Christie’s propose à sa vente de Londres du 23 novembre 2011 plusieurs manuscrits et enluminures : des Livres d’heures (lot 10, Utrecht ; lots 13, 14, Paris) ; un exemplaire (lot 11) de la Summa de Guillaume le Breton (l’auteur : Bretagne? Galles?) ; un recueil de traités (lot 12) : Walter of Bibbesworth, Le tretiz f. 1-27v ; Nicholas Bozon (c.1280-1320), Les proverbes de bons enseignements, f. 28-40v ; Hue de Tabarie, Ordre de la chevalerie f. 42-53v ; Le mariage des ix filles du diable, généralement attribué à Robert Grosseteste (1170-1253), mais donné ici sous le nom de Maurice, évêque de Paris, f. 54-67.
(c) Christie’s. Illustration : lot 4 : La Présentation au Temple, enluminure tirée d’un Livre d’heures, aujourd’hui à la Chester Beaty, exécuté en 1408, l’année où les ponts de Paris se sont effondrés (colophon au f. 158) : Factum est anno mo ccco viijo quo ceciderunt pontes parisius, vendu dernièrement (The Arcana Collection, Part I, 7 juillet 2010, lot 22). Peut-être un copiste breton : présence des saints Tudgual et Corentin dans les litanies … ou exécuté pour un commanditaire Breton [ description ]
Un colophon similaire se retrouve sur un autre Livre d’heures à l’usage de Paris : le Douce 144 de la Bodleian d’Oxford : Factum et completum est a. 1407, quo ceciderunt pontes Par(isius) – Voir Pächt & Alexander, Illuminated manuscripts, I, n° 641.
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Le précieux ouvrage de Pierre Pansier, Histoire du livre et de l’imprimerie à Avignon (1922), nous fait connaître la présence à Avignon d’Henri Feynaud (1), illustratore librorum, originaire du diocèse de Quimper.
Le 22 aout 1455 il engage comme apprenti François Bequati, un clerc de Marjevols (ancien diocèse de Mende), âgé de 18 ans. Le contrat stipule qu’Henri Feynaud lui enseignera le métier d’enlumineur, et qu’en outre il lui donnera la nourriture et le logement, de même une paire de chausses et trois paires de souliers tous les ans. Après ses trois années d’apprentissage, François Bequati aura droit à 1 écu d’or, et en retour il devra servir son maitre comme ouvrier : faire la cuisine, préparer les lits, balayer la maison, puiser l’eau, aller chercher le vin chez le tavernier.
Source : P. Pansier, p. 107, pièce justificative 26, d’après Archives départementales du Vaucluse, Fds Martin, brève de J. Morelli, f. 72.
Note : (1) Henricus Feynaudi : le nom ne semble pas breton et a peut-être été déformé par le notaire.
Illustration : manuscrit Avignon, BM, 221, f. 29v (détail). Collectaire célestin, XVe s. (c) IRHT / Base Enluminures.
Issu d’une famille noble de Cornouaille (1), en Bretagne, c’est dans ce même diocèse de Quimper que dès 1362 Galeran (Glazren) de Pendref(f) sollicite un canonicat. Il était alors maître ès-arts à l’Université de Paris. Boursier au collège de Navarre à partir de 1368, il y poursuivit ses études de théologie. Bachelier en 1371, il obtient sa licence trois ans plus tard.
Déjà maître en médecine en 1365, il s’honore alors de posséder l’ensemble des trois grades universitaires tant convoités. Vers 1375, il devient pénitencier et chanoine de la cathédrale de Bayeux. Il se voit par la suite attribuer une expectative de prébende pour Notre-Dame de Paris en 1378, sans doute à la faveur de ses fonctions curiales. Médecin du pape Clément VII, il pratique également comme commensal du cardinal de la Grange.
Le rotulus de l’Université le désigne en 1387 prêtre, maître ès-arts et en médecine, faisant acte de régence à la Faculté de théologie et postulant pour un canonicat à Narbonne. Il en avait déjà sollicité au Mans, à Bayeux, à Paris … En 1395, Galeran fait partie du chapitre cathédral de Notre-Dame de Paris et en 1401 il y dirige la chantrerie.
[ Biblio : Danielle Jacquart, Ernest Wickersheimer, Dictionnaire biographique des médecins en France au Moyen Age, p. 164 ]
De la bibliothèque personnelle de Galeran de Pendref subsistent au moins trois manuscrits :
– une Concordance de la Bible d’Hugues de Saint-Cher : Paris BnF Lat. 520, XIVe s. Au f. 513 : Iste liber est magistri Gal[l]erani de Pinderfe magistri in Theologia, note contemporaine.
– un Libellus novus de Laudibus B. Marie : Paris BnF Lat. 17492, XIIIe s. Au f. 237v : Liber iste de Laudibus Marie Virginis datus est ecclesie Parsiensi, cum postilla de Lyra supra totam bibliam in quatuor voluminibus, de bonis defuncti magistri Galerani de Penderef, quondam cantoris et canonici ejusdem ecclesie Parisiensis. Léopold DELISLE, Cabinet des Manuscrits, t. I, p. 429, n. 3.
– une partie d’un recueil factice sans doute recomposé par Petau : Leyde BU Vossius LAT 4° 13, f. 15-30, fin du Xe s. Au f. 30v la souscription suivante (avec résolution des abréviations) : Iste liber est magistri Galerani de Pendreff in medicina, artibus et sacra pagina professoris quem emit Avinione precii III florenorum currentium. Voir K. A. DE MEYIER, Codices Vossiani Latini, 2e partie, Leiden, 1975, p. 38-39.
Par son obit à Notre-Dame il fait don au chapître de 200 livres monnaie en manuscrits (et amplius). De ceux-ci, la communauté vendit une Postille de Nicolas de Lyre en quatre volumes. Cf. ms Paris BnF Lat 17492 (Voir Les Anciennes bibliothèques de Paris de A. FRANKLIN, t. I, 1867, p. 49, extraits des anciens registres du chapitre de Notre-Dame de Paris relatifs à la bibliothèque de cette église).
L’inventaire de la chapelle Saint-Yves établi en 1402 par les procureurs Alain Guillou et Alexandre Hugues signale un bréviaire donné par Galeran de Pendref, lequel fut en 1365 un des gouverneurs de la confrérie Saint-Yves avec Jehan de la Porte et Saliot Castric.
Sur sa carrière universitaire nous ne possédons que peu de détails. P. Glorieux a montré en cadrant la formation de Jean de Falisca, maître en théologie, au travers de ses manuscrits, l’organisation d’un système de prêt à ses étudiants. Ainsi nous apprenons par quelques notes brèves du ms. Paris BnF Lat. 16535 l’utilisation de 23 sisternis quos habet m. Galeranus contentis in 1° sisterno. [Sénion, Sexternion, Sisterne : cahier composé de six bifeuillets, soit 12 f. ou 24 pages = D. Muzerelle, Vocabulaire codicologique]
Lors d’une réunion organisée dans la chapelle de la Sorbonne, le 13 juin 1389, Galeran de Pendref refusa, avec Pierre d’Ailly et plusieurs autres docteurs de la Faculté de théologie, de disputer ainsi que le demandait frère Jean de Montson des Prêcheurs sur des propositions « mal sonnantes » qu’il avait avancées dans sa Resumpte. Quelques années auparavant il avait également participé à l’enquête faite par les commissaires du pape Grégoire XI pour savoir si la Faculté de théologie approuvait la traduction française du livre intitulé Défenseur de la Paix par Marsile de Padoue et Jean de Jandun.
Côté médecine, il fut en 1378 médecin du pape Clément VII, et dans les dernières années de sa vie proviseur de l’Hôtel-Dieu de Paris. Des lettres spéciales de don, expédiées à Vincennes, le 10 juillet 1393, fournissent la liste des médecins qui soignaient alors Charles VI, L’Insensé. On y remarque, outre Regnault Fréron (premier médecin), Evrard de Coucy, le nom de Galeran de Pendreff. (Voir Bernard Guénée, La folie de Charles VI, p. 106, 107, 121.
Ces quelques exemples montrent qu’à cette époque Galeran de Pendreff avait une certaine notoriété. Au reste, il est doyen de la Faculté de théologie en 1403. Une autre preuve de cette reconnaissance serait la présence du chancelier Jean Gerson, le « miroir de son temps », parmi les exécuteurs testamentaire de ses dernières volontés.
Galeran de Pendref mourut dans la nuit du 10 au 11 juillet 1404 et fut enterré à la cathédrale Notre-Dame de Paris, vis-à-vis du second pilier, au milieu de la nef, avec comme épitaphe :
Hic jacet vir venerandae virtutis galeranus de pendref dioecesis corisopitensis oriundus in artibus medicina q ; peritissimus. Obiit parisiis die decimae mensis julii anno domini millesimo quadringentesimo quarto. Requiescat in pace. Amen.
Son testament enregistré au Parlement de Paris le 9 juillet 1404 (Paris, AN, X1A 9807, f. 119-119V) nous donne les noms de ses « exécuteurs » et des témoins de cet acte rédigé « in domo habitationis » de notre chantre, au cloître de Notre-Dame : Robert de Lorris, doyen de Cambrai et chanoine de Notre-Dame de Paris, maitre Jean de Gerson, chancelier et professeur sacre pagine, Denis Courson, sous-chantre de Paris, et Herbert Berenger, prêtre chanoine de Saint-Aignan, et Maurice de Kergourant, docteur en décret. Parmi les Bretons présents : Nuz de Cornouaille, clerc des matines de la cathédrale ; Thomas Guenou, prêtre ; Yves Flochguen, et Arnoul de Villa Lacus, alias Trimdic (ou Trividic – dont la tombe a été découverte à Primelin en 1996 : voir article de A. Y. Castel dans Bulletin de la Société archéologique du Finistère, 135, 2006, p. 131).
Note
(1) D ‘argent au croissant de gueules accompagné de trois étoiles de même. Ces armes se voient entre autres sur la voute du chœur de la cathédrale gothique de Quimper.
Lien : texte développé avec notes et bibliographie dans Pecia, 2, 2003, p. 55-58 [ Lien ]
C. Heck (ed.) L’allégorie dans l’art du Moyen Age. Formes et fonctions. Héritages, créations, mutations
Table of Contents / Table des matières :
Christian Heck, L’allégorie dans l’art médiéval : entre l’exégèse visuelle et la rhétorique de l’image
Formes, richesses et enjeux de l’allégorie : Gilbert Dahan, Les usages de l’allégorie dans l’exégèse médiévale de la Bible : exégèse monastique, exégèse universitaire – Armand Strubel, L’allégorie en littérature : une fatalité ? – Herbert L. Kessler, The Eloquence of Silver : More on the Allegorization of Matter
Entre l’église et l’Église : Peter Kurmann, L’allégorie de la Jérusalem céleste et le dessin architectural à l’époque du gothique rayonnant – Daniel Russo, Allégorie, analogie, paradigme. Étude sur la peinture de l’Église dominicaine par Andrea di Bonaiuto, à Florence, 1365/1367 – Cécile Voyer, L’allégorie de la Synagogue, une représentation ambivalente du judaïsme – Brigitte D’Hainaut-Zveny, L’interprétation allégorique du rituel de la messe. Raisons, modalités d’action et efficacités – Alfred Acres, What Happens When Christ Sleeps ?
Entre sacré et profane : Jacqueline Leclercq-Marx, L’illustration du Physiologus grec et latin, entre littéralité et réinterprétation de l’allégorie textuelle. Le cas des manuscrits Bruxellensis 10.066-77 et Smyrneus B.8 – Rémy Cordonnier, L’illustration du Bestiaire (XIe – XIIIe siècle). Identité allégorique et allégorie identitaire – Catherine Jolivet-Lévy, Formes et fonctions de l’allégorie dans l’art médiobyzantin – Colum Hourihane, Judge or Judged, Notes on The Dog in The Medieval Passion
Typologies, parallèles, comparaisons : Marc Gil, L’art sigillaire se prête-t-il à la production d’images allégoriques ? – Maria Alessandra Bilotta, Formes et fonctions de l’allégorie dans l’illustration des manuscrits juridiques au XIVe siècle : quelques observations en partant des exemples italiens – Alejandro García Avilés, The Philosopher and the Magician. On some medieval Allegories of Magic – Martine Clouzot, Les allégories de la musique dans les livres peints (XIe – XVe siècle) : mouvements, musicalités et temporalités d’une herméneutique
Allégories et créations littéraires : Julia Drobinsky, L’Amour dans l’arbre et l’Amour au cœur ouvert. Deux allégories sous influence visuelle dans les manuscrits de Guillaume de Machaut – Anne-Marie Barbier, Dessein avoué et intentions voilées dans les représentations allégoriques de l’Épistre Othea de Christine de Pizan
La fin du Moyen Âge : un temps de l’allégorie ? : Laurent Hablot, Emblématique et discours allégorique à la fin du Moyen Âge – Rose-Marie Ferré, Des effets littéraires à la création monumentale : « Dire et voir autrement » la mort de soi. Le tombeau de corps du roi René à la cathédrale d’Angers – Pascale Charron, Les Arts libéraux dans la tapisserie à la fin du Moyen Âge : entre iconographie savante et pratiques d’atelier – Hervé Boëdec, Allégorie et spiritualité monastique au début du XVIe siècle : le Triptyque du Bain mystique de Jean Bellegambe – Antonella Fenech Kroke, Continuité ou rupture ? Le langage de la personnification dans les arts à l’aube des Temps Modernes
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