23 Fév 2011
Jean-Luc Deuffic

A la recherche d’un unicum : le Livre d’heures imprimé à l’usage de Quimper (ca 1530, vve Thielman Kerver ?) de Conrad d’Einsiedeln

Préparant un Inventaire des Livres d’heures bretons je suis en quête d’un unicum, un Livre d’heures imprimé à l’usage du diocèse de Quimper passé en vente chez l’antiquaire allemand de Munich, Ludwig Rosenthal au début du XXe siècle. Encore que l’exemplaire en question restait incomplet de sa page de titre … Par bonheur nous possédons une description assez précise de l’ouvrage qui fut auparavant entre les mains du bibliophile français Ambroise Firmin-Didot (A)


Feuillet du mois de mars. On remarque dans une petite cartouche, à droite et à gauche, une date : 1535 ?

Petit in-8° à caractères gothiques sur vélin. Trois parties en un volume. Caractères rouges et noirs. On lit au bas du premier folio de chaque cahier : Corisop, et au bas du f. lxv des Suffragia sanctorum au début de la table : Festa immobilia in curia officialatus corisopitensis obseruata.
Première partie n. c. : 36 f., aa-dd8, ee4 (le titre et le f. 36 manque dans l’exemplaire Rosenthal (Aa-ee, 37 f., dans Brunet). Elle contient l’Homme anatomique et le Calendrier, avec des quatrains en latin et en français ; ensuite les jours de la sepmaine moralisez, en vers français, la maniere de bien vivre, l’Examen de conscience, le testament du pelerin, oraison a bien dire au matin, et autres pièces en français, suivies de la passion de nostre seigneur, en latin, les quatre évangiles, les Heures de la Passion.
Seconde partie : a-i, f. i à lxxij. 72 f. chiffrés. Horae.
Troisième partie : A-l. f. i à lxv. 65 f. chiffrés et 3 f. non chiffrés pour la fin de la table, le cahier l complet en 4 f. Horae sanctorum
Le volume se termine par une table des matières où nous apprenons qu’au revers du titre il y avait un almanach pour seize ans. Le titre de l’exemplaire Rosenthal a été enlevé avant 1627, la signature de Conrad d’Einsiedeln (1), possesseur du volume à cette date, se trouvant écrite au bas de la première page.
Décoration : 62 gravures (63 selon Graesse), « sans analogie avec celles des Livres d’heures de Paris de la même époque, excepté les 12 grands sujets représentant les occupations des mois, qui sont des copies des Heures à l’usage de Notre-Dame d’Angers, imprimées par Thielman Kerver en 1530 (1)… Les caractères employés sont ceux des premières Heures de Pigouchet » (Didot, Catalogue, n° 881).
Dans la vignette du f. 62v, 2e partie, relative à la légende d’un chanoine de Paris, on lit le nom Bruno sur la robe du premier personnage à gauche, qui est le nom de ce personnage même. Plusieurs gravures ont le caractère germanique ; celle de s. Michel (f. 30, 3e partie) porte au bas le monogramme composé des lettres P D V (Pierre de Vingle ?) ; elle se trouve dans des Heures imprimées par Nicolas Higman pour Simon Vostre.

Il est intéressant de noter dans ce contexte que des Heures en langue bretonne ont été imprimées en 1576 par Jacques Kerver, dans lesquelles plusieurs illustrations ont été utilisées par Thielman Kerver. Voir sur cet ouvrage : Jean-Luc Deuffic, « Les Heures bretonnes à l’usage de Quimper de Gilles de Kerampuil », dans Pecia, 4, 2004, p. 118-126, suite à la (re)découverte d’un exemplaire complet aujourd’hui conservé à la Rylands de Manchester ; et l’analyse de Léopold Delisle, en ligne sur Persée.

Source et illustration : Catalogues Rosenthal

Notes :
(A) « Selon A. Jammes, Ambroise Firmin-Didot « a été sans doute le plus grand bibliophile de son siècle ». A la tête d’un véritable empire du livre, il confia vers 1855 à son fils et à son neveu la direction de ses usines et consacra les vingt dernières années de sa vie à ses travaux d’érudition et à son exceptionnelle collection de livres rares, de manuscrits enluminés et d’estampes. Les 3320 pièces les plus précieuses furent dispersée en six ventes posthumes et décrites dans de prestigieux catalogues dont les exemplaires de luxe comportaient des reproductions en phototypie » (Catalogue de l’exposition Les Didot, imprimeurs de l’Institut de France, Bibliothèque de l’Institut, 12 septembre – 15 décembre 2005, fichier pdf).
(1) Einsiedeln, commune suisse du canton de Schwytz, située dans le district d’Einsiedeln. Cet élément est un témoignage supplémentaire de la circulation (parfois surprenante) des livres.

Biblio : J. G. Théodore Graesse, Trésor de livres rares et précieux, Genève, Slatkine reprints, 1993 (Fac-similé de l’édition de Dresde, R. Kuntze, 1859-1869, parue sous le titre : Trésor de livres rares et précieux ou Nouveau dictionnaire bibliographique), t. VII, p. 372, cite un exemplaire vendu 500 fr. dans la Catalogue Tross de 1864, n° I, 208.
Jacques-Charles Brunet, Manuel du libraire et de l’amateur de livres, t. V, Paris, 1864, c. 1685, n° 202bis ; Supplément 1, 621.
Bibliothèque A. Firmin-Didot. Catalogue des livres précieux manuscrits et imprimés, [Paris], Delestre, Labitte, Juin 1883, p. 65, n° 66. Catalogue raisonné des livres de la bibliothèque de M. Ambroise Firmin Didot, t. I, Paris, 1867, col. ccc-ccci, n° 881.
Ludwig Rosenthal. Catalog 100. Seltene und kostbare Werke aus allen Fächern […], München [1898], p. 146-148, n° 825 (1500 fr.).
Ludwig Rosenthal. Katalog 111. Seltene und kostbare Bücher, München [1905], (1875 Fr.)
H. Bohatta, Bibliographie der Livres d’heures (Horae B.M.V) : Officia, Hortuli Animae, Coronae B.M.V., Rosaria und Cursus B.M.V. des XV. und XVI. Jahrhunderts, 2. verm. Aufl., Vienna, 1924, 386.
F. Duine, Inventaire n° 292.

Je remercie vivement Edith Rosenthal (Ludwig Rosenthal’s Antiquariaat) pour son aimable concours.

(1) Thierry Claerr, qui travaille sur les KERVER, me fait justement remarquer que Thielman Kerver, mort en 1522, c’est sa veuve, Yolande Bonhomme, qui lui succède. Au reste, je n’ai pas encore trouvé référence aux Heures de Notre-Dame d’Angers mentionnées par la notice du catalogue Rosenthal.

23 Fév 2011
Jean-Luc Deuffic

Le terrier de Louis Aycelin de Montaigut (1395)

Vente de Nantes, du 24 février 2011 :

Lot 295 AUVERGNE. TERRIER MANUSCRIT, 1395 ; un volume in-folio de [2]-187 f. (plus 1 f. blanc) chiffrés, couverture usagée de parchemin avec bandes de cuir rouge pour la couture (découpe sur la couv. sup. ; qqs défauts et mouillures à plusieurs feuillets, notamment au début et à la fin du volume, en assez bon état intérieur). TERRIER DE LA CHATELLENIE DE CHATELDON EN AUVERGNE pour la famille de Louis AYCELIN DE MONTAIGUT, l’une des plus puissantes de la noblesse d’Auvergne. Elle avait acheté la terre de Montaigut-sur-Billom à la fin du XIIIe siècle. À la fin du XIVe, le chef de la famille était Louis Aycelin, chevalier, seigneur de Montaigut, Châteldon, le Breuil, etc., gouverneur du Nivernais et du Donziois († 1427). Il avait pris part à la croisade de Barbarie en 1390, et porta désormais le nom de \ » Listenois \ » [dans les romans de la Table ronde, Listenois est le nom d’un royaume qui eut pour souverains les Pelinor et les Lamorat, renommés pour leur bravoure], comme en témoigne une inscription tardive en tête de ce volume : \ » Terrier recognu a Messire Loys de Montaigut fils de Griffon depuis nommé Louys de Listenois par prééminence puys la guerre d’Affrique où il acquit par sa valeur le nom \ », avec le blason aquarellé des Aycelin de Montaigut aux trois têtes de lion. \ » A tous ceux qui ces presentes lettres ou cest present terrier, liront orront et verront, Pierre de Lafont Bourgeois de Cuty tenent le scel royal de la court de la chancellerie des exemptions d’Auvergne audit lieu de Cucy en Auvergne […] Cest le terrier des cens et rantes dehus et appartenans à noble et puissant messire Listenois chevalier seigneur de Montaigu et de Chastelledon a cause de son dit chastel chastellenie et recepte de Chastelledon et de ses appartenances \ »… Ce terrier a été établi par le clerc notaire Guillaume Sancon, qui a signé une partie des entrées ; le registre est soigneusement tenu et calligraphié, avec des lettrines coloriées…

Ce terrier est mentionné dans les Annales bourbonnaises, volume 5, 1891, p. 356.

A voir : La généalogie de la maison d’Aycelin dans l’ Histoire généalogique et chronologique de la maison royale de France, des pairs, grands officiers de la Couronne, de la Maison du Roy et des anciens barons du royaume.… Tome 6 / par le P. Anselme,… ; continuée par M. Du Fourny [ En ligne sur Gallica ]

Sous le nom de seigneur de Listenois, il faut alors reconnaître la personne de Louis Aycelin de Montaigut, représentant de la maison auvergnate des Aycelin, sires de Montaigut, d’où est issu jadis Gilles Aycelin, archevêque de Narbonne, le chancelier de Philippe le Bel. Louis Aycelin est seigneur de Montaigut en Auvergne, du Donjon, de Châteldon en Bourbonnais, de plusieurs autres lieux en Bourbonnais et Beaujolais (1), et, comme sire du Donjon, se trouve droiturier seigneur du lieu de naissance de frère Chariot. La qualification de sire de Listenois, sous laquelle il est presqu’exclusivement désigné dans les textes qui ont gardé trace de son passage dans l’histoire, paraît avoir été apportée par lui pour la première fois dans sa race. Titre et nom sur l’origine desquels on semble assez mal fixé, mais à qui leurs possesseurs successifs ont toujours attribué assez de prix pour se les transmettre soigneusement jusqu’à nos jours, souvent jusqu’à absorber la désignation héréditaire des maisons où ils se sont trouvés tour à tour transportés. Toujours est -il qu’on l’en trouve investi au moins à la date certaine de 1409. Comme sire du Donjon et de Châteldon, une mesure expresse et singulière du pouvoir central a déplacé l’hommage qu’il devait au duc de Bourbon : depuis 1412, pour ces deux fiefs, il ne relève plus que du roi (2). Né vers 1370, il a épousé, en 1391, Marguerite de Beaujeu, des sires de Beaujeu sortis des comtes de Forez, eux-mêmes issus des anciens dauphins de Viennois. Depuis 1410, il a marié sa fille Jeanne, héritière de ses biens, à Jean de Vienne, des seigneurs de Rollans, branche cadette de la maison de Vienne, et petit-fils du grand amiral de Vienne, le défenseur de Calais. Chambellan de Charles VI en 1412, il est, depuis 1421, gouverneur du Nivernais. L’an précédent, en 1423, on le voit cité en qualité de conservateur des trêves, à la suite de la pacification momentanée récemment signée à Bourg-en-Bresse ; on le trouvera encore, en janvier 1427, mentionné sous la même qualité, en raison des armistices successifs qui se prolongent depuis la signature du traité de Chambéry ; cette année paraît avoir marqué la dernière de sa vie (3).

Notes
(1) Paris, Arch, nat, JJ 166, n° 6 et 168.
(2) Le 20 janvier 1412, « Loys de Listenoys, chevalier, seigneur de Montagu-soubz- Billom en Auvergne et de Chastelledon en Bourbonnois, » obtient de curieuses lettres de Charles VI, l’autorisant à transporter directement au roi, au lieu de Jean Ier, duc de Bourbon, les seigneuries, entre autres, de Châteldon et du Donjon, tenues auparavant dudit duc. à cause du « duché de Bourbonnois, » et la seigneurie de Joux-sur-Tarare (Rhône, cant, de Tarare), tenue également dudit duc au nom de Marguerite de Beaujeu, femme de Louis de Listenois, à cause de la sirerie de Beaujolais qui était aux mains des ducs de Bourbon depuis 1400. Ces terres et seigneuries devaient désormais ressortir au bailli royal de Saint-Pierre-le-Moustier (Nièvre, ch.-l. de cant., arr. de Nevers), siégeant à son siège de « Cucy » (Cussy-en-Morvan, Saône-et-Loire, cant, de Launay-l’Évêque). Ce transfert était opéré en raison de l’hostilité régnante entre le duc de Bourbon et Louis de Listenois, qui s’était refusé à suivre Jean Ior dans le parti d’Armagnac, et en raison de la saisie que le roi, alors aux mains du parti bourguignon, venait d’opérer sur le duché de Bourbon et la sirerie de Beaujolais. Paris, Arch, nat., JJ 166, n° 6 et 168.
(3) Sa fille Jeanne, son héritière, par son mariage avec Jean de Vienne, porte tous ses biens et ses titres dans la branche de la maison de Vienne, à laquelle appartenait son mari. Jean de Vienne était mort en 1425, et c’est son fils, Phi lippe de Vienne-Listenois, qui fonde les couvents de Cordeliers du Donjon et de Châteldon. L’arrière-petite-fille de Philippe, Anne de Listenois, héritière de tous les biens de sa branche, les porta, au siècle suivant, avec le nom de Listenois, dans la maison de Bauffremont.

Source : Germain Lefevre-Pontalis. \ »Épisodes de l’invasion anglaise. La guerre de partisans dans la Haute Normandie, 1424-1429\ ». In: Bibliothèque de l’école des chartes. 1896, tome 57. p. 5-54.   [ En ligne sur Persée

A lire : L’achat de l’hôtel de Listenois – le collège fortet  [ En ligne ]

BERTRAND Virginie et Nantes Enchères Talma
CONTACT Tél. : 02.40.74.41.28 Fax : 02.40.14.07.71
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22 Fév 2011
Jean-Luc Deuffic

Centre for the Study of the Book


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22 Fév 2011
Jean-Luc Deuffic

Richard Sharpe : les bibliothèques médiévales anglaises …

Le professeur Richard Sharpe donne à voir sur le site de la Faculty of History de l’Université d’Oxford ses précieux travaux relatifs aux manuscrits médiévaux des bibliothèques anglaises. La mise en ligne de son érudit inventaire British Medieval Library Catalogues reste pour les médiévistes un instrument de travail indispensable à l’étude des manuscrits et des bibliothèques anglaises au Moyen Age.
On lira également avec beaucoup d’intérêt Le bibliothécaire médiéval et son héritage, conférence donnée à la Sorbonne le 18 septembre 2003.
Dans l’impressionante liste des publications de Richard Sharpe nombre d’études font référence aux manuscrits médiévaux.
Site.

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