Heures à l’usage du Mans de Jehan de Chahanay
La maison Primardeco de Toulouse propose à sa vente du jeudi 24 octobre, lot 63, un Livre d’heures à l’usage du Mans (?) :
Voici la description donnée par le catalogue en ligne :
Manuscrit sur vélin. 92 f. 155 x 225 (80 x 110) mm. 24 lignes. Littera textualis formata. Paris, vers 1460-1465. Reliure anglaise du XVIIIe s. maroquin rouge plats ornés d’un décor de cadres, losanges et rinceaux dorés, dos long orné de fleurons dorés, mosaïqué de listels de maroquin vert, tranches dorées, doublure de tabis bleu.
Décoration : 10 grandes miniatures, décorées en marge, attribuées au Maître de L’Échevinage de Rouen.
Calendrier latin (f. 1-12v), très peu fourni. \ »Il note les figures essentielles de l’histoire de l’Eglise catholique anglaise et celles de la région Maine et Anjou, jusqu’à Poitiers\ ». Le 13/I, S. Hilaire évêque de Poitiers – le 16/II, S. Julien martyr du Mans – le 26/II Translation des reliques de S. Augustin – le 1/III, S. Aubin évêque d’Angers – le 7/III, S. Thomas d’Aquin – le 30/IV, S. Eutrope, évêque de Saintes – le 21/V, S. Benedict abbé – le 7/VII, translation des reliques de S. Thomas Becket – le 5/IX, S. Taurin évêque d’Évreux – le 23/X, S. Romain évêque de Rouen – le 29/XII assassinat de S. Thomas Becket.
[Pour ma part je pense que ce calendrier est plutôt normand : la Translation de saint Thomas est caractéristique de certains calendriers de Lisieux, Bayeux, Coutances, Rouen, et ne se rencontre pas dans les livres de Poitiers ni du Mans ni d’Anjou (Cf. Calendoscope)]
f. 13-42 : Heures à l’usage du Mans. Les Heures de la Croix et du Saint-Esprit sont incomplètes. La miniature de la Crucifixion manque ; f. 43-54 : Psaumes de la pénitence suivis des litanies avec S. Maurice évêque d’Angers, S. Hilaire évêque de Poitiers, S. Julien évêque du Mans, S. Romain, Sainte Radegonde ; f. 55-73v : Office des Morts à l’usage de Rouen ; f. 74-75v : Ad dominum cum tribulare ; f. 76-82v : Péricopes évangéliques ; f. 83-84v : Obsecro te (forme masculine) ; f. 85-86 : Stabat mater ; f. 86v-89v : Suffrages des Saints Jean-Baptiste, Nicolas, Pierre, Laurent, Eustache, Augustin et Marie-Madeleine ; f. 90-92 : Prière en français.
Miniatures : F. 13 : Annonciation ; f. 19 : La Visitation ; f. 24v : La Pentecôte ; f. 25v : La Nativité ; f. 29v : L’Annonce aux bergers ; f. 31v : L’Adoration des Mages : Le costume de Gaspar est celui du règne de Charles VII et il porte au genou le ruban de l’Ordre de la Jarretière, ordre chevaleresque créé par Edouard III d’Angleterre en 1348 qui fournit sa devise au royaume britannique : Honny soit qui mal y pense. Il s’agit très probablement du portrait du commanditaire.
f. 34 : La présentation au Temple
f. 39 : Le couronnement de la Vierge ; f. 43 : Le roi David ; f. 55 : L’Office des morts.
Provenance : Livre de raison des Chahanay
Le second propriétaire de ce manuscrit est Jehan de Chahanay, seigneur de Chéronne (1), [petit-fils de Hervé de Chahanay, sénéchal du Maine de 1486 à 1492, chambellan du Roi] chevalier de l’Ordre du roi, ou Ordre de Saint-Michel, fondé par Louis XI en 1469, dont le dernier feuillet du manuscrit donne un extrait du livre de raison (mariage de « Jehan de Chahanay et Roze de Tévalles le XXe de febvrier mil cinq cent soixante et cinq » et naissance de « Francoyze de Chahanay le 19 janvier 1566 ») (2). Les Chahanay sont une très ancienne famille du Maine (act. Sarthe), ce qui confirme l’usage du Mans. Par ailleurs, la ville du Mans, berceau des Plantagenêt, indique comme possible commanditaire Georges Plantagenêt, troisième fils de Richard Plantagenêt et de Cécile Neville, fait duc de Clarence en 1461 et reçu chevalier de l’Ordre de la Jarretière la même année. En 1469 il épouse Isabelle Neville à Calais. Personnage célèbre dans l’histoire d’Angleterre au moment de la guerre des Deux Roses entre les Lancastre et les York (voir Shakespeare, Richard III), il rejoint le camp du roi déposé Henri VI, soutenu par son beau-père Richard Neville et s’exile en France. Il meurt à 27 ans, après son emprisonnement dans la Tour de Londres, noyé dans une barrique de malvoisie.
Autres provenances : – Xavery Gull. Ex-libris manuscrit sur le f. de garde de la reliure. Bibliothèque Jean Hersent.
Bibliographie :
François Avril et Nicole Reynaud. Les manuscrits à peinture en France 1440-1520. Claudia Rabel. Les enluminures du Louvre. Moyen Age et Renaissance. Cat. Exposition, Louvre 2011. Livres d’Heures de Basse-Normandie. Caen, 1985. Maruice Caillet, Les richesses de la Bibliothèque municipale de Toulouse, 1960.
Notes :
(1) Protestation faite, devant notaire, par l’abbé de Saint-Vincent [du Mans], René Lelarge, contre l’inhumation, dans le chancel de l’église de Tuffé, de la feue dame de Chéronnes, mère de messire Jean de Chahannay, chevalier de l’Ordre du Roi, seigneur dudit Chéronnes, au mépris des droits des abbés et religieux de Saint-Vincent, patrons-fondateurs de ladite église, « ce que ledit abbé n’oseroit contredire et reffuser pour l’authorité dudit sieur de Chéronnes, homme craint et doubté audit lieu de Tuffé, où y a prieuré conventuel dépendant de ladite abbaye Saint-Vincent, et plusieurs religieux d’icelle envoyez par obédience pour y desservir ; aussy, à l’occasion des troubles et émotions de guerres qui ont esté et sont de présent, où il s’est veu et voit ordinairement plusieurs vindictes et oppressions exercées par les gens de guerre, au plat pays, à l’appétit et induction de ceux qui sont constituez en quelque authorité, à l’encontre de ceux qui leur ont contredit et n’ont obtempéré à leur volonté. » (1585) (Archives départementales de la Sarthe H 126)
(2) Voir le mariage de son fils aîné, Charles, le 26 septembre 1599 : « Messire Charles de Chahanay Sr de Cherome escuyer de la grande escurye du Roy et jentillomme (gentilhomme) ordinaire de sa majesté fils aisné de hault et puissant seigneur messire Jehan de Chahanay chevalier de l’ordre du roy, époussa en la chappelle de Vernée haulte et puissante dame Jacqueline de Bueil dame de Chambellé veuve de deffunct messire François de Montallays en son vivant seigneur de Chambellé » (site de Odile HALBERT)
Sur la famille de Chahannay, voir la base ROGLO
PRIMARDECO 14, rue du Rempart Saint Etienne 31000 Toulouse
SOURCE = Catalogue de vente
Trogen, Kantonsbibliothek Appenzell Ausserrhoden, CM Ms. 4 : un possesseur cornouaillais ?
© Trogen, Kantonsbibliothek Appenzell Ausserrhoden – e-codices
Nous avons déjà fait mention des collections de Trogen au sujet des Livres d’heures des Chambron ( lien ). Un autre manuscrit parisien du début du XVe siècle a probablement eu comme commanditaire un Breton du pays de Cornouaille, comme semblent le suggérer les litanies de ce Livre d’heures avec les inscriptions d’Yves, de Corentin et de Ronan, ce dernier assez rarement honoré dans ce genre d’ouvrages. Parmi les lieux importants de son culte citons : Locronan (Finistère) ; Saint-Renan au nord de Brest (Finistère) ; Laurenan (Côtes-d’Armor). Il a laissé son nom à Saint-Renan, hameau de Plœuc-sur-Lié (Côtes-d’Armor) ; La Noë Renan, hameau du Foeil (Côtes-d’Armor) ; Saint-Renan, hameau de Plozévet (Finistère), etc.
Tombeau de saint Ronan à Locronan
Locronan : église Saint-Ronan, chaire à prêcher, médaillon illustrant la vie de saint Ronan [ source : wikipedia ]
Calendrier :
29 janvier : Gylde
19 mai : Yves (en or)
24 octobre : Magloire
14 novembre : Maclou
Litanies :
Yvo
Corentine
Guill[aum]e
Ronane
Description et numérisation du manuscrit sur le site E-CODICES
© Gamper Rudolf / Weishaupt Matthias (Hrsg.), Sammlung Carl Meyer in der Kantonsbibliothek Appenzell Ausserrhoden in Trogen. Katalog der Handschriften und der Drucke bis 1600, Dietikon-Zürich 2005, S. 75-76.
Un Livre d’heures à proverbes : le manuscrit Paris, BnF, Nlle acq. lat. 3134
© Paris, Bibliothèque nationale de France
Le manuscrit Nlle acq. lat. 3134 de la Bibliothèque nationale de France (numérisé sur Gallica) parait unique en son genre. En effet, plusieurs des feuillets de ce Livre d’heures à l’usage de Rouen, composé au XVe siècle, sont couverts de proverbes illustrés dont certains, très populaires au Moyen Âge, ont survécu jusqu’à nos jours dans la mémoire populaire. Nous en avons relevé quelques uns :
f. 16v : Tant va le pot a liaue qu’il brise : [ lien ]
© Paris, Bibliothèque nationale de France
f. 28 v : Deulx truans ne vallent riens a ung huis :
© Paris, Bibliothèque nationale de France
f. 70v : Tel cuide batre qui tue :
© Paris, Bibliothèque nationale de France
f. 73r : Tel que je l’ay brassé je le boy :
© Paris, Bibliothèque nationale de France
f. 74v : La Femme qui fait accroire a son mari que de vécies sont lanterne :
© Paris, Bibliothèque nationale de France
f. 76v : Qui trop embrache pou estraint :
© Paris, Bibliothèque nationale de France
f. 77r : Besoing fait vielle troter (besoin fait vieille trotter) :
© Paris, Bibliothèque nationale de France
f. 88v : Bon gré mal gré va le prestre au sané :
© Paris, Bibliothèque nationale de France
f. 96 : Tant vaut ung riche homme entre deulx avocas : comme une grace poule entre deulx renars :
© Paris, Bibliothèque nationale de France
En page de garde recto une liste des membres de la famille Duval a été inscrite :
Ex bibliotheca Duvallios Ebroicis
Mer. Iacobus Duval pater D. Medicus 1544
Mer. Iacobus Duva filius D. M. ~1580
Mer. Michael Duval pater D. M. 1622
Mer. Accursi Duval filius D. M. 1652
Mer. Jacobus Duval frater D. M. 1667
Cette famille Duval a formé à Evreux une véritable dynastie de médecins. Jacques Duval, « Jacobus Duval, ebrociensis », licencié en médecine en 1542/1543, décédé avant 1577, fils de Simon Duval et de Jacqueline Lemoine, épousa Hélène Le Breton, dont Jacques, également médecin, et Françoise. Il avait étudié la médecine sous Jacques Dubois
Jacques Duval (1555-1620), d’azur, au chevron d’or accompagné de trois coqs de même, posés 2 et 1 , épousa en premières noces Anne Le Marchant, fille de \ »maistre Guillaume le Marchant\ », apothicaire (né en 1521)
Le 23 juin 1607, N. H. Me Jacques Duval, docteur en médecine, rendit hommage devant le lieutenant général au bailliage de Pont-de-l’Arche, pour le fief d’Hectomare, dont il avait fait l’acquisition de Suzanne Duval, et qui était composé entre autres biens, d’un moulin à vent fieffé et de 14 acres de terre non fieffés.
Le 17 août 1618, Jacques Duval, esc, sieur d’Hectomare, rendit aveu pour le fief du Houvet, au Neubourg, au droit de Catherine de Courdemanche, sa femme.
François Duval, esc, fils de Jacques, sieur d’Hectomare et du Houvet, rendit aveu en 1623.
Louis de Grimouville épouse Susanne Duval, fille de Jacques Duval, seigneur et baron de Houllebec, de Bourdigny, Hectomare, le Genetay,
Source = Les archives héraldiqes d’Évreux – Volume 30, p. 119
On doit à Jacques Duval un ouvrage, très contesté, sur les hermaphrodites, avec portrait de l’auteur (voir ci-dessus) :
Des Hermaphrodits, accouchemens des femmes et traitement qui est requis pour les relever en santé & bien élever leurs enfans. Où sont expliquez la figure des laboureurs, & verger du genre humain, signes de pucelage, defloration, conception […] par Maistre Jacques Duval, [,..] seigneur d’Ectomare et Du Houvel, […]. – A Rouen : de l’imprimerie de David Geuffroy, 1612. – [16]-447-[11] p. : portr., ill. ; 8° [ ouvrage numérisé ]
Jacques Duval a également composé :
L’Hydrothérapeutique des fontaines médicinales nouvellement trouvées aux environs de Rouen, très utiles et profitables à un chacun par noble homme M. Jacques Du Val / A Rouen, chez Jacques Besongne, 1603
Methode nouvelle de guarir les catarrhes et toutes maladies qui en despendent, voyre mesme celles qui cy devant ont esté reputez incurables. En la deduction de laquelle se trouvent 71. paradoxes qui tous sont monstrez estre ortodoxes, sans l’intelligence desquels la guarison desdites maladies ne peut methodiquement proceder. Par noble homme M. Jacques Duval, sieur d’Ectomare & du Houvel… / A Rouen, chez David Geuffroy, demeurant à la ruë des Cordeliers, joignant S. Pierre. M. DC. XI
La maison Ader a vendu le 23 mars 2011 (lot 260), un manuscrit de Michel Duval : Origines francicae ut hodie loquimur auctore Michaele Duval D. medico ebroicensi. Manuscrit trilingue (latin, hébreu et français), papier, 46 f. in folio sur deux colonnes. [ lien ]. Michel Duval eut un fils, Mathieu, apothicaire à Evreux (ADE, E)
Accurse Duval, qui figure comme un des trésoriers de l’église Saint-Nicolas d’Evreux, s’intitule conseiller et médecin ordinaire de S. A. le duc de Bouillon (10 avril 1679, Archives départementales de l’Eure, Saint-Nicolas). Voir également : Vente par maître Nicolas du Frische, chapelain de la chapelle de Saint-Jean-de-la-Tour, à maître Accurse du Val, docteur en médecine à Évreux, d’une maison située dans la paroisse Saint-Nicolas d’Évreux et dépendant de ladite chapelle… (ADE).
Biblio : Voir Valérie Worth-Stylianou [ en ligne ] – Dr K. Albaric, Un médecin ébroïcien, Jacques Duval, Paris, Le François, 1934. In-8, 51 p., portrait. (non consulté)
Saint (T)Uzven, un nouveau saint breton … « homologué » par un Livre d’heures du XVe siècle
Saint-Brieuc, BM, ms 1. Litanies, détail, f. 96v. © BVMM / IRHT
Nous avons relevé dans une contribution aux Mélanges Gwénaël Le Duc (1) le grand intérêt des Livres d’heures et de leurs calendrier et litanies pour l’hagiographie. Le cas de la Bretagne est assez significatif à ce point de vue où moults saints (non canonisés) ont été honorés tout au long du Moyen Âge. Peu d’entre eux en fait, outre ceux qui ont bien été régulièrement canonisés (en très petit nombre d’ailleurs, dont Yves, Guillaume …) sont inscrits aux litanies de ces Livres d’heures si populaires au Moyen Âge. La grande majorité n’est connue que par la toponymie et les dédicaces des chapelles ou des églises, des croix et des fontaines si nombreuses sur le sol breton.
Le manuscrit coté 1 de la Bibliothèque de Saint-Brieuc est un Livre d’heures dont le calendrier et les litanies sont à l’usage de l’ancien diocèse de Saint-Pol de Léon. Malgré sa \ »mutilation\ » (toutes ses miniatures ont été arrachées), ce manuscrit reste exceptionnel dans la mesure où il est l’unique témoin \ »liturgique\ » d’un saint pratiquement inconnu : TUZVEN, inscrit aux litanies (f. 96v, photo ci-dessus).
SAINT USVEN
En 1540, suite au décès de son frère Jean, Marie de Saint-Gouesnou hérite du manoir des Salles, avec la chapelle de saint Tuzven et le cimetière qui l’entoure (aveu de Charles de Ploeuc, du 3 octobre 1540 (Nantes, ADLA, B 1018, chambre des comptes, sénéchaussée de Brest et St-Renan) :
Item confesse tenir prochement la chappelle dudict manoir des Salles setuée en lad. parroisse nommée la chapelle Saint Tuzven o le cymetiere cernant lad. chapelle.
Nantes, ADLA B 1018. Photo Françoise Simon.
Olivier Moal m’a fait connaitre l’aveu de \ »Messire Alain du Chastel chevalier seigneur de Kerlech\ » de juin 1689, qui \ »déclare tenir et posséder… en l’évéché de Léon, la seigneurie et terre de Kerlech et ses dépendances\ » :
En la paroisse de Ploudalmézeau, le manoir de Kerlech, son moulin avec chaussée, étang, marécage, convenant noble de St Drionné, deux autres convenants en la juridiction royale de Brest, justice patibulaire à quatre piliers, droit de marchés tous les lundis de chaque semaine, des foires au bourg de Ploudalmézeau, prééminences et droits honorifiques, écussons, tombes, enfeus dans la dite église de Ploudalmézeau, dans les chapelles de Ste Brigide et Kerlannou, de St Mathieu au Kerigou, de St Roch, de St Mandé, de St Tuzven, et dans la chapelle dédiée à Notre Dame de Recouvrance, le tout en la dite paroisse de Ploudalmézeau, droit de présentation et de patronage dans la chapelle de St Yves en la paroisse de St Renan …. (Quimper, ADF, 1E 1074)
Cette chapelle de Saint-Tuzven, de petites dimensions (6 m x 6 m), aujourd’hui disparue, était bordée par la grève qui porte son nom, là où se trouvait un cimetière marin (2). Le \ »pardon\ » qui lui était associé, tenu le jour de la saint Jean-Baptiste, était encore célébré en 1770. Des mariages, baptêmes et enterrements y ont été encore administrés jusqu’en 1763, inscrits aux registres paroissiaux. Jean Tourmen, prêtre, doyen des chanoines de Kersaint-le-Chatel, s’intitule en 1731 \ »gouverneur de l’église et chapelle de Saint-Tuzven en Ploudalmézeau\ ».
Les murs de Saint-Usven étaient encore visibles au début du XXe siècle.
[Chapelle Saint Tuzven, 1540 ; Saint Tutven, 1650 ; Sainct Tuzven, 1662 ; Sainct Uzven, 1676 ; Saint Tusven, 1687 (Dictionnaire topographique du Finistère, par Albert Deshayes, Ed. Coop Breizh, 2003].
Le prénom Tuzven était porté dans la région. L’aveu précité de 1540 fait mention de : Tuzven Legros, Tuzven Quibiltin … Le 21 septembre 1653, Tusven Mazé et Magdalenne Le Hir, sa femme, font un legs à la Confrérie du Rosaire de Landunvez (Bulletin diocésain d’histoire et d’archéologie, 1924, p. 352). Jusqu’au XVIIe siècle on relève encore son utilisation : Tuzven Le Hir (1722, 1745), Tuzven Le Gentil (1758), Tuzven Cornen (1774)
La présence d’autres saints léonards dans le Livre d’heures de Saint-Brieuc doit être relevée. Outre les saints locaux , le calendrier honore les sept saints de Bretagne, les saints\ »fondateurs\ », dont le pèlerinage fut très populaire à la fin du Moyen Âge : Samson, Malo, Brieuc, Tudgual, Pol de Léon, Corentin, Patern.
Ci-dessous les saints bretons, certains assez rares comme Ronan, Alour, Conogan, Tremeur :
(Entre parenthèses les lieux de culte au diocèse de Léon)
Février
1- Saint Brigide (sainte Brigitte = Ploudalmezeau)
Mars
1- Saint Albin
2- Saint Yovin (saint Jaoua = Plouvien)
3- Saint Vuingualoy (saint Guénolé, le fondateur de l’abbaye de Landévennec = Lannilis, entre autres …)
12- Saint Poul (en lettres d’or) (= Saint Pol de Léon, Lampaul-Ploudalmezeau)
17- Saint Prive (sic = pour saint Patrice ?)
30- Saint Ermel (diffèrent de Armel, sans doute saint Ermeland (Hermeland), abbé d’Indre : fêté le 26 mars par le missel de Rennes (XVe s.) Paris, BnF, Lat. 1098.
Avril
16- Saint Paterne (= évêque de Vannes)
30- Un nom en lettres d’or illisible, probablement saint Brieuc
Mai a été découpé
Juin
1- Saint Ronan (= Saint-Renan)
7- Saint Tudguoal (= Saint-Pabu)
9- saint Columbain (= Plougoulm)
18- Saint Herve (= Lanrivoaré)
21- Saint Meen (= Ploumoguer)
Juillet
1- Saint Golven (= Goulven)
13- Saint Turien
28- Saint Sampson (= Landunvez)
29- Saint Guille’ (saint Guillaume, évêque de Saint-Brieuc)
Aout
16- Saint Armel (= Plouarzel)
Septembre
Octobre
9 et 10 – Saint Poul
15- S. Conogan (en lettres d’or) (= Landerneau)
24- Magloire
26- Saint Alour (= chapelle à Ploudalmézeau)
29- Saint Yves (en lettres d’or)
Novembre
8- Saint Tremour (saint Trémeur = Plouvorn)
14- Saint Malou
18- Saint Mande (saint Maudez = Ploudalmezeau)
Décembre
12- Saint Corentin (en lettres d’or)
Aux litanies, f. 96v
Sancte Yvo
Sancte Budoc
sancte Paule
….
Sancte Hoarvee
Sancte Golvine
…
Sancte Tuzvene
Saint-Brieuc, BM, ms 1. Détail, bordures © BVMM / IRHT
Le format important (200 x 140 mm), la qualité du parchemin, des bordures enluminées (sur la totalité des pages du manuscrit) et la délicatesse des initiales ornées, nous laissent penser que cet ouvrage de luxe fut en possession d’un personnage aisé. Pourquoi pas un membre de la célèbre famille du Chastel dont le château de Trémazan dresse encore ses ruines non loin de l’ancienne chapelle Saint-Usven, dominant l’entrée de l’anse de Portsall. Pourtant cette hypothèse pourrait avoir un défaut : l’absence de saint Tanguy … intimement mêlé aux du Chastel… et qui avait sa chapelle à Landunvez. Mais peut-être son nom était-il inscrit sur la page du mois de mai arrachée du manuscrit. En effet, le saint est honoré au 8 mai dans un autre Livre d’heures prestigieux, les Heures de Guémadeuc sur lesquelles nous reviendront.
Pour ce qui est de la datation du manuscrit, soulignons l’absence de la fête de saint Vincent Ferrier du 5 avril, mort en 1419 à Vannes et canonisé en 1455. Le cardinal Alain de Coêtivy (+ 1474) qui assista au procès de canonisation du saint apporta en Bretagne des reliques de Vincent, déposées à Ploudalmezeau (\ »Saint Visant kannat doue\ », Kannadik Ploudalmezeau, bulletin paroissial de Ploudalmézeau, 1975, n° 7, p. 5-6).
Château de Trémazan
Carte de la partie ouest du pays de Léon
Croix du Guilliguy, baie de Portsall, témoin de l’ancienne chapelle de Saint-Usven (Ploudalmezeau)
Le manuscrit de Saint-Brieuc contient également quelques petits textes auxiliaires que l’on rencontre parfois dans certains Livres d’heures. Ainsi, au f. 228, les \ »physiques des mois\ » :
Ces sont les fisiques des moys
En jenvier ne doit on mie seigner mais user gengibre (= gingembre)
En fevrier fet bon seigner de la vaine dou foye et user aigremoine
En mars ne doit on mie seig=
[f. 228v] ner de la vaine moyne pour airer le pomon
En moy fet bon seigner et user aluisne
En juing doit on bouire eyue (= eau) freide a ieun et soy garder de luxure
En jeugnet ne deyt on mie seigner ne en aoust mes user herbs
En aoust ne doit on mie seignier mais user froides herbes
En septembre fet bon seigner et user veroine (= vetoine)
En octobre doyt on mangier rosins et bouure moust et let pour lestomac
Voir ici une version diffèrent
Notes
(1) Jean-Luc Deuffic, « Ora pro nobis… Notes sur quelques litanies et calendriers bretons de la fin du Moyen Âge », dans A travers les îles celtiques. Mélanges à la mémoire de Gwénaël Le Duc, PUR/ Klask, 2008, p. 201-217.
(2) Yves-Pacal Castel et G. Kaigre, \ »Le cimetière marin de Saint-Usven en Ploudalmézeau\ », dans BSAF, tome CV, 1977, p. 207-212. Fouilles effectuées dans le cimetière disparu de Saint-Usven.
Documentation : Jean L’Hostis (recteur) : Portsall, centenaire de l’église (1896-1996) [ en ligne ]
Je remercie Yvette Roussin, Françoise Simon (pour la photo) et Olivier Moal.
Nous reviendrons plus en détail sur ce manuscrit dans notre INVENTAIRE DES LIVRES D’HEURES DE BRETAGNE