Alain de Lille (Alanus ab insulis) était-il breton ?
[Article paru initialement dans Pecia, 4, 2004, p. 117-119]
Les origines bretonnes d’Alain de « Lille » et le manuscrit Marseille BM 436
La renommée du Doctor universalis, théologien, poète et philosophe, a traversé les siècles, en témoigne encore l’important colloque (1) qui lui a été récemment consacré. Si l’œuvre d’Alain de « Lille » (Alanus ab Insulis, 1128-1203) reste généralement bien connue et continue à faire l’objet d’études de grande valeur, la question de ses origines demeure à ce jour à l’état de controverse. Nous aimerions ainsi verser à ce dossier épineux les indications contenues dans le colophon du manuscrit 436 de la Bibliothèque municipale de Marseille, exemplaire de son De planctu nature : « Explicit liber magistri Alani. Deo gratias. [d’une autre main :] Alanus iste qui librum istum composuit, fuit oriundus de episcopatu Leonie in Britannia. Et vocabatur Alanus Mimi (a), britonice Barz (b) ; fuit enim magnus clericus valde … ». Il s’agit d’un manuscrit composite des XIV/XVe s. (202 x 144 mm) provenant de la Chartreuse de Villeneuve (d’où en tête la lettre de Boson, général de l’Ordre, adressée au pape Clément V). Le texte d’Alain de Lille se trouve dans la partie papier, aux f. 34-89.
Parmi les œuvres communément attribuées au docte savant figurait un commentaire sur les prophéties de Merlin, Explanatio in prophetiam Merlini (2). L’auteur de ce texte, faisant allusion à la venue de saint Samson en Armorique donne la liste des saints frères l’accompagnant :
« Venerunt autem cum eo sex fratres ipsius, sancti et magnifici et magnarum virtutum viri : Melanius (3), Matutus (4), Maclovius (5), Pabutual (6), Paternus (7), Wasloeus (8), qui in aliis civitatibus ejusdem regni ordinati sunt, et Ecclesiae Dei praefecti. Et hoc est, quod ait : pastor Eboracensis septimus in Armorico regno frequentabitur. Hos autem septem fratres, usque in hodiernum diem, non solum gens incola terrae illius, sed et finitimae regiones, septem Britanniae sanctos appellant. »
Dans sa notice sur Le culte des sept saints de Bretagne au Moyen Age (9), l’érudit André Oheix relevant le passage en question avait remarqué l’incohérence de cette énumération d’hagionymes. En effet, la présente liste ne correspond pas à celle habituellement connue qui révèla le pèlerinage si célèbre en Bretagne (10), celui associant les sept saints fondateurs des évêchés bretons et dont la dévotion populaire s’est maintenue tardivement. Il semble donc difficile d’admettre que son auteur soit natif d’un diocèse dont il oublie le saint protecteur, en l’occurrence Paul Aurélien.
Un projet de recherche autour de ce commentaire est menée actuellement par Clara Wille du Mittellateinisches Seminar de l’Université de Zurich. Aucun des manuscrits connus des Prophetie Merlini n’en attribue la paternité à Alain de Lille. Seules les premières éditions imprimées font mention de cette identification qui en fait « repose sur une petite anecdote que relate le commentateur, laquelle s’est passée au moment de l’entrée du comte Thierry d’Alsace » à Lille le 23 avril 1128 . L’hypothèse des origines bretonnes d’Alain de Lille ne doit donc pas être écartée. Le nomen d’Alain n’est pas étranger à la péninsule. Il évoque ainsi les grands personnages que furent Alain le Grand, ultime roi de Bretagne, et Alain Barbe-Torte († 952), grand restaurateur du pouvoir breton. Plus tard il sera porté par quelques membres de prestigieuses familles : Rohan (Alain Ier le Noir, † 1128), ou Léon (Alain assiste à la translation des reliques de saint Mathieu en 1206) par exemple. Reste à savoir tout de même si sous le nom d’Alanus ab Insulis ne se profilent pas plusieurs personnages homonymes (11).
Was Alain de Lille (Alanus ab insulis) from Brittany?
[Article adapted from Pecia, 4, 2004, p. 17-119]
The renown of Alain de Lille, Doctor Universalis, theologian, poet and philosopher has crossed the centuries, as is witnessed by the recent conference devoted to him (1). If the works of Alain de « Lille » (Alanus ab Insulis, 1128-1203) remain generally well known and continue to be the object of valuable studies, the question of his origins remains in a state of controversy to this day. Here I would like to contribute to this prickly subject the information contained in the colophon of manuscript 436 of the Bibliothèque Municipale de Marseille, which is a copy of his De Planctu Nature:
» Explicit liber magistri Alani. Deo gratias. [in another hand:] Alanus iste qui librum istum composuit, fuit oriundus de episcopatu Leonie in Britannia. Et vocabatur Alanus Mimi (a), britonice Barz (b) ; fuit enim magnus clericus valde … » This Alain, then, originates from the bishopric of St-Paul de Léon, and is known as Alain « the bard », which in the Breton language is Barz…
The manuscript in question contains various works, dates from the XIV/XVth centuries, measures 202 x 144 mm, and comes from the Carthusian monastery of Villeneuve, near Avignon (and has as its opening the letter from Boson, the head of the order, to pope Clement V). Alain de Lille’s text is found in the paper portion of the manuscript, on folios 34-89.
Amongst the works commonly attributed to the learned Alain figures a commentary on Merlin’s prophecies, Explanatio in Prophetiam Merlini (2). The author of this text alludes to St Samson’s visit to Armorique (an area of northern France which includes Brittany) and gives the list of holy brothers who accompany him:
« Venerunt autem cum eo sex fratres ipsius, sancti et magnifici et magnarum virtutum viri : Melanius (3), Matutus (4), Maclovius (5), Pabutual (6), Paternus (7), Wasloeus (8), qui in aliis civitatibus ejusdem regni ordinati sunt, et Ecclesiae Dei praefecti. Et hoc est, quod ait : pastor Eboracensis septimus in Armorico regno frequentabitur. Hos autem septem fratres, usque in hodiernum diem, non solum gens incola terrae illius, sed et finitimae regiones, septem Britanniae sanctos appellant. »
In discussing this passage in his work on the Cult of the Seven Breton Saints (Le culte des sept saints de Bretagne) in the Middle Ages, the scholar André Oheix has noted the incoherence of this list of saints. In fact, the list given here is not the same as that which is generally given for the famous pilgrimage to Brittany (10) which associates the seven founding saints of the Breton bishoprics whose popular devotion continued for a long time. It thus seems difficult to assume that the author did not know about the diocese whose protecting saint he does not mention, in this case St Paul Aurélien. A research project surrounding this commentary is currently being undertaken by Clare Wille of the Mittellateinisches Seminar of the University of Zurich. None of the known manuscripts of the Prophetie Merlini attributes the origin to Alain de Lille. Only the first printed editions make any mention of this identification which in fact « relies on an anecdote given by the commentator, which took place at the time of Count Thierry d’Alsace’s entry » into Lille on the 23rd April 1128. Thus the hypothesis that Alain de Lille might have Breton origins cannot be pushed aside. The name Alain is no stranger to the Breton peninsular. It brings to mind great figures such as Alain le Grand (the Great), the last king of Brittany, and Alain Barbe-Torte (of the Twisted Beard) († 952), who did much to restore Breton power. Later the name was carried by members of prestigious families such as the Rohans (Alain I le Noir – the Black – †1128) and the Léons (whose Alain helped with the translation of the relics of St Matthew in 1206), among others. It remains to be seen whether there are in fact several such Alains behind the name Alanus ab Insulis (11).
Notes
(a) Sur le terme: [Lien]. Voir dans Du Cange: Ministrelli dicti praesertim scurrae, mimi, joculatores quos etiamnum vulgo menestreux vel menestriers appellamus, citant Jornandès.
(b) Moyen breton Barz, français barde, chanteur, musicien: Bardus gallicè cantor appellatur (Festus, Epit. Col. 258)
(1) Paris, 23-25 octobre 2003 : « Philosophie, théologie et littérature au XIIe siècle : Alain de Lille. Le Docteur universel. Huitième centenaire de sa mort », colloque organisé par la Société internationale pour l’étude de la philosophie médiévale.
(2) Prophetia Anglicana, Merlini Ambrosii Britanni, ex Incubo olim (ut hominum fama est) ante annos nulle ducentos circiter in anglia nati, vaticinia et praedictiones : a Gaffredo Monumetensi latine conversae. Una cum septem libris. Explantationum in eandem prophetiam, Alani de Insulis. Francofurti, typis G. Bratheringii, 1603.
(3) Melaine, le saint fondateur de l’abbaye rennaise qui porte son nom.
(4) Pour Macutus, autre nom de saint Malo.
(5) Saint Malo.
(6) Saint Tudwal, patron de l’évêché de Tréguier.
(7) Saint Paterne de Vannes.
(8) Sans doute une déformation du nom du saint fondateur de l’abbaye de Landévennec, Guénolé, Winwaloeus.
(9) Dans Mémoires de la Société d’émulation des Côtes-du-Nord, 49, 1911, p. 11 sq.
(10) Aussi appelé Tro Breiz, « tour de Bretagne ». Sur ce pèlerinage on consultera entre autres : Trevedy, Les sept Saints de Bretagne et leur pèlerinage, dans Bulletin archéologique de l’Association bretonne, 1897, p. 112-167; du même, Culte collectif des Sept Saints de Bretagne, dans Bulletin de la Société archéologique du Finistère, 28, 1901, p. 8-28 ; Abgrall, Etude … du chemin du pèlerinage des Sept Saints entre Quimper et Vannes, dans Bulletin archéologique de l’Association bretonne, 1905, p. 111-124 ; L. Le Guennec, Le Chemin du Tro-Breiz entre Saint-Pol de Léon et Tréguier, dans Bulletin de la Société archéologique du Finistère, 33, 1906, p. 247-281. Charles Mendes, Au sujet du Tro Breiz, Edition du Moulin Vieux, 1991. Yves-Pascal Castel, Le chant du Tro-Breiz, Editions Nouvelles du Finistère, 1995.
(11) Nous rencontrons au XIVe s. plusieurs Bretons portant ce patronyme : Pierre de l’Isle, archidiacre de Tréguier, maître en théologie, pourvu de l’évêché de Tréguier le 16 septembre 1323; Raoul de l’Isle, maître ès-arts, reçoit un canonicat avec expectative de prébende pour le diocèse de Léon le 14 octobre 1327; Geoffroy de l’Isle, chanoine de Nantes, professeur en médecine en 1329; Yves de l’Isle, étudiant en théologie au collège de Navarre en 1342, chanoine de Dol en 1349, etc. Les toponymes sont également nombreux : L’Isle en Plonevez-Lochrist, Spezet, Le Tréhou, etc, pour les anciens diocèses de Léon et de Cornouaille.
Biblio sélective
Je remecie Clara Wille pour son message du 20 juillet 2004. Lire son étude: La Symbolique animale de la Prophetia Merlini de Geoffroy de Monmouth selon un commentaire du XIIe siecle attribué à Alain de Lille [En ligne, au format pdf]
Prophetia anglicana Merlini Ambrosii britanni … vaticinia et praedictiones a Galfredo Monemutensi latine conversae una cum septem libris explanationum in eamdem prophetiam… Alani de Insulis,… Francofurti, G. Bratheringii, 1603 [En ligne sur Gallica]
J. Crick, Geoffrey of Monmouth, prophecy and history, dans Journal of Medieval History, 18, 1992, p. 73.
M. Th. d’Alverny, Alain de Lille, textes inédits, Paris, 1965.
Alain de Lille, Lettres familières (1167-1170), éd. Françoise Hudry, Etudes et Rencontres de l’Ecole des Chartes 14, Paris, 2003.
Palémon Glorieux, Alain de lille: problèmes d’édition, dans H. Roussel, F. Suard, Alain de Lille, Gautier de Châtillon, Jakemart Giélée et leur temps, Lille, 1980, p. 77-81. Christel Meier, Die Rezeption des Anticlaudianus Alans von Lille in Textkommentierung und Illustration, dans : Text und Bild, hg. von Christel Meier/Uwe Ruberg, Wiesbaden, 1980, p. 408-549.
M. Bloomfield, A Preliminary List of Incipits of Latin Works on the Virtues and Vices, mainly of the Thirteenth, Fourteenth and Fifteenth Centuries, dans Traditio, 11, 1955, n. 61.
P. Michaud-Quantin, Le Liber penitentialis d’Alain de Lille. Le temoignage des manuscrits belges et francais, dans Citeaux, 10, 1959, p. 93-106; idem, Sommes de casuistique et manuels de confession au moyen âge, XII – XVI siècles, Louvain, Lille, Montreal, 1962, p. 15-19.
L. E. Marshall, Phalerae Poetae and the Prophet’s New Words in the Anticlaudianus of Alan of Lille [En ligne]
Magister Alanus (of Lille?), Introduction to his commentary on the pseudo-Ciceronian Rhetorica ad Herennium, &
=> [Essentiel] J. O. Ward, Between two worlds: the career and oeuvre of Alan of Lille [En ligne]
Encyclopédie théologique de Migne: Alain de Lille [Lien]
Liens
Lire le c.r. de Max Lejbowicz sur le livre de Marcel Brasseur, La geste des Bretons II, Merlin le veilleur du temps [En ligne sur le site des Cahiers de recherches médiévales]
Wikipedia [En ligne]
Florent Rouillé, L’hymne « Omnis mundi creatura », une miniature de l’Anticlaudien d’Alain de Lille (XIIe s.) [En ligne]
De planctu naturae [En ligne: Intratext]
De planctu naturae [En ligne: The latin library]
The Complaint of Nature [En ligne: Medieval Sourcebook]
Anticlaudianus sive De officiis viri boni et perfecti [Bibliotheca Augustana] [pdf :Documenta catholica]
Manuscrit numérisé
§ Biblioteca Pública del Estado en Soria ms 23-H(2) : Tractatus Magistri Alani super Cantica Canticorum (XIIIe s.) [En ligne]
Illustration: Les Paraboles Maîstre Alain. Paris, Antoine Vérard, 20 mars 1492 (1493 ns). Chantilly, musée Condé. (C) Photo RMN – ©René-Gabriel Ojéda
The Treasured Hunt: Collecting Medieval and Renaissance Manuscripts, Past, Present, and Future
On November 2, 2007, the University of Pennsylvania and the Free Library of Philadelphia will present the following all-day symposium:
The Treasured Hunt: Collecting Medieval and Renaissance Manuscripts, Past, Present, and Future
This symposium explores the motivations behind the collecting of manuscript books through case studies of historic collectors presented by scholars and by hearing from contemporary collectors themselves in a roundtable discussion. Speakers include:
~ Gifford Combs, Private Collector
~ Derick Dreher, Director, The Rosenbach Museum & Library: Of Private Collectors and Public Libraries: Dr. A. S. W. Rosenbach and John Frederick Lewis [Lien]
~ Consuelo W. Dutschke, Curator of Medieval and Renaissance Manuscripts, Columbia University [Lien]
~ Richard Linenthal, Antiquarian Bookseller, Bernard Quaritch Ltd
~ William Noel, Curator of Manuscripts and Rare Books, The Walters Art Museum [Lien]
~ David Rundle, History Faculty and Corpus Christi College, Oxford University: The Butcher of England and the Renaissance Arts of Book-Collecting
~ Lawrence J. Schoenberg, Private Collector [Lien]
~ Claire Richter Sherman, Research Associate Emerita, Center for Advanced Study in the Visual Arts at the National Gallery of Art : The Manuscript Collection of King Charles V of France: The Personal and the Political
~ Toshiyuki Takamiya, Private Collector, Keio University [Lien]
~ James Tanis, Director of Libraries and Professor of History Emeritus, Bryn Mawr College: Migrating Manuscripts
~ Christopher de Hamel, Gaylord Donnelley Fellow Librarian, Corpus Christi College, Cambridge University:The Manuscript Collection of C. L. Ricketts (1859-1941) [Lien]
The symposium will be followed by a reception at the Arthur Ross Gallery in the Fisher Fine Arts Library, featuring the exhibition \ »Treasured Pages: Medieval and Renaissance Illuminated Manuscripts from the Collections of the Free Library of Philadelphia\ » (on view from October 12, 2007, to January 6, 2008).
Programme [En ligne]
Enregistrement [En ligne]
Sponsored by the Office of the Dean, School of Arts & Sciences of the University of Pennsylvania, the University of Pennsylvania Libraries, the Department of the History of Art of the University of Pennsylvania, and the Rare Book Department of the Free Library of Philadelphia.
FLP: Medieval manuscripts [En ligne]
Illustration: Free Library of Philadelphia, ms Lewis E185. Lewis Psalter. Paris, ca 1225/1250. Détail du f. 3r. Nativité. © Free Library of Philadelphia.
Rennes : les manuscrits médiévaux ~ Rencontre avec Eberhard König
An evening with Eberhard König will take place in the Bibliothèque de Rennes Métropole on the 19th of September 2007 at 6.30pm, in the Hubert Curien conference room (salle de conférences Hubert Curien). The purchase of the first part of Françoise de Dinan’s Book of Hours in 1985 was followed by many other additions to the library’s collection, all of which are examples of piety and devotion. Dating from the 15th century, these manuscripts are full of light and artistic creation, and were generally inherited within families. An analysis of their contents and stylistic characteristics sheds light on the relationships of artistic influence as well as on the general commercial exchanges across Brittany during this period. During the evening, Eberhard König, professor of Art History at the Freie Universität Berlin (Berlin Free University) and world expert in medieval manuscripts, will present the current state of his research with particular relation to the Rennes collection. The event forms part of the jounées du Patrimoine 2007 (cultural heritage days 2007) as well as part of the temporary exhibition Acquisions patrimoniales 1981-2007 (Cultural acquisitions 1981-2007), which runs from the 15th to the 31st October 2007.
Le 19 septembre 2007, à 18h30, Salle de conférences Hubert Curien, la Bibliothèque propose une rencontre avec Eberhard König.
L’achat, en 1985, de la première partie du Livre d’heures de Françoise de Dinan sera suivi de nombreux autres enrichissements, témoins de piété et de dévotion. Datant du XVème siècle, ces manuscrits, éclatants de lumière, riches de création picturale et d’appartenance patrimoniale, apportent par l’examen de leurs possessions et de leurs caractéristiques stylistiques, un éclairage sur les relations d’influences artistiques et les courants d’échanges commerciaux qui ont traversé la Bretagne à cette époque. Eberhard König, professeur d’histoire de l’art à l’Université libre de Berlin, spécialiste mondial des manuscrits médiévaux, présente l’état de ses recherches et met en valeur la collection rennaise. Cette rencontre est proposée à l’occasion des journées du Patrimoine 2007 et de l’exposition temporaire Acquisitions patrimoniales 1981-2007 du 15 au 31 octobre 2007. [Source en ligne]
Illustration: Livre d’heures de Jean de Montauban. Ms 1834, détail du f. 108. Le martyre de sainte Apolline. Maître des Heures de Jean de Montauban. (c) Bibliothèque Rennes métropole.
Etudes d’Eberhard König consacrées à l’enluminure bretonne :
§ Manuscrits à peintures. XIIIe-XVe siècles (Bibliothèque municipale de Rennes), Espace Ouest-France Rennes, Paris (Direction du livre) et Rennes, 1992, 64 p.
§ Le livre et la vie politique, dans: La Bretagne au temps des Ducs. Catalogue exposition Abbaye de Daoulas et Musée Dobrée, Nantes 1991, p. 115-118.
§ Buchmalerei in der Bretagne, dans: Bretagne. Die Kultur des „Landes am Meer“ 1300-1900, catalogue expo. Schallaburg, 1990, p. 72-75 ; p. 113-120.
§ Les manuscrits à peintures en Bretagne, dans: Trésors des Bibliothèques de Bretagne. Catalogue expo. Château des ducs de Rohan, Pontivy 1989, S. 49-63.
§ L’enluminure à Rennes à la fin de la Guerre de Cent Ans, dans: Artistes, artisans et production artistique en Bretagne au Moyen Age, éd. Xavier Barral i Altet, Rennes, 1983, p. 121-126.
§ Un atelier d’enluminure à Nantes et l’art du temps de Fouquet, dans: Revue de l’art, 35, 1977, p. 64-75.
Site de la Bibliothèque Rennes métropole [En ligne]
Collections numérisées de Rennes métropole [En ligne]
Professor Dr. Eberhard König [Vita, Bibliographie en ligne]
Le jeu des échecs moralisés
When it first arrived in Europe, the game of chess was played with dice and for money. It was condemned and banned by the church which later softened its stance due to the increasing popularity of the game. The allegorical treatise Innocent Morality (Quaedam moralitas de scaccorio) attributed to pope Innocent III (1198-1216) was a first tentative attempt to « moralise » the game. Later, the Dominican monk Jacques de Cessoles gave Dominican sermons inspired by the game. Around 1315 he decided to compile these sermons under title Liber de moribus hominum et officiis nobilium sive super ludum sacchorum, which begins thus:
»In the name of the Lord, amen. Here begins the prologue to this Book of the Morals of Men and of the Duties of Noblemen according to the Game of Chess, which was written by brother Jacques de Cessoles of the order of the Preaching Brothers. Having been asked by the brothers of the Order, as well as by many laymen, to write about the entertaining game of chess which covers a remarkable amount of teaching to do with morals as well as with war, I am ceding to their request. It is true that I have previously preached on this subject to the people, and this was pleasing to many noblemen. »
(c) Paris BnF Fr. 1166. Ci-dessous détail du f. 14v:
A leur apparition en Europe, les échecs se jouent aux dés et pour de l’argent. Ils sont condamnés et interdits par l’Église mais celle-ci doit s’incliner devant la popularité croissante du jeu. Le traité Innocente Moralité, attribué au pape Innocent III (1198-1216), marque une première tentative de \ »moraliser\ » les échecs. Plus tard, le moine dominicain, Jacques de Cessoles, propose des prêches dominicaux inspirés du jeu. C’est vers 1315, qu’il décide de compiler ses sermons sous le titre de Liber de moribus hominum et officiis nobilium sive super ludum scacchorum qui débute ainsi:
»Au nom du Seigneur, amen. Ici commence le prologue de ce Livre des Moeurs des Hommes et des Devoirs des Nobles, au travers du Jeu des Échecs, qui fut composé par le frère Jacques de Cessoles, de l’ordre des Frères Prédicateurs. Ayant été prié par des frères de l’Ordre, ainsi que par divers séculiers, de transcrire l’amusant jeu des échecs, qui contient un enseignement remarquable quant à la conduite des moeurs ainsi que celle de la guerre, je réalise leur désir. Il est vrai que j’en avais prêché au préalable le contenu au peuple, et cela avait plu à moult gentilshommes ».
Avant tout, traité de morale, l’ouvrage connut de nombreuses traductions et adaptations en langue vernaculaire parmi lesquelles trois versions françaises dès la première moitié du XIVe siècle (Jean de Vignay, un anonyme lorrain et Jean Ferron).
It was above all a treaty of morals, and the work was translated and adapted numerous times into vernacular languages, including three in French from the first half of the fourteenth century (one by Jean de Vignay, one by an anonymous translator from the Lorraine, and another by Jean Ferron). A digital version is available online from the Lawrence J. Schoenberg Collection, ljs267 (Italy, 1409). f. 1-56:
Voir en ligne : Lawrence J. Schoenberg Collection
ljs267 (Italie, 1409). f. 1-56:
Jacobus de Cessolis, Ludo Schaccorum. Explicit : … donatem illo aquo descendit omnem donum optimum et perfectum. Deo igitur sit honor et gloria in saecula saeculorum amen.
Les traducteurs français
JEAN DE VIGNAY [Religieux hospitalier de l’ordre de Saint-Jacques-du-Haut-Pas, a traduit du latin en français de nombreux textes à l’intention du roi Philippe VI de Valois … Lien Paris BnF]
Incipit prol. :
»A Tres noble et Excellent prinpce Iehan de france duc de Normandie et Ainsne fils de philippe pour la grace de dieu Roy de france frere Iehan de Vignay »
… Incipit tit. :
»Ci commencent les tiltres des chapistres du livre de la moralite des nobles hommes et des gens du pueple sur le gieu des esches translate de latin en francois par frere Iehan de vignay hospitalier de l’ordre de hault pas … »
Incipit op. :
»Ci commence le livre de la moralite de nobles hommes fait sur le Gieu des esches et soubs quel Roy ils furent trouves premierement. Entre tous les mauves signes qui puent estre en nul homme C’est quant homme ne doubte a couroucier par pecchie … »
Voir : Christine Knowles, Jean de Vignay, un traducteur du XIVe. siècle, dans Romania, 75, 1954, p. 353-383.
C. S. Fuller, A Critical Edition of Le Jeu des eschés, moralisé, Translated by Jehan de Vignay, Thèse inédite, Catholic University of America, 1974, recense 48 manuscrits.
JEAN FERRON [Dominicain du couvent Saint-Honoré à Paris et chapelain de l’écuyer Bertrand Aubert de Tarascon en 1347 … Lien ARLIMA]
Incipit prolog. :
»Au noble home Bertran Aubert de Tharascon, frere Jehan Ferron de l’ordre des freres prescheurs de Paris son petit et humble chappellain soy tout la Saincte Escripture dit que Dieux nous at fait a chescun mandement de pourchascier a tous noz prochains leur sauvement … »
Incipit op. :
»Moult ay este prie et requis de religieux et seculiers. »
Explicit :
»Or recourons donc a Celui qui est vertu et m a donné grace d escripre aucune chose a l honneur et a la doctrine des nobles selon mon petit povoir. Et nous doint en present grace sy que nous puissions vivre avec lui pardurablement. Ecce vivit et regnat etc. Amen. Explicit. » (Collet, éd. 1984, puis 1999).
Lire:
Thomas Kaeppeli, Scriptores Ordinis Praedicatorum Medii Aevi, II, Rome, 1975, n° 2323.
Quelques manuscrits
F : Ferron – V : de Vignay
§ Besançon BM 434. f. 245-292v. 1372. f. 245, ci-dessus : Jean de Vignay remettant son ouvrage à Jean II le Bon. Site Enluminures.
§ Chartres BM 419, f. 67-93v. XIVe s. (F)
§ Dijon BM 268. Jacobus de Cessolis, Jeu des echecs moralisés. Fin XIVe s. Site Enluminures.
§ Dijon BM 525, f. 185-201. 1355-1362. (F)
§ Paris BnF Fr. 578, f. 71-101. XVe s. (F)
§ Paris BnF Fr. 580. Jacques de Cessoles, Le Livre des échecs moralisés. Copie du XIVe siècle.
Livre des nobles hommes et des gens de peuple selon le jeu des eschies, translaté de latin en françois par frere Jehan de Vignay. Commence : « A tres noble et excellent prince Jehan de France, duc de Normandie et ainsné filz de Phelippe … « . Finit : » … a la gloire du roy de paradis, a l’onneur des corps et ou proufit des ames. »
§ Paris BnF Fr. 1165. Jacques de Cessoles, Le Livre de la moralité des nobles hommes et des gens du peuple sur le jeu des échecs. Traduction de Jean du Vignay.
§ Paris BnF Fr. 1166. Ibid. Paris, fin du XIVe siècle ou début du XVe. Parchemin. 305 f.
§ Paris BnF Fr. 1167.
§ Paris BnF Fr. 1170. XVe s. (F & V)
§ Paris BnF Fr. 1172. Jacques de Cessoles, Le Livre des échecs moralisés. Traduction française de Jean de Vignay.
§ Paris BnF Fr. 2000. Jacques de Cessoles, Le Jeu des échecs moralisés. Traduction française de Jean Ferron. Vers 1480-1485. Parchemin. 56 f. 237 x 155 mm. f. 4, ci-dessous : Sermon sur « les moeurs et les devoirs des hommes à travers le jeu des échecs ».
§ Paris BnF Fr. 2146. XVe s. (F & V)
§ Paris BnF Fr. 2147. XVe s. (F & V)
§ Paris BnF Fr. 2471. Jacques de Cessoles, Le Jeu des échecs moralisés. Vélin. XVe siècle. (F & V)
§ Paris BnF Fr. 12440. XVe s. (F & V)
§ Paris BnF 19115. XIVe s. (F)
§ Paris BnF Fr. 24274, f. 1-47. 156 f. 275 x 205 mm. 1487. (F) [Lien]
§ Paris BnF Nlle acq. fr. 720. Jacques de Cessoles, Le Jeu des échecs moralisés. Traduction française de Jean Ferron. Parchemin, 45 f. (28,5 x 21 cm). XIVe siècle.
§ Berlin Staatsbibliothek Ham. 349a. XVe s. (F)
§ Bruxelles BR 11045. XVe s. (F & V)
§ Chicago Univ. Libr. 392. XVe s. (F & V). De Ricci I, p. 583.
§ Huntington Library EL 26 A 3, f. 213-278v. France, Troyes? 1410/1415. (V)
§ La Haye KB 70H33. XV/2 s. Version allemande.
§ London British Library Royal 19 A VIII, f. 73-110. XVe s. (F)
§ London British Library Add. 20697, f. 1. XIVe s. (F)
§ London British Library Add. 21461. XVe s. (F)
§ Stockholm KB XLVIII. XVe s. (V & F)
§ Vatican Pal. Lat. 1965. XVe s. (F)
§ Schoenberg Collection ljs058. XVe s. (V)
§ Madrid Biblioteca Nacional de España. Jacobus de Cessolis, Tractatus de ludo Scacorum. 1430-40. Bohemia Tempera. 44 f. 183 x 128 mm. Illustration ci-dessous :
§ Voir sur le site de la librairie Les Enluminures la description d’un manuscrit copié à Avignon (1450-60). Au f 126-203, dans la traduction de Jean Ferron, le Jeu des Echecs. Au f. 207 : »Alés en la premiere église des Celestins a Avignon et y trouverés c que cy dessus est escript en un tableau auquel est painct le corps mort d’une femme.”
[En ligne]
A propos de l’exposition Prague, The Crown of Bohemia, 1347-1437
It is in such a context that we also find the versified work of Guillaume de Saint-André, an advisor to the Duke of Brittany at the end of the fourteenth century. This text, which is found as the conclusion to his Livre du bon Jehan, is an echo of the contemporary debates on the question of power. It seems to be so placed in order to act as a kind of mediating text. Addenda & Corrigenda of the first edition can be read on the site Tudchentil.
C’est dans cet environnement que l’on situe l’oeuvre versifiée de Guillaume de Saint-André, conseiller du duc de Bretagne à la fin du XIVe s. Ce texte, placé en conclusion de son Livre du bon Jehan, se fait l’écho de débats contemporains sur la question du pouvoir. Il s’y place, semble-t-il, en médiateur.
Jean-Michel Cauneau et Dominique Philippe, Guillaume de Saint-André. Chronique de l’Etat breton : Le bon Jehan et Le jeu des échecs : XIVe siècle. Rennes, PUR, 2005.
Lire sur le site Tudchentil Addenda & Corrigenda de la première édition.
Les impressions incunables
§ Libro di givocho di scacchi. Firenze 1493. [Image La Haye KB]
§ Paris, pour Antoine Vérard, 1504. [Image Paris BnF]
Liens
Le jeu d’échecs. Incontournable : Dossier pédagogique sur le site de la Biblothèque nationale de France.
The Chess Theory Virtual Museum of Art
Sur le site ARLIMA:
Jacques de Cessoles
Jean de Vignay
Jean Ferron
Bibliographie
Thomas Kaeppeli, Scriptores Ordinis Praedicatorum Medii Aevi, II, Rome, 1975, n° 2066, p. 312-317, donne une liste des manuscrits du Libellus de moribus hominum et de officiis nobilium super ludo scaccorum de Iacobus de Cessolis. De même les manuscrits des traductions anglaise (Buke of the Chess), catalane, française, allemande (Schachzabelbuch), italienne, hollandaise (Scaecspel). Importante bibliographie.
Jean Rychner, Les traductions francaises de la Moralisatio super ludum scaccorum de Jacques de Cessoles, dans Mélanges Brunel, II, Paris, Société de l’Ecole des chartes, 1955, p. 480-493.
H.-J. Kliewer, Die mittelalterliche Schachallegorie und die deutschen Schachzabelbücher in der Nachfolge des Jacobus de Cessolis (thèse), Heidelberg, 1966.
Jacques de Cessoles, Le Livre du jeu d’échecs ou la société idéale au Moyen Âge, XIIIe siècle. Traduction et présentation de Jean-Michel Mehl. Paris, Stock-Moyen Âge, 1995.
Jacques de Cessoles, Le Livre des eschaz moralisé, traduction de Jean Ferron, 1347. Édition publiée par Alain Collet. Paris, Honoré Champion, 1999. Cf. du même, Jean Ferron, Le Jeu des Eschaz moralisé, 1347, édition critique, dans Perspectives médiévales, 10, 1984.
Jacques de Cessoles, Le Livre des moeurs des hommes et des devoirs des nobles au travers du jeu d’échecs, vers 1315. Adaptation de Jean-Michel Péchiné. Paris, Gallimard, « Découvertes », 1997.
F. Lecoy, Guillaume de Saint André et son jeu des échecs moralisés in Romania, 67, 1942-43, 491-503.
J. Berlioz, L’invention du jeu d’échecs d’après Jacques de Cessoles (XIIIe s.). dans : Pays d’Islam et monde latin Xe-XIIIe siècles. Textes et documents, p. 277-281.
Jean-Michel Cauneau et Dominique Philippe, Guillaume de Saint-André. Chronique de l’Etat breton : Le bon Jehan et Le jeu des échecs : XIVe siècle. Rennes, PUR, 2005. Lire le compte-rendu de D. Dominé-Kohn sur le site des Cahiers de recherches médiévales [En ligne]