Les Oratoriens de Nantes : épaves d’une riche bibliothèque …
Les Oratoriens furent introduits à Nantes en 1617, l’évêque Charles de Bourgneuf de Cucé (1598-1617) (1) leur octroyant alors le prieuré vannetais des Montagnes, l’Ile-Saint-Michel dépendant de Sainte-Croix de Quimperlé. Le prélat, qui mourut cette même année, le 17 août, leur légua « par testament sa librairie estimée à 10000 francs où il y a de très bons livres, couverts seulement de parchemin, sans papier collé, pour empescher dit-on, que les rats n’appètent à les ronger » (2).
Par un accord du 1er mars 1753 entre la municipalité de Nantes et les Oratoriens, la congrégation ouvrit ses collections (plus de 10.000 volumes) au public.
De cette riche bibliothèque subsistent quelques belles « épaves » à la Bibliothèque municipale de Nantes. Le manuscrit 8 constitue le second tome d’un magnifique exemplaire de la Cité de Dieu enluminé par Maître François, – puis par son principal collaborateur, Jacques de Besançon -, commandité par le célèbre bibliophile Jacques d’Armagnac (1433-1477) et continué pour Philippe de Commines (1447-1511), conseiller du roi (3). Le premier volume se trouve à La Haye, au Musée Meermano-Westreenen (ms 10 A 11). Voir quelques reproductions à cette adresse [En ligne]
Le volume de Nantes a été numérisé entièrement [ En ligne ]
Parmi les autres manuscrits de la collection des Oratoriens conservés à la BM de Nantes, citons : Pontifical de Noyon (ms 24, XVe s.); Bréviaire de Nantes (ms 25, XVe s.), Digestum novum (84, XIVe s.) ; Caton (ms 109, XVe s.) ; Traité de morale dédié à Guillaume Gouffier (ms 207, XVIe s. ) ; Traité d’arithmétique (456, XVe s.), etc …
Se trouve également à la British Library, Harley 6259 [ En ligne ], un exemplaire du traité de Charles de Viry (?) dédié au duc de Savoie Charles III (1486-1553), portant l’ex libris nantais :
(C) British Library
Ci-dessous exlibris des Oratoriens de Nantes, Oratorii Nannetensis, sur une édition de Josse Bade de [1554]
Badius Ascensius, Jodocus. Navis stultifera d. Sebastiani Brant : verum humanae vitae speculum / Iacobo Lochero interprete Exlibris: « Charles-Louis Frossard, de Nimes pasteur de l’église réformée de France archiviste du synode général. » UB Basel AN 129 : http://www.ub.unibas.ch/spez/poeba/poeba-002827822.htm
Oratorians first came to Nantes in 1617. The bishop Charles de Bourgneuf de Cucé (1598-1617) (1) granted them the Vannes priory Montagnes, on the Ile Saint-Michel, which belonged to Sainte-Croix de Quimperlé. The bishop, who died the 17th August that same year, left them in his will ‘his library estimated at 10000 francs which consisted of very good books, only covered in parchment, without glued paper, as it is said that in this way the rats will not gnaw them’ (2).
Of this rich library some lovely ‘wrecks’ survive at the Bibliothèque municipale de Nantes. Manuscript 8 consists of the second volume of a magnificent example of the Cité de Dieu illuminated by Maître François, – then by his principal collaborator, Jacques de Besançon -, commissioned by the famous collector Jacques d’Armagnac (1433-1477) and continued for Philippe de Commines (1447-1511), king’s counsellor (3). The first volume is in the Hague, at the Meermano-Westreenen Museum (ms 10 A 11). Some reproductions can be seen here [link]. The volume in Nantes has been digitised in its entirety [link].
Other manuscripts of note from the Oratorian collection in Nantes include the Noyon Pontifical (ms 24, 15th cent.), the Nantes Breviary (ms 25, 15th cent.), Digestum novum (84, 14th cent.), Cato (ms 109, 15th cent.), a morality treaty dedicated to Guillaume Gouffier (ms 207, 16th cent.), an arithmetic treaty (456, 15th cent.), and many more.
Also, British Library, Harley 6259 [link], is an example of a treaty by Charles de Viry (?) dedicated to the duke of Savoy Charles III (1486-1553), which has an ex libris from Nantes.
Notes
(1) « Il fut transféré du siège épiscopal de Saint-Malo à celui de Nantes, le 31 août 1598, en vertu de la permutation qu’il avait faite, deux ans auparavant, avec Jean du Bec, nommé à l’évèché de Nantes, après la translation de son oncle Philippe au siège de Reims. Il assista aux Etats tenus à Rennes en 1598 et en 1604. Député en cour pour la même compagnie, il mourut à Chartres le 17 juillet 1617, et fut inhumé à Saint Pierre-en-Vallée. Guillaume Le Gouverneur, évêque de Saint-Malo, parle fort avantageusement de Charles de Bourgneuf dans la préface de son Rituel, imprimé en 1617, et nous le représente comme une des grandes lumières du clergé de France. (D. Morice, Catal. des Evêques). Le Catalogue des Evéques de Bretagne, placé a la suite de la Vie des Saints d’Albert de Morlaix, nous apprend que le même prélat était \ »homme docte et de vie sainte et austère…. Il a fait faire, ajoute-t-il, les jardins du manoir (épiscopal) de Chasseil et le petit chastelet qui se void, pour s’y retirer et y faire ses exercices spirituels ; donna aux Pères de l’Oratoire, établis à Nantes au collège de Saint-Clément, l’an 1617, sa librairie, estimée dix mille francs et à son église cathédrale, deux tentes de tapisserie, pour orner le choeur et la nef aux festes solemnelles, et toute l’argenterie qui sert à l’autel les grandes festes de l’année. » Enfin Guy Leborgne ne craint pas de dire qu’au jugement de tout le monde le prélat nantais a été l’un des plus grands de son siècle en piété et en doctrine. Ces divers témoignages de science, de vertu et de libéralité, doivent faire considérer comme calomnieuses quelques accusations de simonie portées contre Charles de Bourgneuf, par l’abbé Travers, janséniste intolérant , dans sa prétendue Histoire des Evêques de Nantes, ouvrage qui n’est autre chose qu’un indigeste amas de matériaux, utiles sans doute, mais rangés sans ordre et sans critique. » (P. Levot, Biographie bretonne, I, 171)
(2) Dubuisson-Aubenay, Itinéraire de Bretagne en 1636, éd. 2001, II, p. 214.
(3) F. Avril & N. Reynaud, Les manuscrits à peintures, p. 52.
Bibliothèque municipale de Nantes [ Lien ]
Sources :
– Établissement à Nantes des Pères de l’Oratoire. 17 novembre 1617 (Nantes, Archives municipales, BB 28)
– Établissement de la Bibliothèque publique ; délibérations à ce sujet ; nomination du R. P. Giraud, prêtre de l’Oratoire, ancien supérieur de la Maison de Nantes, comme premier bibliothécaire ; règlement, 1, 13 et 18 avril 1753 (Nantes, Archives municipales BB 93)
– Bibliothèque publique. Art. 439, à M. Jérôme Giraud, prêtre, ancien supérieur de la maison de l’Oratoire de Nantes, choisi et nommé pour premier bibliothécaire de la Bibliothèque publique, établie dans la maison de l’Oratoire, 1,600l pour deux années de sa pension et entretien d’un garçon, dont 500l pour le bibliothécaire et 300l pour le garçon. (Nantes, Archives municipales, CC 222)
– (1722) : » pour le sr Lelievre de Valoris, supérieur de l’Oratoire, 2 caisses de livres…, 2 boîtes de remèdes … » (Nantes, AM GG 781)
Le missel du prêtre breton Jean Melec
Le missel San Cugat del Vallés de la seconde moitié du XIV s. copié par Jean Melec, prêtre originaire de Bretagne, et aujourd’hui conservé aux Archives aragonaises (Barcelone, Archivo Corona de Aragón, ms. San Cugat 14 ) a fait l’objet en 1981 d’une étude de Maria Pilar Farré Bordes, publiée dans D’Art (n° 6-7, p. 120-136), travail aujourd’hui visible en ligne à cette adresse (format pdf)
C’est un manuscrit parchemin de 490 f, 335 x 255 mm, provenant du monastère de St Cugat del Vallès, identifié comme un don de l’abbé Berenguer de Rajadell en 1409 (armoiries au f. 14r).
Rafael Ramos Nogales me signale que ce missel a fait l’objet d’une numérisation, accessible sur PARES, Portal de Archivos Españoles à cette adresse.
© Ministerio de Cultura
Florence, Biblioteca Laurenziana et Nazionale : six copistes et un prédicateur bretons
Yves Bernier, du diocèse de Nantes, écrit en 1453 un Titus Livius pour le médecin et philosophe Socino Benzi (fils du célèbre Ugo Benzi), + 1479. Manuscrit Plut. 63.3, numérisé à cette adresse [ – lien – ]
Guillaume le Breton. Recueil (Gesta Karoli Magni quantum ad destructionem Carcassone et Narbone et ad constructionem monasterii Crassensis ; Gesta Rotolandi, etc). Au f. 80v (image 81v) « Explicit gesta Rotolandi martiris. Guillermus Brito me scribit in civitate Carcassone » Manuscrit Plut. 66. 27, numérisé à cette adresse : [ – lien – ]
Yves Le Moel : Le manuscrit de la Laurenziana, Ashburnan 1142 est un exemplaire de Terentius, du XVe s. Au f. 89v : Iste liber est Yvonis Le Moel, clerici Trecorensis.
Denis de Kerangarv. Manuscrit BN Conv. Sopr. G.3.418, Thomas Bradwardinus. Ego Dyonisius de Kerangarv scripsi hoc opus Parisius ad petitionem Francisci de Nerlis de Florancia, ordinis fratrum heremitarum …(f. 101v). XIVe s.
Raoul Le Breton. Manuscrit BN II.VI.1. Jean de Galles, Tractatus de vitiis et virtutibus. Au f. 84 : Radulphus brito, scriptor istius libri fratri Richardo de ordine fratrum minorum de Roma salutem …\ ». XIVe s.
Robert Le Breton de Kergroezes. Manuscrit BN, Conv. Soppr. B. I. 118. Pierre Auriol, Scriptum super primum Sententiarum. Terminé le 20 décembre 1330. « … et scripsit eum Robertus Brito domino Remigio de Florencia de pecunia patris ipsius domini Remigii de Florencia »
Frère Yves Alain du couvent de Quimper prêcha à Florence en 1459 : Fr. Yvo Alani scripsit has sermones in conventu Florentiae anno Domini 246 (sic) dum erat ibidem biblicus positus per capitulum provinciale senis celebratum…. Manuscrit Plut. 20.34, f. 11V, numérisé à cette adresse : [ – lien – ]
Pas de doute, ce nom est bien breton, … du reste voici l’explicit (f. 98r) :
Expliciunt Sermones per me Fratrem Yvonem Alani provinciae Turoniae Conventus Corisopitensis (l’ancien catalogue donne Corifoxiten (sic) in Conventu Florentiae Anno Domini 1459.
Il me semble que ces sermons sont inédits …
Le «Maître du Policratique de Charles V» : un enlumineur breton ?
François Avril, dans une belle étude sur Le parcours exemplaire d’un enlumineur à la fin du XIVe s. : la carrière et l’oeuvre du maître du Policratique de Charles V (1) a relevé au chapitre des relations professionnelles de l’artiste, « ses liens avec les copistes des manuscrits qu’il fut amené à illustrer, liens qui, dans un cas au moins, semblent avoir débouché sur un véritable partenariat. Trois noms de copistes méritent à cet égard de retenir notre attention, car tout trois étaient manifestement d’origine bretonne : il s’agit d’Yvon Lhomme, copiste du bréviaire-livre d’heures de Jean Pastourel (Paris BnF Lat. 14279), de Raoul Tainguy, copiste d’un Jeu des échecs moralisés (Paris BnF Fr. 2148), et surtout Jean Cachelart, avec lequel le Maître du Policratique semble avoir entretenu à la fin de sa vie des liens suivis puisqu’ils intervient dans au moins trois manuscrits signés ou attribuables à ce scribe. Cette collaboration répétée avec des copistes d’origine bretonne tient-elle à une communauté d’origine ? »
Pour conforter l’idée avancée de la possible origine bretonne du Maître du Policratique, signalons au moins deux autres copistes bretons oubliés dans la liste des oeuvres données par François Avril : Henri du Trévou (Bible en français, London BL Lansdowne 1175, possédé par Jean de Berry), et Henri Bossec, de Plovan au diocèse de Quimper (Paris Sainte-Geneviève, ms 34-36, Nicolas de Lyre, Postilles sur les livres de l’ancien et du nouveau Testament)
Jean de Salisbury, Le Policratique.
Traduction française de Denis Foullechat Pour Charles V (1372). Copié par le breton Henri du Trévou et Raoulet d’Orléans.
(c) Paris, BnF Fr. 24287 f 2.
Source photographique : Paris BnF
(c) CNRS/IRHT/ Bibliothèque Sainte-Geneviève
Manuscrit 35, f. 1. Maître du Policratique de Charles V
(c) CNRS/IRHT/ Bibliothèque Sainte-Geneviève
Manuscrit 34, f. 1. Maître du Policratique de Charles V
Copié par Henri Bossec, de Plovan
Source photographique : Liber Floridus
Bibliothèque Sainte-Geneviève [Lien]
(c) IRHT/CNRS / Médiathèque Caccano d’Avignon. Ms 207.
Livre de prières du cardinal Pierre de Luxembourg (1386)
Source photographique. Base Enluminures
Note
(1) In De la sainteté à l’hagiographie. Genèse et usage de la Légende dorée. Etudes réunies par Barbara Fleith & Franco Morenzoni, Droz, 2001, p. 265-282.
Biblio sur ARLIMA