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19 Sep 2012
Jean-Luc Deuffic

Les Heures de Josse de Lalaing et de Bonne de La Viefville


(c) Quaritch

En feuilletant par hasard un ancien catalogue de la maison Quaritch, une notice a retenu mon attention, celle d’un Livre d’heures à l’usage de Rome présenté comme étant de la maison du Bec, famille bien connue en Bretagne et Normandie. Ce manuscrit de 207 f. mesurant 133 mm sur 95 mm, copié sur 16 lignes à la page, renferme quatre miniatures des Evangélistes en grisaille et onze grandes initiales décorées.
Une recherche plus poussée m’a conduit à rejeter l’identification proposée par le catalogue Quaritch, conforté par l’aide précieuse d’Hanno Wijsman (IRHT). En effet, les armes de Lalaing (1er parti, de gueules, à 10 losanges d’argent aboutées, accolées et rangées 3, 3, 3, 1, la première à dextre chargée d’un lion de gueules) (1), celles de la Viefville (d”or à trois fasces d’azur, trois annelets de gueules brochant sur le champ et la première fasce) et les initiales entrelacées \”J\” et \”B\” ne pouvaient que s’appliquer à Josse de Lalaing et à son épouse Bonne de La Viefville, armes que l’on peut voir également sur le vitrail de la Sainte-Trinité en l’église collégiale Sainte-Waudru de Mons offert par leur fils Antoine et son épouse Elisabeth de Culembourg (2).


Armes de Charles II Lalaing, neveu d’Antoine de Lalaing. Fragment de vitrail de Sint-Katharinakerk van Hoogstraten [ source ]


Armes de Simon de Lalaing, seigneur de Montigny. Musée de l’Hotel Sandelin à Saint-Omer.

Sur le personnage :
J. Lauwerijs, Het testament van Joost de Lalaing (+ 1483), Hoogstraeten, chez l’auteur, 1935, 37 p.
Claude Thiry, \”Un inédit de Jean Molinet : l’épitaphe de Josse de Lalaing, sire de Montigny (+ 1483)\”, dans Bulletin de la Commission royale d’histoire, vol. cxxxix, 1973. p. 29-66.
Christiane Van den Bergen-Pantens, \”Le tableau des 32 quartiers de Josse de Lalaing, chevalier de la Toison d’or, seigneur de Brosende († 5 août 1483)\”, dans Jean-Marie Cauchies et Jacqueline Guisset, Du métier des armes à la vie de cour, de la forteresse au château de séjour : XIVe-XVIe siècles, Turnhout, Brepols Publishers, 2005, p. 194-204.

Fils de Simon de Lalaing (second fils d’Othon), seigneur de Montigny, et de Jeanne de Gavre, dame d’Escornaix, de Bracles et Salardingh (fille d’Arnauld de Gavre et de Marie d’Aumont, dame de Bracles), Josse reçut l’ordre la Toison d’Or au treizième chapitre, tenu Bruges en 1478.

Marié en 1462, on peut supposer que le Livre d’heures fut exécuté vers cette date, peut-être comme cadeau à cette union.

Epitaphe de Josse de Lalaign

Ci-gît Messire Josse De Lalaing, Seigneur et Baron dudit lieu, Seigneur de Hantes, Montigny, Bracles et Salardinghe, qui épousa Marie-Bonne de la Vieufville, fille et héritière de Louis de la Vieufville, Seigneur de Sains, Bertes, Orvilliers et de Maurepas, en le Comté d’Artois et d’autres Seigneuries, il fut de l’ordre de la Toison d’Or, Conseiller et Chambellan des magnifiques Princes Charles, Duc de Bourgogne, puis Maximilien, Archiduc d’Autriche et de Dame Marie de Bourgogne, sa femme, il fit plusieurs grands voyages tant par mer que par terre, haut à joutes et tournois, eut plusieurs grandes charges de gendarme, fut Capitaine de cent lances et de Péronne, prit d’assaut une île, le Duc Charles étant venu devant Nuys, fut amiral, Grand Veneur et Commis à créer les lois de Flandre ; Capitaine des deux châteaux et ville de l’Écluse, fut pris à la bataille de Nancy au service de son Prince Charles, qui là mourut, fut Chevalier d’honneur à ladite Dame Duchesse, laquelle eut en lui si grande confiance qu’elle le fit Ier Chambellan et Gouverneur de Monseigneur Philippe, Archiduc d’Autriche son fils, depuis Monseigneur Archiduc et Duc de Bourgogne, Maximilien, qui après fut Roi des Romains ; le fit Gouverneur de Hollande, de Zélande et de Frise, qui pour lors étaient rebelles, et néanmoins après plusieurs rencontres et villes prises, tant par armes que par beau (?), les réduisit à l’obéissance, subjugua la ville d Utrecht, prit d’assaut la forte ville de Hornes en Frise, acquit la Baronnie de Lalaing : Utrecht se remue (?), laquelle fut assiégée par Maximilien d’Autriche où ledit Seigneur Josse avait la charge de toute l’armée et faisant affuter une bombarde, fut atteint de deux coups d’arquebuse, vécut jusqu’au lendemain, se confessa ; reçut son dernier sacrement et trépassa, Chevalier sans reproche.

Source : Recueil historique

Voir la notice de Casimir de Sars de Solmon (Bibliothèque de Valenciennes) consacrée au couple Josse et Bonne :

Josse de Lalaing, sr de Montigny, de Hantes etc., Chevalier de l’ordre de la Toison d’or, lequel acheta la baronnie de Lalaing de son cousin germain Jean de Lalaing et mourut au siège d’Utrecht lan 1483, gist à Deins. Il avoit épousé Bonne de La Viefville, dame de Sains, Tongres et Maurepas, porte fascé d’or et d’azur de huit pièces à 3 annelettes de gueules sur les deux premières fasces, fille de Louis de La Viefville, sr de Sains et de Marguerite de Rincheval, dame de Maurepas.

Provenances du manuscrit :
Sotheby’s : Highly important manuscripts, extremely valuable printed books, autograph letters and historical documents, etc. (Milo) – 1925/04/06, lot 486
Quaritch : A Catalogue of Illuminated and Other Manuscripts Together with Some Works on Paleography – 1931 Lot 46
Quaritch : Illuminated and literary manuscripts, autograph letters, etc. – 1941, Lot 22

Notes
(1) On a ici plutôt un losangé.
(2) Corpus vitrearum. Les vitraux de la première moitié du XVIe siècle conservés en Belgique. La collégiale Sainte-Waudru de Mons, t. V, 2009. [ extraits en ligne ] avec une liste de représentations du couple.

Merci à Hanno Wijsman (IRHT)

18 Sep 2012
Jean-Luc Deuffic

Paris, BnF, Lat. 1179 : Les Heures de Macé Prestesaille : une affaire de famille


© Paris, Bibliothèque nationale de France. Ms. Lat. 1179, f. 2.

Le Livre d’heures que Macé Prestesaille (ou Presteseille), paroissien de Saint-Saturnin de Tours, fit écrire en 1475, bien que modeste, présente cette originalité de porter de la main même du copiste des relations de naissances ou de décès des membres de la famille Prestesaille, qu’une miniature met en scène, présentée au complet (f. 2) par l’archange saint Michel :

f. 3 : En lonneur et reuerence de nostre sauueur et redempteur Ihesus et de sa benoiste chiere mere et de tous les sains et saintes de paradis a este faict et compillé cest present liure pour memoirez souuenance des trespassez et principallement pour souuenance de Jehanne fille de feu Colin Prince et Jaquette sa femme en son viuant femme de Macé Prestesaille et aussi pour memorez souuenance des enfans que la dicte Jehanne a euz et conceuz durant le temps de la liance du mariage des dessus dictes [f. 3v] deux parties dont les nopces dudit Macé et de Jehanne sa femme furent le lundi xiiie jour de juing mil IIIIc lxviii et estoit ledit Macé aagé de xxvii ans et ladicte Jehanne aagée de xxi an et deceda la dicte Jehanne le xxvie jour de nouembre mil IIIIc lxxiiii apres lenfantement dung filz dont elle accoucha le jour cy dessus escript entre iiii et v heures apres mydi et la dicte Jehanne deceda de cest monde en lautre entre v et vi heures ce jour mesmes de laquelle deffuncte et de tous aultres pour commemoracion [f. 4] delle Dieu par sa saincte grace et misericorde vueille auoir pitié et mercy des ames presant a tous seigneurs et dames prestres clercs séculiers et aultres qui lyront et orront lire ceste présente titulacion qui leur plaise prier Dieu pour lame de la dicte deffuncte et de tous aultres deffuncts et en dire chaucun une patnostre et aue Maria. lequel liure appartient a Macé P[re]staille et a esté fait et par escheue le penultieme jour de may lan mil IIIIc lxxv f. 9v : Le vendredy xvie jour du mois de mars mil IIIIc lxviii la dicte Jehanne eut une fille a six heures apres midi et la tint sur fons Jehan Giuet viconte de Karentem et furent marraignes Andrée Ogiere seur de la dicte Jehanne et Jehanne La Daulnie bourgoise et a nom icelle fille Jehanne et fut née an la maison de Lange a Tours
f. 10 : Le mardi vigille de la decollaction mons. saint Jehan Baptiste xxviiie jour daoust [10v] mil IIIIc lxx la dicte Jehanne eut ung filz entre quatre et cinq heures deuers le matin et furent parrains Guion Moreau apoticaire du roy nostre sire et Jehan Benoit receueur de sens et marraine ma dame Guillemine Tourpin dame de la Frogerie lequel filz a nom Guillaume et fut né audit lieu de L’ange
f. 11 : Le mercredi iie jour doctobre mil IIIIc lxxi la dicte Jehanne eut une fille en enuiron dix heures deuers le matin et fut parrain Jehan Beschu po[u]r maistre Pierre Huet chanoine deureux (Evreux) et marraines Margue [f. 11v] rite Dalles et Jehanne Lagouyne laquelle fille a nom Perrine et fut née audit lieu de Lange.
Au f. 12 : Le mardi xve jour de septembre mil IIIIc LXXII, à heure de vespres, la dicte Jehanne eut une fille, et fut parrain Jehan Gaudin, maistre des euvres de monseigneur de Bueil, conte de Sancerre, et ses marraines Marguerite Maignée, femme de Yvon du Val, capitaine de la Marchiere (1), et Rouse de Vignolles, fille de Perot de Vignolles, et de Marie de Levemont ; laquelle fille a nom Jehanne, et fut née à Chemillé, en la maison de Rambondais.
f. 13 : Ce mercredi XIIIe jour de januier mil IIIIc lxxiii la dicte Iehanne eut une fille a six heures deuers le matin et fut parrain maistre Pierre Lechebien licen[cié] en loys lieuten[ant] du p[re]vost de Tours et ses marraines Iacquete femme de Noillac apoticaire et Jehanne fem[m]me de Jehan de Bresche peletier de ma dame de Bueil contesse de Se[n]cerre [f. 13v] laquelle fille a nom Perrine et fut née audit lieu de Lange.
Ce sapmedi xxvie jour de nouembre mil IIIIc lxxiiii, la dicte Jehanne eut ung filz au dit lieu de Lange entre quatre et cincq heures aprés midi qui ne vesquit que enuiron demye heure et entre cinq et six heures ce soir mesmes elle deceda et furent ensepulturez le lendemain jour de dimanche en une fousse en lesglise de Saint Saturnin de Tours pres ses feuz pere et mere de chaiscun deulx Dieu par sa [ f. 14] saincte grace pitié et miséricorde leur face a lame. Amen.
La première fille de la dicte deffuncte trespassa le jour dung lundi en leage de quinze moys et fut ensepulturée en lesglise Sainct Saturnin a Tours
La seconde fille de la dicte deffuncte trespassa le jour de saint Gacien xviiie jour de décembre mil IIIIc lxxi en leage de deulx moys et demy et fut ensépulturée en ladicte église [f. 14v]

(1) Yvon du Val, chevalier, seigneur de Niafle près de Craon, capitaine de la Marchère, secrtaire du roi Charles VII par lettres du 6 juillet 1437, épousa la même année Marguerite de Maynence. 
Le château de la Marchère : Propriété de la famille de Bueil à partir de 1367 et siège de leur justice seigneuriale.

ADIL, 3E 1/3, 22 juin 1490 : \”le dit Macé Presteseille a promis et promect de faire prendre à sa dite fille le dit Pierre Dulieu a mary espoux en face de notre mere saincte eglise au cas que Dieu et notre mere eglise se y accordent\”, Histoire et société, Mélanges offerts à Georges Duby, PUF, 1992, p. 90.

Paris, Bibliothèque nationale de France, Lat. 1179. Numérisé sur Gallica
F. Avril & N. Reynaud, Les manuscrits à peintures en France, n° 79.

13 Sep 2012
Jean-Luc Deuffic

Les Heures de François Le Bigot et de Perrette Damours, citoyens de Bourges ?

La Galerie Les Enluminures présente dans son catalogue un Livre d’heures remarquable par sa reliure renaissance à la fanfare, laquelle porte les noms de \”François Le Bigot\” et \”Perrette Damours\”.


© Galerie Les Enluminures

Les possesseurs de ce Livre d’heures, exécuté dans la vallée de la Loire vers 1465-1475, doivent être à rechercher du côté de la ville de Bourges, où les familles (Le) Bigot et Damours ont eut des rôles importants :
Perrette Damours, née ca 1520, épouse Claude Lamoignon, échevin de Bourges en 1563 ; porte d’argent, à trois pièces d’hermines de sable
Robert Damours, maire de Bourges en 1570-1571, 1582-1585
Robert Bigot, maire en 1540-1541.
Etienne Bigot, maire en 1599.

Voir Alain Collas, L’ascension sociale des notables urbains : L’exemple de Bourges 1286-1600), L’Harmattan, 2010 : quelques extraits en ligne

Description sur le site de la galerie Les Enluminures
Catalogue Robert Hoe

Galerie Les Enluminures

11 Sep 2012
Jean-Luc Deuffic

Participez à l’acquisition d’un Trésor national, le Livre d’heures de Jeanne de France


En 2011, le ministre de la Culture et de la communication a déclaré Trésor national le Livre d’heures de Jeanne de France, un remarquable manuscrit royal enluminé sur vélin, réalisé en 1452, à l’occasion des noces de Jeanne de France, troisième fille du roi Charles VII.
Ce livre d’heures n’a pas d’équivalent dans les collections publiques françaises. Son entrée dans les collections de la Bibliothèque nationale de France est donc de la première importance.
La BnF doit acquérir cette œuvre avant la fin de cette année. Elle a d’ores et déjà mobilisé des mécènes à hauteur de 75 % de la somme. Aidez-nous à lever les 250 000 euros nécessaires pour mener à bien cette acquisition.
Ce petit volume (108 x 76 mm) se compose de 336 feuillets. Il s’agit de l’une des réalisations les plus exquises et les plus raffinées du règne de Charles VII. La qualité de l’exécution de cet ouvrage témoigne du rang royal de sa destinataire, Jeanne, promise au mariage avec le comte de Clermont, futur Jean II de Bourbon. Les armoiries peintes ne laissent aucun doute sur son identité, notamment l’écu en losange qui se détache sur un drap d’or ; le portrait de la princesse, en prière devant la scène de Mise au Tombeau, figure également dans l’ouvrage, folio 285. Enfin, la genette, petit animal domestique, se retrouve dans l’ouvrage liée par le col à l’initiale « J » par un amusant jeu de mots sur son prénom Jeannette, comme cela existe dans d’autres manuscrits qu’elle eut en sa possession.
Le peintre qui a exécuté l’ensemble des peintures et des bordures, ainsi que la totalité du calendrier, est l’enlumineur anonyme qu’on appelle le Maître de Guillaume Jouvenel des Ursins. Ce manuscrit est assurément l’une de ses créations les plus raffinées.
Deux peintures sont d’une autre main, caractéristiques de l’art de Jean Fouquet du fait de l’étonnante maîtrise spatiale. Jean Fouquet est considéré comme le plus grand peintre et enlumineur français du XVe siècle, une figure majeure de l’histoire de la peinture.
Source : Bibliothèque nationale de France

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