Baltimore, Walters Art Museum, W 292 : Les Heures de Jacques Mareschal, seigneur de Senozan et châtelain de Cly
© Baltimore, Walters Art Museum W 292, f. 152
Lilian M. C. Randall, Medieval and renaissance Manuscripts in the Walters Art Gallery, Volume II, France, 1420-1540, I, p. 184-189, n° 137 (planche xivd, fig. 247-249, f. 21, 63, 88, 152)
Le catalogue exemplaire de Lilian M. C. Randall – d’une incroyable érudition -, décrivant les manuscrits médiévaux et renaissances du Walters Art Museum de Baltimore, présente sous la cote W 292 un Livre d’heures savoyard assez complexe de par sa composition et sa décoration.
Au f. 185v de ce manuscrit, détail assez remarquable pour ce genre d’ouvrage, une main contemporaine a ajouté l’obit, du 10 septembre 1493, d’un Jacques Mareschal :
\ »Anno domini millesimo. Quadringesimo / Nonagesimo tercio, die uero martis decima mensis. Septembris. Obiit Nobilis / et potens Jacobus Marescalci. dominus / Sancti Petri de Senosano filius quondam / Nobilis et potentis bone memorie Iohannis / Marescalci. dominus de Combaforti et dicti loci de Senosano. Qui dictus. Nobilis. / Jacobus. dicessit ab humanis In dicto / suo castro de Senosano. Anno et die / predictis. de cuius anima requiescat in / pace. amen\ ».
Il faut reconnaître dans ce personnage Jacques Mareschal, fils de Jean (I), seigneur de Combefort, écuyer d’écurie et conseiller du duc Amédée VIII [donc un membre ordinaire de l’hôtel ducal], châtelain de Cly en Val d’Aoste, ambassadeur auprès de l’empereur en 1430 et 1431, et de (épousée vers avril 1442) Claudine de Chandée, dame de Senozan en Macônnais, fille (suivant Guichenon) de Lancelot III de Chandée, chevalier, et de Claudine de La Palud ; Claudine de Chandée testa le 28 juin ou juillet 1464 en faveur de ses fils Jaques et Jean.
Jaques, fils aîné, partagea avec son frère Jean (II) le 28 juillet 1474 comme co-châtelain de Cly, testa le 18 septembre 1493 (testament lu par Foras aux archives Thuyset, conservées aujourd’hui au château de Menthon-Saint-Bernard ), en contradiction de quelques jours semble-t-il avec la date de l’obit inscrit à notre Livre d’heures.
Jacques n’a pas été marié a priori, et n’a laissé qu’un bâtard, noble Richard, en vie en 1500, lorsque son oncle Jean (II) lui lègue son entretien sur les biens de Combefort ou de Sénozan.
Jean (II), frère de Jaques, fut seigneur de Combefort puis de Saint-Pierre-de-Senozan, conseiller et écuyer du duc de Savoie ; il épousa Anne Bonivard, dont il eut Jean (III), époux d’Urbaine de Duyn (-> sgrs de la Valdisère) et Jacques, chevalier, époux de Claude de Busseul, – leur pierre tombale est encore conservée en l’église de Sancé (voir ci-dessous)- , dont est issue une seule fille, Françoise.
Jacques et Jean (II) eurent aussi une soeur, Jeanne, épouse de Pierre Bonivard, chevalier, sgr de La Barre, veuve en 1489.
Source : Cte Eloi-Amédée de Foras, Armorial et nobiliaire de l’ancien duché de Savoie, 3e vol., Grenoble, 1893, p. 337 et suivantes, art. \ »Mareschal\ » ; p. 346-347.
Château de Cly au Val d’Aoste [ source ]
Revenons à notre Livre d’heures. Randall signale au f. 20 une miniature pleine page, ajoutée anciennement, de la Vierge à l’enfant où l’on remarque un homme et une femme présentés respectivement par saint Jean Baptiste et sainte Catherine, les armoiries étant effacées. S’agit-il des commanditaires du Livre d’heures ?
Au f. 172 (représentation ci-dessus), miniature du roi David en prières. Derrière lui, un chevalier agenouillé présenté semble-t-il par saint Maurice (faisait-il partie de l’ordre de Saint-Maurice créé en 1434, par Amédée VIII, premier duc de Savoie au château de Ripaille ?). Randall suppose quant à lui saint Georges … précise que les armoiries portées sur le tabard sont, d’or à la bande de gueules chargée de croix de Savoie, celles figurant sur le sol ayant été effacées, et que l’image a été repeinte. Ces armes nous paraissent différentes des armes des Mareschal peintes par ailleurs dans le manuscrit (en addition ancienne, f. 144, selon Randall), d’or à la bande de gueules chargée de trois coquilles d’or, habituellement portées par les Mareschal.
De même, au f. 172, à la miniature de la Crucifixion, repeinte (XV/XVIe s.), est représentée une femme dont les armoiries ont été effacées.
Château du Parc à Sancé : Au Mareschal, Plus tard, il devient le domaine des comtes de Senozan, avant d’intégrer le giron des Talleyrand, par l’effet du mariage de Madeleine Olivier de Senozan avec Archambaud de Talleyrand-Périgord, frère cadet de Talleyrand.
Château du Parc, à Sancé [ source ]
Cy gist noble et puissa[n]t seigneur messire // Jacques mareschal ch[eva]l[ie]r seig[neu]r de Senosam fo[n]dateur de cette p[rese]nte chapelle // et n[oble] Claude de Busseul sa femme dame du // part … et de Prily et Claude Mareschal leur fils laqu[e]lle dame // trepassat et son dict fils apres elle le // Xe d’avril l’an mil Vc et xII . Dieu veuille avoir leurs ames. Amen.
Par son testament du 24 août 1548, reçu par Barthélémy Gonere et Matthieu Chaland, notaires à Mâcon, Jacques Mareschal nomma héritière universelle sa fille Françoise, \ » femme de noble messire Jehan de Myolans, seigneur de Chevrières, et, après elle, l’ung de ses enffans masles, à la charge qu’il portera les noms et armes dudit seigneur testateur, suivant la forme du traicté de mariage de ladite dame Françoise Mareschal et dudit seigneur de Chevrières\ ».
Dans ce testament, il élit sa sépulture \ » en la chappelle qu’il a faict editiier et construire ès eglise et cimetière parrochial de Sancé, à l’honneur et louange de Notre-Dame-de-Lorette\ » : il règle le détail de ses obsèques et aumônes, fait des legs nombreux à sa femme Laurence-Françoise de Luyrieu, à ses serviteurs, etc. Dans deux codicilles des 23 août 1551 et 9 février 1555 (à cette dernière date \ » estant malade en son lict, au chastel et maison fort du Parc\ », il maintient sa fille héritière universelle, révoque ou modifie une partie de ses legs, plusieurs légataires étant morts ; décharge son héritière de \ » l’achapt de deux cloches de 60 livres tournois chacune, armoriées de ses armoyries\ » pour l’église de Sancé, car il les a fait faire ; fait un legs à \ »Jehan Mareschal dict Doyn (Duyn ou Duingt), seigneur de Combeffort et de la Vauldisière (Valdisere), son neveu, lui laissant aussi, \ » ledit seigneur codicillant, les droict et action qu’il pretend en la succession et hoirie de feu noble Pierre Mareschal, son cosin, seigneur du chastel de Sainct-Michel-en-Maurienne\ » ; prie son héritière \ » que la rente de troys quintaulx fromaiges et cent florins de Savoye ne soient poinct desunys ny séparés de ses maisons du Parc et de Senozan, affin que l’on cognoisse qu’il est yssu des maisons des Mareschal et Combeffort, et a bien peu, combien qu’il s’en soyt contenté, etc. \ » (Blbl. auct. Cahier parchemin, 12 feuilles in-4).
Je remercie Mireille Sambet, Cédric Mottier (Noblesse des Etats de Savoie) et François du Fou pour leur aide précieuse