7 Nov 2015
Jean-Luc Deuffic

Mais où sont les Heures du duc de Bretagne « écrites en lettres d’argent » ?

Dom Edmond Martène, dans son Voyage littéraire de deux religieux bénédictins de la congrégation de Saint Maur (Paris, 1717), relatant son passage à l’abbaye de Fontevraud, précise pour le 14 avril 1708 :

Nous passâmes le reste de la journée a voir la bibliothèque qui est très grande & bien remplie de livres. On y voit quelques manuscrits dont les plus curieux sont des heures qu’on croit servi à un duc de Bretagne écrites en lettres d’argent sur du talque dont toutes les marges sont ornées de vignettes & de mignatures très délicates

Les connexions entre Fontevraud et la Bretagne sont nombreuses, notamment avec l’arrivée à la tête de l’abbaye, en 1457, de Marie de Bretagne (1424-1477), fille de Richard d’Étampes, fils de Jean IV, duc de Bretagne, et de Marguerite d’Orléans. Elle était soeur du duc de Bretagne, François II (1435-1488).
Peut-être faut-il chercher dans la bibliothèque de Marie ces fameuses \ »Heures écrites en argent\ » ? Son inventaire fait bien mention de deux manuscrits :

« Item unes Heures de Nostre Dame, en franczoys, hysroriées, relyées, fermantes a fermouers d’argent doré
….
Item unes aultres petites heures a l’usaige de Romme, fermans a fermouers d’argent doré »

Aucun ne semble pourtant correspondre aux Heures d’argent
A New York, le Brooklyn Museum (ms. 19.78) conserve d’autres Heures de Marie de Bretagne :


© Brooklyn Museum, New York

Depuis l’époque de Dom Martène, le manuscrit écrit en lettres d’argent semble avoir disparu. Etait-ce un présent du duc François II à sa soeur?
En 1790, quand on transféra la bibliothèque de Fontevraud à Saumur, un bateau chavira et des milliers de volumes disparurent dans la Loire (1). Notre livre d’heures s’y trouve peut-être encore … à moins qu’il n’avait déjà subit les outrages des révolutionnaires.

Note
(1)
Alfred Jubien, L’abbesse Marie de Bretagne et la réforme de l’ordre de Fontevrault, Angers & Paris, 1872, p. 186.

Biblio
Lucy Freeman Sandler, \ »Bedford in Brooklyn\ », dans Tributes in Honor of James H. Marrow Studies in Painting and Manuscript Illumination of the Late Middle Ages and Northern Renaissance (J. F. Hamburger, A. Korteweg (eds.), 2006, p. 431sq
Marie-Françoise Damongeot. \ »Le Coffre aux livres de Marie de Bretagne (1424-1477), abbesse de Fontevraud\ », dans Livres et lectures de femmes en Europe entre Moyen Âge et Renaissance, 2007, p. 81-99.
Diane Booton, Manuscripts, Market and the Transition to Print in Late Medieval Brittany (Ashgate, 2010), p. 322-327.

3 Nov 2015
Jean-Luc Deuffic

La Bienheureuse Françoise d’Amboise, duchesse de Bretagne (+ 4 novembre 1485) et son livre d’heures (Pierpont Morgan Library, M.84)


Les trois Marie au pied de la Croix ( Marie-Madeleine, Marie Salomé et Marie Jacobé)

La Bienheureuse Françoise d’Amboise reste une des figures marquantes de la chrétienté médiévale bretonne. Fille de Louis d’Amboise, prince de Talmont et vicomte de Thouars, et de Louise-Marie de Rieux, elle naît le 29 mai 1427 au château de Thouars. En 1442, à 15 ans, elle épouse Pierre, le 2e fils du duc de Bretagne, avec lequel elle avait été fiancée dès l’âge de 3 ans. Pierre devenu duc de Bretagne au mois d’août 1450, Françoise se remarque par sa bonté envers les pauvres. Devenue veuve en 1457, ce n’est que le 25 mars 1468 qu’elle entre au Carmel dans le petit monastère qu’elle avait fait construire quelques années plus tôt.

Ainsi, en 1463, avec la bienveillance de frère Jean Soreth (1394-1471), prieur général des Carmes, Françoise d’Amboise fit édifier une maison pour accueillir des religieuses dont plusieurs venues de Liège :
Sœur Jeanne d’Avaigne,
Marie de Senne,
Catherine de Teigné,
Marguerite d’Arras,
Marie Roty,
Jeanne Cardinal,
Catherine le Digoedec,
Jehanne d’Estable,
Anne d’Orbec,
Françoise Marquies,
Jeanne Marquies.
A remarquer dans ce groupe précurseur la présence d’une seule Bretonne : Catherine Le Digoedec.
C’est le premier monastère de Carmélites en France, placé sous le vocable très particulier des Trois Maries.

Le manuscrit M.84 de la Pierpont Morgan Library porte sur une page de garde une note marquant sa provenance : « Ce Pseautier etoit conservé à la Communauté de Nazareth(1) et etoit à l’usage de [Françoise] D’Amboise Leur fondatrice environ 1480 ».

Aucun doute ne subsiste sur l’origine précise de ce manuscrit. La présence, inscrites en lettres rouges, des fêtes de Marie Cleophe au 25 mai, et de Marie Salomé au 22 octobre, au calendrier, désignent bien Françoise d’Amboise comme leur commanditaire, et marque l’attrait qu’avait la duchesse pour le culte des Trois Maries, déjà ancien en Bretagne (voir notre post)
La Médiathèque de Nantes possède un Diurnale (ms. 32) probablement utilisé par la duchesse, alors \ »Seur Franzoize d’Amboise\ ».
Et on sait qu’elle prenait grand soin de ses livres, les faisant écrire …
Un de ses comptes de l’année 1456, relève :

A dom Armel Guilleron, pour avoir escript ung livre à la Duchesse, par marché fait ò lui le XVIe jour d’aoust, l’an LVI, – VI livres X s. 4.
….. Item, a paié du commandement de la Duchesse, a valloir sur le saellaere de l’escripture de livres que madicte damme fait faire pour le couvent de Saincte Clare a Nantes. III liv. XIII s. IIII d.

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Françoise d’Amboise présentée par son saint patron. Vitraux de la collégiale de Nantes


Tombeau de Pierre de Bretagne et de Françoise d’Amboise dans la collégiale de Nantes.

Note
(1) Le couvent de Nazareth ne fut fondé qu’au début du XVIe siècle.

Je remercie Roger S. Wieck, conservateur à la Pierpont Morgan Library.
Voir le site CORSAIR de la Pierpont Morgan Library pour description et photos du ms. M.84.
Françoise d’Amboise sur Wikipedia
Diane Booton, Manuscripts, Market and the Transition to Print in Late Medieval Brittany, Ashgate, 2010, p. 280-281.

29 Oct 2015
Jean-Luc Deuffic

« Peintures monumentales en Bretagne. Nouvelles images, nouveaux regards »

Colloque International « Peintures monumentales en Bretagne Nouvelles images, nouveaux regards » Rennes les 6 et 8 octobre 2016, Pontivy le 7 octobre organisé par le GRPM (Groupe de Recherches sur la Peinture Murale) soutenu par la CRMH (Conservation Régionale des Monuments Historiques), DRAC Bretagne

Ce colloque international a pour objectif l’étude de la peinture monumentale en Bretagne de la fin de l’antiquité jusqu’à nos jours. Il réunira des chercheurs débutants ou confirmés en histoire de l’art, histoire et archéologie, des architectes, des professionnels de la conservation, de la restauration et de la valorisation.
Les communications porteront sur les peintures monumentales en Bretagne ou présentant des liens possibles avec la Bretagne (thématique, mode de réalisation, commanditaire, histoire ayant un rapport avec des œuvres bretonnes). Elles s’articulent autour de trois thèmes qui s’interpénètrent en fonction d’une réalité qu’il est difficile de découper en entités indépendantes : la découverte, la restauration , et la valorisation.

Le temps de chaque communication est d’une durée de 30 minutes, temps de discussion inclus (typiquement 20 minutes d’exposé + 10 minutes de discussions). Un espace pour exposer des posters est disponible. Les propositions de communication ne doivent pas dépasser les 2 000 signes. Elles doivent être accompagnées d’un court CV. Elles doivent parvenir avant le 10 décembre 2015 à l’adresse suivante : contact@grpm.asso.fr. L’auteur exprimera sa préférence pour une communication orale ou de type poster.

Le comité scientifique – composé de membres du GRPM, de la CRMH-DRAC Bretagne, de l’Université Rennes 2, des Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne, des conseils départementaux des Côtes-d’Armor d’Ille-et-Vilaine et du Morbihan, d’un architecte et d’un conservateur-restaurateur – effectuera son choix afin d’établir le programme dans toute sa cohérence avant la fin de l’année 2015.

http://www.grpm.asso.fr/activites/Colloque%20Bretagne/colloque%20peinture%20monumentale%20de%20Bretagne.pdf


Peintures murales de l’église paroissiale de Langast

28 Oct 2015
Jean-Luc Deuffic

Simon Abelard maître de chant à Angers et le livre d’heures de Guyonne Derrien (Saint-Brieuc, BM, ms. 4)

Nous avions décrit sommairement sur ce même blog le livre d’heures de Guyonne Derrien, de Saint-Malo, aujourd’hui conservé à la Bibliothèque Municipale de Saint-Brieuc (ms. 4). En examinant de plus près sa reliure nous avons eu l’agréable surprise d’y remarquer plusieurs inscriptions (certaines bretonnes, semble-t-il : \ »de La Moussaye\ », \ »Carcouët\ », etc.), dont une qu’il nous a paru intéressant de relever :

Simon Abelard maitre a chanter a Angers

En effet, ce personnage n’est pas un inconnu. Clerc du diocèse d’Angers, Simon Abelard fut nommé le 27 février 1698, chantre haute-taille à la cathédrale Notre-Dame de Paris (Paris, AN, LL227, f. 299).

Le 1er Décembre 1692, le Prince Frédérik (1671-1730), fils aîné du roi de Danemark, qui venait de faire un stage à l’Académie d’équitation d’Angers*, avait fort apprécié la voix et le talent d’un des enfants de choeur, Simon Abelard ; désirant s’assurer ses services, il le fit tout simplement enlever (1).

Merci par avance au lecteur qui aurait des informations sur ce Simon Abelard…

Note
(1) Jean Poirier, La Maîtrise de la cathédrale d’Angers: six cents ans d’histoire, 1983, p. 41.
* Sur cette Académie voir Willem Frijhoff, \ »Etudiants étrangers à l’Académie d’Equitation d’Angers au XVIIe siècle\ », dans Lias, vol. 4, 1977. http://webdoc.ubn.kun.nl/tijd/l/lias/vol4_1977/etudeta_l.pdf

Biblio
Michel Antoine, Henry Desmarest, 1661-1741: biographie critique, 1965, p. 99.
Nicolás Morales, L’artiste de cour dans l’Espagne du XVIIIe siècle, 2007, p. 153, note 98.


Portrait de Frédéric IV de Danemark. Par Hyacinthe Rigaud. Copenhague, Statens Museum for Kunst.

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