Manuscrits médiévaux et marques de provenance
Étudier un livre manuscrit, un imprimé ancien, ne peut se concevoir sans en rechercher le (les) commanditaire(s) ou les possesseurs successifs. Aussi, j’ai voulu consacrer quelques pages sur le sujet à cette adresse :
https://sites.google.com/view/manuscritsetprovenances/home
Marques de provenance, d’appartenance, les unes très célèbres, d’autres beaucoup plus modestes forment un corpus qui peut rendre quelque service aux chercheurs.
On consultera sur ce thème :
► La page de Peter Kidd : Marks in manuscripts et son blog dynamique Medieval Manuscripts Provenance
► « Manuscrits et marques d’appartenance », dans Des armoiries et des livres. Les manuscrits de Pierre Lorfèvre, D. Nebbiai, H. Loyau, P. Barasc, C. Gadrat, eds, Paris-Orléans, IRHT, 2010 (Ædilis, Publications pédagogiques,7). [http://lorfevre.irht.cnrs.fr/manuscrits_et_marques_dappartenance.html]
► Claire Josserand, Les données de provenance des collections des bibliothèques (Université de Lyon), avec bibliographie, 2016 [ en ligne ]
Quelques bases et sites très utiles :
► BIBALE : l’histoire des manuscrits (CNRS/IRHT, section Codicologie, histoire des bibliothèques et héraldique) – ARCA / IRHT : Bibliothèque numérique de l’IRHT, répertoire des cotes de manuscrits, incunables et livres anciens conservés dans les bibliothèques du monde entier.
► Projet CULTIVATE MSS : étudie le commerce des manuscrits médiévaux entre 1900 et 1945
► Mapping Manuscript Migrations (MMM) : portail sémantique permettant de trouver et d’étudier les manuscrits pré-modernes et leurs mouvements (Schoenberg Institute for Manuscript Studies, Bodleian Libraries, Institut de recherche et d’histoire des textes)
► Bases de provenances élaborées par les bibliothèques françaises de l’Association BiblioPat
► Base provenance des livres anciens de la Bibliothèque de Lyon
► « Ex meis libris »: Provenance of Rare Books ETH-Bibliothek Zürich, E-Pics Provenienz
► Galerie de photos de Penn Provenance Project
► The Schoenberg Database of Manuscripts
► Denis Muzerelle, Ex-libris carolingiens et cisterciens de la bibliothèque municipale de Laon. Problèmes de datation et d’attribution (2006) [ en ligne sur HAL/CNRS ]
Bibliographie:
Denis Muzerelle. « L’écriture » ; « Colophons et souscriptions, mentions de date, d’origine ou de copiste ». Paul Géhin. Lire le manuscrit médiéval. Observer et décrire, Paris: Armand Colin, 2005, p. 157-177 et 191-210.
Bénédictins du Bouveret
Colophons de manuscrits occidentaux des origines au XVIe siècle. Éditions Universitaires, Fribourg, 1965-1982
T.I. Colophons signés A-D
T. II. Colophons signés E-H
T. III. Colophons signés I-J
T. IV. Colophons signés L-O
T.V. Colophons signés P-Z
T. VI. Lieux, anonymes
Illustration :
Ex-libris de l’abbaye Saint-Benoît-sur-Loire : « Hic est liber sancti Benedicti super Ligerim »
Source : Augustinus. — Macarius. — Ambrosius Mediolanensis. Isidorus Hispalensis.Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits, Latin 2730, fol. 87v (Xe siècle)
La Bretagne des origines : de nouvelles approches. IrCaBriTT et CODECS
La Bretagne carolingienne n’a pas encore dévoilé tous ses mystères et ses richesses et les zones d’ombre sont encore nombreuses sur cette période et celle qui la précède. L’absence flagrante de documentation originale complique l’approche de l’historien. La dispersion des élites bretonnes à l’époque des grandes invasions scandinaves (IX-Xe siècle) s’est accompagnée d’une atomisation des collections monastiques contribuant à un éparpillement significatif des manuscrits échappés au vandalisme.
En 1985, lors d’un mémorable colloque organisé pour le 15e centenaire de l’abbaye Saint-Guénolé de Landévennec, j’avais modestement fait un état des lieux de la question (1) en dressant un catalogue des manuscrits bretons, initialement à partir de données puisées aux travaux pertinents du regretté professeur Léon Fleuriot (1923-1987) et aux contacts que j’avais alors avec l’éminent paléographe allemand Bernard Bischoff (1906-1991).
Depuis cette époque, quelques études ont été consacrées à tel ou tel manuscrit breton (2), mais pour lors nous attendons toujours une histoire globale des scriptoria armoricains dans un contexte plus large, celui de leurs relations avec les centres culturels de la grande Celtie. Aussi, c’est avec beaucoup d’intérêt que nous assistons à la genèse de plusieurs bases documentaires liées à cette problématique.
Mention particulière, tout d’abord, au projet « Ireland and Carolingian Brittany: Texts and Transmission » (IrCaBriTT) financé par Laureate Awards Scheme de l’Irish Research Council et dirigé par le Dr Jacopo Bisagni (Classics, NUI Galway).
Le projet IrCaBriTT explore les échanges culturels entre l’Irlande, la Bretagne et la Francia à l’époque carolingienne (vers 750-1000). Plus précisément, l’un des principaux objectifs du projet est d’évaluer l’impact de l’héritage littéraire et savant de l’Irlande paléochrétienne sur la formation de l’identité textuelle et culturelle de l’élite intellectuelle de la Bretagne médiévale.
IrCaBriTT se concentre sur un groupe nouvellement découvert de textes très distinctifs du début du Moyen Âge sur le comput (science du calcul du temps) et l’exégèse biblique, tous montrant des liens clairs avec la Bretagne. En plus de fournir de nouvelles preuves substantielles pour des domaines jusqu’ici négligés de l’éducation et de l’érudition bretonnes à l’époque carolingienne, ces travaux démontrent la contribution formative de l’apprentissage irlandais médiéval au développement des idées « scientifiques » et religieuses bretonnes entre la fin du VIIIe et le début du Xe siècle.
L’intégration de ces nouvelles preuves dans une évaluation globale de la transmission bretonne des textes hiberno-latins permet de reconstruire et de comprendre les réseaux intellectuels qui ont lié les scriptoria insulaires, bretons et francs où ces œuvres ont été produites, copiées et étudiées.
Les chercheurs trouveront en ligne une riche Handlist of Breton Manuscripts, c. AD 780–1100 (DHBM), travail remarquable de Jacopo Bisagni (avec les contributions de Sarah Corrigan), précédée d’une utile présentation sur les caractéristiques du « manuscrit breton ».
La base s’accompagne d’une bibliographie exhaustive et d’une liste de ressources internet.
Le projet IrCaBriTT marque une étape décisive dans l’étude de la Bretagne carolingienne. Saluons donc la très belle initiative de Jacopo Bisagni, en espérant qu’elle suscite de nouvelles idées parmi nos jeunes chercheurs bretons …
Dans cette même optique, signalons CODECS: Collaborative Online Database and e-Resources for Celtic Studies, publiée par la A. G. van Hamel Foundation for Celtic Studies. Textes, manuscrits et bibliographie composent cette riche base.
CODECS, acronyme de Collaborative Online Database and e-Resources for Celtic Studies, est une plateforme en ligne publiée par la Fondation A. G. van Hamel pour les études celtiques, basée aux Pays-Bas. Il présente une tentative continue de construire un catalogue descriptif complet des sources d’intérêt pour les études celtiques, y compris texte et manuscrit inédits, ainsi qu’une bibliographie qui contient actuellement plus de 20 000 références. De plus, pour enrichir les façons dont les utilisateurs peuvent découvrir et explorer ces ressources anciennes, il fournit des informations structurées sur les contenus ainsi que sur les contextes ou les provenances des sources décrites.
Parmi les ressources annexes nous trouvons même le dictionnaire néerlandais-breton de Jan Deloof (2004).
(1) Jean-Luc Deuffic, “La production manuscrite des scriptoria bretons (VIIIe-XIe siècle)”, in: Simon, Marc (ed.), Landévennec et le monachisme breton dans le haut Moyen Âge: actes du colloque du 15e centenaire de l’abbaye de Landévennec, 25-26-27 avril 1985, Association Landévennec 485-1985, Landévennec: Association Landévennec, 1986. 289-321.
(2) Je pense, par exemple, aux travaux de David N. Dumville et de Louis Lemoine. Avec le CRBC (Centre de Recherche Bretonne et Celtique), le CIRDOMOC, que j’ai contribué à créer au lendemain du colloque précité, fédéralise aujourd’hui une grande partie des études celtiques en Bretagne.
Illustrations: New York, Public Library, 115 / Boulogne, BM, 8
TRAME : un projet ambitieux pour les manuscrits médiévaux …
TRAME, projet de recherche sur l’interrogation des bases de données Web relatives à la tradition manuscrite médiévale, a pour objectif l’interactivité des bases de données traitant d’images numérisées, de codicologie, d’histoire textuelle, de montrer l’importance culturelle des manuscrits médiévaux dans le contexte de l’histoire européenne.
Les étapes prévues :
1) création d’un méta-moteur de recherche capable d’effectuer des questionnements dans les bases de données des partenaires italiens qui ont adhéré à la phase de démarrage du projet
2) évaluer la possibilité d’extension de ce méta-moteur de recherche à d’autres ressources Web (bibliothèques, portails, projets de recherche individuels), en utilisant divers outils et technologies
3) étendre ce méta-moteur de recherche à pratiquement n’importe quelles ressources Web pertinentes consacrées aux textes médiévaux et aux manuscrits par un partenariat élargi
Bonne chance à cette très belle entreprise …
Heures manuscrites identifiées
Il nous a semblé utile de proposer au public intéressé par les Livres d’heures manuscrits une nouvelle base de données, restreinte il est vrai, mais qui peut rendre quelque service. L’objet de cette liste vise à rassembler un corpus de commanditaires et de premiers possesseurs bien identifiés. L’utilisation des manuscrits comme \ »Livre de raison\ » a souvent été signalée, mine inépuisable pour les recherches généalogiques. Malheureusement, il nous a fallu nous restreindre en temps et en espace, privilégiant le domaine français sur une période allant jusque vers les années 1550.
Nous appelons bien entendu les lecteurs à nous signaler erreurs et oublis. Remarques et commentaires sont vivement attendus.
Etat au 19-10-2012 = 597 Livres d’heures recensés