19 Sep 2011
Jean-Luc Deuffic

8e centenaire de la cathédrale de Reims : des manuscrits à voir à la Carnégie

 
Dans le cadre du huitième centenaire de la cathédrale de Reims, la bibliothèque Carnegie présente au public jusqu’au 3 décembre 2011 quelques uns des plus beaux manuscrits que la cathédrale conservait aux XIIIe et XIVe siècles. Ces documents, véritables chef d’œuvres de l’art gothique, n’avaient plus été montrés depuis 1978.
L’exposition, pédagogique, abondamment illustrée, permet de comprendre l’histoire et l’organisation du chapitre, cette institution composée de chanoines et de clercs chargés d’administrer la cathédrale.
Le chapitre possédait une importante bibliothèque, enrichie grâce aux dons des membres de la communauté et des archevêques. Ce sont les pièces les plus remarquables de cette bibliothèque que le public pourra découvrir.
Parmi les documents exposés, certains sont de véritables chefs d’œuvre de l’art gothique :
 <> La Bible gothique du chapitre (Ms. 34, 35 et 36, XIIIe siècle), ci-dessous, détail f. 154v (photo IRHT / Carnégie) :

<> La Bible de Jean Jennart (Ms. 39-42, début du XIVe siècle) :

La Bibliothèque
C’est au IXe siècle, grâce à l’archevêque Hincmar, que la première bibliothèque s’organise.
Il fait don de plus de vingt de ses ouvrages à la cathédrale. Les livres reflètent les préoccupations de l’époque : ils sont surtout liturgiques, patrologiques et juridiques. Après sa mort, la bibliothèque s’enrichit plus lentement.
Adalbéron (960-988) est connu pour sa correspondance avec le pape Silvestre II (999-1003). La bibliothèque hérite des livres du pape : des ouvrages de sciences mathématiques, de logique, de rhétorique et de poésie.
Au XIIIe siècle, la cathédrale possède plusieurs bibliothèques : le « trésor », qui rassemble les livres d’apparat et les livres liturgiques les plus précieux ; la bibliothèque des chanoines ; la bibliothèque scolaire. La plus importante est la bibliothèque des chanoines, qui a été exceptionnellement bien conservée.
Les chanoines manifestent un grand intérêt pour leur bibliothèque, qu’ils expriment par de nombreux dons ou legs. On peut citer par exemple ceux d’Adam de Nesle (1310-1316), Etienne de Brivata (1345-1356) et Simon de Bourich (1380-1410).
En 1400, l’archevêque Guy de Roye (1390-1409) lègue sa bibliothèque personnelle à ses successeurs, sans doute en vue d’une installation dans le palais archiépiscopal. Sa bibliothèque est impressionnante : 158 volumes théologiques et juridiques, des traductions en français des œuvres du XIIIe et XIVe siècle, ainsi que des œuvres pastorales. Ses livres sont facilement identifiables par les armoiries et les décors.
Guy de Roye décide la construction d’une nouvelle bibliothèque. Sa mort accidentelle –il est assassiné d’un tir d’arbalète alors qu’il se rend au Concile de Pise en 1409 – l’empêche de faire aboutir le projet. C’est donc son successeur Simon de Cramaud (1409-1413) qui commence la construction. Le chapitre aménage alors un bâtiment indépendant à droite du cloître pour tous les livres. Guillaume Fillastre (1392-1427), supervise les travaux qui s’achèvent en 1412. Gilles d’Aspremont réalise un grand récolement la même année, faisant relier à ses frais de nombreux manuscrits.
La bibliothèque du chapitre s’enrichit de deux façons différentes : par les dons des chanoines et ceux des archevêques.
Parmi les chanoines, Guillaume Fillastre donne plusieurs livres de valeur : notamment une célèbre copie de la Cosmographie de Pomponius Mela. C’est aussi le cas d’autres religieux comme Gilles d’Aspremont (1384-1414), ou encore Jacques de La Fosse (1407-1416) qui laisse une bibliothèque juridique.
Les archevêques, souvent lettrés et fortunés, font de nombreux dons. Le plus considérable est celui de Guy de Roye (1345-1409) : plus de 100 volumes couverts d’une double peau montée sur chêne. [ Dossier presse ]

Bibliographie : Le quatrième volume de la collection « Reliures médiévales des bibliothèques de France » est consacré aux manuscrits conservés à la bibliothèque municipale de Reims [ Lien ]
Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque de Reims I [ En ligne ] II [ En ligne ] II/2 [ En ligne ] III [ En ligne ]

Contacts presse
Virginie Blum
virginie.blum@reimsmetropole.fr
03.26.77.75.44
Geneviève Dogué
genevieve.dogue@reimsmetropole.fr
03.26.77.75.45
www.cathedraledereims.fr
Bibliothèque Carnégie

Illustration : L’ange au sourire de la cathédrale de Reims

18 Sep 2011
Jean-Luc Deuffic

Les Heures de Jeanne de France acquises par l’État français


La Flagellation

Le 16 novembre prochain, à Paris,  doit se tenir chez Christie’s France la vente d’une partie de la collection Marquet de Vasselot. Ancien conservateur au Louvre, puis directeur du Musée de Cluny, il avait hérité des œuvres appartenant à son beau-père Martin Le Roy.

La collection Marquet de Vasselot, principalement constituée par le grand collectionneur Victor Prosper Martin Le Roy entre la fin du XIXème et le début du
XXème siècle en France, représente un témoignage capital sur les arts du Moyen-Age et forme un ensemble exceptionnel. La base de la collection formée par Martin Le Roy a été complétée et étudiée par son gendre, Jean-Joseph Marquet de Vasselot, historien d’art, ancien conservateur au musée du Louvre et directeur du musée de Cluny. Ce-dernier a dirigé la publication, en 1906-1909, d’un catalogue complet de la collection, en cinq volumes. Tous deux se sont montrés très généreux envers les musées du Louvre et de Cluny à travers des dons, qui ont considérablement enrichi les collections nationales.

Sur les 24 objets de cette vente, le Louvre et le Musée du Moyen Age en ont déjà pu acquérir quatre, en application de la nouvelle loi du 20 juillet 2011.

Le Ministre de la Culture a également pris, après avis favorable de la Commission consultative des trésors nationaux, une mesure de refus du certificat d’exportation pour trois autres oeuvres issues de cette collection, qui pourront être acquises ultérieurement de gré à gré par l’Etat, en dehors de la vente publique du reste de la collection. Il s’agit d’un Livre d’heures de Jeanne de France, manuscrit enluminé sur vélin, France, milieu du XVème siècle, d’un Feuillet de diptyque byzantin, ivoire, Méditerranée orientale, première moitié du VIème siècle et d’une Plaque représentant les douze tribus d’Israël de l’Ancien Testament, ivoire, France, milieu du XIIème siècle.

Le Livre d’heures de Jeanne de France devrait donc intégrer les collections de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, et retrouver ainsi les autres manuscrits de cette princesse qui aimait tant les livres. Il s’agit présentement d’un manuscrit enluminé sur vélin de 336 f. mesurant 108 x 70 mm, illustré de vingt-quatre médaillons calendaires, sur trente petites miniatures de calendrier et de 31 grandes miniatures avec de larges bordures, chaque page comportant des bordures aux trois quarts. Vente Christie’s Paris, 16 novembre 2011. Photo : Christie’s.


Saint Jean sur l’île de Patmos

Jeanne de France, fille du roi de France Charles VII et de Marie d’Anjou, née vers 1435, mariée par contrat le 11 mars 1447 au duc Jean II de Bourbon (1426-1488) qu’elle épousa en 1452, est morte sans postérité le 4 mai 1482. Elle était la sœur de Louis XI et la belle-soeur, par son époux, de Charles le Téméraire et d’Isabeau de Bourbon.

On connaît une douzaine de manuscrits qui ont appartenu à Jeanne de France, femme du duc Jean II (1). Sur presque tous ces volumes on voit la signature de la noble duchesse ; sur plusieurs (2), son écu, de Bourbon parti de France ; sur deux (3), un furet (en réalité une genette) attaché à un grand \ »J\ », initiale du mot Jeanne ; dans le manuscrit français 227, à côté du furet se déroule une banderole chargée de la devise AU CHOIS T’É ELUE. Antoine de Lévis, comte de Villars, dédia à Jeanne de France sa traduction du Défenseur de la Conception immaculée de la sainte Vierge (4). Le traité intitulé la Gésine Notre Dame (5) fut composé pour la même dame par Jean Henry, chantre de Paris, à la requête de frère Raoul, ermite de la forêt de Haus. Jeanne s’entendit avec le cardinal Charles de Bourbon pour faire écrire une histoire de saint Louis (6). [ Léopold Delisle, Cabinet des manuscrits, I, p. 169 ]
(1) 29 (Vita Christi, de François Eximenes de l’ordre des Frères mineurs), 227 (Boccace, Des cas des nobles hommes et femmes), 329 (La Boucquechardière), 452 (Le Livre des trois vertus à l’anseignement des dames, de Christine de Pisan), 707 (Le Livre des conquestes et faitz d’Alexandre), 926 (Le traitié de l’esguillon d’amour divine …), 975 (La vie et legende de sainte barbe / Hystoire de la saincte passion de Jesus Christ), 989 (Le Deffenseur de l’Immaculée Conception de la glorieuse vierge Marie), 1165 (Moralités du gieu des esches, …), 1866 (La Gesine Nostre Dame), 2611, 2612 (Les Grandes Chroniques de France) et 5056.
(2) Mss. français 29, 227, 329, 989 et 1877.
(3) Mss. français 227 et 1867.
(4) Ms. français 989. Cf. P. Paris, Les manuscrits françois, VII, 402sq. Il y a au commencement de ce manuscrit une miniature de présentation dans laquelle on peut voir un portrait de Jeanne de France.
(5) 1866 du fonds français.
(6) 2829 du fonds français.

Sur les manuscrits de Jeanne de France, voir entre autres F. Avril et N. Reynaud, Les manuscrits à peintures, p. 271, 349, 358, 360.


(C) Paris, BnF, Fr. 227. Détail. Armes et emblême de Jeanne de France. \ »Des cas des nobles hommes et femmes\ », traduction du De casibus virorum illustrium de Boccace – Tours, 1468?


(C) Paris, BnF, Fr. 227. f. 415. Colophon 


(C) Paris, BnF, Fr. 227. f. 415. Emblème et devise de Jeanne de France

Bibliographie
Voir la récente et passionnante étude de Virginie Mézan-Muxart, \ »Genette et janette, devises de Jeanne de France au XVe siècle\ », dans Reinardus. Yearbook of the International Reynard Society, volume 22, 2010, p. 104-125.
Marie-Elisabeth Bruel, \ »Un témoignage de l’attachement du duc Jean II de Bourbon et de Jeanne de France à l’Immaculée Conception : la messe fondée en 1475 dans la Collégiale de Moulins\ »
dans Etudes bourbonnaises, 309, 2007, p. 191-199

Diptyque de Jeanne de France. Rogier van der Weyden. Musée Condé à Chantilly [ Lien ]


Sources
: www.culture.gouv.fr/La tribune de l’Art
Site de la maison Christe’s

18 Sep 2011
Jean-Luc Deuffic

Manuscrits d’Anne d’Armagnac, dame d’Albret, au château de Nérac (1472)


[ San Marino, Henry E. Huntington Library and Art Gallery HM 937 : Jehan boccace des cas des nobles hommes et femmes – ayant appartenu à Charles de Croy ]

Anne d’Armagnac, née en 1402, fille de Bernard VII d’Armagnac et de Bonne de Berry. En 1417, elle épouse Charles II d’Albret.

Inventaire des manuscrits laissés par Anne d’Armagnac, dame d’Albret, au château de Nérac (1472)

(1) — un petit bréviaire historié, couvert de cuir rouge ;
(2) — un grand livre à fermoirs d’argent, aux armes du Dauphin, où sont écrites les Paraboles de Salomon ;
(3) — une Bible aux armes du Dauphin ;
(4) — un petit livre des Echecs ;
(5) — un livre en papier, nommé le Pèlerin ;
(6) — un livre en parchemin, sans couverture, de confession ;
(7) — le quatrième volume des Histoires de Rome ;
(8) — un bréviaire historié à lettres d’or et d’azur ;
(9) — un petit bréviaire ;
(10) — les matines de Notre-Dame, avec les Evangiles et les heures du Saint Esprit ;
(11) — un livre en parchemin d’Ezèchias, historié au commencement ;
(12) — l’Ancien et le Nouveau Testament, en parchemin ;
(13) — un petit livre, en papier, qui parle de la Passion ;
(14) — un grand livre en parchemin, nommé Titus-Livius ;
(15) — un grand livre, en papier, nommé des Bonnes Meurs ;
(16) — un livre roman, en parchemin, tout neuf, qui parle De Bello Punico ;
(17) — le roman de Saugrin, en parchemin ;
(18) — un grand livre nommé Tristan et Lancelot ;
(19) — un livre en parchemin, nommé Ponthus ;
(20) — un livre nommé Bouquasse, en parchemin, tout neuf, historié ;
(21) — un livre, en parchemin, parlant d’amour et de chansons ;
(22) — un livre, en parchemin, nommé la vie de saint Sylvestre ;
(23) — un livre qui parle de Lancelot, et qui est bien vieil ;
(24) — un grand livre, en parchemin, aux armes d’Albret, couvert de cuir rouge, à cinq gros clous de chaque côté dorés, et commence en rouge : Ce sont les rebriches en tout le livre des propriétés, et commence au premier livre, après la table : A très haut et très puissant prince Charles de Croy ;
(25) — un livre moyen, en parchemin, historié, qui parle de la vision de Christine;
(26) — un cahier de vieux romans, en parchemin ;
(27) — un petit livre, en parchemin, commençant : Charles ly roys à la barbe grisade, couvert de postes rouges.

Source : Archives départementales des Pyrénées atlantiques, E. 74.

(2) = Bible historiale ?
(4) = Jacques de Cessoles, Le livre des échecs moralisés, trad. de Jean de Vignay [ Lien ] ou Evrart de Conty, Le livre des échecs amoureux  [ Lien ]
(5) = Guillaume de Digulleville [ Arlima ]
(7) = Les Histoires de Romme. Voir le ms Paris, Arsenal, 5228 [ Lien ]
(10) = Peut-être, les matines données par Bonne de Berry, fille du duc Jean, épouse de Bernard d’Armagnac, par son testament du 18 septembre 1430 : Matutinas confectas secundum usum romanum copertas de rubeo. C. Samaran, De quelques manuscrits ayant appartenu à Jean d’Armagnac, dans Bibliothèque de l’Ecole des chartes, 66, 1905, p. 246n [ En ligne ]
(14) = traduction de Tite-Live par Pierre Bersuire. Ouvrage en vogue dans les collections d’Armagnac [ Lien ]
(16) = De bello punico de Leonardo Bruni traduit par Jean Le Bègue
(18) = cycles en prose de Tristan et de Lancelot
(19) = Ponthus et Sidoine [ Lien ]
(20) = Boccace
(24) = Bartholomaeus Anglicus, De proprietatibus rerum, dans la traduction française de Jean Corbichon. Voir par ex.  M. C. Seymour, “Some Medieval French Readers of De Proprietatibus Rerum ”, dans Scriptorium, 28, 1974, p. 100-103. Charles Ier de Croÿ, né en 1455, aîné de Philippe Ier de Croÿ (1434-1482), 2e comte de Chimay et de Walpurge fille de Vincent comte von Mors (1440-1483). Décède le 11 septembre 1527. Bibliophile.
(25) = Christine de Pisan : La vision de Christine [ Lien ]
(27) = Le Roman de Ronceveaux [ En ligne ]


Château de Nérac

Documentation :
Paris, AN J 860. Ratification, obligations pour la dot et autres actes du contrat de mariage entre Charles d’Albret, comte de Dreux, et Anne d’Armagnac, fille de Bernard VII, comte d’Armagnac, connétable de France, 23 mai 1418. — Copie, s. d.
Paris, AN J 861. Testament d’Anne d’Armagnac, dame d’Albret, veuve de Charles II d’Albret, comte de Dreux et seigneur de Gaure, 6 avril 1472. — Vidimus par un notaire public à Nérac, parch., 23 février 1510.

18 Sep 2011
Jean-Luc Deuffic

Fac-similés … à défaut d’originaux

Une liste de fac-similés bien utile …. [ facsimiles.pdf ]
Source : Old Manuscripts & Incunabula – Specialists in Facsimile Editions PO Box 6019 FDR Station, New York NY 10150 


Les Très Riches Heures du duc de Berry, © Musée Condé de Chantilly, ms. 65. Ed. Molineiro.

Pages :«1...84858687888990...180»