6 Mai 2013
Jean-Luc Deuffic

Un Livre d’heures à proverbes : le manuscrit Paris, BnF, Nlle acq. lat. 3134


© Paris, Bibliothèque nationale de France

Le manuscrit Nlle acq. lat. 3134 de la Bibliothèque nationale de France (numérisé sur Gallica) parait unique en son genre. En effet, plusieurs des feuillets de ce Livre d’heures à l’usage de Rouen, composé au XVe siècle, sont couverts de proverbes illustrés dont certains, très populaires au Moyen Âge, ont survécu jusqu’à nos jours dans la mémoire populaire. Nous en avons relevé quelques uns  :

f. 16v : Tant va le pot a liaue qu’il brise : [ lien ]


© Paris, Bibliothèque nationale de France

f. 28 v : Deulx truans ne vallent riens a ung huis :


© Paris, Bibliothèque nationale de France

f. 70v : Tel cuide batre qui tue :


© Paris, Bibliothèque nationale de France

f. 73r : Tel que je l’ay brassé je le boy :


© Paris, Bibliothèque nationale de France

f. 74v : La Femme qui fait accroire a son mari que de vécies sont lanterne :


© Paris, Bibliothèque nationale de France

f. 76v : Qui trop embrache pou estraint :


© Paris, Bibliothèque nationale de France

f. 77r : Besoing fait vielle troter (besoin fait vieille trotter) :


© Paris, Bibliothèque nationale de France

f. 88v : Bon gré mal gré va le prestre au sané :


© Paris, Bibliothèque nationale de France

f. 96 : Tant vaut ung riche homme entre deulx avocas : comme une grace poule entre deulx renars :


© Paris, Bibliothèque nationale de France

En page de garde recto une liste des membres de la famille Duval a été inscrite :

Ex bibliotheca Duvallios Ebroicis

Mer. Iacobus Duval pater D. Medicus 1544
Mer. Iacobus Duva filius D. M.  ~1580
Mer. Michael Duval pater D. M. 1622
Mer. Accursi Duval filius D. M. 1652
Mer. Jacobus Duval frater D. M. 1667

Cette famille Duval a formé à Evreux une véritable dynastie de médecins. Jacques Duval, « Jacobus Duval, ebrociensis », licencié en médecine en 1542/1543, décédé avant 1577, fils de Simon Duval et de Jacqueline Lemoine, épousa Hélène Le Breton, dont Jacques, également médecin, et Françoise. Il avait étudié la médecine sous Jacques Dubois

Jacques Duval (1555-1620), d’azur, au chevron d’or accompagné de trois coqs de même, posés 2 et 1 , épousa en premières noces Anne Le Marchant, fille de \ »maistre Guillaume le Marchant\ », apothicaire (né en 1521)

Le 23 juin 1607, N. H. Me Jacques Duval, docteur en médecine, rendit hommage devant le lieutenant général au bailliage de Pont-de-l’Arche, pour le fief d’Hectomare, dont il avait fait l’acquisition de Suzanne Duval, et qui était composé entre autres biens, d’un moulin à vent fieffé et de 14 acres de terre non fieffés.
Le 17 août 1618, Jacques Duval, esc, sieur d’Hectomare, rendit aveu pour le fief du Houvet, au Neubourg, au droit de Catherine de Courdemanche, sa femme.
François Duval, esc, fils de Jacques, sieur d’Hectomare et du Houvet, rendit aveu en 1623.
Louis de Grimouville épouse Susanne Duval, fille de Jacques Duval, seigneur et baron de Houllebec, de Bourdigny, Hectomare, le Genetay,
Source = Les archives héraldiqes d’Évreux – Volume 30, p. 119

On doit à Jacques Duval un ouvrage, très contesté, sur les hermaphrodites, avec portrait de l’auteur (voir ci-dessus) :

Des Hermaphrodits, accouchemens des femmes et traitement qui est requis pour les relever en santé & bien élever leurs enfans. Où sont expliquez la figure des laboureurs, & verger du genre humain, signes de pucelage, defloration, conception […] par Maistre Jacques Duval, [,..] seigneur d’Ectomare et Du Houvel, […]. – A Rouen : de l’imprimerie de David Geuffroy, 1612. – [16]-447-[11] p. : portr., ill. ; 8° [ ouvrage numérisé ]

Jacques Duval a également composé :

L’Hydrothérapeutique des fontaines médicinales nouvellement trouvées aux environs de Rouen, très utiles et profitables à un chacun par noble homme M. Jacques Du Val / A Rouen, chez Jacques Besongne, 1603

Methode nouvelle de guarir les catarrhes et toutes maladies qui en despendent, voyre mesme celles qui cy devant ont esté reputez incurables. En la deduction de laquelle se trouvent 71. paradoxes qui tous sont monstrez estre ortodoxes, sans l’intelligence desquels la guarison desdites maladies ne peut methodiquement proceder. Par noble homme M. Jacques Duval, sieur d’Ectomare & du Houvel… / A Rouen, chez David Geuffroy, demeurant à la ruë des Cordeliers, joignant S. Pierre. M. DC. XI

La maison Ader a vendu le 23 mars 2011 (lot 260), un manuscrit de Michel Duval : Origines francicae ut hodie loquimur auctore Michaele Duval D. medico ebroicensi. Manuscrit trilingue (latin, hébreu et français), papier, 46 f. in folio sur deux colonnes. [ lien ]. Michel Duval eut un fils, Mathieu, apothicaire à Evreux (ADE, E)
Accurse Duval, qui figure comme un des trésoriers de l’église Saint-Nicolas d’Evreux, s’intitule conseiller et médecin ordinaire de S. A. le duc de Bouillon (10 avril 1679, Archives départementales de l’Eure, Saint-Nicolas). Voir également : Vente par maître Nicolas du Frische, chapelain de la chapelle de Saint-Jean-de-la-Tour, à maître Accurse du Val, docteur en médecine à Évreux, d’une maison située dans la paroisse Saint-Nicolas d’Évreux et dépendant de ladite chapelle… (ADE).

Biblio : Voir Valérie Worth-Stylianou [ en ligne ]  – Dr K. Albaric, Un médecin ébroïcien, Jacques Duval, Paris, Le François, 1934. In-8, 51 p., portrait. (non consulté)

18 Avr 2013
Jean-Luc Deuffic

Histoire et civilisation du Midi de la France – Collection E. SZAPIRO

La maison ADER propose le 22 mai 2013 une vente intéressante, sur le thème : Histoire et civilisation du Midi de la France, à partir de la collection E. SZAPIRO –  Nous y avons particulièrement relevé quelques lots:

5- Jehan Berthelemy, frère mineur, Traité de la vanité des choses mondaines. Manuscrit en français sur papier, XVe s.


© Ader

Pour ce texte, voir par exemple, le très beau manuscrit de la Bibliothèque de l’Arsenal, Ms-5102 réserve : « A la louenge et honneur de Dieu et contempnement des chouses terriennes, ci commance ung petit traitté de la vanité des choses mondaines, fait l’an mil quatre cens soixante six a l’instance de honnorable et devote religieuse seur Jehanne Gerande, du païs de Prouvence, du très religieulx couvent de l’Umilité Nostre Dame de Longchamp, par le plus petit et indigne des Mineurs frere Jehan Berthelemy ». Débute : « Semblance radieuse, figure et clere ymaige de Dieu en Trinité, dame raisonnable, se tu ne dors, tu es aveuglée par pechié… » — Fin : « …laquelle nous soit par luy octroye et doulcement donnée. Amen. — Parfaict et acompli d’escripre l’an 1466. »


© Paris, BnF, Arsenal, 5102, f. 3, détail

Autre exemplaire : Paris, BnF, Fr. 13305, numérisé sur Gallica.
Du même auteur, Jehan Berthelemy, Paris, BnF,Français 1880 : « Le Livret de craincte amoureuse »

7 – Coutumes d’’Albi. Manuscrit du milieu du XIVe siècle en langue d’oc.

27 – Censier de l’’archiprêtré de Sparre (= Lesparre) et de  \ »Sancti Stephani de Colonesio\ » ( = Saint-Estéphe de Calones, et non \ »Colomies\ » comme l’indique le catalogue). Manuscrit en latin sur parchemin, 43 f. XIVe s. Au XIIIe s. Saint-Esteve (de Calones) deviendra la cure annexe de l’archiprêtré de Lesparre, un des 10 archiprêtrés du diocèse, dirigé par Gui Martin de Saint-Estèphe, seigneur de Calon. [ lien sur Saint-Estèphe] – En 1353, Pey de Lafitte, procureur général d’Amanieu de La Mote, archevêque de Bordeaux, est archiprêtre de Lesparre  (ADG, G 94) –  Jean d’Espinay, issu d’une célèbre famille bretonne, évêque de Mirepoix, puis de Nantes, puis de Saint-Pol de Léon, fut archiprêtre de Lesparre à la fin du XVe s.

51 – Sentence du Sénéchal de Toulouse sur le procès entre le cardinal Georges d’’Amboise, évêque de Montauban, administrateur du monastère de Grandselve et noble Jean Ysalguier seigneur de Castelnau d’’Estrètefonds.
Georges d’Amboise fut abbé commendataire de l’abbaye cistercienne de Grandselve de 1477 à 1483.

100 – Libre dels lauzimes del noble Anthony de Lautrec dict Monssenor de Moscardo et de la nobla Domaisselle Clauda de Cayssac…  (= Antoine de Lautrec,  seigneur de Mouscardon, peut-être le fils de François Ier, seigneur de Puechmignon, et de Jeanne de Chasteigner).

Mercredi 22 mai à 14h00
Salle des ventes Favart 3, rue Favart – 75002 Paris
Ader
EMail : contact@ader-paris.fr

Catalogue en ligne

13 Avr 2013
Jean-Luc Deuffic

Saint (T)Uzven, un nouveau saint breton … « homologué » par un Livre d’heures du XVe siècle


Saint-Brieuc, BM, ms 1. Litanies, détail, f. 96v. © BVMM / IRHT

Nous avons relevé dans une contribution aux Mélanges Gwénaël Le Duc (1) le grand intérêt des Livres d’heures et de leurs calendrier et litanies pour l’hagiographie. Le cas de la Bretagne est assez significatif à ce point de vue où moults saints (non canonisés) ont été honorés tout au long du Moyen Âge. Peu d’entre eux en fait, outre ceux qui ont bien été régulièrement canonisés (en très petit nombre d’ailleurs, dont Yves, Guillaume …) sont inscrits aux litanies de ces Livres d’heures si populaires au Moyen Âge. La grande majorité n’est connue que par la toponymie et les dédicaces des chapelles ou des églises, des croix et des fontaines si nombreuses sur le sol breton.

Le manuscrit coté 1 de la Bibliothèque de Saint-Brieuc est un Livre d’heures dont le calendrier et les litanies sont à l’usage de l’ancien diocèse de Saint-Pol de Léon. Malgré sa \ »mutilation\ » (toutes ses miniatures ont été arrachées), ce manuscrit reste exceptionnel dans la mesure où il est l’unique témoin \ »liturgique\ » d’un saint pratiquement inconnu : TUZVEN, inscrit aux litanies (f. 96v, photo ci-dessus). 

SAINT USVEN

En 1540, suite au décès de son frère Jean, Marie de Saint-Gouesnou hérite du manoir des Salles, avec la chapelle de saint Tuzven et le cimetière qui l’entoure (aveu de Charles de Ploeuc, du 3 octobre 1540 (Nantes, ADLA, B 1018, chambre des comptes, sénéchaussée de Brest et St-Renan) :

Item confesse tenir prochement la chappelle dudict manoir des Salles setuée en lad. parroisse nommée la chapelle Saint Tuzven o le cymetiere cernant lad. chapelle.


Nantes, ADLA B 1018. Photo Françoise Simon.

Olivier Moal m’a fait connaitre l’aveu de \ »Messire Alain du Chastel chevalier seigneur de Kerlech\ » de juin 1689, qui \ »déclare tenir et posséder… en l’évéché de Léon, la seigneurie et terre de Kerlech et ses dépendances\ »  :

En la paroisse de Ploudalmézeau, le manoir de Kerlech, son moulin avec chaussée, étang, marécage, convenant noble de St Drionné, deux autres convenants en la juridiction royale de Brest, justice patibulaire à quatre piliers, droit de marchés tous les lundis de chaque semaine, des foires au bourg de Ploudalmézeau, prééminences et droits honorifiques, écussons, tombes, enfeus dans la dite église de Ploudalmézeau, dans les chapelles de Ste Brigide et Kerlannou, de St Mathieu au Kerigou, de St Roch, de St Mandé, de St Tuzven, et dans la chapelle dédiée à Notre Dame de Recouvrance, le tout en la dite paroisse de Ploudalmézeau, droit de présentation et de patronage dans la chapelle de St Yves en la paroisse de St Renan …. (Quimper, ADF, 1E 1074)

Cette chapelle de Saint-Tuzven, de petites dimensions (6 m x 6 m), aujourd’hui disparue, était bordée par la grève qui porte son nom, là où se trouvait un cimetière marin (2). Le \ »pardon\ » qui lui était associé, tenu le jour de la saint Jean-Baptiste, était encore célébré en 1770. Des mariages, baptêmes et enterrements y ont été encore administrés jusqu’en 1763, inscrits aux registres paroissiaux. Jean Tourmen, prêtre, doyen des chanoines de Kersaint-le-Chatel, s’intitule en 1731 \ »gouverneur de l’église et chapelle de Saint-Tuzven en Ploudalmézeau\ ».

Les murs de Saint-Usven étaient encore visibles au début du XXe siècle. 

[Chapelle Saint Tuzven, 1540 ; Saint Tutven, 1650 ; Sainct Tuzven, 1662 ; Sainct Uzven, 1676 ; Saint Tusven, 1687 (Dictionnaire topographique du Finistère, par Albert Deshayes, Ed. Coop Breizh, 2003].

Le prénom Tuzven était porté dans la région. L’aveu précité de 1540 fait mention de : Tuzven Legros, Tuzven Quibiltin … Le 21 septembre 1653, Tusven Mazé et Magdalenne Le Hir, sa femme, font un legs à la Confrérie du Rosaire de Landunvez (Bulletin diocésain d’histoire et d’archéologie, 1924, p. 352). Jusqu’au XVIIe siècle on relève encore son utilisation : Tuzven Le Hir (1722, 1745), Tuzven Le Gentil (1758), Tuzven Cornen (1774)

La présence d’autres saints léonards dans le Livre d’heures de Saint-Brieuc doit être relevée. Outre les saints locaux , le calendrier honore les sept saints de Bretagne, les saints\ »fondateurs\ », dont le pèlerinage fut très populaire à la fin du Moyen Âge : Samson, Malo, Brieuc, Tudgual, Pol de Léon, Corentin, Patern.
Ci-dessous les saints bretons, certains assez rares comme Ronan, Alour, Conogan, Tremeur :
(Entre parenthèses les lieux de culte au diocèse de Léon)
Février 
1- Saint Brigide (sainte Brigitte = Ploudalmezeau)
Mars 
1- Saint Albin
2- Saint Yovin (saint Jaoua = Plouvien)
3- Saint Vuingualoy (saint Guénolé, le fondateur de l’abbaye de Landévennec = Lannilis, entre autres …)
12- Saint Poul (en lettres d’or) (= Saint Pol de Léon, Lampaul-Ploudalmezeau)
17- Saint Prive (sic = pour saint Patrice ?)
30- Saint Ermel (diffèrent de Armel, sans doute saint Ermeland (Hermeland), abbé d’Indre : fêté le 26 mars par le missel de Rennes (XVe s.) Paris, BnF, Lat. 1098.
Avril 
16- Saint Paterne (= évêque de Vannes)
30- Un nom en lettres d’or illisible, probablement saint Brieuc
Mai a été découpé
Juin
1- Saint Ronan (= Saint-Renan)
7- Saint Tudguoal (= Saint-Pabu)
9- saint Columbain (= Plougoulm)
18- Saint Herve (= Lanrivoaré)
21- Saint Meen (= Ploumoguer)
Juillet
1- Saint Golven (= Goulven)
13- Saint Turien
28- Saint Sampson (= Landunvez)
29- Saint Guille’ (saint Guillaume, évêque de Saint-Brieuc)
Aout
16- Saint Armel (= Plouarzel)
Septembre
Octobre
9 et 10 – Saint Poul
15- S. Conogan (en lettres d’or) (= Landerneau)
24- Magloire
26- Saint Alour (= chapelle à Ploudalmézeau)
29- Saint Yves (en lettres d’or)
Novembre
8- Saint Tremour (saint Trémeur = Plouvorn)
14- Saint Malou
18- Saint Mande (saint Maudez = Ploudalmezeau)
Décembre
12- Saint Corentin (en lettres d’or)

Aux litanies, f. 96v
Sancte Yvo
Sancte Budoc
sancte Paule
….
Sancte Hoarvee
Sancte Golvine

Sancte Tuzvene


Saint-Brieuc, BM, ms 1. Détail, bordures © BVMM / IRHT

Le format important (200 x 140 mm), la qualité du parchemin, des bordures enluminées (sur la totalité des pages du manuscrit) et la délicatesse des initiales ornées, nous laissent penser que cet ouvrage de luxe fut en possession d’un personnage aisé. Pourquoi pas un membre de la célèbre famille du Chastel dont le château de Trémazan dresse encore ses ruines non loin de l’ancienne chapelle Saint-Usven, dominant l’entrée de l’anse de Portsall. Pourtant cette hypothèse pourrait avoir un défaut : l’absence de saint Tanguy … intimement mêlé aux du Chastel… et qui avait sa chapelle à Landunvez. Mais peut-être son nom était-il inscrit sur la page du mois de mai arrachée du manuscrit. En effet, le saint est honoré au 8 mai dans un autre Livre d’heures prestigieux, les Heures de Guémadeuc sur lesquelles nous reviendront.
Pour ce qui est de la datation du manuscrit, soulignons l’absence de la fête de saint Vincent Ferrier du 5 avril, mort en 1419 à Vannes et canonisé en 1455. Le cardinal Alain de Coêtivy (+ 1474) qui assista au procès de canonisation du saint apporta en Bretagne des reliques de Vincent, déposées à Ploudalmezeau (\ »Saint Visant kannat doue\ », Kannadik Ploudalmezeau, bulletin paroissial de Ploudalmézeau, 1975, n° 7, p. 5-6).


Château de Trémazan


Carte de la partie ouest du pays de Léon


Croix du Guilliguy, baie de Portsall, témoin de l’ancienne chapelle de Saint-Usven (Ploudalmezeau)


Le manuscrit de Saint-Brieuc contient également quelques petits textes auxiliaires que l’on rencontre parfois dans certains Livres d’heures. Ainsi, au f. 228, les \ »physiques des mois\ » :

Ces sont les fisiques des moys
En jenvier ne doit on mie seigner mais user gengibre (= gingembre)
En fevrier fet bon seigner de la vaine dou foye et user aigremoine
En mars ne doit on mie seig=
[f. 228v] ner de la vaine moyne pour airer le pomon
En moy fet bon seigner et user aluisne
En juing doit on bouire eyue (= eau) freide a ieun et soy garder de luxure
En jeugnet ne deyt on mie seigner ne en aoust mes user herbs
En aoust ne doit on mie seignier mais user froides herbes
En septembre fet bon seigner et user veroine (= vetoine)
En octobre doyt on mangier rosins et bouure moust et let pour lestomac

Voir ici une version diffèrent

Notes
(1)
Jean-Luc Deuffic, « Ora pro nobis… Notes sur quelques litanies et calendriers bretons de la fin du Moyen Âge », dans A travers les îles celtiques. Mélanges à la mémoire de Gwénaël Le Duc, PUR/ Klask, 2008, p. 201-217.

(2) Yves-Pacal Castel et G. Kaigre, \ »Le cimetière marin de Saint-Usven en Ploudalmézeau\ », dans BSAF, tome CV, 1977, p. 207-212. Fouilles effectuées dans le cimetière disparu de Saint-Usven.

Documentation : Jean L’Hostis (recteur) : Portsall, centenaire de l’église (1896-1996) [ en ligne ]

Je remercie Yvette Roussin, Françoise Simon (pour la photo) et Olivier Moal.
Nous reviendrons plus en détail sur ce manuscrit dans notre INVENTAIRE DES LIVRES D’HEURES DE BRETAGNE

12 Avr 2013
Jean-Luc Deuffic

Guyonne Derrien de Saint-Malo et son Livre d’heures (Saint-Brieuc, BM, ms. 4)


Saint-Brieuc, BM, ms 4. Nativité. © BVMM (IRHT)

A la suite de notre dernier post décrivant le manuscrit 1 de la Bibliothèque municipale de Saint-Brieuc, nous consacrons cette présente note à un autre Livre d’heures, également mutilé, dont l’originalité tient aux précieuses données liturgiques qu’il comporte ainsi qu’aux différentes inscriptions laissées par des possesseurs successifs.
Le manuscrit coté 4, composé de 108 f. de 170 mm x 115 mm, a en effet appartenu à un couple de Saint-Malo, en l’occurrence Guyonne Derrien et son époux Jehan le Juiff. C’est une oeuvre du XVe siècle, probablement décorée par un enlumineur du val de Loire (merci à Claudia Rabel, Patricia Stirneman, de l’IRHT ; Diane Booton, pour leur avis).

Au calendrier nous avons relevé les saints bretons caractéristiques   : 

29 janvier : Gildasii abbatis (n) (= Gildas, abbé de Rhuys)
16 avril : Paterni episcopi (n) (= Patern, ev. de Vannes)
11 mai : Gilde abbatis (n) (= Gildas, abbé de Rhuys)
17 mai : Macuti episcopi (n) (= Malo, évêque)
24 mai : Donaciani et Rogaciani (n) (= Donarien et Rogatien, de Nantes)
5 juin : Tugduali episcopi (= Tudgual, évêque de Tréguier)
21 juin : Mevenni abbatis (n) (= Méen de Gaël)
6 juillet : sainte Noyale, vierge (popaulaire dans le Morbihan)
29 juillet : Guillelmi episcopi (n) (= Guillaume, évêque de Saint-Brieuc)
10 octobre : Pauli episcopi (n) (= Pol, évêque de Léon)
11 octobre : Melani episcopi (n) (= Melaine, évêque de Rennes)
3 novembre : Gobriani episcopi (n) (= Gobrien, évêque de Vannes)
6 novembre : Melani episcopi (r) (= Melaine, évêque de Rennes)
15 novembre : Maclovi episcopi (r) (= Malo, évêque)
17 novembre : Amani episcopi (n) (= Amand, évêque de Rennes)
12 décembre : Corentini episcopi (r) (= Corentin, évêque de Quimper)

A noter l’absence de saint Yves dans ce calendrier.

Aux litanies, f. 61 :

Sancte Paule
Sancte Brioci
Sancte Maclovii
Sancte Sanson
Sancte Paterne
Sancte Corentine
Sancte Gobriane
Sancte Yvo
Sancte Mevenne

f. 61v :
Sancte Armagile


Saint-Brieuc, BM, ms 4. Nativité, détail. © BVMM (IRHT)

Au f. A :

Ces Heures apartienne au sr de la Basse Lande Pierre Porée 1650.

Sur la contregarde  :

Cestez pressantes heures sont et appartiennet a Guyonne Derrien qui les trouvera sy les luy rende elle poira le vin grandement bien quelle sera aces chiche fait a sa requeste le troyesme jour de oust lan mil cinq cenz trente et ung* (= 1531)
Gyone Derrien
Urbi est (?)
Joannes (= Jean le Juiff, son mari ?)

A Guyonne Derrien
s[or]ont randues ces
heures ou il ne  sera
pas bon chrestien

Pierre Porée Basselande -1650-

Au f. 102v, se trouve une liste des anciennes confréries de la cathédrale de Saint-Malo auxquelles appartenaient les possesseurs du Livre d’heures  :

Cy ensuilt les frairies (?) doncq je suy fondés en lesglisse catedral de st Mallo Et premyer
Du Sainct Esperit
De Nostre Dame
De Sainct Jehan (l’une des plus célèbre à Saint-Malo, également appelée les \ »Hommes blancs\ » ou \ »Messieurs de la S. Jean\ », à laquelle appartenait le navigateur Jacques CARTIER)
De Sainct Mallo
De Sainct Sabastien
De Sainct Nycollas de Tolent..
De Sainct Nycollas de Bari
De Saincte Barbe
De Sainct Eloy
de Saint Anthouenne (écriture plus récente mais de peu)

Gyonne DERRIEN fut mariée avant 1511 à Jean LE JUIFF. Nous ignorons son ascendance. Maitre Jean Le Juiff, sieur de Champdavoine, né avant 1500, décédé après 1532, fut avocat et procureur, lieutenant de la cour de Saint-Malo en 1532. Peut-être est-il le fils de Gilles : « Gilles le Juif tient la Chandaveine roturière et 25 journ. rot. » (en 1513, Henri des salles, Évesché de Saint-Malo : anciennes réformations , Paris, 1864, Réformation évêché de Saint-Malo, p. 118). Présent dans un acte de 1535 avec le fameux navigateur Jacques CARTIER (en ligne)
Guyonne et Jean eurent une fille, Olive, née le 17 septembre 1520 à Saint-Malo, et décédée vers 1566.

« Le 17e jour dudict moys de septembre lan mil cinq cens vingt fut baptisée une fille a maistre Jehan le Juiff et Guyone Darien sa femme et fut nommée Olive par Olivier Heussault (ou Heuffault) des parties de basse Bretaigne en son temps fermier des impots de l’esveché de sainct Malo … » (Registres paroissiaux)

Olive le Juiff fut mariée vers 1539 à Jean Leroy (« advocat des cours de Sainct Malo ») (1518-ca 1600), fils de Robin LEROY et de Guillemette MOREL. De leurs neuf enfants, Denise LEROY (1551-1631) mariée le 12 octobre 1569 avec Guillaume Porée 1532-1577, dont Pierre Porée, sieur de la Basselande qui inscrit son nom en 1650 sur ce Livre d’heures :

* Je remercie Odile Albert pour son aide …. La lecture reste peut-être à confirmer pour certains mots …

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