Normannia Monastica
Véronique Gazeau, Normannia Monastica (Xe-XIIe siècle). Princes normands et abbés bénédictins. Prosopographie des abbés bénédictins.
Publications du CRAHM, Caen, 2007. Deux volumes reliés, coffret cartonné. Vol. 1 : 512 pages, Vol. 2 : 416 pages. 16×24 cm / ISBN 978-2-902685-38-7.
Si les Gallia christiana et Neustria pia étaient peu accessibles, peu maniables, pleins de vérités autoproclamées, les passionnés d’histoire de la Normandie, d’histoire religieuse, d’histoire tout court disposent désormais du Normannia monastica. La prosopographie présente 327 abbés bénédictins de la Normandie ducale, entre 911 et 1204. L’auteur ne s’est pas contentée de préciser la datation et le déroulement de l’abbatiat. Les origines familiales de l’abbé, sa formation religieuse, sa désignation à la charge abbatiale, son implication dans la vie politique, intellectuelle, religieuse de son temps sont passées au peigne fin. On découvre l’identité et l’activité de prélats des deux côtés de la Manche, des deux côtés des Alpes, des plus humbles aux plus prestigieux, comme Guillaume de Volpiano ou Lanfranc. Pourquoi Suppon a-t-il été chassé par les moines du Mont Saint-Michel ? À quel moment Herluin abandonne-t-il la vie chevaleresque pour embrasser l’état monastique ? Quels sont les rapports entre Robert de Torigni et Henri II Plantagenêt ?
Instrument de travail pour les spécialistes, le Normannia monastica est aussi un ouvrage qui aiguise la curiosité. Que l’on s’intéresse à un abbé, à l’histoire d’une abbaye, à ses possessions, aux familles qui gravitent autour d’elle, chacun y trouvera une source d’information essentielle…
Véronique Gazeau est professeur d’histoire médiévale à l’Université de Caen Basse-Normandie (CRAHM UMR 6577). Ses recherches portent notamment sur les relations entre aristocratie et monachisme dans les mondes normands médiévaux.
¤ Présentation de l’ouvrage et sommaire [Lien]
¤ Compte-rendu de Stéphane Lecouteux sur la revue en ligne Tabularia [Lien]
Images de musiciens (1350-1500)
A paraître:
Martine Clouzot, Images de musiciens (1350-1500) Typologie, figurations et pratiques sociales. Brepols Publishers. 353 p., 150 ills. couleur, 190 x 290 mm, 2008, broché, ISBN: 978-2-503-52345-3, € 125 HT Collection : Épitome musical.
Prix de lancement de € 99 TTC valable jusqu’au 31 mars 2008.
Les livres enluminés du Moyen Âge résonnent de mélodies instrumentales jouées par des musiciens hauts en couleurs : ménestrels, jongleurs, muses, animaux, grotesques, sirènes, anges, ainsi que le roi David emplissent les peintures des bibles, des psautiers, des livres d’heures, des traités, des chroniques et des romans. Toute une palette visuelle et sonore s’offre à la vue et à l’ouïe des lecteurs, spectateurs et auditeurs de l’époque et d’aujourd’hui. La beauté des images doit tout autant au talent des enlumineurs qu’à la pensée symbolique qui la structure. Quelles sont alors les formes iconographiques des musiciens dans les manuscrits peints ? Quelles conceptions de la musique et des instrumentistes nous donnent-elles à voir et à entendre ? En quoi la mise en image de la musique est-elle une clé de compréhension du monde au Moyen Âge ? La société bourguignonne de la deuxième moitié du XIVe siècle à la fin du XVe siècle sert de cadre à cette réflexion située à la croisée de l’histoire, de la musique, de la culture et de l’art.
Table des matières :
Aux marges de la musique
Entre dérision et sacrilège: animaux, grotesques et squelettes musiciens: L’animal musicien – Une iconographie musicale de la mort – Danses et mélodies macabres Le jongleur, figure et discours: Le jongleur homo ludens – Le jongleur homo viator, un marginal ? – Diabolisation et moralisation des discours
La musique du pouvoir
La musique de la cité: Les instruments de la ville – Les ménestrels au service d’ordre – Du miracle à la confrérie: le métier de musicien
Les ménestrels du prince: Une hiérarchie desinstruments et des musiciens – Le statut des ménestrels à la cour – Le duc et ses trompettistes : service et fidélité
Harmonies princières: La cour en représentation : musique et cérémoniels – Les trompettes aux tournois et à la guerre – Le son et le pouvoir : les entrées solennelles
De la musica à l’harmonie du monde
Au rythme des processions et des mystères: Une société en ordre : la procession religieuse – Une musique théâtralisée: le Mystère de la Passion – Le théâtre du monde ?
Musica : des mathématiques à la science divine: Les « inventeurs » de la musica : Pythagore, Tubal et les allégories de la musique – Les musiciens savants à la cour : entre théorie et pratique – Musique et médecine: une image et un remède à la mélancolie – Musicus et Praefigura Christi : le roi David harpiste
L’harmonie du monde: Les anges de l’Apocalypse et du Jugement dernier – Le cosmos musical: l’harmonie des sphères et la musique des anges – Une hymne à la beauté du monde
Conclusion
Bibliographie – Table des illustrations – Crédits photographique
Brepols Publishers: site web [Lien]
La place de la musique dans la culture médiévale
Olivier Cullin (éd.), La place de la musique dans la culture médiévale. Actes du Colloque organisé à la Fondation Singer-Polignac le mercredi 25 octobre 2006 (Rencontres médiévales européennes), Turnhout, Brepols, 2007. 16 x 24 cm. 151 p. (musique notée). ISBN 978-2-503-52520-4.
Les Rencontres Médiévales Européennes avaient choisi pour thème de cette journée du 25 octobre 2006 la place de la musique dans la culture médiévale. Vaste programme pour ce « ciment … vecteur privilégié de la Parole de Dieu et des poètes … » Les communications présentées s’accordent bien entendu sur le rôle prépondérant de la musique dans la vie intellectuelle et sociale. S’appuyant sur un héritage théorique et mythologique gréco-romain, la musique médiévale s’est inscrite dans la culture occidentale comme un art entier, « chant de l’âme et du corps … de la terre et du ciel ».
Michel Lemoine (†) parlant de saint Augustin (354-430), montre comment le grand théologien a « apporté au profit de la musique religieuse le poids d’une expérience spirituelle ».
Les lois de la musique ont-elles été inventées avant les instruments ? Jean-Marie Fritz étudie la réception médiévale des mythes antiques. Le premier musicien a-t-il imité le chant des oiseaux, le bruit du vent ? C’est la thèse primitiviste. D’autres considèrent au contraire que la théorie a précédé la pratique. La Genèse (4, 21) raconte comment Jubal, l’ancêtre des joueurs de cithare, découvrit les lois de la musique bien avant les instruments.
L’importance de la musique dans la société médiévale, et plus particulièrement dans la littérature fait l’objet d’une étude de Jacques Verger consacrée à Vincent de Beauvais et aux encyclopédistes du XIIIe s. Le dominicain est l’auteur du Speculum majus (en trois volumes : historiale, naturale, doctrinale), achevé en 1258, entreprise colossale dont le succès se mesure au nombre d’exemplaires encore conservés dans les bibliothèques. La musique est surtout présente dans le Speculum doctrinale, dans le livre dédié aux mathématiques (Livre XVI), c’est-à-dire au quadrivium. Vincent de Beauvais s’applique à donner quelques principes théoriques sur la musique, exploitant des sources déjà connues comme le De institutione musica de Boèce (ca 480-524/525) ou des auteurs antiques (Platon, Ptolémée, Virgile). Jacques Verger achève son étude en analysant la musique et le son dans le De proprietatibus rerum de Bathélémy l’Anglais (+ après 1250). Il conclut par la portée limitée des encyclopédies médiévales comme témoins historiques de la musique et de sa pratique.
« La mémoire médiévale est liée à la formation d’un système d’images ». A partir de cette idée fondamentale exprimée par Frances Yates, dans The Art of Memory (1966), Olivier Cullin, professeur de musicologie médiévale et chercheur au Centre d’Etudes Supérieures de Civilisation Médiévale de Poitiers (CNRS-UMR 6223), éditeur de ces Rencontres, nous introduit dans « l’oeil de l’esprit », définissant les dimensions respectives de la musique, de la mémoire et de l’écriture au Moyen Age. S’appuyant sur son édition électronique (1) du graduel de Bellelay, Olivier Cullin nous fait observer par exemple la disposition et certaines distinctions qui permettent à l’oeil de saisir les informations essentielles : encre noire du texte, encre rouge des rubriques, grandes majuscules pour l’introït, etc. L’écriture est « une servante de la mémoire, le livre son extension … les lettres écrites évoquent les voix de ceux qui ne sont plus … » (Mary Carruthers dans son Machina memorialis, Paris, 2002, p. 167-168). Ainsi, paradoxalement la musique ne nait pas de l’écriture musicale.
Martine Clouzot s’intéresse depuis plusieurs années à la musique, aux musiciens et à leurs instruments, qu’ils soient populaires ou de cour. Elle nous présente ici une étude sur la musique au service du prince aux XIVe et XVe s. Gilles de Rome (1243-1316), dédiant au futur Phlippe le Bel son De Regimine principum, « enseigne comment les rois et les princes doivent estres joieus et esbatanz selon reson ». Martine Clouzot relève ainsi la place importante des ouvrages didactiques et encyclopédiques (traitant de la musique) dans les « librairies » princières. L’ars musica serait-il un art de « gouvernance » ? L’exemple du roi David, musicien par excellence, symbolise cette reconnaissance du prince chrétien, figure d’autorité, « modèle chantant du pouvoir » (Michel Zink). Christine de Pisan compare Charles V à ce dernier, comme lui « il aimait à écouter … des instruments à sons voilés que l’on jouait aussi bas que l’art de la musique peut le permettre… » (Le Livre des fais et bonnes meurs du roi Charles V le Sage, 1997, p. 69). L’auteur des Psaumes, David, dont la représentation occupe de façon récurrente l’initiale B du Beatus vir dans les manuscrits liturgiques médiévaux, traduit avec force cette rencontre de la musique et du spirituel.
Ces communications des Rencontres Médiévales Européennes (2006), conjugant richesse et diversité, nous proposent un regard croisé sur divers aspects de la musique médiévale. Elles expliquent notamment la place singulière qu’elle exerça durant plusieurs siècles comme élément fondamental de notre histoire culturelle occidentale.
Sommaire
Monique Cazeaux, Introduction, p. 9
(†) Michel Lemoine, Saint Augustin et la musique, p. 11
Jean-Marie Fritz, La réception médiévale des mythes antiques d’invention de la musique, p. 23
Dom Daniel Saulnier, Le Verbe et la musique, p. 39
Gunilla Iversen, Le son de la lyre des vertus. Sur la musique dans la poésie liturgique médiévale, p. 47
Jacques Verger, La musique et le son chez Vincent de Beauvais et les encyclopédistes du XIIIe s., p. 71
Olivier Cullin, L’oeil de l’esprit : la musique, la mémoire et l’écriture au Moyen Age, p. 87
Anne-Zoé Rillon, Convaincre et émouvoir. Les conduits monodiques de Philippe le Chancelier, un médium pour la prédication, p. 99
Martine Clouzot, Musique, savoirs et pouvoir à la cour du prince aux XIV et XVe siècles, p. 115
Michel Zink, Conclusions, p. 139
Note: (1) Graduel de Bellelay [En ligne]
Liens :
Olivier Cullin : bio-bibliographie [Lien]
Fondation Singer-Polignac [Lien]
Editions BREPOLS
Begijnhof 67
B-2300 Turnhout Belgique
Site web [Lien]
Marie Guerinel-Rau : thèse en ligne sur un manuscrit de la Légende dorée (Rennes 266)
Marie Guerinel-Rau
La Légende Dorée conservée à la Bibliothèque Municipale de Rennes. Approche pluridisciplinaire et comparée du manuscrit 266, un exemplaire enluminé de la fin du 14ème siècle, dans la version française de Jean de Vignay
Cette thèse est consacrée à un exemplaire en français de la Légende Dorée, compilation de vies de saints rédigée par Jacques de Voragine à la fin du 13ème siècle. Il s’agit du manuscrit 266 conservé à la Bibliothèque Municipale de Rennes, ouvrage réalisé à la fin du 14ème siècle. Après avoir étudié la littérature concernant le texte et l’auteur, je me suis attachée à la description codicologique du manuscrit, dans le but de le comparer avec seize autres manuscrits du même texte réalisés entre 1348 et 1430. Ces manuscrits ont également bénéficié d’une description codicologique détaillée. Outre une comparaison de l’aspect physique des manuscrits, j’ai également comparé les choix iconographiques opérés dans le manuscrit rennais avec ceux des autres ouvrages du corpus afin de démontrer d’une part les relations équivoques entre le texte et ses images mais aussi l’originalité de chaque programme iconographique malgré l’utilisation de motifs traditionnels. Effectivement la thématique de l’iconographie est un élément prédominant dans la conception du programme, montrant ainsi que l’atelier responsable de l’enluminure a restitué les thèmes majeurs abordés dans la Légende Dorée dans le cadre d’une réflexion globale sur le programme. Après avoir défini les caractéristiques des différentes mains pour mettre en évidence l’organisation du travail, je me suis penchée sur les possesseurs des manuscrits de la Légende Dorée, voulant mettre en avant la sincérité de leur foi et démontrer que la lecture de l’oeuvre s’insère dans le cadre d’une profonde spiritualité se démarquant de la pratique des exercices et de la lecture des heures. Le manuscrit conservé à Rennes trouve ainsi sa place au sein de la production artistique médiévale et dans un contexte plus large, la Légende Dorée en langue française reprend toute sa valeur dans la société médiévale.
The Légende Dorée of the Bibliothèque Municipale of Rennes. A Comparative and Interdisciplinary Approach of the Manuscript 266, Illuminated Exemplar Dated c. 1400, in the French Version of Jean de Vignay.
The aim of this dissertation is the analysis of a French manuscript of the Légende Dorée, written at the end of the 13th century by the Dominican Jacques de Voragine and translated into French before 1348 by Jean de Vignay. This manuscript is number 266 in the Bibliothèque Municipale of Rennes; it was produced at about the end of the 14th century. After studying the history of the text and its reception, I applied a codicological approach of the manuscript and sixteen other extant manuscripts of the text, made between 1348 and 1430, in order to compare them to each other. Also, those sixteen manuscripts have been fully described. Next to these comparisons about the way how the books were made, I compare the iconographic choices of the Rennes manuscript with the others to show the relations between text and images and the originality of each iconographic program although they use traditional motives. The themes of the iconography seem to have played a major role in the conception of the program by the workshop and show how the artists expressed the main subjects of the text of Voragine. Once the stylistic characteristics of each artist were defined in order to give evidence of an organisated workshop, I went back to the whole corpus to research former owners of the books, using the inventories. As I did not want to accept the idea that the manuscripts were made just to prove the wealthy situation of these people, I used the fact that they had close relationships with new religious trends in order to demonstrate that the Légende Dorée was read with a sincere devotional purpose. In this way, the Rennes manuscript has found its place in the medieval artistic production and in a larger debate; the French Légende Dorée has been re-evaluated in the medieval society.
En ligne sur Archives ouvertes : [Lien]
Sur les manuscrits de la Légende dorée [Lien]
PAGES ANNEXES
Auteur du blog : Jean-Luc DEUFFIC




