Le Landernéen « Charles de Rochemagne le Rouss », capucin, converti à la religion réformée (1619)
Traquant ex-libris et anciennes provenances, j’ai fait la rencontre récente d’une plaquette de 14 pages in-8° (non encore examinée) dont le titre en lui-même est assez significatif pour être publié entièrement :
Declaration de Charles de Rochemagne Ie Rouss, natif de Landernau en Basse Bretaigne, ci-deuant Capucin au conuent des Capucins de Chasteleraud, faite publiquement en l’Eglise Reformée dudit lieu, le Dimanche 22 de Septembre 1619. Ou sont contenues les raisons et motifs pour lesquels il a abjuré ses voeuz monastiques, et s’est retiré de dessous Ie joug de la Tyrannie Papale. Ne jugez point selon l’apparence, mais jugez d’un droit iugement. I Jean, 7 24. A Lodvn de l’impression de La-Barre, 1619.
Référence prise dans les Kerkhistorisch archief, volumes 1 à 2, Amsterdam, 1857, p. 414, le seul exemplaire connu, semble-t-il, se trouve aujourd’hui conservé à l’Université de Leiden (Special Collections (KL) Bibliotheque Wallonne, BIBWAL I 124: 1 ). Il y eut un second tirage, puisque les exemplaires de Paris, BnF (D2- 10764) et de la BM de Toulouse (Fa D 19218 (63), datés de 1620, offrent un libellé quelque peu diffèrent :
Declaration de Charles de Rochemagne le Rouss. natif de landerneau en Basse Bretagne cy devant Capucin au couvent des Capucins de Chasteleraud, faite publiquement en l’église réformée dudit lieu, le… 22. de janvier 1620. Où sont contenues les causes et motifs pour lesquels il a abjuré ses voeux monastiques et s’est retiré de dessous… la tyrannie papale. Jouxte la copie imprimée à Loudun, 1620.
« Charles de Rochemagne le Rouss », se dit natif de Landerneau. Le patronyme Rochemagne est inconnu à la Bretagne : s’agit-il d’une traduction française d’un nom breton (Rochemeur, Rosmeur ?) Probablement s’appelait-il « Le Roux ». Malheureusement nous n’avons pas trouvé trace de sa naissance à Landerneau, seuls les registres paroissiaux de la paroisse de Saint-Thomas remontent au-delà de 1600. Il ne fit certainement pas profession chez les Capucins de l’ancienne cité léonarde, puisque l’installation du couvent de cette ville ne date que de 1633. Il rejoignit donc celui de Chatellerault fondé en 1612 dans le faubourg Sainte-Catherine.
Quoiqu’il en soit, après sa conversion, Charles de Rochemagne, s’installa à Vitré, un des grands pôles, avec Nantes, du calvinisme breton (http://protestantsbretons.fr/histoire/etudes/questions-sur-vitre-1/)
En effet, son nom se retrouve dans les registres de l’église réformée de Vitré, à la date du 12 juillet 1620 (1), quand il se marie avec Anne Chapelais, née le 12 mars 1597 de Guy Chapelais, sieur de la Vigne, tailleur d’habits et de Judith de Launay.
Plusieurs enfants naîtront de son union avec Anne:
Elisabeth, 12 avril 1621
Charlotte, 11 mars 1622
Philippe, 5 avril 1624
Jeanne, 25 juin 1625
Marie, 18 novembre 1626
Philippe, 26 juillet 1628
Charles, 28 décembre 1630
Anne morte le 5 mars 1634, Charles de Rochemagne se réfugie par la suite à Guernesey, où il mourut à un âge très-avancé, en mars 1672 :
Il remplissait dans l’église paroissiale de Saint-Pierre-Port l’office de Lecteur, c’est-à-dire de celui à qui il appartenait de lire les saintes Ecritures, de conduire le chant, et d’aider le ministre dans quelques-uns de ses devoirs. Il était aussi maître de l’école paroissiale. Il s’est remarié deux fois à Guernesey, d’abord en avril 1641, à Jeanne Arthur, et puis en mars 1653, à Marguerite Hodon (Bulletin archéologique de l’Association bretonne, 1877, p. 33).
Gilles-André de La Roque de La Lontière, dans son Histoire généalogique de la maison de Harcourt, 1662, p. 622-623, fait mention de « Charles de Rochemagne Breton, en la généalogie manuscrite qu’il a publiée de la maison de Montgommery », qui sans aucun doute, se rapporte à notre personnage.
NOTE
(1) Je remercie Jean-Claude Bourgeois (groupe Généalogistes du Finistère) pour une précision concernant cette date.
BIBLIO
Paul Paris-Jallobert, Anciens registres paroissiaux de Bretagne: baptêmes, mariages, Volume 1, Eglise protestante de Vitré, Rennes, 1890,, p. 25, 140.
LIENS
Le blog de Jean-Yves CARLUER : Les Protestants bretons
LE PROTESTANTISME EN BRETAGNE AUX XVIe, XVIIe & XVIIIe siècles, par Jean-Luc TULOT
L’incunable de la « Cité de Dieu » du frère carme Bertrand Estienne
Bertrand Estienne (ou Etienne, Bertrandus Stephani) et Jean Marchand (Johannes Mercatoris), carmes de la province de Touraine, bacheliers en théologie et lecteurs en l’Université de Paris, ont marqué l’histoire de l’imprimerie lorsqu’à la demande de Louis Martineau (également tourangeau), ils corrigèrent le commentaire de leur confrère anglais John Bacon sur le troisème livre des Sentences, qui sera imprimé à Paris le 15 janvier 1485 (n.s.). Cette précieuse édition in-folio est aujourd’ui conservée dans plusieurs bibliothèques (Durham, Ushaw College; Edinburgh UL (New College) ; Paris Mazarine; Valognes BM ; Leipzig UB ; Nürnberg StB ; Cambridge MA, Harvard College Library, Houghton Library, etc)
Nous avons eu la chance de découvrir le nom de Bertrand Estienne sur un autre incunable dont il fut un certain temps possesseur. En effet, à la Bibliothèque de la Sorbonne se trouve un exemplaire (Rés. In 70) de la Cité de Dieu de saint Augustin (De civitate Dei comment. Thomas Valois et Nicolaus Triveth), imprimé à Bâle par Johann Amerbach, le 13 février 1489, portant cette note manuscrite : « Ce livre appartient a fresre Bertram Estienne».
Par la suite, au courant du XVIe siècle, l’ouvrage a appartenu à Jérôme [?], religieux du prieuré clunisien de Saint-Martin des Champs à Paris, et au frère Jean, gardien du couvent (des Franciscains ?) de Quimper, sans que l’on ne connaisse exactement la chronologie de ses différentes possessions : « Dompnus Jheronimus [gratté] religiosus Sancti Martini de Campis sibi pertinet hunc librum, xiiii s. P. » ; « Ex libris fratris Johannis prepositi conventus Corizopitensis ». Un examen des écritures pourrait peut-être le déterminer.
SUDOC / Référence
Biblio : A. Claudin, L’histoire de l’imprimerie, t. 1, Paris, 1900, p. 300-301.
Exemplaire de la Cité de Dieu de la Bridwell Library
Le bibliophile nantais Joseph Arnoult et les statuts synodaux de Pierre du Chaffault et Jean d’Epinay
A peine achevé un premier état de notre INVENTAIRE DES LIVRES LITURGIQUES DE BRETAGNE, que je découvre la vente en ligne chez le libraire de Londres SOKOL BOOKS Ltd. d’un exemplaire des statuts synodaux des évêques de Nantes Pierre du Chaffault et Jean d’Espinay.
Les statuts de ces évêques nous sont déjà connus par deux manuscrits de la BnF :
Bibliothèque de l’Arsenal, 796 B, f. 67
BnF, Lat. 1597, f. 56
Les Statuta synodalia diocesis Nannetensis, de Pierre du Chaffault ont également été imprimés (s.d.). L’unique exemplaire se trouve à Nantes, au Musée Dobrée.
Le 23 mai 1499, ont été imprimés les : Statuts synodaux de l’église de Nantes promulgués par Yves du Quirisec, vicaire général de Jean d’Espinay, publiés à Nantes par Étienne Larchier (ou à Paris, par Jean du Pré). Exemplaire : Paris, BnF, Rés. B 2292
L’exemplaire manuscrit de Sokol Books Ltd porte l’ex-libris du médecin et bibliophile nantais Jospeh François Arnoult, qui fut docteur régent de la Faculté de médecine en l’Université de Nantes, recteur en 1776. Le 5 juin 1782, est inhumée à Saint-Clément de Nantes, son épouse Marie-Anne Rigault, âgée seulement de 38 ans,
Shapero Rare Books (London, GL, United Kingdom) met en vente actuellement un ouvrage très particulier de Conrad Gesner ( Christoph Froschauer, Zurich & Johann Wechel, Frankfurt), ayant appartenu à Charles de Bourbon (1520-1590), et plus tard à Joseph Arnoult.
L’Université de Glasgow conserve également un ouvrage de la collection du médecin nantais : Mudkhal al-kabīr ilā ʻilm ahḳām al-nujūm. Introductorium in astronomia[m] Albumasaris Abalachi octo continens libros partiales..
De même, Penn Libraries call number : IC5 Sa133 556e
Vente Bergé du 29 juin 2011, lot 22 :
Au-dessus de l’ex-libris de Jean Ballesdens (1595-1675), celui de Joseph Arnoult dans un ouvrage de Christophe FORSTNER Ad libros sex priores Annalium C. Cornelii Taciti notae politicae. Padoue, Paul Frambottum, 1626.
Les \ »cabinets curieux\ » de BRETAGNE en 1649 …
Le savant Pierre Borel dressa dans son livre Les Antiquitez, raretez, plantes, minéraux & autres choses considérables de la ville & du comté de Castres d’Albigeois (Castres, Arnaud Colomiez, 1649) un Roole des principaux cabinets curieux, et autres choses remarquables qui se voyent ez principales Villes de l’Europe.
Dans cette précieuse liste, nous avons relevé pour la BRETAGNE :
ASSERAC, en BRETAGNE. M. le marquis d’Arserac (= Jean Emmanuel de Rieux. Nous travaillons actuellement sur ce personnage et sa bibliothèque : voir notre ancien post)
NANTES. M. Guillemin maistre apotiquaire (= Peut-être François GUILLEMIN, Maître apothicaire (source : Geneanet). Je n’ai pas eu encore accès à la thèse de J. Doucet, Les apothicaires nantais sous l’ancien régime ; thèse de pharmacie, Nantes, 1959.
PLERMEL EN BRETAGNE. Le lieutenant du Roy (= Ploërmel, Charles (parfois appelé Jean) Gault : « … écuier Charles Gault Sr du Tertre-Vallière à présent C(hevali)er du roy, lieutenant & juge ordinaire à Ploërmel …, que toute la province de Bretaigne recoignoit pour juge autant incorruptible que profond en toute littératures, spécialement en celle des dédales et labyrinthes généalogiques des maisons nobles de la province, dont il possède des recherches qui donneront au jour de très beaux esclaircissements à la postérité. » (Revue historique de l’Ouest – Volume 10 – 1894, page 9) – Pour la généalogie des Gault, voir l’excellent site d’Odile Halbert)
S. BRIEUC EN BRETAGNE. M. de Beauchamp (= Saint-Brieuc. Un membre de la famille HENRY, seigneur de Beauchamps, peut-être Jacques Henry, seigneur de Beauchamp, sieur de la Ville-Urvoy et de Beaucours)
VANNES EN BRETAGNE. Le baron du Vieux Chastel (= Pierre de Lannion, seigneur du Cruguil, de Lizandré et de La-Noe-Verte (1621), seigneur de Quélen, du Vieux-Chastel et de Camors, gouverneur de Vannes (1625-1652), gouverneur d’Auray (1626). Il avait racheté plusieurs des manuscrits du Père Augustin Du Paz)
Voir : CURIOSITAS
L’ouvrage de BOREL en ligne