Un manuscrit de Bède d’une abbaye bretonne oubliée … Locmaria de Quimper
La splendide collection SCHØYEN (Oslo-Londres) dont on peut admirer la richesse sur un site web très illustré, renferme sous la cote 2036 un manuscrit du mémorable Bède, In Marci Evangelium Expositio. Ce n’est pas tant le manuscrit lui-même dont on conserve encore nombre de copies, mais la provenance de ce livre qui nous interpelle. En effet, rares sont les manuscrits bretons de cette époque (début XIIe s.) dont on peut définir avec exactitude l’identité. Ce présent manuscrit issu d’un scriptorium inconnu (mais probablement « local ») porte la marque de l’antique abbaye de Locmaria de Quimper, établissement double « fondé » par le comte de Cornouaille Alain Canhiart († 1058), mais que certains historiens font remonter à l’époque carolingienne. Elle fut rattachée par la suite à Saint-Sulpice de Rennes, elle-même dépendant de l’abbaye de Fontevrault.
On remarquera sur ce feuillet le parchemin cousu avec soin, ci-dessous:
(c) Collection Schøyen = Manuscrit 2036
A Bede manuscript from a forgotten Breton abbey: Locmaria de Quimper
The splendid SCHØYEN collection (Oslo, London), whose beauty can be tasted on a website wihich contains many illustrations, has under catalogue number 2036 a manuscript of the venerable Bede, In Marci Evangelium Expositio. The manuscript itself, which exists in several copies, is not as compelling as it provenance. In fact, there are very few Breton manuscripts from this time (beginning of the 12th century) whose identity can be ascertained exactly. The manuscript in question was produced in an unknown (though probably local) scriptorium, and carries the mark of the antique abbey of Locmaria de Quimper, \ »founded\ » by Alan Canhiart count of Cornouaille (d.1058), but which some historians date as far back as the carolingian era. The abbey later became attached to that of Saint-Suplice in Rennes, which was itself dependent on the abbey of Fontevrault.
It can be seen from the flyleaf how carefully the parchment was sewn.
BEDE. In Marci Evangelium expositio. Début XIIe s. Parchemin. 78 f. 210 x 130 (180 x 100) mm. 41 longues lignes. Reliure moderne. Provenance: A. Villand (1569); collection privée (Est de la France. -1995); Sandra Hindman, Chicago.
Collection Schøyen [En ligne]
Projet du prieuré de Locmaria. (c) Lefèvre architectes
Locmaria en 3D = © 2006-2012 Heritage-Virtuel
Biblio
Joëlle Quaghebeur, La Cornouaille du IXe au XIIe siècle, Quimper, Société archéologique du Finistère, 2001, p. 205 sq.
A. de La Borderie, Chartes inédites de Locmaria de Quimper, dans Bulletin de la Société archéologique du Finistère, 24, 1897, p. 96-113.
Bases iconographiques (France)
Quelques bases de données françaises pour l’étude des manuscrits enluminés:
Manuscrits enluminés des bibliothèques publiques de France [En ligne]
Liber Floridus : bibliothèque Sainte-Geneviève et bibliothèque Mazarine de Paris [En ligne]
Enluminures : Direction du livre et de la lecture & Institut de recherche et d’histoire des textes (CNRS) [En ligne]
Mandragore, base iconographique du département des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France [En ligne]
Gallica: manuscrits enluminés (fds français) de la Bibliothèque nationale de France [En ligne]
Banque d’images / Picture collection /numérisées du département de la reproduction de la Bibliothèque nationale de France [En ligne]
Agence photographique de la Réunion des musées nationaux [En ligne]
Patrimoine numérique. Catalogue des collections numérisées [En ligne]
(c) Paris BnF Fr. 42. Valerius Maximus, Facta et dicta memorabilia (traduction de Simon de Hesdin et de Nicolas de Gonesse). France. XVe siècle.
A lire
Élisabeth Lalou, Une base de données sur les manuscrits enluminés des bibliothèques : Collaboration entre chercheurs et bibliothécaires, dans Bulletin des Bibliothèques de France, 2001, n° 4, p. 38-42 [En ligne]
Le médiéviste et l’ordinateur, n° 40 (Automne 2001) : La numérisation des manuscrits médiévaux [En ligne]
Le copiste Jehan Cachelart: breton ou anglais? ~ Was the scribe Jehan Cachelart from Brittany or from England?
Texte publié dans : Jean-Luc Deuffic, Notes de bibliologie. Livres d’heures et manuscrits du Moyen Age identifiés, dans Pecia. Le livre et l’écrit, 7, 2009 [Lien].
Béatrice Delaurenti : La puissance des mots. Virtus verborum
Nous avions donné dans un précédent billet quelques informations sur le maître breton Guillaume de Rennes, auteur d’un Apparatus à la Summa de paenitentia de Raymond de Peñafort. J’aimerais signaler à ce propos la sortie de l’excellent ouvrage de Béatrice Delaurenti, docteur en histoire médiévale, membre du Groupe d’anthropologie scolastique de l’EHESS (GAHOM):
La Puissance des mots « Virtus verborum ». Débats doctrinaux sur le pouvoir des incantations au Moyen Âge, dans lequel notre maître reçoit des passages bien documentés.
« Les mots ont-ils un pouvoir ? La question était en débat dans l’Europe médiévale. On s’est interrogé sur l’origine divine, démoniaque ou peut-être naturelle de la « virtus verborum », la puissance des mots, et en particulier sur le pouvoir des incantations. L’incantation pouvait-elle avoir une cause naturelle et, dans ce cas, était-elle une pratique licite ? Des théologiens, des philosophes, des médecins de renom ont soutenu l’idée d’une efficacité non démoniaque de la parole humaine, une efficacité naturelle. On trouve ainsi, dans les textes doctrinaux de l’époque scolastique, une ample matière pour reconstituer la naissance et l’histoire d’une interprétation des incantations que l’on pourrait dire naturaliste…
« Les débats médiévaux sur les incantations représentent un moment à part dans l’histoire intellectuelle du Moyen Âge. Entre le début du XIIIe siècle et la fin du XIVe siècle, la réflexion sur la virtus verborum aura dessiné une parenthèse naturaliste au sein d’un contexte radicalement autre, celui d’une société préoccupée par les démons et leur possible intervention dans les affaires des hommes.»
Do words have power? The question was debated in medieval Europe. People pondered upon the divine, demoniacal or perhaps natural origin of the “virtus verborem”, the power of words, and in particular, the power of incantations. Could incantations have a natural cause, and if such was the case, were they a lawful practice? Renowned theologians, philosophers and doctors supported the idea of a non-demoniacal efficacy of the human word, a natural efficacy. Consequently we find in the doctrinal texts of the scholastic period ample material to piece together the birth and history of an interpretation of incantations, which might be qualified as naturalistic… »
La Puissance des mots « Virtus verborum » Débats doctrinaux sur le pouvoir des incantations au Moyen Âge. Par Béatrice Delaurenti. Préface par Alain Boureau. 588 p. ISBN : 9782204082273.
Notice[En ligne]
Les Editions du Cerf
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