La bibliothèque du marquis d’Assérac : un 187e livre retrouvé ! le « Jerusalem deslivrée » de Torquato Tasso (1632)
La publication récente de mon ouvrage sur La Bibliothèque de Jean-Emanuel de Rieux, marquis d’Assérac (+1657) avait pour objet de faire, en quelque sorte, un état de la question. Quelques jours ont suffi pour qu’un bibliophile me contacte pour m’annoncer qu’il venait d’acquérir un ouvrage ayant appartenu au marquis d’Assérac, en l’occurrence le Jerusalem deslivrée de Torquato Tasso (1632). En vérité, le seigneur breton semble avoir eu une prédilection pour cet auteur italien. Il en possédait la version italienne (Ferrare, 1581), aujourd’hui à la Bibliothèque Sainte-Geneviève, à Paris (4 Y 532 INV 835 RES). De même, Jean-Emanuel de Rieux conservait dans sa bibliothèque d’autres ouvrage de Tasso, dont le Di Gervsalemme conqvistata del Sig. Torqvato Tasso (Paris, L’Angelier, 1595).
The recent publication of my work on La bibliothèque de Jean-Emanuel de Rieux, marquis d’Assérac (+1657) aimed, in a way, to take stock of the question. Within just a few days, a bibliophile contacted me to inform me that he had recently acquired a book that had belonged to the Marquis d’Assérac — namely, Jerusalem deslivrée by Torquato Tasso (1632).
In fact, the Breton nobleman seems to have had a particular fondness for this Italian author. He owned the Italian edition (Ferrara, 1581), which is now held at the Sainte-Geneviève Library in Paris (4 Y 532 INV 835 RES). Similarly, Jean-Emanuel de Rieux kept other works by Tasso in his library, including Di Gierusalemme conquistata del Sig. Torquato Tasso (Paris, L’Angelier, 1595).
(AUDAP)
Le Jerusalem deslivrée de Torquato Tasso (1632) a reçu une belle (autrefois) reliure en maroquin rouge à la Du Seuil, comme une grande partie des livres reliés du marquis d’Assérac. Elle est à ses armes: D’azur à dix besants d’or posés 4, 3, 2, 1.
L’ex-libris « Destas » fait penser au capucin Destas mentionné par les Bibliothèques Virtuelles Humanistes, au sujet d’un ouvrage de la Bibliothèque d’Orléans: Auli Gellii Luculentissimi scriptoris Noctes Atticae: Apud Seb. Gryphium Lugduni, 1534.
The Jerusalem Delivered by Torquato Tasso (1632) was elegantly (formely) bound in red morocco in the Du Seuil style, like a large part of the books bound for the Marquis d’Assérac. The binding bears his coat of arms: Azure, ten bezants or, arranged 4, 3, 2, 1.
The ex-libris « Destas » brings to mind the Capuchin Destas mentioned by the Virtual Humanist Libraries in relation to a book from the Orléans Library.
Cette nouvelle découverte d’un livre de l’ancienne bibliothèque du marquis d’Assérac me conduit à renouveler ma demande auprès des bibliophiles afin qu’ils me fassent connaître d’autres exemplaires.
This new discovery of a book from the former library of the Marquis d’Assérac leads me to renew my request to bibliophiles, asking them to inform me of any other known books.
Jean-Luc DEUFFIC, La bibliothèque de Jean-Emanuel de Rieux, marquis d’Assérac (+1657)
ISBN : 9798309876952. 188 pages. Relié. Format 21 x 28 cm. Illustrations. Index. 540 gr.
Prix : 34 euros
Disponible sur : /Available on the platform :
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Western Michigan University, WMU MS 166: Fragment d’un rentier du XIVe siècle en français, pour la seigneurie de La Chapelle-Caro (Bretagne, Morbihan)
© Western Michigan University, WMU MS 166
La mise en ligne de pièces diverses offre parfois aux chercheurs curieux de surprenantes découvertes. Ainsi, en consultant la précieuse base DIGITAL SCRIPTORIUM, j’ai appris l’existence, à la Western Michigan University (USA, Kalamazoo, Michigan), d’un fragment de rentier du milieu du XIVe siècle, rédigé en français. La qualité de ce document est assez étonnante.
En étudiant les noms portés sur ce feuillet, il est assez facile d’y reconnaître qu’il s’agit là d’une page d’un rentier de la seigneurie de La Chapelle-Caro, nommée autrefois « La Basse-Chapelle » ou « La Chapelle-sous-Ploërmel » (Morbihan). Il est même possible de circonscrire le territoire où s’appliquaient ces rentes, c’est-à-dire autour de Treviguet, La Gajale, La Ville-Josse, jusqu’à Le Tay, à l’est de la Chapelle-Caro, territoire intégrée aujourd’hui dans la récente commune de « Val D’Oust ».
Essai de transcription du texte (les abréviations ont été résolues)
Les hoirs Perres de Caro, et les Julo de Caro. Savoir est Jehanne femme Dano Briend et ses consors, devent au seignour de la Chapelle, sex soulz de rente au terme d’aougst par chacun an sur lour hebregement du Gros Bosc, qui jadis fut Raoul Davi, et, depuys audit Perres de Caro, que tient a present ledit Dano Briend et sa femme et Guillaume lour filz, et l’obeissance.
Les hoirs Raoul Jouhan, de La Gajal. Savoir est Mehaust, femme Thomas Jouhier, fille Perret, Raoul Jouhan de La Gajal, tiennent eux et Guillaume Fiolet, lour gendre à cause de ladite Mehaust a recepte du seignour de La Chapelle savoir est, une pièce de terre et une pièce de pré six au bout d’icelle pièce contenant environ dous journeux tant en pré que en terre, six entre le Tay et La Gajal achevant d’un chef sur le chemin de Lourme au chevalier comme l’en vet de La Gajal dreit au Tay, et de l’autre sur une pièce es giens du Tay joignant entre les pièces Jouhiet Paignon. Sur lesquelles chouses deivent audit de La Chapelle au terme de la meaoust XVIII deniers, a Noel XV deniers, a Pasques XV deniers, et l’obeissance.
Eon Jonnier tient a cens certain et à recepte dou seignour de La Chapelle. Premier, le courtil qui achieve sur le pastil de Trevequet six entre les champs pourry contenant environ dous hommées de courtil. Item une pièce de terre achevant d’un chef sur le courtil Picort et de l’autre sur le chemin comme l’en vet deu la ville Joces a Treveguet, joignant d’un costé es champs es hoirs Pierres Guillon, contenant environ demie journel. Sur lesquelles chouses il deit audit de La Chapelle douze deniers de rente en aougst et maille de rente audit de La Chapelle au terme de Noel par chacun an et la desme comme est accoustumé fors oudit courtil, et l’obeissance au dit de La Chapelle ses aides, deitruries quant le cas eneschiet et Jouhanet Le Taillandier tient a présent les dictes chouses par eschange et paie la dicte rente
Je remercie Brigitte et Gilles de la liste « Noblesse Bretonne » pour leur aide.
pastil = pâturage
courtil = petit jardin, généralement clos de murs
Carte des environs de la Chapelle-Caro (département du Morbihan)
Les seigneurs de La Chapelle
Les seigneurs de La Chapelle portaient de gueules à la fasce d’hermines. Le premier de ses membres connus remonte à Guillaume de la Chapelle, lequel assiste, comme témoin, à la fondation du prieuré de Châteauceaux, en 1040.
Olivier de La Chapelle, chevalier, épousa Marie de Derval, et fut institué maréchal-général du duc de Bretagne Jean III, par lettres du samedi avant la fête de saint Jean, données à Vannes en 1318. Ces lettres sont scellées, suivant Dom Morice, d’un grand sceau où le duc est représenté à cheval, l’épée à la main, tenant de la gauche un écu semé d’hermines.
C’est peut-être de son temps que date le rentier étudié ici. Celui-ci épousa Isabeau de Sérent, qui lui apporta la châtellenie de Sérent, possédée par la suite par les familles de Rosmadec et Sénéchal de Carcado.
Sur les seigneurs de La Chapelle, voir la page documentée d’Hervé Torchet [ lien ]
Institutional Record:
Fragment numérisé sur DIGITAL SCRIPTORIUM
Professeur David Dumville (1949–2024). Nécrologie
Photo : © Department of History, University of Aberdeen
Après Peggy Brown, voici venue l’annonce d’une nouvelle disparition tragique, celle du Professeur David Norman Dumville (1949–2024). Mes premiers contacts avec le savant paléographe remontent à 1985, lorsqu’il présenta une communication au colloque du 15e centenaire de l’abbaye Saint-Guénolé de Landévennec, en Bretagne cornouaillaise. Nous nous rencontrâmes à l’abbaye toute proche de Daoulas (Finistère), là où je suis né, avec Pierre Riché, François Kerlouégan, Patrick Mc Gurk, Léon Fleuriot … (que du beau monde !). Par la suite, il participa aux pas balbutiants du CIRDOMOC (abbaye de Landévennec), dont il devait être un des premiers vice-présidents avec François Kerlouégan (1933-2009): « what an acronym ! » m’écrivait il en février 1986. Précurseur, il fut un des premiers paléographes à s’intéresser aux manuscrits carolingiens bretons, champ de recherche souvent ignoré. On lui doit ainsi, pour le domaine breton continental, plusieurs études essentielles, parmi lesquelles (ordre chronologique) :
« Brittany and Armes prydein vawr« , dans Études celtiques, vol. 20, 1983, p. 145-159.
« On the dating of early Breton lawcodes », dans Études celtiques, vol. 21, 1984, p. 207-221.
« Gildas and Uinniau », dans Gildas : New Approaches, Michael Lapidge and David Dumville, Woodbridge (Studies in Celtic History, V), 1984, p. 207-214.
« L’écriture des scribes bretons au dixième siècle: Le cas de l’Amalaire provenant de Landévennec », dans Bretagne et pays celtiques. Mélanges offerts à la mémoire de Léon Fleuriot, 1992, p. 129-139 (étude déjà communiqué en 1985, au colloque du 15e centenaire de l’abbaye Saint-Guénolé de Landévennec).
« On the dating of the early Breton lawcodes », dans D. Dumville, Britons and Anglo-Saxons in the Early Middle Ages, 1993, p. 207-221
« Ireland, Brittany, and England: transmission and use of Collectio canonum hibernensis« , dans Irlande et Bretagne: vingt siècles d’histoire : actes du colloque de Rennes, 29-31 Mars 1993, Catherine Laurent, Helen Davis, 1994, p. 85-95.
« Breton and English manuscripts of Amalarius’s Liber Officialis« , dans Mélanges François Kerlouégan, Besançon : Université de Franche-Comté, 1994, p. 205-214.
« Brittany », dans A palaeographer’s review : the insular system of scripts in the early Middle Ages, volume one (Sources and Materials Series, 20.1), Kansai University Press, 1999, p. 111-114.
« The Colophon of The Penitential of Uinniau« , dans Corona monastica : Mélanges offerts au père Marc Simon, 2004, p. 197-208.
« Writers, scribes and readers in Brittany, AD 800-1100: the evidence of manuscripts », dans Medieval Celtic literature and society, Edited by Helen Fulton, 2005, p. 49-64.
David Dumville et Patrick Mc Gurk, abbaye de Daoulas (Finistère, Bretagne). 1985.
Remembering Professor David Dumville (University of Aberdeen)
Bibliographie: sur Regesta Imperii
Yves Le Berre : « Le Mirouër de la mort » (Brest: CRBC, 2024)
Il m’est agréable de présenter ici le magnifique ouvrage de mon ami Yves Le Berre, dont les travaux sur les textes bretons continuent d’enrichir l’histoire culturelle de la Bretagne. Le CRBC (Centre de Recherche Bretonne et Celtique) de Brest en assure la publication.
Composée en 1519, cette œuvre de 3602 vers vit le jour sous la plume de Jean Larcher le vieux (maître Jehan an Archer), de Plougonven, près de Morlaix maestr Iehan an Archer coz, à parhos Ploegonven. Elle donna lieu à une impression, en 1575, exécutée au couvent franciscain de Cuburien, près de Morlaix.
LE MIROUER DE la Mort en Breton, auquel doctement et Devotement est trecté des quatre fins de l’home : c’est à scavoyr de la Mort, du dernier Jugement, du très-sacré Paradis : et de l’horible Prison de L’enfer et ses infinis tourments. Tel est le titre de cet ouvrage rarissime, puisque ne subsiste qu’un seul exemplaire, conservé à la Bibliothèque nationale de France, provenant de l’ancienne collection de Kerdanet de Lesneven, aujourd’hui déposée au CRBC de Brest. Des marques de provenance montrent que l’ouvrage a circulé. Ainsi, remarque-t-on les ex-libris de Jean Caro, un prêtre de Sizun, datée de 1709, et celle de Jean-Marie Le Henaff, de Morlaix. Le premier pourrait être celui de « Messire Jan CAROFF, pbre my-frère desdits mineurs, demeurant au lieu de Poullouduff, paroisse de Sizun », présent le 14 décembre 1709, à la tutelle des enfants d’Alain Caro et Marie Fagot, de Sizun (Quimper, ADF, 16B 406). La marque des Récollets de Cuburien s’y trouve également, dans la mesure où le Mirouer est sorti des presses éphémères de ce couvent.
Contrairement à Emile Ernault qui s’est surtout attardé sur l’aspect physique du Mirouer et de son texte, de ses sources, Yves Le Berre, dans son remarquable travail, « pose la question des qualités poétique, didactique ou spirituelle de ces vers, de leur usage dans la société bretonne … » . « Au terme d’une analyse fine, il dévoile en Iehan un véritable Maître, qui a su transformer une banalité désagréable en une œuvre véritable, qui atteste de la riche culture » bretonne de ce XVIe siècle.
Gwenole Le Menn, « L’imprimerie des franciscains de Cuburien », MSHAB (en ligne)
Mirouer: Edition de 1575 numérisée sur Gallica.
Mirouer: Edition d’Emile Ernault sur Gallica.
Yves Le Berre (fiche bibliographique)
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Auteur du blog : Jean-Luc DEUFFIC
