Pierpont Morgan Library 129 et 176, British Library Stowe 25, etc : Nicolas Le Camus, notaire et bibliophile, admirateur de Ronsard …
Un patronyme pourtant bien ordinaire … que ce LE CAMUS …
La consultation du catalogue CORSAIR de la Pierpont Morgan Library (une des légendaires \ »malles au trésor\ » de New-York) m’a révélé le nom de NICOLAS LE CAMUS (*) sur deux manuscrits qu’elle conserve : les 129 et 176, un Livre d’heures et un psautier.
Le premier, un Livre d’heures à l’usage de Rouen, porte encore sur sa reliure ancienne le nom de IEHANNE | FORTIN qui fut sa seconde (ou 3eme) femme. A l’intérieur, une note datée de 1578 : \ »Appo[r]téées de prouins (1) et a moy baillées par la veufe* de bondis\ », et une marque d’appartenance \ »Heures de n[ot]re Dame. Marguerite Lecamus // espouse de Mr Leonor de st leu notaire au ch(ate]let (2).
[ Voir description sur le site de la Pierpont Morgan Library ]
Le second (176) est un psautier de la fin du XIVe siècle, mesurant 180 x 120 mm. La reliure – comme celle du premier manuscrit – date du XVIe s. ; on y remarque les initiales de Nicolas Le Camus, notaire : \ »N.L.C.N\ ».
A l’intérieur, une inscription : \ »A moy scripteur de l’uniuersite et not[aire] en cha[te]llet Lecamus, 1562\ ». Le nom de \ »Elizabeth Lecamus\ » s’y trouve aussi.
[ Voir description sur le site de la Pierpont Morgan Library ]
Un autre Livre d’heures ayant appartenu à Nicolas Le Camus se trouve actuellement à la British Library, Stowe 25, Livre d’heures dont la décoration est attribuée au cercle du \ »Maître de Coëtivy\ ».
Parmi les diffèrentes inscriptions :
\ »A moy Lecamus noter. .1592. .27. figures. 221 feuilles escripts\ »
\ »Apres le deces de feue madame et mere / que dieu absollet. qui fut en juillet .1595. // Ce livre me fut doné par mr et pere affin de prier dieu po(ur) tous deux. // Catherine LeCamus\ »
\ »Ce livre a este donne par. Lecamus noter a Catherine Lecamus fille de luy et de feux Jehanne Fortin deceddee le xe. juillet .1595. / que dieu absolue affin de y prier dieu po(ur) tous deux. C. Lecamus’ (f. 224), and
\ »A Catherine Lecamus sa fille 1595\ »
La reliure ancienne porte le nom de Nicolas Lecamus.
Catherine Le Camus épousa le notaire Gilles LE SEMELIER qui exerça à Paris, entre 1604 et 1625, rue aux Ours, dans la paroisse Saint-Leu-Saint-Gilles (ETANOT). Elle mourut avant 1611, date du remariage de Gilles Le Semelier avec Madeleine Sauvage (+ 1628), ce dernier épousant avant 1638 Marguerite Morice, mère de Martine (15 ans), Charles l’aîné (12 ans), Charles le jeune (9 ans) [ acte en ligne ]
[ Images et description sur le site de la British Library ]
Pour poursuivre avec les Livres d’heures de Nicolas Le Camus signalons celui de la Bibliothèque du Musée Condé à Chantilly, manuscrit 81. Il porte la date de 1576, époque de la reliure où Nicolas Le Camus fit mettre son nom, et à l’intérieur les armes d’un premier possesseur non identifié : d’or à la croix échiquetée d’argent et d’azur, cantonnée de quatre lions de sable armés de gueules. Au feuillet de garde on peut lire l’inscription suivante : « A Madeleine Le Camus, maintenant épouse de messire Henry Duport, procureur au Châtelet » ; puis une autre, postérieure : « Ce livre appartient à Antoine-Philbert Chibert, mon petit-nepveu et filleul, à quy je le donne et le prie de le garder en mémoire de moy. Anne de Sainct-Leu ». Issu de l’ancienne Collection Cigonge, n° 54 [ En ligne ]. Voir : J. Meurgey, Les principaux manuscrits à peintures du Musée Condé à Chantilly, 1930, p. 152-154 et pl. CIV.
[ Description sur le catalogue en ligne de la Bibliothèque du musée Condé de Chantilly ]
Autres Heures possédées par Nicolas Le Camus : Paris, BnF Lat. 17965, fragment de 34 f. portant la mention \ »Lecamus notaire 1599\ », et cette inscvription : \ »moy soubzsigné notaire ou chastellet, garde du petit scel du pallais et scripteur de l’université. Le Camus 1597\ ». Sur la reliure deux médaillons formés par des rameaux de feuillages au milieu desquels on lit d’un côté \ »NICOLAS\ » et de l’autre \ »LE CAMUS\ ». Voir Monuments et Mémoires de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, année 1946.
Dans ce contexte on lira avec beaucoup d’intérêt la notice que François Avril consacre aux Heures de Jean Lallemant l’Ainé (+ 1533) dans Les manuscrits à peintures, p. 312-313. Ce manuscrit, illustré en autres par le célèbre Jean Poyet, possédé par Nicolas Le Camus, est aujourd’hui dispersé entre plusieurs bibliothèques :
– Londres, British Library Add. 39641 (41 f)
– Baltimore, Walters Art Gallery, w 459 (33 f.). Voir Lilian M.C. Randall, Medieval and renaissance Manuscripts in the Walters Art Gallery, volume II, part 2, n° 206, p. 501-509.
– Quatre miniatures figuraient sous forme de feuillets séparés à la vente Firmin-Didot de 1884
– Cambridge, Fitzwilliam Museum, Marlay Cutting, Fr. 7 : une miniature
– Une miniature à la vente Bonaventure, du 9 mai 1936 (lot 376) à New York, American Art Association
Enfin pour terminer (mais je suppose qu’il en existe d’autres …) une \ »Note de Mme Olga Rojdestvenskaïa sur des manuscrits à peintures de la Bibliothèque de Saint-Pétersbourg\ », publiée dans les Comptes-rendus des séances de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 69, 1925, p. 186, fait état d’un imprimé de Vérard portant en ex libris la \ »signature de Lecamus, notaire, demeurant rue Saint-Séverin, à Paris, en 1591, qui le donna à sa femme Jeanne Fortin; il appartenait encore à une demoiselle Lecamus en juillet 1790\ ». Je n’ai pu encore consulter l’année 1946 des Monuments et Mémoires de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, qui font mention d’autres manuscrits de Nicolas Le Camus …
Toute l’activité notariale de Nicolas Le Camus se trouve aux Archives Nationales, à Paris, et la base de données ETANOT nous en décrit les grandes lignes, avec des informations biographiques sur notre bibliophile :
Dates d’exercice : du 9 décembre 1553 au 28 décembre 1608.
1) marié en premières noces à Anne d’Espoigny (3) (voir ET/XXIII/179, 4 avril 1569, inventaire après décès d’Anne d’Espoigny, épouse de Nicolas Le Camus)
2) marié en secondes noces à Marie Le Roy (voir ET/VIII/578, folio 76, 25 janvier 1611, contrat de mariage de Gilles Le Semellier, notaire, et Madeleine Sauvage, en présence de Marie Le Roy, veuve de Nicolas Le Camus et belle-mère du futur époux, à cause de Catherine Le Camus, femme défunte dudit futur époux)
3) marié en troisièmes noces à Jeanne Fortin (voir ET/CXXII/1596 folio 24, 19 décembre 1618, échange de la moitié d’une maison entre Jeanne Le Camus et Louis Duport son mari, d’une part, et Paul Chenevix, d’autre part, cette partie de maison provenant de l’héritage de défunts Nicolas Le Camus et Jeanne Fortin, sa femme)
Ses manuscrits et quelques textes nous apprennent que Nicolas Le Camus obtint le 21 septembre 1572 son office de \ »garde du scel\ » par \ »Monsieur de Thou maistre des Requestes\ » (Jacques Auguste de Thou, le bibliophile bien connu : voir le Blog du bibliophile).
Un admirateur de Ronsard
Nicolas Le Camus fut un fervent admirateur de Ronsard. C’est ainsi qu’en 1580 il fit imprimer à ses frais :
Les figures et portraicts des Sept Aages de l’homme, avec les subjects par quatrains de feu Mons. de Ronssart, au pied de chacun d’iceulx. Taillez et gravez sur les principaulx inluminez de feu M. Baptiste Pellerin.— Paris, 1595. Pour N. L. C. N.
In-fol. oblong. La dernère estampe porte : \ »Parachevez de taillez et graver en décembre 1580. Pour Nicolas le Camus, notaire\ ».
Une autre édition sortit en 1609 des presses de l’imprimeur parisien Jean Leclerc.
(Exemplaire à Paris, BnF Z 3349)
L’inventaire après-décès de sa première épouse, Anne d’Espoigny (Paris, AN ET/XXIII/179), dressé le 4 avril 1569 énumère une liste de tableaux (de Jean Cousin, par ex.) naguère relevée par G. Wildenstein, \ »La collection de tableaux d’un admirateur de Ronsard\ », dans Gazette des beaux-arts, janvier 1958, p. 5-8. [ étude non vue ]
Au reste on doit à Nicolas Rapin (1535-1608) [ lien Wikipedia ] une \ »Autre Elégie à M. Le Camus Parisien\ », publiée dans Les Plaisirs du Gentilhomme champestre, Paris, Lucas Breyer, 1581, f. 25r-28v [ En ligne ], qui se termine :
Mais afin de te faire auoir en ton estude
Comme un doux souvenir de l’amour fraternel
Qui est entre nous deux beaucoup plus eternel
Et plus digne cent fois que ma musique rude.
NOTES
(*) A ne pas confondre avec un homonyme, conseiller au Grand Conseil, procureur général de la Cour des aides de Paris, conseiller d’État en 1632.
(1) Cette allusion à Provins peut être significative. François Pesloe, \ »notaire et secrétaire du roi, bailly de son artillerie, et élu de Provins\ » était inhumé aux Célestins de Paris. Milin, dans ses Antiquités Nationales, y a relevé cette inscription : \ » … a été apposé à la mémoire du defunt, en septembre 1577, par Nicolas Camus, son cousin, notaire du roi au Châtelet, garde du scel au baillage du palais, et naguère scripteur de l’université\ ». Le Livre d’heures de la Pierpont Morgan Library émane peut-être de la succession du notaire de Provins. Olivier de Magny, dans une de ses Odes s’adresse \ »A François Pesloe, sur la mort d’une sienne soeur\ ». Voir Olivier de Magny. Les trois premiers livres des Odes de 1559, éd. F. Rouget, Droz, 1995. Sa \ »bibliothèque\ » ( 17 titres) est inventoriée dans Paris, AN ET LIV, l. 86, en date du 2 janvier 1576 (Maison de la rue des Poulies). Voir Hélène Michaud, \ »Les bibliothèques des secrétaires du roi au XVIe siècle\ », dans Bibliothèque de l’Ecole des chartes, 126, 1968, p. 333-376.
(2) Marguerite mourut avant 1627, année d’un bail fait par Léonor de Saint-Leu, \ »agissant comme tuteur des enfants qu’il a eu de défunte Marguerite Le Camus\ ». Le notaire du Châtelet Leonor de Saint-Leu (voir pour son étude, ETANOT), porte un prénom qui tire son origine du saint breton Lunaire, dont les reliques furent déposées à Beaumont-sur-Oise à l’époque des invasions normandes en Bretagne, vers le début du Xe s. Fils de Noël de Saint-leu, Il possédait le fief de La Neuville, sis à Beaumont (Archives Départementales Oise, A 1438 et 1439). En 1529, Jean de Saint-Leu, devenu lieutenant particulier du bailli de Beaumont, résigna son office de notaire au profit de Nicolas son fils. Compte-tenu des dates, il ne peut s’agir ici de notre Nicolas bibliophile.
(3) Peut-être apparenté à Gilles d’Espoigny, notaire au Châtelet vers 1550, époux de Marie Dain.
Crédit image :
Pierpont Morgan Library
British Library
Paris, Bibliothèque nationale de France