Les Heures de Jeanne de France acquises par l’État français
La Flagellation
Le 16 novembre prochain, à Paris, doit se tenir chez Christie’s France la vente d’une partie de la collection Marquet de Vasselot. Ancien conservateur au Louvre, puis directeur du Musée de Cluny, il avait hérité des œuvres appartenant à son beau-père Martin Le Roy.
La collection Marquet de Vasselot, principalement constituée par le grand collectionneur Victor Prosper Martin Le Roy entre la fin du XIXème et le début du
XXème siècle en France, représente un témoignage capital sur les arts du Moyen-Age et forme un ensemble exceptionnel. La base de la collection formée par Martin Le Roy a été complétée et étudiée par son gendre, Jean-Joseph Marquet de Vasselot, historien d’art, ancien conservateur au musée du Louvre et directeur du musée de Cluny. Ce-dernier a dirigé la publication, en 1906-1909, d’un catalogue complet de la collection, en cinq volumes. Tous deux se sont montrés très généreux envers les musées du Louvre et de Cluny à travers des dons, qui ont considérablement enrichi les collections nationales.
Sur les 24 objets de cette vente, le Louvre et le Musée du Moyen Age en ont déjà pu acquérir quatre, en application de la nouvelle loi du 20 juillet 2011.
Le Ministre de la Culture a également pris, après avis favorable de la Commission consultative des trésors nationaux, une mesure de refus du certificat d’exportation pour trois autres oeuvres issues de cette collection, qui pourront être acquises ultérieurement de gré à gré par l’Etat, en dehors de la vente publique du reste de la collection. Il s’agit d’un Livre d’heures de Jeanne de France, manuscrit enluminé sur vélin, France, milieu du XVème siècle, d’un Feuillet de diptyque byzantin, ivoire, Méditerranée orientale, première moitié du VIème siècle et d’une Plaque représentant les douze tribus d’Israël de l’Ancien Testament, ivoire, France, milieu du XIIème siècle.
Le Livre d’heures de Jeanne de France devrait donc intégrer les collections de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, et retrouver ainsi les autres manuscrits de cette princesse qui aimait tant les livres. Il s’agit présentement d’un manuscrit enluminé sur vélin de 336 f. mesurant 108 x 70 mm, illustré de vingt-quatre médaillons calendaires, sur trente petites miniatures de calendrier et de 31 grandes miniatures avec de larges bordures, chaque page comportant des bordures aux trois quarts. Vente Christie’s Paris, 16 novembre 2011. Photo : Christie’s.
Saint Jean sur l’île de Patmos
Jeanne de France, fille du roi de France Charles VII et de Marie d’Anjou, née vers 1435, mariée par contrat le 11 mars 1447 au duc Jean II de Bourbon (1426-1488) qu’elle épousa en 1452, est morte sans postérité le 4 mai 1482. Elle était la sœur de Louis XI et la belle-soeur, par son époux, de Charles le Téméraire et d’Isabeau de Bourbon.
On connaît une douzaine de manuscrits qui ont appartenu à Jeanne de France, femme du duc Jean II (1). Sur presque tous ces volumes on voit la signature de la noble duchesse ; sur plusieurs (2), son écu, de Bourbon parti de France ; sur deux (3), un furet (en réalité une genette) attaché à un grand \ »J\ », initiale du mot Jeanne ; dans le manuscrit français 227, à côté du furet se déroule une banderole chargée de la devise AU CHOIS T’É ELUE. Antoine de Lévis, comte de Villars, dédia à Jeanne de France sa traduction du Défenseur de la Conception immaculée de la sainte Vierge (4). Le traité intitulé la Gésine Notre Dame (5) fut composé pour la même dame par Jean Henry, chantre de Paris, à la requête de frère Raoul, ermite de la forêt de Haus. Jeanne s’entendit avec le cardinal Charles de Bourbon pour faire écrire une histoire de saint Louis (6). [ Léopold Delisle, Cabinet des manuscrits, I, p. 169 ]
(1) 29 (Vita Christi, de François Eximenes de l’ordre des Frères mineurs), 227 (Boccace, Des cas des nobles hommes et femmes), 329 (La Boucquechardière), 452 (Le Livre des trois vertus à l’anseignement des dames, de Christine de Pisan), 707 (Le Livre des conquestes et faitz d’Alexandre), 926 (Le traitié de l’esguillon d’amour divine …), 975 (La vie et legende de sainte barbe / Hystoire de la saincte passion de Jesus Christ), 989 (Le Deffenseur de l’Immaculée Conception de la glorieuse vierge Marie), 1165 (Moralités du gieu des esches, …), 1866 (La Gesine Nostre Dame), 2611, 2612 (Les Grandes Chroniques de France) et 5056.
(2) Mss. français 29, 227, 329, 989 et 1877.
(3) Mss. français 227 et 1867.
(4) Ms. français 989. Cf. P. Paris, Les manuscrits françois, VII, 402sq. Il y a au commencement de ce manuscrit une miniature de présentation dans laquelle on peut voir un portrait de Jeanne de France.
(5) 1866 du fonds français.
(6) 2829 du fonds français.
Sur les manuscrits de Jeanne de France, voir entre autres F. Avril et N. Reynaud, Les manuscrits à peintures, p. 271, 349, 358, 360.
(C) Paris, BnF, Fr. 227. Détail. Armes et emblême de Jeanne de France. \ »Des cas des nobles hommes et femmes\ », traduction du De casibus virorum illustrium de Boccace – Tours, 1468?
(C) Paris, BnF, Fr. 227. f. 415. Colophon
(C) Paris, BnF, Fr. 227. f. 415. Emblème et devise de Jeanne de France
Bibliographie
Voir la récente et passionnante étude de Virginie Mézan-Muxart, \ »Genette et janette, devises de Jeanne de France au XVe siècle\ », dans Reinardus. Yearbook of the International Reynard Society, volume 22, 2010, p. 104-125.
Marie-Elisabeth Bruel, \ »Un témoignage de l’attachement du duc Jean II de Bourbon et de Jeanne de France à l’Immaculée Conception : la messe fondée en 1475 dans la Collégiale de Moulins\ »
dans Etudes bourbonnaises, 309, 2007, p. 191-199
Diptyque de Jeanne de France. Rogier van der Weyden. Musée Condé à Chantilly [ Lien ]
Sources : www.culture.gouv.fr/ – La tribune de l’Art –
Site de la maison Christe’s –
Manuscrits d’Anne d’Armagnac, dame d’Albret, au château de Nérac (1472)
[ San Marino, Henry E. Huntington Library and Art Gallery HM 937 : Jehan boccace des cas des nobles hommes et femmes – ayant appartenu à Charles de Croy ]
Anne d’Armagnac, née en 1402, fille de Bernard VII d’Armagnac et de Bonne de Berry. En 1417, elle épouse Charles II d’Albret.
Inventaire des manuscrits laissés par Anne d’Armagnac, dame d’Albret, au château de Nérac (1472)
(1) — un petit bréviaire historié, couvert de cuir rouge ;
(2) — un grand livre à fermoirs d’argent, aux armes du Dauphin, où sont écrites les Paraboles de Salomon ;
(3) — une Bible aux armes du Dauphin ;
(4) — un petit livre des Echecs ;
(5) — un livre en papier, nommé le Pèlerin ;
(6) — un livre en parchemin, sans couverture, de confession ;
(7) — le quatrième volume des Histoires de Rome ;
(8) — un bréviaire historié à lettres d’or et d’azur ;
(9) — un petit bréviaire ;
(10) — les matines de Notre-Dame, avec les Evangiles et les heures du Saint Esprit ;
(11) — un livre en parchemin d’Ezèchias, historié au commencement ;
(12) — l’Ancien et le Nouveau Testament, en parchemin ;
(13) — un petit livre, en papier, qui parle de la Passion ;
(14) — un grand livre en parchemin, nommé Titus-Livius ;
(15) — un grand livre, en papier, nommé des Bonnes Meurs ;
(16) — un livre roman, en parchemin, tout neuf, qui parle De Bello Punico ;
(17) — le roman de Saugrin, en parchemin ;
(18) — un grand livre nommé Tristan et Lancelot ;
(19) — un livre en parchemin, nommé Ponthus ;
(20) — un livre nommé Bouquasse, en parchemin, tout neuf, historié ;
(21) — un livre, en parchemin, parlant d’amour et de chansons ;
(22) — un livre, en parchemin, nommé la vie de saint Sylvestre ;
(23) — un livre qui parle de Lancelot, et qui est bien vieil ;
(24) — un grand livre, en parchemin, aux armes d’Albret, couvert de cuir rouge, à cinq gros clous de chaque côté dorés, et commence en rouge : Ce sont les rebriches en tout le livre des propriétés, et commence au premier livre, après la table : A très haut et très puissant prince Charles de Croy ;
(25) — un livre moyen, en parchemin, historié, qui parle de la vision de Christine;
(26) — un cahier de vieux romans, en parchemin ;
(27) — un petit livre, en parchemin, commençant : Charles ly roys à la barbe grisade, couvert de postes rouges.
Source : Archives départementales des Pyrénées atlantiques, E. 74.
(2) = Bible historiale ?
(4) = Jacques de Cessoles, Le livre des échecs moralisés, trad. de Jean de Vignay [ Lien ] ou Evrart de Conty, Le livre des échecs amoureux [ Lien ]
(5) = Guillaume de Digulleville [ Arlima ]
(7) = Les Histoires de Romme. Voir le ms Paris, Arsenal, 5228 [ Lien ]
(10) = Peut-être, les matines données par Bonne de Berry, fille du duc Jean, épouse de Bernard d’Armagnac, par son testament du 18 septembre 1430 : Matutinas confectas secundum usum romanum copertas de rubeo. C. Samaran, De quelques manuscrits ayant appartenu à Jean d’Armagnac, dans Bibliothèque de l’Ecole des chartes, 66, 1905, p. 246n [ En ligne ]
(14) = traduction de Tite-Live par Pierre Bersuire. Ouvrage en vogue dans les collections d’Armagnac [ Lien ]
(16) = De bello punico de Leonardo Bruni traduit par Jean Le Bègue
(18) = cycles en prose de Tristan et de Lancelot
(19) = Ponthus et Sidoine [ Lien ]
(20) = Boccace
(24) = Bartholomaeus Anglicus, De proprietatibus rerum, dans la traduction française de Jean Corbichon. Voir par ex. M. C. Seymour, “Some Medieval French Readers of De Proprietatibus Rerum ”, dans Scriptorium, 28, 1974, p. 100-103. Charles Ier de Croÿ, né en 1455, aîné de Philippe Ier de Croÿ (1434-1482), 2e comte de Chimay et de Walpurge fille de Vincent comte von Mors (1440-1483). Décède le 11 septembre 1527. Bibliophile.
(25) = Christine de Pisan : La vision de Christine [ Lien ]
(27) = Le Roman de Ronceveaux [ En ligne ]
Château de Nérac
Documentation :
Paris, AN J 860. Ratification, obligations pour la dot et autres actes du contrat de mariage entre Charles d’Albret, comte de Dreux, et Anne d’Armagnac, fille de Bernard VII, comte d’Armagnac, connétable de France, 23 mai 1418. — Copie, s. d.
Paris, AN J 861. Testament d’Anne d’Armagnac, dame d’Albret, veuve de Charles II d’Albret, comte de Dreux et seigneur de Gaure, 6 avril 1472. — Vidimus par un notaire public à Nérac, parch., 23 février 1510.
Fac-similés … à défaut d’originaux
Une liste de fac-similés bien utile …. [ facsimiles.pdf ]
Source : Old Manuscripts & Incunabula – Specialists in Facsimile Editions PO Box 6019 FDR Station, New York NY 10150
Les Très Riches Heures du duc de Berry, © Musée Condé de Chantilly, ms. 65. Ed. Molineiro.
La Bible de Souvigny (Moulins, Médiathèque manuscrit 1) sur la toile …
Joyau de l’enluminure médiévale, le plus célèbre manuscrit de la médiathèque communautaire de Moulins, la Bible de Souvigny, est désormais numérisée …
[ Lien ]
f. 369v. Détail.
Cette Bible provient du prieuré de Souvigny, qu’elle a quitté au moment des confiscations révolutionnaires pour devenir propriété de l’Etat, avec les autres livres de Souvigny et des couvents de Moulins. C’est un manuscrit sur parchemin de 400 feuillets et de grande taille (56 x 39 cm), qui contient le texte en latin de l’ancien et du nouveau Testament, avec les préfaces aux livres bibliques. La première mention de cette bible se trouve dans l’obituaire du prieuré de Souvigny, manuscrit du quinzième siècle conservé à la médiathèque communautaire. Appelé également Livre des anniversaires, cet ouvrage mentionne les offices célébrés par le prieuré en mémoire de ses bienfaiteurs. Pour l’anniversaire de messire Bernard, sacristain de Saint Mayeul, un office plein est célébré le 13 novembre, en souvenir du bien qu’il a fait au prieuré en faisant faire, entre autres, une dizaine de manuscrits et plus particulièrement « un livre très précieux contenant l’ancien et le nouveau Testament (preciosissimam historiam continentem novum et vetus testamentum). Il s’agit sans doute de la Bible de Souvigny … [ suite ]
Rapport de la commission chargée de l’examen de la Bible de Souvigny [ En ligne ]
Bibliographie
Patricia Stirnemann, Nouveau regard sur la Bible de Souvigny, Moulins, Ville de Moulins, 1999 56 p.
Walter Cahn, The Souvigny Bible. A Study in Romanesque Manuscript Illumination. New York, Univers., 1967, 655 p.
Michèle Labrousse, Étude iconographique et stylistique des initiales historiées de la \ »Bible de Souvigny\ » dans Cahiers de civilisation médiévale vol. 8, 1965, p. 397-412.
\ »Calendrier de Souvigny\ »