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23 Avr 2025
Jean-Luc Deuffic

Le « Canzoniere » de Francesco Petrarca du marquis d’Assérac (1414)

Among the holdings of the distinguished library of Jean-Emanuel de Rieux, Marquis of Assérac (†1657), which I have sought to partially reconstruct, was a manuscript copy of Petrarch’s Canzoniere (Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Cod. ital. 81). This particular manuscript is of exceptional significance, as it was transcribed in 1414 by a certain Feraldus at the behest of Cambio Zambeccari.
Dans la riche bibliothèque de Jean-Emanuel de Rieux, marquis d’Assérac († 1657), que j’ai essayé de reconstituer en partie, figurait un exemplaire manuscrit du Canzoniere de Francesco Petrarca (München, Bayerische Staatsbibliothek, Cod. ital. 81), exemplaire exceptionnel dans la mesure où il fut copié en 1414 par un certain Feraldum à la demande de Cambio Zambeccari.
Le Canzoniere, aussi appelé Rerum vulgarium fragmenta, est un recueil de 366 poèmes en italien composé par Francesco Petrarca (1304-1374), consacré à son amour idéalisé pour Laure, qu’il aperçut en 1327 à Avignon. L’œuvre, surtout composée de sonnets, mêle élégie amoureuse et introspection poétique. Elle se divise en deux parties, marquées par la vie puis la mort de Laure, et explore l’évolution des sentiments du poète. Ce recueil a eu une grande influence sur la poésie européenne, donnant naissance au courant du pétrarquisme. Bien qu’il suive une logique thématique, il ne doit pas être vu comme un journal intime au sens strict [Voir, par ex. Pétrarque, Chansonnier. Rerum vulgarium fragmenta. Édition critique de Giuseppe Savoca ; introduction, traduction et commentaire de Gérard Genot ; avec la collaboration de François Livi, Paris : Les Belles Lettres (Les classiques de l’Humanisme, 31-32), 2009, 2 t., cxix + 909 p.

Portrait de Pétrarque (Francesco Petrarca) (1304-74). Ecole italienne. Galleria Sabauda, Turin, Italy

DESCRIPTION DU MANUSCRIT DE MUNICH
Francisco Petrarcha, Frammenti (Sonetti, Canzoni), Triumphi, Psalmi.
275 × 186 mm. I + 183 + I fol. 1414. Parchemin. Écriture humanistique. Initiales historiées en couleur et or. Armoiries non peintes comme certaines initiales. Deux peintures, fol. 105 et 146 (dont une représentation, en marge, de Pétrarque s’adressant à un ange ?). Numérotation ancienne. Réclames. Quelques inscriptions anciennes, effacées ou peu lisibles, en français (fol. 155, 158, 163v, 168, 175, etc.). Déchirure au fol. 84-85.
Reliure autrefois précieuse, aujourd’hui usée, avec bordure dorée. On y remarque un reste de décor (roue ou horloge centrale) avec inscriptions.
Fol. 1-8. Tabula carminum. Index alphabétique des premiers vers des poèmes du Canzoniere de Pétrarque (RVF : Rerum Vulgarium Fragmenta). Sous chacune des lettres de l’alphabet, les poèmes sont classés par ordre d’apparition. Les RVF 1 à 3 sont manquants en raison de la perte d’un fol. entre les fol. 8 et 9.
Fol. 8v. Extrait de l’Épistole III.24 de Pétrarque. Incipit : Alue (sic) cara deo tellus sanctissima salue … [Explicit :] Salue sancta parens, terrarum gloria salue.
Fol. 9-104. RVF, 4-263 :
Que chinfinita prouidentia et arte
mostro nel suo mirabil magistero…
Fol. 104v-et f. non numéroté, blancs.

Fol. 168. Inscription effacée, de même au bas du feuillet, une autre, à peine lisible, en français (XVe siècle) : « Cy est le IX … »

Fol. 105-145v. RVF, 264-366 :
I vo pensando e nel penser massale
Una pieta si forte dime stesso.
Che mi conduce spesso
Ad altro lagrimar chi non soleva.
Explicit :
Noia te, se non quanto il bel thesoro
Di castita par chella adorni & fregi.
Fol. 145v. Colophon : Completa sunt hec fragmenta Petrarce o[m]nib[u]s alijs meliora per me Feraldus ad placita magnanimi legum doctoris domini Cambij. olim inclite fame d[omi]ni Caroli de Çambeccharijs de Bononia. Anno d[omi]ni 1414. de mense sempte[m]bris.
Fol. 146-179v. Triumphi (dans l’ordre : Mortis II, Fame Ia, Amoris II, Amoris I, Amoris III, Amoris IV, Pudicitie (dans une version raccourcie et modifiée), Mortis I, Fame I, Fame II, Fame III, Temporis, Eternitatis.
Incipit : [L]a nocte che segui lorribil caso / Che spense il sole. Anzil ripose in cielo…
Finit : Et hic finiunt Triumphi Petrarce.
Fol. 180-182v. Les Psaumes pénitentiels de Pétrarque.
[Incipit psalmo primo :] [h]eu michi misero quia iratum aduersus me constitui redemptorem meum.
Finit avec le cinquième, inachevé :
[n]octes mee in merore transeunt et terroribus
agitant innumeris. conscientia concutit insomnem
et male michi est. [s]ompnus meus …
Fol. 182v. D’une main plus récente, sonnet d’un auteur inconnu :
Una angelica ydea in facie humana
vidi di fiori ornata l i capelli
a modo doro relucenti e belli
con gli occhi dargo el fronte de diana.

PROVENANCE
Fol. 183. Notes d’un ancien possesseur, Jacques Tiercelin (XVIe siècle), qui inscrit les dates de naissance de deux de ses enfants :
« Naissance de nobles George et Julies les Tiercelins ».
« L’an de grace 1570 le ven[dre]di 29 iour de decembre envir[on] 6 et 7 heures du matin le soleil estant au signe du Capricorne et la lune au signe d’aquarius regnant pour planette /effacée/ fut née Iules Tiercelin et fut leuée sur le fons par troys poures en tesmoin de quoy jay signé le present escrit de ma main le iour et an que dessus. Jacques Tiercelin. [en marge :] Née en croyssant »
« L’An de grace 1572 le dimanche iour St Pierre 29e de iuin entre onse et douse heures du soir le soleil estant au signe de cancer et la lune au signe des poissons regnant pour planette Mercure fut nay George Tiercelin et fut leué sur les fons par troys poures et nommé par Monsr de St Martin de Villeangloze capitaine de cinquante hommes d’armes, Monsr de la Possoniere Ronsard gouverneur de Vendomoys et Madame du Vau en tesmoin de quoy j’ay signé cest escrit comme l’autre cy dessus. Jacques Tiercelin. [en marge :] Né en decours »

Inscription par Jacques Tiercelin de la naissance de sa fille Julie

Jacques Tiercelin, chevalier de l’Ordre du roi, seigneur de La Chevalerie, La Chapelle-Gaugain, La Moynerye et La Court de Bersay, au pays du Maine, demeurait, avec dame Renée Carreau, de La Carrellière, son épouse, soit en sa maison seigneuriale de La Chapelle-Gaugain, soit au lieu seigneurial de la Chevallerie, paroisse de Sainte-Cerotte (Sarthe en région Pays de la Loire, Archives du Cogner). Gentilhomme ordinaire de la chambre du Roi, Jacques Tiercelin est cité avec la qualité de chevalier de l’Ordre de Saint-Michel, dans un acte du 13 juin 1570 (Bibliothèque nationale de France, Cabinet des Titres, 1041, p. 1145). Il était le fils de Jean Tiercelin, chevalier, seigneur de La Chevalerie, maître d’hôtel du duc de Bretagne, et de Julie d’Itre .
On lui donne une autre fille, non citée dans notre manuscrit, Renée, née le 16 août 1575. Après la mort de sa première épouse, il se remaria le 12 février 1586, à La Chapelle-Gaugain (Sarthe), avec Rolande Le Vasseur, fille d’Antoine Le Vasseur, seigneur de Cogners, de Fargot et d’Aillières.
Le manoir de La Chapelle-Gaugain avait été bâti par Olivier de Ronsart, premier du nom, qui en était seigneur en 1474. La famille le conserva jusqu’à l’année 1575, époque à laquelle Loys de Ronsart en transmit la seigneurie à son cousin Jacques Tiercelin.
Ce dernier, décédé avant 29 juillet 1611, portait d’argent à deux tierces d’azur posées en sautoir accompagnées de quatre merlettes de sable.
Feuille de garde : « Dialion des z / Tiercelin ».
J’ignore pour lors comment Jacques Tiercelin entra en possession de ce manuscrit italien. Un voyage (ou des études) en Italie ?

DÉCORATION
Manuscrit enluminé à Padoue ? Le fol. 105 présente une scène avec un lit de mort, Laura allongée sans vie sous un dais architectural riche, entourée de personnages en deuil debout, dont un Pétrarque méditatif. Voir Joseph Burney Trapp, Studies of Petrarch and His Influence, London : Pindar, 2003, p. 28. Joseph Burney Trapp, « Petrarch’s Laura : The Portraiture of an Imaginary Beloved », dans Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, vol. 64, 2001, p. 55-192.

COPISTE ET COMMANDITAIRE

Au fol. 145v : Completa sunt hec fragmenta Petrarce o[m]nib[u]s aliis meliora per me Feraldum ad placita maynanimi legum doctoris domini Cambij. olim inclite fame d[omi]ni Caroli de Çambeccharijs de Bononia. Anno d[omi]ni. 1414. de mense septe[m]bris
Cambio Zambeccari
, issu d’une illustre famille bolonaise, fils du célèbre Carlo di Cambio Zambeccari, occupa des fonctions éminentes à la cour de Philippe Marie Visconti. Là, il se lia d’amitié avec les plus grands érudits de son époque et partagea avec eux une passion ardente pour la quête des textes de l’Antiquité. Ce fut un collectionneur passionné d’ouvrages moraux anciens et de la vie de Plutarque.
Voir : Ludovico Frati, « Due umanisti bolognesi alla corte ducale di Milano » (Tommaso Tebaldi et Cambio Zambeccari », dans Archivio storico italiano, t. XLIII, 1909, n° 2, p. 367-373.

Les protagonistes, copiste et commanditaire, sont nommés dans une lettre de 1428, adressée par Giovanni Lamola (v. 1400-v. 1450) à Giovanni Aurispa (1376-1459), le célèbre humaniste italien, dont voici une traduction:
Ces derniers jours, maître Feraldus — homme éminent, profondément courtois, doté de nombreuses qualités et de grandes connaissances — est venu ici pour saluer le noble seigneur Cambius Zambeccarius (1), avec qui il entretient de longues et solides relations d’amitié et de proximité.
Comme il se trouvait que je rencontrai Feraldus chez Cambius, après que nous nous fûmes mutuellement embrassés, il me demanda aussitôt des nouvelles de toi et de notre cher Panormite (2). Il me dit que tu te portais bien, que tu occupais une position très honorable, presque royale, ce dont je me réjouis profondément, comme je le devais en retour de tous tes bienfaits, et en vertu de l’affection sincère que je te porte. Il m’a aussi transmis tes nombreuses salutations, affirmant les avoir reçues de toi, alors qu’il se rendait de Bologne à Ferrare.
Cela m’a permis de reconnaître une fois de plus la profonde humanité que tu m’as toujours témoignée — une bonté à laquelle je suis redevable au-delà de ce que les mots peuvent exprimer. En effet, je ressens que ni la distance, ni le silence de nos lettres n’ont pu affaiblir le moindrement ton affection envers moi.
Je garde en mémoire, et garderai toujours, cette grâce et cette générosité extraordinaires dont tu as fait preuve à mon égard lorsque, à deux reprises, tu m’as accueilli avec une hospitalité plus que bienveillante, bien au-delà de mes mérites. Tu m’as même invité à recevoir de toi des bienfaits non négligeables. Combien cela m’a touché — je préférerais l’exprimer par des actes plutôt que par des paroles.
Qu’il me soit cependant permis d’ajouter une chose, non par flatterie, mais par vérité : jamais je ne nierai que tu surpasses, par la dignité, l’intelligence, la richesse et le prestige, la plupart de tes amis. Et pourtant, en ce qui concerne l’affection et l’estime que je te porte, que je sois près de toi ou éloigné, je ne cède la place à personne.
Mais je m’arrête là, de peur qu’on croie que je m’abandonne à un style flatteur, ce que j’ai toujours évité par nature.
Venons plutôt à ce qui éclaire ta dignité et touche de près à ton bonheur exceptionnel : je me réjouis profondément et me félicite que tu aies obtenu cette charge si prestigieuse, si digne de ta vertu, véritablement royale. Je ne doute pas qu’à travers elle, tu atteindras les plus hauts sommets de gloire : en guidant les petits souverains et les princes confiés à tes soins par le destin et la fortune, tu les formeras véritablement à être de vrais princes — enrichis par la science, la sagesse, les conseils, et par tout l’éclat de l’humanité et de la vertu. Tu les rendras si illustres qu’ils porteront ton nom partout avec honneur.
Mais tu feras mieux encore que ce que je peux exprimer ici. Qu’il me suffise d’avoir formulé pour toi ce vœu et ce présage.
Je passe maintenant à ce que l’on m’a ardemment demandé, avec insistance, par un de mes proches. Je sais que, tandis que d’autres se donnent de la peine pour les honneurs, les richesses ou d’autres futilités, toi, tu prends un plaisir profond aux amitiés — les meilleures, comme le disait Laelius, ce qui est la plus belle richesse.
C’est pourquoi, dans ce domaine que tu aimes tant, j’ai décidé de te faire un don non ingrat : celui d’un ami excellent et très savant, Marianus (3), qui t’apporte cette lettre et qui souhaite ardemment se faire recommander auprès de toi. Je lui ai dit que cela te serait facile, en raison de ta bonté naturelle, mais aussi en raison de sa propre vertu et du grand désir qu’il a de te connaître.
Il t’a choisi, parmi les plus illustres des hommes, sur mon conseil et avec mon encouragement, pour placer en toi ses espoirs. Je te prie donc de le recevoir, non en vain, et que mon intervention lui soit bénéfique, et qu’elle montre que ta nature généreuse est bien ce que je lui ai décrite.
Accueille Marianus avec bienveillance, offre-lui ton aide et ton soutien dans toute la mesure permise par ta dignité. C’est un homme digne d’être accueilli dans ton cercle, et que tu ne pourras qu’aimer dès que tu l’auras connu.
Je suis convaincu que tu feras tout cela de toi-même, sans même que je te le demande. Je m’arrête donc là dans ma recommandation, mais je souhaite ajouter une dernière chose : ne pense pas un instant que je t’ai oublié. Je parle souvent de toi avec le noble Cambius, auprès de qui repose ici toute ma fortune — ou plutôt mon infortune.
Sache que ce seigneur t’est extrêmement favorable et se dit ton grand ami. Tu lui deviendras encore plus cher si tu consens à satisfaire une petite demande de sa part : comme tu possèdes, je le sais, un très grand nombre d’œuvres de Plutarque, plus que quiconque, et que tu accueilles cet auteur avec tant d’honneur, Cambius, qui cherche à rassembler toutes les traductions latines de Plutarque, t’en prie vivement.
Il te demande de bien vouloir dresser une liste de toutes les œuvres que Plutarque a écrites, dans tous les genres, et de nous l’envoyer — en particulier la liste des « Vies parallèles » : les vies des Romains, puis, dans l’ordre, celles des étrangers correspondants. Il veut ainsi savoir dans quel ordre les lire, lesquelles il possède déjà, et lesquelles lui manquent.
Je t’en prie, ne refuse pas ce petit effort, par égard pour un homme qui t’est si dévoué.
Adieu, et accueille Marianus, qui part de chez moi, avec tant de chaleur que j’aie le sentiment que ce que tu fais pour lui, c’est aussi un peu pour moi.
Encore une fois, adieu.
Milan, 7 octobre 1428
(Source : Carteggio di Giovanni Aurispa : A cura di Remigio Sabbadini, Roma, 1931, n° XXXXVI – EN LIGNE).

Notes
(1) Zambeccari quitta sa ville natale de Bologne à la fin de l’année 1426 et s’installa à Milan, emmenant avec lui Lamola. Il obtint rapidement une position honorifique à la cour des Visconti, tandis que Lamola poursuivait ses études à l’école de Barzizza, s’occupant à copier et rechercher des manuscrits.
(2) Antonio Beccadelli (1394-1471), humaniste né à Palerme. En 1429, il décrocha le poste de poeta aulicus à la cour du duc de Milan, Philippe Marie Visconti. Début 1434, par l’entremise du secrétaire royal Giacomo Pellegrini, il est rappelé à Palerme par le roi Alphonse d’Aragon, qui l’accueille et le nomme conseiller royal.
(3) Peut-être Mariano Socini l’Ancien (v. 1400-1467), juriste, né à Sienne, mais qui s’intéressait également à l’histoire, à la poésie, à la peinture et à la sculpture.

PROVENANCE ET EX-LIBRIS
Jean-Emanuel de Rieux, marquis d’Assérac : JEm. de Rieux (signature, au fol. 1).

Signature de Jean-Emanuel de Rieux, marquis d’Assérac

Franz Töpsl (1711-1796), chanoine régulier, prévôt de l’abbaye de Polling (Bavière). Plusieurs lettres montrent qu’il était en relation avec Mercier de Saint-Léger, bibliothécaire de l’abbaye de Sainte-Geneviève (Manuscrits et archives de la Bibliothèque Sainte-Geneviève, ms. 947). Ce manuscrit de Pétrarque n’aurait-il pas transité par l’abbaye parisienne ?
Ex-libris gravé sur cuivre : « Franciscus praepositus Cann Regg : in Polling. Anno 1744 ».

Ex-libris gravé de Franz Töpsl

Dans la bibliothèque du marquis d’Assérac se trouvaient encore des ouvrages de Pétrarque dont un, acheté à Rome, en 1629, lors de son séjour prolongé en Italie:

Francisci Petrarchae, … Opera quae extant omnia. In quibus praeter theologica, naturalis moralisque philosophiae praecepta, liberalium quoque artium encyclopediam, historiarum thesaurum & poësis divinam quandam vim pari cum sermonis majestate, conjuncta invenies. Adjecimus ejusdem authoris, quae Hetrusco sermone scripsit carmina rythmos…. Haec quidem omnia nunc iterum summa diligentia a mendis repurgata atque innumerabilibus in locis genuinae integrati restituta et in tomos quatuor distincta … Insigniorum atque doctissimorum… de hoc autore testimonia in praefationes habes. [Vignette] Basileæ excudebat Henrichus Petri [1554],
4 tomes en 2 volumes : [28]-1375-[44] p. In-fol.
Johann Herold signe la dédicace. Précédé d’une vie de Pétrarque par Girolamo Squarzaficus. Au colophon du second volume : « Basileæ per Henricvm Petri mense martio anno M. D. LIIII. ».
Exemplaire :
Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève, FOL Z 50 INV. 44 45 FA
Ex-libris :
Jean-Emanuel de Rieux, marquis d’Asserac, acheté à Rome le 19 août 1629.
Abbaye Sainte-Geneviève, 1753.

Il Petrarcha Con l’espositione d’Alessandro Vellutello, di novo ristampato con piv cose vtili in uarii luoghi aggiunte. [Marque]. In Venetia al segno della speranza M D L.
[8-]316[-4] f., le dernier blanc. In-8°.
Exemplaire :
Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève, 8 Y 1772 INV 3640 FA
Ex-libris :
J. Em. de Rieux
empt. 50 ass.
Bibliographie :
USTC n° 762456 – EDIT16, CNCE 47373.
Ce texte reproduit l’édition des œuvres de Pétrarque réalisée en 1525 par Alessandro Vellutello, connu pour son édition illustrée de Dante (1544). L’ouvrage, qui comprend une biographie de Pétrarque écrite par Vellutello, suivie de divers poèmes et de commentaires marginaux (Sonetti e Canzoni, Triomphi, etc), a été imprimé à Venise, al segno della speranza, presse active de 1544 à 1588. D’abord située à Santa Maria Formosa, elle s’est ensuite installée à San Giuliano. Jusqu’aux années 1570, l’imprimeur était probablement Giovanni della Speranza (Giovanni Francesi ?), d’origine française, qui serait mort en 1571, concepteur de livres souvent de petit format, portant une marque représentant l’Espérance.

BIBLIOGRAPHIE
Georg Martin Thomas, Codices manu scripti Bibliothecae Regiae Monacensis Gallici, Hispanici, Italici, Anglici, Suecici, Danici, Slavici, Esthnici, Hungarici descripti, Monachii : Sumptibus Bibliothecae Regiae, 1858 (Catalogus codicum manu scriptorum Bibliothecae Regiae Monacensis, Tomus 7).
Dorothy C. Shorr, « Some notes on the iconography of Petrarch’s Triumph of Fame », dans The Art bulletin, vol. 20, 1, 1938, p. 100-107 (p. 103). Agostino Sottili, I codici del Petrarca nella Germania occidentale, volume 1, Antenore, 1971, p. 340-341. Simona Cohen, « Catalogue of Illuminated Manuscripts of Petrarch’s Trionfi Located in European and American Collections », dans Transformations of Time and Temporality in Medieval and Renaissance Art, Brill, 2014, p. 313-338. The Petrarch Exegesis in Renaissance Italy Database (PERI) [EN LIGNE]
Manuscrit numérisé sur le site MDZ de la Bayerische StaatsBibliothek (München) [EN LIGNE].

Jean-Luc DEUFFIC, La bibliothèque de Jean-Emanuel de Rieux, marquis d’Assérac (+1657). Essai de reconstitution

ISBN : 979-1097611408. 191 pages. Relié. Format 21 x 28 cm. Illustrations. Index. 553 gr. Prix : 32 euros
Disponible sur : / Available on the platform :

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3 Mar 2025
Jean-Luc Deuffic

La bibliothèque du marquis d’Assérac : un 187e livre retrouvé ! le « Jerusalem deslivrée » de Torquato Tasso (1632)

La publication récente de mon ouvrage sur La Bibliothèque de Jean-Emanuel de Rieux, marquis d’Assérac (+1657) avait pour objet de faire, en quelque sorte, un état de la question. Quelques jours ont suffi pour qu’un bibliophile me contacte pour m’annoncer qu’il venait d’acquérir un ouvrage ayant appartenu au marquis d’Assérac, en l’occurrence le Jerusalem deslivrée de Torquato Tasso (1632). En vérité, le seigneur breton semble avoir eu une prédilection pour cet auteur italien. Il en possédait la version italienne (Ferrare, 1581), aujourd’hui à la Bibliothèque Sainte-Geneviève, à Paris (4 Y 532 INV 835 RES). De même, Jean-Emanuel de Rieux conservait dans sa bibliothèque d’autres ouvrage de Tasso, dont le Di Gervsalemme conqvistata del Sig. Torqvato Tasso (Paris, L’Angelier, 1595).

The recent publication of my work on La bibliothèque de Jean-Emanuel de Rieux, marquis d’Assérac (+1657) aimed, in a way, to take stock of the question. Within just a few days, a bibliophile contacted me to inform me that he had recently acquired a book that had belonged to the Marquis d’Assérac — namely, Jerusalem deslivrée by Torquato Tasso (1632).
In fact, the Breton nobleman seems to have had a particular fondness for this Italian author. He owned the Italian edition (Ferrara, 1581), which is now held at the Sainte-Geneviève Library in Paris (4 Y 532 INV 835 RES). Similarly, Jean-Emanuel de Rieux kept other works by Tasso in his library, including Di Gierusalemme conquistata del Sig. Torquato Tasso (Paris, L’Angelier, 1595).

 

(AUDAP)

Le Jerusalem deslivrée de Torquato Tasso (1632) a reçu une belle (autrefois) reliure en maroquin rouge à la Du Seuil, comme une grande partie des livres reliés du marquis d’Assérac. Elle est à ses armes: D’azur à dix besants d’or posés 4, 3, 2, 1.
L’ex-libris « Destas » fait penser au capucin Destas mentionné par les Bibliothèques Virtuelles Humanistes, au sujet d’un ouvrage de la Bibliothèque d’Orléans: Auli Gellii Luculentissimi scriptoris Noctes Atticae: Apud Seb. Gryphium Lugduni, 1534.

The Jerusalem Delivered by Torquato Tasso (1632) was elegantly (formely) bound in red morocco in the Du Seuil style, like a large part of the books bound for the Marquis d’Assérac. The binding bears his coat of arms: Azure, ten bezants or, arranged 4, 3, 2, 1.
The ex-libris « Destas » brings to mind the Capuchin Destas mentioned by the Virtual Humanist Libraries in relation to a book from the Orléans Library.

 

Cette nouvelle découverte d’un livre de l’ancienne bibliothèque du marquis d’Assérac me conduit à renouveler ma demande auprès des bibliophiles afin qu’ils me fassent connaître d’autres exemplaires.

This new discovery of a book from the former library of the Marquis d’Assérac leads me to renew my request to bibliophiles, asking them to inform me of any other known books.

 

Jean-Luc DEUFFIC, La bibliothèque de Jean-Emanuel de Rieux, marquis d’Assérac (+1657)
ISBN : 979-1097611408. 191 pages. Relié. Format 21 x 28 cm. Illustrations. Index. 553 gr.
Prix : 32 euros

Disponible sur : /Available on the platform :

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24 Sep 2024
Jean-Luc Deuffic

Western Michigan University, WMU MS 166: Fragment d’un rentier du XIVe siècle en français, pour la seigneurie de La Chapelle-Caro (Bretagne, Morbihan)

© Western Michigan University, WMU MS 166

La mise en ligne de pièces diverses offre parfois aux chercheurs curieux de surprenantes découvertes. Ainsi, en consultant la précieuse base DIGITAL SCRIPTORIUM, j’ai appris l’existence, à la Western Michigan University (USA, Kalamazoo, Michigan), d’un fragment de rentier du milieu du XIVe siècle, rédigé en français. La qualité de ce document est assez étonnante.

En étudiant les noms portés sur ce feuillet, il est assez facile d’y reconnaître qu’il s’agit là d’une page d’un rentier de la seigneurie de La Chapelle-Caro, nommée autrefois « La Basse-Chapelle » ou « La Chapelle-sous-Ploërmel » (Morbihan). Il est même possible de circonscrire le territoire où s’appliquaient ces rentes, c’est-à-dire autour de Treviguet, La Gajale, La Ville-Josse, jusqu’à Le Tay, à l’est de la Chapelle-Caro, territoire intégrée aujourd’hui dans la récente commune de « Val D’Oust ».

Essai de transcription du texte (les abréviations ont été résolues)

Les hoirs Perres de Caro, et les Julo de Caro. Savoir est Jehanne femme Dano Briend et ses consors, devent au seignour de la Chapelle, sex soulz de rente au terme d’aougst par chacun an sur lour hebregement du Gros Bosc, qui jadis fut Raoul Davi, et, depuys audit Perres de Caro, que tient a present ledit Dano Briend et sa femme et Guillaume lour filz, et l’obeissance.

Les hoirs Raoul Jouhan, de La Gajal. Savoir est Mehaust, femme Thomas Jouhier, fille Perret, Raoul Jouhan de La Gajal, tiennent eux et Guillaume Fiolet, lour gendre à cause de ladite Mehaust a recepte du seignour de La Chapelle savoir est, une pièce de terre et une pièce de pré six au bout d’icelle pièce contenant environ dous journeux tant en pré que en terre, six entre le Tay et La Gajal achevant d’un chef sur le chemin de Lourme au chevalier comme l’en vet de La Gajal dreit au Tay, et de l’autre sur une pièce es giens du Tay joignant entre les pièces Jouhiet Paignon. Sur lesquelles chouses deivent audit de La Chapelle au terme de la meaoust XVIII deniers, a Noel XV deniers, a Pasques XV deniers, et l’obeissance.

Eon Jonnier tient a cens certain et à recepte dou seignour de La Chapelle. Premier, le courtil qui achieve sur le pastil de Trevequet six entre les champs pourry contenant environ dous hommées de courtil. Item une pièce de terre achevant d’un chef sur le courtil Picort et de l’autre sur le chemin comme l’en vet deu la ville Joces a Treveguet, joignant d’un costé es champs es hoirs Pierres Guillon, contenant environ demie journel. Sur lesquelles chouses il deit audit de La Chapelle douze deniers de rente en aougst et maille de rente audit de La Chapelle au terme de Noel par chacun an et la desme comme est accoustumé fors oudit courtil, et l’obeissance au dit de La Chapelle ses aides, deitruries quant le cas eneschiet et Jouhanet Le Taillandier tient a présent les dictes chouses par eschange et paie la dicte rente

Je remercie Brigitte et Gilles de la liste « Noblesse Bretonne » pour leur aide.
pastil = pâturage
courtil = petit jardin, généralement clos de murs


Carte des environs de la Chapelle-Caro (département du Morbihan)


Les seigneurs de La Chapelle

Les seigneurs de La Chapelle portaient de gueules à la fasce d’hermines. Le premier de ses membres connus remonte à Guillaume de la Chapelle, lequel assiste, comme témoin, à la fondation du prieuré de Châteauceaux, en 1040.

Olivier de La Chapelle, chevalier, épousa Marie de Derval, et fut institué maréchal-général du duc de Bretagne Jean III, par lettres du samedi avant la fête de saint Jean, données à Vannes en 1318. Ces lettres sont scellées, suivant Dom Morice, d’un grand sceau où le duc est représenté à cheval, l’épée à la main, tenant de la gauche un écu semé d’hermines.
C’est peut-être de son temps que date le rentier étudié ici. Celui-ci épousa Isabeau de Sérent, qui lui apporta la châtellenie de Sérent, possédée par la suite par les familles de Rosmadec et Sénéchal de Carcado.
Sur les seigneurs de La Chapelle, voir la page documentée d’Hervé Torchet [ lien ]

Institutional Record:
Fragment numérisé sur DIGITAL SCRIPTORIUM

9 Sep 2024
Jean-Luc Deuffic

Professeur David Dumville (1949–2024). Nécrologie


Photo : © Department of History, University of Aberdeen

Après Peggy Brown, voici venue l’annonce d’une nouvelle disparition tragique, celle du Professeur David Norman Dumville (1949–2024). Mes premiers contacts avec le savant paléographe remontent à 1985, lorsqu’il présenta une communication au colloque du 15e centenaire de l’abbaye Saint-Guénolé de Landévennec, en Bretagne cornouaillaise. Nous nous rencontrâmes à l’abbaye toute proche de Daoulas (Finistère), là où je suis né, avec Pierre Riché, François Kerlouégan, Patrick Mc Gurk, Léon Fleuriot … (que du beau monde !).  Par la suite, il participa aux pas balbutiants du CIRDOMOC (abbaye de Landévennec), dont il devait être un des premiers vice-présidents avec François Kerlouégan (1933-2009): « what an acronym ! » m’écrivait il en février 1986. Précurseur, il fut un des premiers paléographes à s’intéresser aux manuscrits carolingiens bretons, champ de recherche souvent ignoré. On lui doit ainsi, pour le domaine breton continental, plusieurs études essentielles, parmi lesquelles (ordre chronologique) :

« Brittany and Armes prydein vawr« , dans Études celtiques, vol. 20, 1983, p. 145-159.
« On the dating of early Breton lawcodes », dans Études celtiques, vol. 21, 1984, p. 207-221.
« Gildas and Uinniau », dans Gildas : New Approaches, Michael Lapidge and David Dumville, Woodbridge (Studies in Celtic History, V), 1984, p. 207-214.
« L’écriture des scribes bretons au dixième siècle: Le cas de l’Amalaire provenant de Landévennec », dans Bretagne et pays celtiques. Mélanges offerts à la mémoire de Léon Fleuriot, 1992, p. 129-139 (étude déjà communiqué en 1985, au colloque du 15e centenaire de l’abbaye Saint-Guénolé de Landévennec).
« On the dating of the early Breton lawcodes », dans D. Dumville, Britons and Anglo-Saxons in the Early Middle Ages, 1993, p. 207-221
« Ireland, Brittany, and England: transmission and use of Collectio canonum hibernensis« , dans Irlande et Bretagne: vingt siècles d’histoire : actes du colloque de Rennes, 29-31 Mars 1993, Catherine Laurent, Helen Davis, 1994, p. 85-95.
« Breton and English manuscripts of Amalarius’s Liber Officialis« , dans Mélanges François Kerlouégan, Besançon : Université de Franche-Comté, 1994, p. 205-214.
« Brittany », dans A palaeographer’s review : the insular system of scripts in the early Middle Ages, volume one (Sources and Materials Series, 20.1), Kansai University Press, 1999, p. 111-114.
« The Colophon of The Penitential of Uinniau« , dans Corona monastica : Mélanges offerts au père Marc Simon, 2004, p. 197-208.
« Writers, scribes and readers in Brittany, AD 800-1100: the evidence of manuscripts », dans Medieval Celtic literature and society, Edited by Helen Fulton, 2005, p. 49-64.


David Dumville et Patrick Mc Gurk, abbaye de Daoulas (Finistère, Bretagne). 1985.

Remembering Professor David Dumville (University of Aberdeen)
Bibliographie: sur Regesta Imperii

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