Qui cest escript a droit verra / Nom et seurnom y trouverra
G A L L I C A vient de mettre en ligne un exemplaire de la Consolation de la philosophie de Boèce, dans une traduction jadis attribuée à tort à Charles d’Orléans, erreur que Léopold Delisle a dissipée. L’intérêt de ce manuscrit (Paris, BnF, Nlle acq. lat. 1982) est de nous donner le nom du copiste et celui tout aussi précieux du destinataire en acrostiche \ »Jehan de Langres esmailleur\ ». Le copiste Raoulet d’Orléans est bien connu (1) ; le destinataire a laissé son nom dans la liste des orfèvres de la \ »monnaie de Paris\ » :
Ce jour (1er mars 1401), Jehan de Lengres fit le serment de bien et loyaument exercer en sa personne l’office de la taille des fers de la monn° de Paris, et que aucuns fers il ne baillera ne fera, se n’est aux gardes de lad. monn° et sy ne exercera fait de change.
En 1402,
Jehan de Langres, tailleur des coings de la monnaie de Paris, reçoit 9 livres tournois pour avoir fait quatre paires de fers à gettouers d’argent, pour Ysembart Martel, Miles Baillet, Jean Chanteprime et Gui Chrestien.
Transcription :
C’est le congie de lescrivain.
Icy en droit fine Boece,
En qui pevent trouver l’adresce
Homs et femmes, par ses recors,
A sauver leurs ames et corps.
Non pas eulz laissier tourmenter
De desespoir, ne seurmonter
En orgueil lort pechie terrible,
Le plus grief de tous et horrible ;
Ainçois est d’avoir pacience.
Nuit et jour, et querre science
Glorieuse pour Dieu amer.
Requérir, servir, honnorer.
Et la doulce vierge Marie,
Sur tous les cielx d’ange chierie,
En qui divine pourveance
Se mist et ot double substance
Merveilleuse pour nostre amour,
Ausquelx prierons sans demour.
Jointes mains, que ilz gardent d’yre
Li vaillans homs qui flst escrire
Le livre assez bien compassez.
Et les ames des trespassez
Vueillent garder de maulx liens.
R. dit Amen d’Orliens.
Qui cest escript à droit verra,
Nom et seurnom y trouverra.
NOTES
(1) Wolfgang Oeser, \ »Raoulet d’Orléans und Henri du Trévou, zwei französische Berufsschreiber des 14. Jahrhunderts und ihre Schrift\ », dans Archiv für Diplomatik, Schriftgeschichte, Siegel- und Wappenkunde, 42, 1996, p. 395-418. H. Rouse & M. A. Rouse, Manuscripts and their Makers, H. Miller, 2000, 1, p. 273–279 ; 2, p. 121–122. Quelques colophons de Raoulet d’Orléans : Bénédictins du Bouveret, Colophons de manuscrits occidentaux des origines au XVIe siècle, Volume 5, p. 186 sq. [en ligne]
A VOIR
Paris, BnF, Nlle acq. lat. 1982 sur Gallica
ARLIMA (Laurent Brun)
Léopold Delisle, \ »Anciennes traductions françaises de la Consolation de Boëce conservées à la Bibliothèque nationale\ », dans Bibliothèque de l’école des chartes, t. 34, 1873, p. 5-32 [en ligne sur Persée]
Guillaume de Lescouet, notaire et libraire breton à Paris au XIVe siècle
Signature de Guillaume de Lescouet
Préparant un petit catalogue prosopographique des libraires bretons au Moyen Âge, ces quelques lignes pour présenter un de ceux qui ont exercé à Paris.
En fait, sur le nom même j’ai quelque peu hésité. LESCONET ou LESCOUET ? Mon choix s’est toutefois porté sur le second dans la mesure où Guillaume de Lescouet se dit clerc du diocèse de Léon (clericus Leonensis diocesis, publicus apostolica et imperiali auctoritate notarius), région où ce patronyme est attesté anciennement. Ainsi un Guillaume de Lescouet figure comme gouverneur de Lesneven en 1357.
Le premier acte retrouvé portant le paraphe de Guillaume de Lescouet, comme notaire public (= tabellion), est la prestation de serment de son compatriote Henri GUILLOU comme libraire-juré de l’Université de Paris en septembre 1351. Du reste, ce même Guillou est connu aussi comme copiste d’un manuscrit de la Bibliothèque Cathédrale de Valence (ms. 10), exécuté pour le pape Clément VI : Nicolas de Gorran, Postilles. « Expliciunt postille fratris ni // cholai de Gorran super psalte // rium. // Hic liber est scriptus per henricum Guilloti pro Sanctissimo patre // ac domino domino clemente papa sexto // cuius anima requiescat in pace // Amen. Anno domini millesimo trecentesimo // quinquagesimo secundo die iovis // ante ramos Palmarum ».
En 1355 le nom de Guillaume de Lescouet se retrouve, comme libraire cette fois, mêlé à une transaction avec Gui Bodier, recteur de la paroisse de Saint-Malo de Pontoise, au sujet d’un exemplaire de la Légende dorée de Jacques de Voragine, aujourd’hui conservé à la Bibliothèque Carnégie de Reims (ms. 1386) : \ »Dominus Guido Boderii rector parrochialis ecclesie Sancti Macuti de Pontisara, Rothomagensis diocesis, uendidit magistro Guillelmo de Lescouet, notario publico, librario, etc. istam legendam, pro precio VIII scutorum, … anno LVto, die iouis post festum Prurificationis\ ».
Le 23 janvier 1359, Jean de Joy, chapelain de Sainte-Agnes fait une donation, cet acte sera établi dans la maison même de Guillaume de Lescouet, rue Neuve Notre Dame, proche de la cathédrale, là où sont installés généralement libraires et copistes de Paris : \ »acta fuerunt hec in domo habitacionis mei Guillelmi de Lescouet notarii publici infrascripti sita in vico novo beate marie paris.\ »
Un document de mars 1363, où Guillaume de Lescouet est qualifié de \ »tabellion du pape\ », nous fait connaître le nom de sa femme : Peronelle Boucher. Ensemble, ils achètent plusieurs rentes sur des maisons dont une appartient aux héritiers de Guillaume Jacques (autre notaire breton) et à Jean Le Boucher (père de Peronelle).
Enfin, dans les lettres patentes de Charles V portant exemption du guet et de la garde des porte de Paris, datées du 5 novembre 1368, figure le nom de Guillaume de Lescouet parmi les 14 libraires listés qui échappaient à cette corvée.
Voici donc quelques éléments biographiques de notre notaire-libraire breton maitre Guillaume de Lescouet qui décéda après 1386, date à laquelle il est encore mentionné dans le Registre des causes civiles de l’officialité épiscopale de Paris.
SOURCES : Paris, Archives nationales, L 715, n° 5 ; M 68, n° 39, 45, 54, 55 ; S 92 ; S* 1647
Guillaume Lesconnet (Lescouvet, de Lescouet) cité dans:
Paul Delalain, Étude sur le libraire Parisien du XIIIe au XVe siècle, Paris, 1891, p. 44.
Richard H. Rouse et Mary A. Rouse, Manuscripts and their Makers. Commercial Book Producers in Medieval Paris, 1200- 1500, Londres, Harvey Miller, 2000, vol. II, p.
« Les troys premiers livres de Diodore Sicilien », manuscrit de François 1er, dans les collections du marquis d’Assérac
© Musée Condé
Si Jean Emmanuel de Rieux, marquis d’Assérac, possédait une exquise bibliothèque, pour l’augmentation de laquelle il travaille avec un grand soin (Louis Jacob, 1644), il est assez étonnant d’y trouver hors ses domaines d’intérêt (astrologie judiciaire, art militaire), de superbes manuscrits. L’un d’entre eux a même une provenance royale et se trouve aujourd’hui conservé dans la prestigieuse bibliothèque du Musée Condé de Chantilly (ms 721). Son frontispice somptueux, peint entre autres par Jean Clouet, en 1534, a fait l’objet d’une étude de Cécile Scaillierez dans la Revue du Louvre (4/1996, p. 47-52).
Cet exemplaire des Troys premiers livres de Diodore Sicilien, traduit en français par Maistre Anthoine Macault, notaire, secrétaire et valet de chambre ordinaire du roy, est sorti très anciennement de la bibliothèque de François premier, portant encore sa reliure d’origine de veau brun à compartiments dorés, avec un semis de fleurs de lis et de F.
Au début de l’ouvrage, une grande peinture frontispice représente François Ier écoutant la lecture de Macault. Assis sous un dais fleurdelisé, devant une table recouverte d’un tapis vert, sont présents ses trois fils, de même que les grands officiers de la Couronne, parmi lesquels on reconnaît le grand-maître Anne de Montmorency, l’amiral Philippe Chabot et le chancelier Antoine Duprat. Ce frontispice fut reproduit dans l’édition donnée en 1535 par Geoffroy Tory.
La signature de Jean Emmanuel de Rieux sur la page de titre
Ce manuscrit enluminé par Jean Clouet, Noël Bellemare, et par le Maître de François de Rohan, a appartenu à Firmin-Didot (catalogue, 1810, n° 880), puis à M. Beckford, et finalement au duc de Hamilton. Lors de la vente faite à Londres au mois de mai 1889, il fut acquis par M. le duc d’Aumale. Nous n’avons pas encore l’explication de la présence d’un tel manuscrit dans les collections du marquis d’Assérac.
BIBLIO
Cécile Scailliérez, \ »Un portrait méconnu de François Ier peint par Jean Clouet : le frontispice des Histoires de Diodore de Sicile au musée Condé de Chantilly\ », dans La Revue du Louvre et des musées de France, 1996, 46, 4 Cécile Scailliérez et Patricia Stirnemann, L’Art du manuscrit de la Renaissance en France, Somogy édition d’art / Musée Condé Château de Chantilly, 2001, p. 46-49.
Sur le manuscrit du Musée Condé : Geofroy Tory, peintre et graveur, premier imprimeur royal (1865).
Léopold Delisle : « Traductions d’auteurs grecs et latins offertes à François Ier et à Anne de Montmorency par Etienne Le Blanc et Antoine Macault », dans le Journal des Savants, août et septembre 1900.
Le marquis d’Assérac († 1657) : des voyages et des livres …
Poursuivant mes recherches sur le marquis d’Asserac (1) et sa bibliothèque, j’ai levé ci-dessous une carte de ses parcours livresques en Europe entre 1629 et 1656. Régulièrement, Jean-Emmanuel de Rieux annote ses ouvrages avec des mentions de lieux ou des prix d’achat. Bien entendu la plus grande partie provient de la région sud de la Bretagne, entre sa demeure du château de Ranrouët (Herbignac) où se trouve son \ »cabinet\ » et Nantes. Son séjour en Italie en 1629 lui a permis de ramener plusieurs ouvrages constituant ainsi un fonds important (près d’une cinquantaine d’exemplaires recensés), car notre homme est italianisant (de même il devait connaître l’espagnol … et peut-être même avait quelques notions d’arabe).
Sa carrière militaire l’a mené vers les Pays-Bas où il a pu acquérir des livres à Amsterdam et La Haye. Mais il en faisait également venir de Flandre comme le précise cet ex libris : \ » J’ay receu de Flandre ce volume le 30 aoust 1646. Jean Em. de Rieux \ » (Bibliothèque Sainte-Geneviève FOL V 97 INV 124), ou d’Italie : \ »Envoié de Rome à Jean Emanuel de Rieux, marquis d’Assérac, et receu le 24 aoust 1651, par le R. P. Nolano doct. de l’ord. des prescheurs\ » (Bibliothèque Sainte-Geneviève, 4 D 1162 INV 1204).
Cliquer sur la carte pour agrandir
Nous avons recensé à ce jour 174 ouvrages provenant des collections du marquis d’Assérac, dont 160 conservés dans la seule Bibliothèque Saint-Geneviève, à Paris; un à la BM d’Angers ; 3 à la BnF ; un à la BM de Bordeaux ; un à la BM de Grenoble ; un à la BM de Lyon ; un à la Bibliothèque Mazarine ; un à Moscou ; un à la BM de Saint-Quentin ; un à la BM de Troyes ; et enfin 3 passés dans des ventes publiques.
Merci à ceux qui pourraient me signaler d’autres ouvrages du marquis d’Assérac …
Note (1) Voir nos post :
Jean-Emmanuel de Rieux, marquis d’Assérac († 1657) : un lettré « bien versé dans les sciences » …
Du nouveau sur le Marquis d’Assérac …
Le marquis d’Assérac († 1657) : des voyages et des livres …
Signature de Jean Emmanuel de Rieux marquis d’Assérac (BM Lyon)