9 Avr 2009
Jean-Luc Deuffic

Le «Maître du Policratique de Charles V» : un enlumineur breton ?

François Avril, dans une belle étude sur Le parcours exemplaire d’un enlumineur à la fin du XIVe s. : la carrière et l’oeuvre du maître du Policratique de Charles V (1) a relevé au chapitre des relations professionnelles de l’artiste, « ses liens avec les copistes des manuscrits qu’il fut amené à illustrer, liens qui, dans un cas au moins, semblent avoir débouché sur un véritable partenariat. Trois noms de copistes méritent à cet égard de retenir notre attention, car tout trois étaient manifestement d’origine bretonne : il s’agit d’Yvon Lhomme, copiste du bréviaire-livre d’heures de Jean Pastourel (Paris BnF Lat. 14279), de Raoul Tainguy, copiste d’un Jeu des échecs moralisés (Paris BnF Fr. 2148), et surtout Jean Cachelart, avec lequel le Maître du Policratique semble avoir entretenu à la fin de sa vie des liens suivis puisqu’ils intervient dans au moins trois manuscrits signés ou attribuables à ce scribe. Cette collaboration répétée avec des copistes d’origine bretonne tient-elle à une communauté d’origine ? »

Pour conforter l’idée avancée de la possible origine bretonne du Maître du Policratique, signalons au moins deux autres copistes bretons oubliés dans la liste des oeuvres données par François Avril : Henri du Trévou (Bible en français, London BL Lansdowne 1175, possédé par Jean de Berry), et Henri Bossec, de Plovan au diocèse de Quimper (Paris Sainte-Geneviève, ms 34-36, Nicolas de Lyre, Postilles sur les livres de l’ancien et du nouveau Testament)


Jean de Salisbury, Le Policratique.
Traduction française de Denis Foullechat Pour Charles V (1372). Copié par le breton Henri du Trévou et Raoulet d’Orléans.
(c) Paris, BnF Fr. 24287 f 2.
Source photographique : Paris BnF


(c) CNRS/IRHT/ Bibliothèque Sainte-Geneviève
Manuscrit 35, f. 1. Maître du Policratique de Charles V


(c) CNRS/IRHT/ Bibliothèque Sainte-Geneviève
Manuscrit 34, f. 1. Maître du Policratique de Charles V
Copié par Henri Bossec, de Plovan
Source photographique : Liber Floridus
Bibliothèque Sainte-Geneviève [Lien]


(c) IRHT/CNRS / Médiathèque Caccano d’Avignon. Ms 207.
Livre de prières du cardinal Pierre de Luxembourg (1386)
Source photographique. Base Enluminures

Note
(1) In De la sainteté à l’hagiographie. Genèse et usage de la Légende dorée. Etudes réunies par Barbara Fleith & Franco Morenzoni, Droz, 2001, p. 265-282.

Biblio sur ARLIMA

8 Avr 2009
Jean-Luc Deuffic

Le chevalier breton Alain de la Houssaye et son manuscrit du Roman de la Rose

Monseigneur ALAIN DE LA HOUSSAYE fut, suivant Froissart, un des chevaliers bretons qui se distinguèrent à la bataille de Cocherel, en 1364. Il suivit, en 1366, Bertrand du Guesclin en Espagne, et se trouva à l’attaque de la ville de Birviesca, où il eut les deux bras rompus. Il accompagna aussi du Guesclin dans sa seconde expédition en Espagne, et combattit, en 1369, à la bataille de Montiel. D’Argentré prétend que ce fut dans la tente d’Alain de la Houssaye qu’Henri de Transtamare tua son frère D. Pedro ; mais Froissart raconte que la lutte entre les deux frères eut lieu dans la tente d’Yvon de Lakonet ou de Lescouët, gentilhomme breton. Les auteurs espagnols, favorables au roi D. Pedro, placent cette scène dans la tente même de Du Guesclin ; mais leur récit, peu favorable à ce grand capitaine, n’a pas prévalu. Alain de la Houssaye guerroya ensuite en France en 1371 et en 1378, et s’empara, avec Maurice de Trésiguidy, Alain de Saint-Pol et Guillaume de Montauban, capitaines bretons, de la ville de Cadillac, en Gascogne. Il figure avec un autre chevalier et vingt et un écuyers dans une montre reçue le 17 novembre 1373, à Valognes. Son sceau, apposé à une quittance de ses gages du 20 novembre de la même année, représente un échiqueté d’argent et de sable, avec une bordure. Supports : deux léopards. On le trouve mentionné avec la qualité de capitaine de Rennes, au nombre des chevaliers qui ratifièrent le traité de Guérande, le 1er mai 1381. Il était frère d’Eustache de la Houssaye, un des quatre maréchaux nommés, en 1379, par la noblesse de Bretagne, pendant l’absence du duc, pour repousser l’invasion française.
(De Couffon de Kerdellech, Recherches sur la chevalerie du duché de Bretagne, t. II, Nantes  Paris, 1878, p. 241)

Eustache de la Houssaye, compagnon d’armes de Duguesclin, et l’un de ses plus braves lieutenants, naquit vers 1340, vraisemblablement en Saint-Maden, près Diñan, comme le pensent quelques écrivains. D’autres, il est vrai, et Ogée est de ce nombre (v. Saint-Martin), le font naître dans la commune de Saint-Martin-de-l’Oust, près Ploërmel. Mais, ce qui nous porte à croire qu’Ogée a commis ici une de ces erreurs qui lui sont si fréquentes en matière de noms de lieux et de personnes, c’est que toutes les alliances d’Eustache de la Houssaye étaient avec les familles des Saint-Pern, des Du Buat, des Lanvallay et autres du pays de Dinan, et qu’il figure lui-même dans les monstres de Dinan et aux serments des nobles de cette ville. (D. Lobineau, passim). Enfin, dans la chronique gothique de la famille de Saint-Pern, Eustache est qualifié de seigneur de Ranléon [en Quedillac), et dudit heu de La Houssaye, ce qui donnerait lieu de croire qu’il était puîné ou cadet de la maison de La Houssaye, et que, par suite de son mariage, ou pour toute autre cause, il se serait fixé dans ses propriétés ou sur le territoire de Quédillac, peu éloigné de La Houssaye, en Saint-Maden. Au surplus, il ne peut y avoir de doute qu’entre Saint-Maden et Saint-Martin-sur-Oust, car rien n’autorise à penser qu’Eustache fût né dans aucun des lieux appellés aussi La Houssaye, dans les communes de Gaël, Parthenay, Plédran, Nozay, Plestan près Jugon, Saint-Alban, Trédaniel, etc. La première circonstance où l’histoire mentionne La Houssaye, c’est la bataille de Coche- rel (mai 1364) où, sur l’ordre de Duguesclin, il exécuta, à la tête de deux cents lances, un mouvement qui décida le succès de la journée et la prise du Captal de Buch. A la bataille d’Auray, il fut un des trois chevaliers qui dégagèrent Duguesclin, renversé de cheval et sur le point de tomber au pouvoir de l’ennemi. Ayant ensuite fait partie de l’expédition des Grandes-Compagnies en Espagne, il coopéra à la prise de Maguelone et de Bervesque, et eut le bras cassé au siège de cette dernière ville, en 1367. Lorsque le connétable fit, en 1378, son expédition clé Normandie, Eustache et son parent, Alain de La Houssaye, le suivirent et l’aidèrent à s’emparer de presque toutes les places du pays…
P. Levot, Biographie bretonne, p. 113-114.

Alain de la Houssaye épousa Marguerite de Montauban,  fille d’Olivier IV de Montauban, chevalier banneret, seigneur dudit lieu, de La Gacilly, de Goneville, de Romilly, de Quinéville, de Marigny, de Tuboeuf, de Craon, de Brisolette, de La Bréchardière et autres lieux, décédé en février 1389, et de Mahaut d’Aubigné, dame de Landal et d’Aubigné, (Paris BnF FR. 22332, f. 35)

Alain de la Houssaye était un guerrier ! Pourtant il avait de bonnes lectures … témoin cet exemplaire du Roman de la Rose, best-seller de l’époque, aujourd’hui conservé à la Biblioteca nacional de Madrid (Reserv. 5a-19). Ce manuscrit du milieu du XIVe s. porte en effet, à la fin du texte, cette note : Cest romant est messire Alain de la Houssoye, chevalier.

Manuscrit 290 x 203 mm. 159 f. Vélin. 37 lignes sur 2 colonnes. 28 miniatures. Quelques notes marginales.
f. 1. Au-dessous d’une miniature divisée en quatre panneaux :
Ci commance li romans de la Rose, ou l’art d’amours est toute enclose.
Incipit : Maintes gens dient que en songes …
Se termine au f. 159 :
 … est fine et pure verite
ou l’art d’amours est tote enclose;
nature rit si comme semble
quant hic et hec iouent ensemble.
Le copiste ajoute :
Detur pro pena scriptori pulcra puella.

Biblio   
La bibliothèque du marquis de Santillane, 1905, p. 369-370. 
V. Langlois, Les manuscrits du Roman de la Rose : description et classement, 1910, p. 179.
McMunn, Meradith T., Reconstructing a missing manuscript of the Roman de la Rose: the Jersey Manuscript, dans Scriptorium, 53 1999, p. 31-62
Yarza Luaces, J., La nobleza hispana y los libros iluminados (1400-1470). Corona de Castilla, dans La Memoria de los libros : estudios sobre la historia del escrito y de la lectura en Europa y América, Salamanca, 2004.
La présence de ce manuscrit en Espagne est-elle une coïncidence au vu des \ »exploits\ » d’Alain de la Houssaye en ce pays ?


Gisant d’un seigneur de la Houssaye dans l’église Saint-Jean de Saint-Maden (Côtes-d’Armor)
Source photographique : TopicTopos


Autre gisant de Saint-Maden
Source : Ministère de la Culture

Armoiries d’Alain de la Houssaye sur le site Tudchentil (Amaury de la Pinsonnais) [Lien]
Histoire de la famille de la Houssaye (Amaury de la Pinsonnais) [Lien]

Merci à Martin Sartorius, Laurent Brun. 
Aux amis de la liste Noblesse bretonne
A Charles Faulhaber (Berkeley)

Description du manuscrit en ligne sur le site de la BNE :
[Lien]

  

5 Avr 2009
Jean-Luc Deuffic

Auction : Livres d’heures on Ebay

Sur Ebay, en ce moment, vente de Livres d’heures :

Manuscrit retiré de la vente ….

[Link]

BOOK OF HOURS, use of Rome, in Latin. ILLUMINATED MANUSCRIPT ON VELLUM [northern Italy, Ferrara, c. 1460] . 95 x 72 mm. FIVE 3-5 LINE ILLUMINATED INITIALS with leafy ornaments and extensions and marginal decoration; ONE 7 line HISTORIATED INITIAL with border.

[Link]

28 Mar 2009
Jean-Luc Deuffic

Manuscrits enluminés : expositions in USA

Les passionnés de l’enluminure et du manuscrit médiéval d’outre Atlantique auront l’occasion en cette année 2009 d’assister à une multitude d’expositions assez exceptionnelles. Pas moins de cinq musées organisent ou organiseront des manifestations en l’honneur du roi manuscrit :
 
Romance of the Rose : Visions of Love in Illuminated Medieval Manuscripts
Roman de la Rose : Visions de l’Amour dans les manuscrits médiévaux enluminés
Walters Art Museum, Baltimore, MD USA : January 24-April 19, 2009  [Link]
The Romance of the Rose, a 13th-century poem written in Old French, was among the most popular and influential literary texts of its day. The allegorical treatment of such an enduring subject as \ »Love\ » and the exploration of the notion of \ »Quest\ » make this focus show widely accessible to diverse audiences. The exhibition features nine different manuscripts of the Romance of the Rose drawn from collections in North America, along with a selection of medieval ivories from the Walters collection. The exhibition is a collaborative project between the Walters, Johns Hopkins University, and the Bibliotheque Nationale in Paris.

German and Central European Manuscript Illumination
J. Paul Getty Museum, Los Angeles, CA USA : February 24-May 24, 2009 [Link]
This exhibition explores the tradition of manuscript illumination—book painting using brilliant colors and precious metals—in Germany and central Europe. A beloved artistic medium, illumination began with the flowering of book production under Charlemagne in the early 800s and continued even after the invention of the printed book in the 1400s.


© J. Paul Getty Trust. Ms Ludwig XI, f. 12.

Heaven on Earth : Manuscript Illuminations from the National Gallery of Art
Walters Art Museum, Baltimore, MD USA : April 25-July 19, 2009 [Link]
Rare medieval manuscript illuminations, last exhibited in 1975, will be showcased in a stunning installation, Heaven on Earth: Manuscript Illuminations from the National Gallery of Art. This exhibition offers the first in-depth look at these rare medieval manuscript illuminations from 52 single leaves and 4 bound volumes, among them a number of important recent acquisitions, which date from the 12th to the 16th century and were made in France, Germany, Austria, Bohemia, the Netherlands, Spain, and Italy.

Prayers in code : Books of Hours from Renaissance France
Walters Art Museum, Baltimore, MD USA : April 25-July 19, 2009  [Link]
During the late Middle Ages, Books of Hours became common tools of private devotion and sought-after status symbols. Carried by fashionable ladies and collected by rich bibliophiles, Books of Hours differed greatly in style and ornament but were predictable in choice of pictures. The 24 manuscripts plus one painting in this exhibition will present unusual images that introduce a new fashion for emblems and rebuses (pictures depicted together to represent a word) while challenging our understanding of the relationship between the illustrations and the prayer text. With selected loans to complement the museum’s collection, this exhibition will explore the patronage at the court of King Francis I (1494–1547) during a time when the controversies over Humanism, Reformation and Orthodoxy shaped the intellectual life of discerning patrons.
Saturday May 23, 2009, 10 a.m.–5 p.m.
The Walters Art Museum, Baltimore
A symposium organized in conjunction with the loan exhibition “Prayers in Code: Books of Hours from Renaissance France,” April 25–July 17, 2009, at the Walters Art Museum.
Papers will address the vibrant exchange between artists, printers, and patrons in France in the fi rst half of the 16th century and explore book production during a time when controversies over humanism, reformation, and orthodoxy shaped the intellectual life of discerning patrons.
Organized by the Walters Art Museum in collaboration with the Charles Singleton Center for the Study of Pre-Modern Europe, with the generous support of an anonymous donor.
Free ; advance registration is required. To register please contact Kathryn Gerry at kgerry@thewalters.org. For more information visit the online calendar at www.thewalters.org.
Introduction
MARTINA BAGNOLI, the Walters Art Museum
10:10–10:40 • A Book for Prayer? Books of Hours in the Era of Manuscript and Print
VIRGINIA REINBURG, Boston College
10:40–11:10 • Double Vision : memory Places, Devices, and Devotion
REBECCA ZORACH, University of Chicago
11:10–11:40 • Enea Silvio Piccolomini in France and Humanism in Royal Circles before François I
ROBERT SCHINDLER, Freie Universität Berlin
11:40–12:30 • Roundtable discussion led by Kim Butler, American University
12:30–2:00 • Lunch and self-guided tour of exhibition
2:00–2:30 • Geoff roy Tory and the “Pictogrammar” of the Champ fleury
TOM CONLEY, Harvard University
2:30–3:00 • Emblems and Hours : Some \ » oughts on Early Modern Illustration
DANIEL RUSSELL, University of Pittsburgh
3:00–4:00 • Roundtable discussion led by Stephen Campbell, The Johns Hopkins University

Temptation and Salvation : The Psalms of King David
J. Paul Getty Museum, Los Angeles, CA USA : June 9-August 16, 2009 [Link]
This exhibition illustrates the various ways that medieval artists illustrated the Psalms,” says Elizabeth Morrison, curator of manuscripts. “At times they concentrated on the literal meaning of single verses, and at other times addressed broader themes, such as the role of the Psalms in preparing the Christian faithful for the Last Judgment.”
Temptation and Salvation : The Psalms of King David is co-curated by Mary Flannery, University of London, and Elizabeth Morrison, curator of manuscripts at the J. Paul Getty Museum

Pages of Gold : Medieval Illuminations from the Morgan
Morgan Library & Museum, New York, NY USA : June 19-September 13, 2009 [Link]
Approximately fifty best examples are shown in the exhibition, including those of Italian, English, French, Flemish, German, Hungarian and Spanish origin. Several of the leaves are on view for the first time. This exhibition is supported in part by a grant from the Virginia M. Schirrmeister Charitable Lead Annuity Trust.

Out-of-Bounds : Images in the Margins of Medieval Manuscripts
J. Paul Getty Museum, Los Angeles, CA USA : September 1-November 8, 2009 [Link]
Part of the genius of medieval art lies in its unique ability to combine serious and profound images with playful and witty ones. In illuminated manuscripts, a primary artistic medium of the Middle Ages, scenes in the margins of a page often comment on the paintings illustrating the text in the center. As often as they expand on the narrative, they poke fun at the lofty themes and, more broadly, at human foibles. Out-of-Bounds: Images in the Margins of Medieval Manuscripts explores the margins of medieval books and explains its wealth of subject matter: children playing games, romantic pursuits, men battling fantastic creatures, and composite figures—half-human, half-beast—that wend their ways through the sinuous foliage of the painted borders.

The Art of Illumination : The Limbourg Brothers and the Belles Heures of Jean de France, Duc de Berry
The Metropolitan Museum of Art, New York, NY USA: September 22, 2009-January 3, 2010 [Link]

Sources : Stan Parchin [Link]