationale de France (1). Ici le copiste prend part à la décoration de son manuscrit. De même, François Avril a écrit quelques pages sur \”Un enlumineur ornemaniste parisien de la première moitié du XIVe siècle : Jacobus Mathey (Jaquet Maci ?)\” (Bulletin Monumental, t. 129, 1971, p. 249-264). Mais nous sommes là déjà en terrain plus luxueux!

Dans notre cas (bien plus modeste il est vrai), celui du livre d’heures à l’usage de Saint-Malo (Rennes, Bibliothèque Métropole, ms. 1510), Guillaume Le Bret et Jehanne Paluel ont laissé leurs noms sur plusieurs initiales filigranées, mais rien n’indique qu’ils sont, l’un ou l’autre, auteur de la copie du texte, ou même s’ils ont participé, de près ou de loin, à l’élaboration des enluminures et peintures du manuscrit.


© Bibliothèque Rennes Métropole
Au f. 70v le nom de Jehanne Paluel


© Bibliothèque Rennes Métropole
f. 74v, le nom de Guillaume Le Bret

Quoiqu’il en soit, une étude précise de ce livre d’heures pourrait nous faire peut-être connaître le travail respectif de chacun d’entre eux.
D’après un premier sondage, les patronymes PALUEL et LE BRET sont présents anciennement dans la région de Dinan / Saint-Malo, le premier attesté à Tréfumel dès les années 1520. Au reste, le village de Paluel se trouve sur la commune de Trigavou, dans l’arrondissement de Dinan

Le livre d’heures à l’usage de Saint-Malo présenté ici possède bien d’autres centres d’intérêt. Parmi ses possesseurs connus, les familles DE NOUAL (ou Denoual *) et ARTUR (qui s’en est servi comme livre de raison dans la seconde moitié du XVIe siècle).
Son calendrier procède de la liturgie malouine : l’inscription de Vincent Ferrier au 5 avril suggère une composition du manuscrit après 1455, date de la canonisation de l’un des apôtres de la Bretagne.
Vincent, martyr (22 janvier, en rouge, patron de la cathédrale de Saint-Malo); Gildas, abbé (29 janvier) ; Jean de Craticula (= Jean de la Grille,1er février, en rouge) ; Jacut, abbé (8 février, au jour précédent, une main ancienne a inscrit « ou prie ») ; Aubin (1er mars, en rouge) ; Guénolé, abbé (Guyngualoy, 3 mars) ; Vincent Ferrier, confesseur (5 avril, en rouge) ; Servais, évêque (13 mai, en rouge) ; Yves, confesseur (19 mai, en rouge) ; Paterne, évêque (21 mai) ; Donatien, martyr (24 mai) ; Gurval, évêque (6 juin) ; Méen, abbé (21 juin, en rouge) ; Aaron, confesseur (22 juin, en rouge) ; Lunaire, évêque (1er juillet, en rouge) ; Translation de saint Malo (11 juillet, en rouge) ; Turiau, évêque (13 juillet) ; Samson, évêque (28 juillet, en rouge) ; Guillaume, évêque (29 juillet, en rouge) ; Armel, abbé (16 août) ; Sulin, abbé (1er octobre) ; Melaine, évêque (11 octobre) ; Magloire, évêque (24 octobre) ; Translation de saint Yves (29 octobre, en rouge) ; Dédicace de l’église de Saint-Malo (30 octobre, en rouge) ; Gobrien, évêque (3 novembre) ; Malo, évêque (15 novembre, en rouge) ; Présentation de la Vierge (21 novembre, en rouge).
Et dans les litanies figurent les saints honorés particulièrement dans ce diocèse : Malo, Melaine, Samson, Magloire, Aaron, Tugdual, Brieuc, Paul, Corentin, Paterne, Méen, Sulin, Servais, Briac ? (« Briave »), Lunaire, Enogat, Jacut, Maudez.

 
© Bibliothèque Rennes Métropole
Fuite en Egypte. Le Prof. Eberhard König y a reconnu une influence flamande.

Pour lors nous n’avons pu identifier le commanditaire du livre d’heures, mais des armes effacées (hermines de sable, maison ducale de Bretagne ? un chevron de gueules…) sont encore visibles au f. 62, à la peinture représentant David en prière, dans une initiale, et en marge inférieure :


© Bibliothèque Rennes Métropole

Une autre particularité de ce manuscrit tient à la reliure. Eberhard König a relevé son \”caractère plutôt flamand\”. Effectivement, elle correspond à ces reliures sur ais de bois couverts de cuir estampé à froid utilisant des plaques produites en Flandre au XVe siècle. Un échange sur Twitter avec @BibMazarine et Peter Kidd m’a dirigé vers l’atelier de Lodewijk Bloc, Ludovicus Bloc (Brügge 1484- 1529) qui signait généralement ses travaux. Certains éléments semblent bien identiques :


Plaque de reliure du livre d’heures à l’usage de Saint-Malo (Rennes, BM, ms.1510)


Frottis d’une reliure de Ludovicus Bloc conservée à la Bibliothèque Saint-Geneviève (MS2708)

En 1992, lors d’une exposition à Rennes, le Eberhard König (2) avançait l’idée que ce livre d’heures, inachevé, avait pu être \”transporté en Flandre … pour rentrer en Bretagne après\”. Pour notre part nous pensons que ce manuscrit n’a jamais quitté la Bretagne. Saint-Malo, port breton de premier plan, était en contacts permanents avec le pays flamand. Les relations de la Bretagne avec la Flandre avaient commencé dès le XIIIe siècle. Elles se développèrent au XVe siècle, grâce à l’alliance de François II avec Charles-le-Téméraire. Les Bretons fréquentaient surtout les grandes foires de Bergues, Bruges et Anvers. Un des propriétaires du manuscrit, de la famille des armateurs et corsaires ARTUR, commerçait encore avec ce dernier port au milieu du XVIe s. (3) 
Certainement, des plaques de reliures devaient circuler entre les deux pays, comme cela devait être le cas pour des modèles de peintures religieuses, des patrons de vitraux ou des fontes typographiques. D’autre part, il ne faut pas oublier l’importance des artisans itinérants qui travaillèrent dans bien des domaines de l’art en Bretagne. D’un autre côté nos Bretons se sont aussi expatriés (tel le fameux Jean Brito, prototypographe, de Pipriac, installé à Bruges).

Coté décoration, le livre d’heures de la Bibliothèque de Rennes Métropole reste assez décevant. De nombreuses peintures ont été extraites et celles qui restent ont été retouchées par un \”enlumineur\” du XIXe s (peut-être par Casimir Beslay des Fougerays, un ancien possesseur) qui a même été jusqu’à y ajouter une \”Visitation\” de son cru. E. König a relevé l’influence nettement flamande de la Fuite en Egypte.

Pour clore cette note sur le livre d’heures de Saint-Malo de la Bibliothèque de Rennes Métropole, soulignons un parallèle avec celui de la Bibliothèque Municipale de Saint-Brieuc (ms. 4). Tous deux contiennent une liste de \”frairies\” de la cathédrale Saint-Vincent de Saint-Malo auxquelles appartenaient leurs possesseurs, ainsi :
Manuscrit Rennes, BM, 1510 :
(vers 1580 ?)
Ensuist les frayries dont est /
—— et sa femme /
Et premier
Du st Esprit
De Nostre Dame
De st Jehan (4) 
De St Jacques
De st Malou
De St Sabastien
De Ste Barbe
De st Guillaume
De st Nicolas de [Tolentin]
De st Cosme et Damien
(d’une autre écriture) du St Sacrement
Manuscrit Saint-Brieuc, BM, 4 :
(vers 1530)
Cy ensuilt les frairies (?) doncq je suy fondés en lesglisse catedral de st Mallo Et premyer
Du Sainct Esperit
De Nostre Dame
De Sainct Jehan 
De Sainct Mallo
De Sainct Sabastien
De Sainct Nycollas de Tolent..
De Sainct Nycollas de Bari
De Saincte Barbe
De Sainct Eloy
de Saint Anthouenne (d’une main plus récente)

Le manuscrit de Saint-Brieuc s’est trouvé entre les mains d’un membre de la famille malouine des Porée, alliée aux ARTUR, d’où sans doute la présence de ces listes de confréries consignées dans les deux livres d’heures.

Notes

(*) Les Heures à l’usage de Gand ou Bruges du couple malouin Jean de Noual (ou Denoual, autre \”lignée\”de cette famille) et Jeanne Mayngart, composées en 1499, sont passées en vente publique il y a quelques années. Ci-dessous les armes des Denoual (D’azur à deux merlettes d’argent posées en fasce, accompagnées en chef de trois étoiles d’or et en pointe d’un croissant de même) sur une écuelle (détail. Gabrielle Bidart, veuve d’orfèvre de Rennes, 1767, argent, l. 32,5 cm, coll. part. C.B.) (= source)

(1) François Avril, \”Stephanus de Aquila\”, dans Illuminare l’Abruzzo. Codici miniati tra Medioevo e Rinascimento, a cura di G. Curzi, F. Manzari, F. Tentarelli, A. Tomei, Pescara, Carsa Edizioni, 2012, p. 51-57.
(2) Eberhard König, dans Manuscrits à peintures (XIIIe -XVe siècles). Catalogue de l’exposition de Rennes, 18 septembre-18 octobre 1992, p. 46-47, n° 10.
(3) Voir par exemple Jean Kerhervé, \”Bretagne et Flandres. Les échanges du XIVe au XVIe siècle\”, dans Ar Men, n° 22, 1989, p. 17-35.
(4) Saint-Jean-Baptiste, dite des Frères Blancs, fondée en 1240 par Geoffroy, évêque de Saint-Malo.

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PS. Ce manuscrit fera l’objet d’une notice importante dans notre prochain ouvrage, prévu en 2016, où seront décrits près de quatre cent livres d’heures :
« Car sans heures ne puys Dieu prier … »
Le livre d’heures enluminé en Bretagne
The Illuminated Book of Hours in Brittany

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Je remercie Claudia Rabel (IRHT) pour ces précieux conseils… et Sarah Toulouse (Bibliothèque de Rennes Métropole) pour son amabilité à répondre à mes messages!

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© Bibliothèque Rennes Métropole. f. 95, détaiL

19 Jan 2015
Jean-Luc Deuffic

Les “Coutumes de Bretagne” des Toulbodou

cout.jpg

On trouvera dans La très ancienne coutume de Bretagne de Marcel Planiol, la description de 26 manuscrits complets (XIV-XVe siècles) de la Coutume de Bretagne, auquel on peut ajouter trois autres présentés par P. Fournier, dans l’Histoire littéraire de la France, XXXVI, 1927, p. 577-584. Cf. Alain Raison du Cleuziou, « Un manuscrit inconnu de la Très ancienne Coutume de Bretagne et son premier possesseur François de Ploesquellec », dans Bulletins de la Société d’Émulation des Côtes-du-Nord, LV, 1923, p. 63-77.
Parmi les manuscrits de la Coutume il y aurait lieu de signaler les deux exemplaires ayant appartenu aux seigneurs de Toulbodou (d’or, semé de feuilles de houx de sinople), famille possessionée à Plougasnou (anc. diocèse de Tréguier) et à Guéméné (anc. diocèse de Vannes), qui tire son nom d’une seigneurie en Locmalo (Morbihan).
Sur le dernier feuillet du manuscrit Paris, BnF, Fr. 14398, on peut lire cette note :

« Cestes coustumes, constitutions, statuz, editz, establissementz et deffanses sont et appartiennent à Pierres de Toulbadou, à qui Dieu doint joye et lyesce. Amen. Et sont escriptes par Yves le Borngne ou moys de septembre l’an mil cccc cinquante quatre. Et pour ce tu autem miserere nostri. Deo gracias. Amen. – Cestes coustumes furent achatées de Mador Dilland, bideau et biblioteque de la universe cité de Nantes, par Jehan Robin, demorant à la Fousse dudit lieu, le sebmadi onzième jour de mars l’an mil iiijc seixante ouict ». Plus bas, « Gacien Robin » ; après la Coutume, « Cestes coustumes sont a Pierre de Toulbadou // A qui Dieu doint // Ce qu’il n’a point ! ».

Le manuscrit Paris, Arsenal, 2570 a, quant à lui, appartenu à Guillaume de Toulbodou. Au f. 1 : « Consuetudines Britanniœ per Guillielmum de Toulbadou » ; au f. 118v : « In mense junii anno doi millesimo quat. cento XXX° vii° », puis au f. 139v : « Pour servir à mon maistre le sieur de Querduel, seneschal de Guemenee ».

Guillaume de Toulbodou avait épousé Catherine de Kerampuil. Il recevra en 1494, « le manoir de Castel Govello pour toute prétention es successions du dit Pierre » de Kerampuil et de Marguerite de Renquier père et mère des dits Pierre second et de la dite Catherine » Revue Historique de l’Ouest, 1896, p. 100. Un des membres de la famille de Toulbodou, Jean, « lequel seigneur, par la singulière dévocion que celui (ci) disoit avoir de faire et édiffier une chapelle en l’honneur de Dieu et de Madame saintte Barbe, en ung lieu et place de la terre domaine dudit seigneur, sis en une montaigne nômée Rohau-maréh-bran, en la paroësse du Faouët », reste dévotement associé à la construction de cette très pittoresque chapelle, actée le 6 juillet 1489, suite au vœu qu’il fit après un terrible orage auquel il échappa « miraculeusement ».

16 Nov 2014
Jean-Luc Deuffic

Jean du Chastel, évêque de Carcassonne († 1475) : à propos d’un psautier et de sa « familia » bretonne


La cathédrale Saint-Michel de Carcassonne sur les remparts de la ville en 1462 [Gallica]

Roseline CLAERR
et moi-même, préparant un ouvrage sur les bibliothèques des DU CHASTEL et des COETIVY dans le contexte de la culture livresque bretonne à la fin du Moyen Âge, je me permets de publier cette trouvaille toute récente sur un membre de la familia de l’évêque de Carcassonne, Jean du Chastel.

Fils d’Olivier du Chastel (x 2 février 1408) et de Jeanne de Ploeuc, frère de Tanguy (IV) du Chastel, protonotaire apostolique, archevêque de Vienne (nommé en 1446), administrateur de l’évêché de Nîmes (21 novembre 1453), abbé de Saint-Léonard de Ferrières (ancien diocèse de Poitiers) (1454), évêque de Carcassonne (juillet 1456), Jean du Chastel décède le 15 septembre 1475 dans sa maison prévôtale de Toulouse, et est inhumé le 26 septembre suivant, en la cathédrale Saint-Michel de Carcassonne.

Dans un article récent (1) nous avions relevé les déboires de Tanguy du Chastel et de son frère Jean au sujet des reliques de saint Pelade, et donné une liste des manuscrits possédés par l’évêque de Carcassonne, dispersés entre Glasgow, Copenhague, Paris, Holkham Hall et Coimbra au Portugal, liste au demeurant incomplète mais qui montre une certaine \”atomisation\” européenne de la bibliothèque du prélat :

Copenhague, Bibliothèque royale
¤ Thott 359. Tancrède de Bologne, Roffredo de Bénévent, etc. XIVe s.  
¤ Gl. Kgl. S 197. Jean André, etc.. XIIIe s.  
¤ Gl. Kgl. S 198. Jean André, Gencellinus de Cassaneis, etc.  XIVe s. 
Glasgow, Bibliothèque Universitaire
¤ General 1125. Terence. Petrarque. XVe s.  
¤ General 1189. Terence. XVe s.  
Holkham Hall
¤ coll. Leicester 215. Grégoire XI. Décrétales.
Paris, Bibliothèque nationale de France
¤ Fr.. 6261. Histoire de l’ancien et du nouveau Testament en provençal. XVe s.   
¤ Lat. 8926.  Innocent IV, Commentaire sur les Décrétales ; Guillaume de Mandagout, De electionibus. XIVe s.
Coimbra, Biblioteca Geral da Universidade
¤ Coimbra BU 721. Jean de Imola. Commentaire sur les Décretales. 
¤ Coimbra BU 722 et 723. Dominique de Sancto Geminiano, Commentaire sur les Décrétales.   
¤ Coimbra BU 724. François de Zabarellis. Lecture sur les Décrétales.  
¤ Coimbra BU 725. Jean de Imola. Commentaire sur les Clémentines. XVe s.

Généralement, les manuscrits portent une inscription contemporaine se terminant par

« … a este de feu messire Jehan du Chastel euesque de Carcassonne. M. Bertaudi notaire ».


Ms. Coimbra 721. [Cliquer pour agrandir]

Poursuivant notre quête de manuscrits autour de l’évêque Jean du Chastel, un passage de la Chronique des évêques de Carcassonne (Chronicon episcoporum Carcassonis) de Gérard de Vic (1667) a retenu notre attention :

… uti legitur in libro Psalterii dato per Riochum Ledresnay canonicum proximae ecclesisae (Carcassensis) et vicarium generalem proximi episcopi …

extrait traduit deux siècles plus tard par Alphonse Mahul dans son Cartulaire de Carcassonne (1867) :

Le 26 le corps de Jean Du Chatel fut enseveli dans la cathédrale de Carcassonne proche le grand autel comme on lit dans le Psaultier donné par Roch Ledresnay chanoine de la cathédrale et vicaire général du susdit évêque …

Si ce psautier reste introuvable, le renseignement précieux donné par Gerard de Vic nous conduit vers une autre piste.  Dans notre dernier post nous avions fait allusion à la famille DU DRESNAY, une des plus importantes de Bretagne, au sujet d’un manuscrit de la Médiathèque des Ursulines de Quimper (ms. 1). Présentement, le psautier de Carcassonne provient d’un membre de cette famille (de la branche possessionnée à Carhaix, sans doute (2). L’auteur de la Chronique a bien relevé son nom : RIOCHUM LEDRESNAY. Bien évidemment, dans cette région de France saint ROCH reste très populaire ; c’est pourquoi A. Mahul l’a choisi au détriment de RIOC, un ermite breton, disciple de saint Guénolé, le fondateur de Landévennec (Finistère), certainement inconnu dans cette région du sud de la France (3)
Ainsi ce psautier dont l’existence est encore attesté en 1667 par Gerard de Vic, a été composé après 1475 puisqu’il inscrivait le décès de l’évêque Jean du Chastel. 

Quant à notre RIOC DU DRESNAY il semble avoir quitté ce monde avant 1484, date à laquelle un parent, HECTOR DU DRESNAY (cacographié HECTOR LADRENAY dans le Nécrologe de Birot) fonda deux obits pour la dotation desquels il fit don au chapitre de Carcassonne de 12 tasses d’argent pesant 15 marcs. Un de ces obits (20 février) était justement pour RIOC DU DRESNAY, chanoine et vicaire général de Jean du Chastel.
On remarquera que HECTOR est un prénom récurrent dans la lignée des seigneurs du Dresnay depuis le XIVe siècle au moins.

(1) J.-L. Deuffic, \”L’évêque et le soldat. Jean et Tanguy (IV) du Chastel, à propos des reliques de saint Pelade … et de leurs manuscrits\”, dans Le pouvoir et la foi au Moyen Âge en Bretagne et dans l’Europe de l’Ouest (éd. Joëlle Quaghebeur, Sylvain Soleil). Mélanges in memoriam H. Guillotel, Rennes, PUR, 2010, p. 299-316. Sur les manuscrits de Tanguy du Chastel : Roseline Claerr, « Un couple de bibliophiles bretons du XVe siècle. Tanguy (IV) du Chastel et Jeanne Raguenel de Malestroit », dans Le Trémazan des Du Chastel. Du château fort à la ruine. Actes du colloque Brest, juin 2004, sous la direction scientifique d’Yves Coativy, Centre de Recherche Bretonne et Celtique (UBO/Brest) et Association Tremazan, Landunvez, 2006, p. 169-187.
(2) Dom Jehan du Dresnay était bailli de Cornouaille en 1476 ; Yves du Dresnay, chanoine de la cathédrale de Quimper de 1486 à 1497.
(3) La chapelle Saint-Rioc de Lanriec (Finistère) figurait au rôle des décimes en 1789 sous le nom de Saint-Roch …


Miniature frontispice du ms. Coimbra 722, ayant appartenu à Jean du Chastel

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Armoiries de Tanguy du Chastel et de Jeanne Raguenel de Malestroit sur un manuscrit de L’Histoire ancienne jusqu’à César : Rennes Métropole 2331  

7 Nov 2014
Jean-Luc Deuffic

À propos d’un possesseur ancien du ms. 1 de la Médiathèque des Ursulines de Quimper


© Quimper, Médiathèque des Ursulines, ms 1, f. 259 / BVMM (IRHT)

Le Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, dans son tome XXII de l’année 1893, consacré aux collections de Nantes, Quimper et Brest, décrit le premier ouvrage de la bibliothèque de Quimper comme étant un manuscrit italien du XVe siècle. D’une très belle écriture, ce recueil de lettres de saint Jérôme a malheureusement perdu nombre de folios.

La seule inscription autographe a été relevée par le catalogue : « Ancien possesseur au XVIIe siècle : M. du Gretz du Dresnay ». Cette lecture est bien entendu fautive et doit être ainsi restituée : « Au seigneur du K/roetz du Dresnay ». Effectivement le « K/ » (= K barré breton) peut se confondre parfois avec un « G ».


© Quimper, Médiathèque des Ursulines, ms 1, f. 1 / BVMM (IRHT)

L’imposante famille du Dresnay, « d’illustre et antienne noblesse », reste bien documentée par l’arrêt de 1668, lequel pourrait nous aider à identifier le membre de cette famille, possesseur du manuscrit de la Médiathèque des Ursulines de Quimper. Au XVIIe siècle plusieurs noms se dégagent :

« François du Dresnay, escuyer, sieur du Kerouetz (1) … qui declare avoir depuis quelques annees (28 novembre 1664) espouzé dame Barbe de Coatlosquet, fille de deffunct messire Guillaume, cheff de nom et d’armes de Coatlosquet, … qu’il est issu d’aultre François du Dresnay, d’un premier mariage (5 septembre 1636) avecq dame Marye de Penmarch, fille de deffunct hault et puissant messire René, barron de Penmarch, et de haulte et puissante dame Janne de Sanzay ».

Ce dernier François était fils de Pierre du Dresnaye et Claude de Rosmar.

C’est probablement dans ces trois noms qu’il faut chercher le possesseur de notre manuscrit. Malheureusement nous n’avons pour lors rien trouvé pour cette époque sur la bibliothèque des Dresnay. Il faut attendre la seconde moitié du XVIIIe siècle pour rencontrer l’ex-libris héraldique des Dresnay (d’argent à une croix anillée de sable, accompagnée de trois cocquilles de gueulles, deux en chef et une en pointe), entre autres celui de Louis-Marie-Ambroise, marquis du Dresnay, qui épousa, à Morlaix, le 10 septembre 1766, Marie-Josèphe-Anne de Coetlosquet, et de son frère puiné, vicomte du Dresnay. Ils étaient les enfants de Michel-Joseph-René, dit le comte du Dresnay, et d’Elisabeth-Françoise de Cornulier.

Le citoyen Cambry, dans son catalogue des objets échappés au vandalisme dans le Finistère, de l’an III, nous fait savoir

qu’ « une des collections les mieux choisies de Morlaix, est celle du ci-devant vicomte du Dresnay » (p. 180), mais précise « J’ai pris note de plus de cent des ouvrages intéressants qu’elle contient ; les cabinets qui les renferment sont exposés à la pluie ; il serait instant de les transporter dans un local plus sûr … La nombreuse bibliothèque du Vte. Dudresnay est bien choisie, sans être celle d’un savant ou d’un homme de lettres … La reliure, le choix des exemplaires et des éditions est à remarquer dans cette jolie bibliothèque, enrichie d’ailleurs des oeuvres de nos meilleurs poëtes, de l’encyclopédie, de romans et de bons dictionnaires. »

Plus loin, il ajoute être « informé par la voie publique qu’une infinité de livres et d’ouvrages précieux ont disparu des diverses bibliothèques, surtout de celle du ci-devant vicomte Du Dresnay (p.190).

Jacques Cambry, Catalogue des objets échappés au vandalisme dans le Finistère : dressé en l’an III (Nouv. éd.) / ; publ. par ordre de l’administration du département. Édité par Julien Trévédy, H. Caillière, Rennes, 1889 (numérisation Gallica).
Docteur G. Vialet, Bibliothèques des bibliophiles bretons anciens, paris, Saffroy, 1931.
Médiathèque des Ursulines de Quimper
BVMM (IRHT)
Dresnay (du) – Réformation de la noblesse (1668) Source : La noblesse de Bretagne devant la Chambre de la Réformation 1668-1671 – Comte de Rosmorduc, 1896, tome III, p. 270-279. Seigneurs de Kerouetz, de Penanru, de Keremarch, etc… http://www.tudchentil.org/spip.php?article776

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© Quimper, Médiathèque des Ursulines, ms 1, f. 1 / BVMM (IRHT)

(1) On écrit également Kerroué

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© Inventaire général, ADAGP


© Région Bretagne

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