Encore un copiste breton : le cornouaillais Salomon de Kerigou (XIVe s.)
A notre liste des copistes bretons publiée dans le dernier volume de Pecia (Du scriptorium à l’atelier) [ lien / link ], ajoutons celui de Salomon de Kerigou, dont le nom se trouve au colophon d’un manuscrit de la Bibliothèque capitulaire de Tolède (Biblioteca Capitular de Toledo, ms 9-22), un recueil de textes de Bernard de Clairvaux et d’Alain de Lille, du milieu du XIVe s. Au f. 131v on peut lire : \ »Hic liber est scriptus per Salomonem Guillelmi de Kerigou, clericum corisopitensis diocesis, qui sit benedictus. Amen.\ »
Le manuscrit a appartenu à l’archevêque de Tolède, Gil Álvarez Carrillo de Albornoz (1338-1350), cardinal au titre de Saint-Clément (1350-1356).
Note au f. 322v : \ »Anno Domini M CCC LIII die Jovis decima Januarii reservavit dominus noster Innocentius papa sextus magisterium de Montesa dispositioni sue et mandavit mihi Egidio tituli sancti Clementis presbitero cardinali quod deberem scribere et hoc precepit oraculo vive vocis\ ».
Le cardinal Gil de Albornoz et le pape Innocent VI. Fresque de la chapelle des Espagnols (couvent dominicain de Santa-Maria Novella à Florence, XVe s.)
Autre note au f. 199, formule de copiste : \ »Finito libro si laus et gloria Christo. Finis adest operis, mercedem posco laboris\ » (voir par exemple, New York, Public Library, Spencer 77) . 322 f. 295 x 210 mm. 2 col. 42/44 l. Au f. 322, armes de Don Pedro Tenorio, archevêque de Tolède (1377-1399)
Salomon, fils de Guillaume de Kerigou devait exercer à Montpellier, Toulouse ou à Avignon, comme plusieurs de ses compatriotes.
Plusieurs villages de Kerigou en Cornouaille (Finistère) : un dans la commune de Crozon, près de Morgat, un autre en Saint-Ségal. Mais, comme me l’indique Hervé Torchet, il doit s’agir de celui d’Edern, lieu noble détenu en 1426 par Guillaume de Kerigou, faisant partie de la seigneurie de la Roche-Helgomarc’h. Guillaume est cité en 1421 dans le compte du trésorier Jean Mauléon, en 1425 dans celui de Raoullet le Neveu pour le voyage du duc de Bretagne à Amiens.
Biblio : Antonio GARCÍA Y GARCÍA y Ramón GONZÁLVEZ, Los manuscritos jurídicos medievales de la Catedral de Toledo, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas ; Roma, Delegación de Roma del C.S.I.C, 1970, p. 256-257.
Voir également notre post : Quelques copistes bretons dans les bibliothèques espagnoles
Je pense qu’il s’agit en fait de Salomon, fils de Guillaume du Kerigou. J’ai en effet un Guillaume sieur du Kerigou en Edern recensé en 1426. Il s’agirait donc d’un fils cadet d’un précédent Guillaume sieur du Kerigou. L’usage du prénom Salomon, rare en Cornouaille mais fréquent en Léon, peut laisser supposer une origine commune aux deux maisons du Kerigou, l’une proche de Saint-Pol, l’autre à Edern. Celle du Léon porte des armoiries qui, dans ce diocèse, sont directement liées au service de l’Église : "losangé d’argent et de sable". Un Yvon du Kerigou est maître d’hôtel du duc en 1426 et commissaire de la Réformation des Fouages, ce qui montre la persévérance de cette maison dans les métiers savants.