Enlumineurs angevins : Thomas de Bacigne et Fouquet
Le manuscrit 772 de la Bibliothèque municipale d’Angers, Intitulatio anniversariorum et gaingnagiorum ecclesie collegiate Sancti Petri Andegauensis, est un Livre des anniversaires de l’église collégiale de Saint-Pierre d’Angers, composé en 1497. Mais comme beaucoup d’ouvrages de ce type il reprend des notices bien plus anciennes …
Nous y avons reconnu les noms de deux enlumineurs, dont un semble-t-il inédit :
Au f. 30 : pour leur anniversaire, le jour de la fête de saint Augustin (28 août), Thomas de Bacigne, enlumineur, et sa femme offrent à la collégiale un missel \ »remarquable\ ». Difficile de dater l’époque où exerçait Thomas…
A. Thome de Bacigne illuminatoris et eus uxoris qui nobis legavit unum missale notabile ad usum burse anniuersariorum. Super nouis.
(c) Angers BM, 772, f. 27.
\ »BACIGNE\ » pourrait faire penser à Bassigné, un lieu-dit situé à Coglès en Bretagne (Ille-et-Vilaine), dont les seigneurs étaient les de Champeaux. Simple hypothèse ….
Quant à l’autre enlumineur, il figure, f. 37 : \ »A. (= Anniv.) Fulqueti illuminatoris\ ». Le nom sera porté plus tard par un des plus grands enlumineurs, Jean Fouquet.
Célestin Port l’avait déjà remarqué dans son étude sur Les artistes angevins, peintres, sculpteurs, maitres-d’œuvre, architectes, graveurs, musiciens, Paris / Angers, 1881, p. 114 :
Fouquetus, illuminator, enlumineur, demeurait, en 1250, au carrefour de la rue des Ecuyers, aujourd’hui Grand Talon (= rue Plantagenêt), in quadrivio vici Armigerorum. BM d’Angers, Privilèges de l’évêché, ms 637, f. 12.
En cette rue des Ecuyers, au XIIIe s., l’évêque de Nantes Galeran possédait son manoir, entouré de vignes, acquis en juin 1250, et qui pendant près de trois siècles resta du domaine de l’évêché nantais.
L’antique église de Saint-Pierre d’Angers, attestée à l’époque de l’évêque Maurille (423-453), devenue collégiale au XIe s., fut détruite en 1791. Gohard, évêque de Nantes, mais angevin, s’y était fait inhumé.
\ »Maître François\ », enlumineur parisien
\ »Maître François\ » occupe une place essentielle dans l’histoire de l’enluminure parisienne du troisième quart du XVe siècle. Les travaux d’Eleanor Spencer ont permis de clarifier sa production que P. Durrieu avait placée en 1910 sous le nom de Jacques de Besançon. \ »Le considérable succès commercial de Maître François l’a conduit à s’entourer de nombreux imitateurs qui ont reproduit ses formes et ses compositions dans un style plus sommaire et ne méritent pas d’être individualisés\ » (Nicole Reynaud, Les manuscrits à peintures, 1993, p. 45)
Quelques oeuvres attribuées à Maître François et à son atelier :
1) Lyon, BM, 5154, f. 45. Livre d’heures de Jacques de Langeac. Au f. 194 : \ »Ces heures sont a noble et puissant seigneur messire Jaques seigneur de Langhac, viconte de la Mote, conseiller et chambellan du roi nostre sire et furent faittes et eschevees a Paris par Jehan Dubrueil escripvain, le XXe jour de janvier, lan mil.CCCC.LXIIII\ ». (1465 n.st) [ description et images en ligne ] – Voir : Trois manuscrits du trésor de l’église primatiale de Saint-Jean de Lyon (pdf) [ en ligne ]- Sur le copiste : R.H. Rouse et M. A. Rouse, Manuscripts and their Markets, 2000, II, p. 64. T. Kren, \ »Seven illuminated books of hours written by the Parisian scribe Jean Dubrueil, ca. 1475-85\ », in Essay in Festschrift, edited by Bernard Muir, Reading texts and images : essays on medieval and Renaissance art and patronage in honour of Margaret M. Manion, Exeter (University of Exeter Press) 2002, p. 157-200
2) Houghton Library, 133. Livre d’heures, à l’usage de Rouen [ description en ligne ]
3) Houghton Library, 159. Livre d’heures. Paris. [ description en ligne ]
4) La Haye, Meermanno-Westreenianum, 10A 11, f. 367v. Saint Augustin, La Cité de Dieu. exemplaire commencé pour Jacques d’Armagnac et terminé pour Philippe de Commynes [ description en ligne ] – Le volume II se trouve à la BM de Nantes [ en ligne ]
5) London, British Library, Harley 4375, f. 151v. Valerius Maximus, trad. Simon de Hesdin et Nicholas de Gonesse, Les Fais et les Dis des Romains et de autres gens [ description et images en ligne ]
Biblio
P. Durieu, Un grand enlumineur parisien au XVe siècle : Jacques de Besançon, et son œuvre, Paris, Champion 1892 [ en ligne ]
Eleanor P. Spencer, The Maître François and his atelier, 1931. Thèse de doctorat, Harvard University
François Avril, Nicole Reynaud, Les manuscrits à peintures, 1993, p. 45-52.
Valerie Fraissinet, Maître François et son cercle : recherches sur l’enluminure à Paris à la fin du XVe siècle. Thèse sous la direction de Jean-pierre Caillet.
Un enlumineur breton à Avignon : Henri Feynaud
Le précieux ouvrage de Pierre Pansier, Histoire du livre et de l’imprimerie à Avignon (1922), nous fait connaître la présence à Avignon d’Henri Feynaud (1), illustratore librorum, originaire du diocèse de Quimper.
Le 22 aout 1455 il engage comme apprenti François Bequati, un clerc de Marjevols (ancien diocèse de Mende), âgé de 18 ans. Le contrat stipule qu’Henri Feynaud lui enseignera le métier d’enlumineur, et qu’en outre il lui donnera la nourriture et le logement, de même une paire de chausses et trois paires de souliers tous les ans. Après ses trois années d’apprentissage, François Bequati aura droit à 1 écu d’or, et en retour il devra servir son maitre comme ouvrier : faire la cuisine, préparer les lits, balayer la maison, puiser l’eau, aller chercher le vin chez le tavernier.
Source : P. Pansier, p. 107, pièce justificative 26, d’après Archives départementales du Vaucluse, Fds Martin, brève de J. Morelli, f. 72.
Note : (1) Henricus Feynaudi : le nom ne semble pas breton et a peut-être été déformé par le notaire.
Illustration : manuscrit Avignon, BM, 221, f. 29v (détail). Collectaire célestin, XVe s. (c) IRHT / Base Enluminures.