19 Juin 2012
Jean-Luc Deuffic

The Artz Hours : le Livre d’heures des Maillé de Guéritaude


© Morgan Kay, Franck and Jonathan Kay. Oberlin College Library’s Special Collections

Pour ceux, et ils sont de plus en plus nombreux je crois, qui étudient les Livres d’heures – de près ou de loin, profanes ou experts – le site d’Erik Drigsdahl (Late Medieval and Renaissance Illuminated Manuscripts – Books of Hours 1400-1530), entreprise remarquable, est devenu un espace incontournable. 

Parmi les manuscrits présentés par  Erik Drigsdahl et dont il nous donne le texte intégral [ en ligne ], figure The Artz Hours, que la bibliothèque d’Oberlin College, où elles sont conservées, a eu l’excellente idée de numériser [ en ligne ]. Elles portent le nom de leur donateur, Frederick Binkerd Artz (1894 -1983).
Si l’usage liturgique de ce Livre d’heures reste orienté vers Le Mans / Angers (les litanies étant nettement angevines, le calendrier parisien), la personnalité des commanditaires ne semble pas avoir été relevée. En effet, l’origine des Artz Hours doit être cherchée du côté de la puissante famille de Maillé, illustre en Touraine, alliée à d’imposants lignages, notamment en Bretagne, avec les Rohan, Penhoët, Châteaubriant, du Refuge, Rougé, Ploësquellec, Avaugour, de Plœuc, etc. L’ouvrage de référence sur cette famille reste celui, déjà ancien, des abbés Ambroise Ledru, et  L.-J. Denis, La Maison de Maillé, accompagné de nombreuses pièces justificatives (table alphabétique des noms par Eugène Vallée), A. Lemerre, Paris, 1905, numérisé sur Gallica.

Le château de la Gueritaulde au début du XXe siècle

Nous avons eu l’occasion ici de décrire plusieurs de ces Livres d’heures qui ont servi également de Livres de raison. Peut-être un jour en donnerons nous une liste … The Artz Hours appartiennent à cette catégorie, les derniers feuillets ayant été notés des naissances de quelques membres de la famille de Maillé, de la branche de Guéritaude, laquelle blasonnait d’or à trois fasces ondulées de gueules, brisé d’un point d’azur en chef. Le domaine de la Guéritaulde (nom actuel), s’étendait au sud de Veigné, proche de Tours, et de cette terre relevait entre autre le moulin du Lavoir, sur l’Indre, attesté dès le Xe s. et dont une des 2 roues était possédée par le puissant monastère de Marmoutier (Molendini de Lavatorio, XIIIe s. dans Chronicon abbatiae Majoris Monasterii, t. I, p. 224). La Guéritaulde formait un fief relevant de Montbazon, les premiers propriétaires connus en étant Guy de Maillé et Jeanne de Sazillé, \”dame de l’Islete et de la Gueritaude\”, qui firent en 1372 une importante fondation à l’abbaye de Cormery. Il resta dans la famille de Maillé jusqu’à la mort d’Hercule de Maillé qui eut pour successeur son beau fils, François de la Barre, maire de Tours. Voir aux AD 37 :  G. 226. XVIIIe siècle. Plan des fiefs de la Gueritaude et de la Villaine, paroisses de Veigné et Esvres, dépendants du chapitre de Tours et enclavés dans divers fiefs appartenant à l’abbaye de Cormery.


Le Moulin du Lavoir à Veigné.

Parmi les annotations du Livre d’heures, voici celles que nous avons tenté de relever :

f. 119v :

[1497] Len mil CCCC iiiixx xiii // VI jour de juing nasquit // René de Mayllé (1) filz de // Ianon de Mayllé (2) et de // Anne Pommarde

[1526] Lan myl CCCCC vynt et syx // le XVIme jour de feuvryer // naquit Janne de Mayllé fille de // René de Mayllé et de Anne de // la Vove parain mons. de ?? // …? et marayne ma //demoyselle Dupré et made // moyselle de la Droui?

f. 120r :

[1530] lan myl scynt sans trante le // vynt et Viii me jour doutoubre // feut née // Renée de Mayllé et furent son par// [en interligne : fille de René de Mayllé et de Anne de la Vove] //ayn Françoys Guyneuf et mara//yne madame de ??? et ma//demoyselle de cusytois ?

[1531] Le vynt et troysyeme jour de dessambre // myl scynt sans trante et vng fut // né Jenon demoyselle fille de René de Mayllé et de Anne de la Vove et // furent ses parayns meus. de Lafonne//rie? et mons. de Meny..? et marayne // mademoyselle d…?

f. 120v :

[1575] L’An mil cinq cens soixante et quinze // la nuict d’entre le vendredy et sabmedy // vintz huictiesme et vinctneufuiesme du // mois d’oc[to]bre trespassa noble damyselle // Anne de la Vove dame de la Quiritaude // et le dyme[n]che ensuyvant feste de la // dedicace de l’église de Veigné fut inhumé en leur chapelle dud. Veigne par moy Me Estienne Colynet soubz signé et vicaire pour lors dud. Veigné. [signature]


© Morgan Kay, Franck and Jonathan Kay. Oberlin College Library’s Special Collections

(1) René de Maillé, seigneur de la Gueritaude, de l’Olive & Verrière, né le 6 juin 1493 (The Artz Hours, note) épousa Catherine d’Avaugour, fille de Charles d’Avaugour, chevalier seigneur de Cherville (Bretagne) & de Catherine de Bernesay, dont il n’eut aucun enfant. II se remaria par contrat du 12 janvier 1525 (n.s.), passé à Chinon, avec Anne de la Vove, fille de Louis de la Vove, seigneur de la Pierre & des Prés & de Jeanne Ie Picard, décédée selon The Artz Hours dans la nuit du 28 au 29 octobre 1575.

(2) Janon de Maillé, seigneur de la Gueritaude, fils puîné d’Hardouin de Maillé & d’Anne Rabasté, fut marié par contrat le 7 Janvier 1490 avec Anne Paulmart, fille de Philippe Paulmart, écuyer, seigneur de l’Olive & de Jeanne d’Aubigny.  Après le décès de sa femme, il épousa en 1518, Charlotte de Salignac, dame de Saint Martin, veuve de Jean de la Touche. De son premier mariage il eut  1) René de Maillé, seigneur de la Gueritaude, qui suit. 2) Françoise de Maillé,  mariée le 20 aout 1519, à Georges d Anglou, écuyer seigneur de Beauregard en Savoie, maréchal des Logis du roi, capitaine du Mans &t de Valence. De son second : Françoise de Maillé, alliée à Gui d’Ausseure, assesseur à Poitiers. 

René de Maillé est mort le 26 décembre 1585, date du partage de sa succession entre ses enfants.
Le remariage d’Anne indiqué par les abbés Ledru et Denis (p. 317-318) semble être contredit par la date de son décès, situé au moins dix ans avant celle de son mari. Peut-être ce dernier s’est-il marié une 3ème fois ?
Anne, sa veuve, se remarie avec N. de Bieury (Beuris) dont elle eut :
Jean, écuyer, sieur du Dauson, avocat au parlement de Paris ; Anne; Guillemine, religieuse à l’abbaye du Pré, et Louise.

De René de Maillé et d’Anne de la Vove naquirent :
§ Yves de Maillé, chevalier, seigneur de la Guéritaude et de l’Olive. Il partagea avec ses frère et soeurs l’héritage de leurs parents, le 26 décembre 1585. Étant en son lit, malade, au château de la Guéritaude, il y dicta ses dernières volontés, le 18 juillet 1588, d’être inhumé en l’église paroissiale de Veigné, dans la chapelle de la Guéritaude. Il faisait différents legs à l’église et aux enfants du second mariage de sa mère et choisissait Hélie de Maillé, son frère, pour exécuteur testamentaire. Il mourut peu après, car le 27 janvier suivant son frère et ses soeurs se partageaient les biens qu’il laissait. Il était fiancé, lors de son décès, avec Anne de Chambes-Montsoreau (AD d’Indre-et-Loire, G 1036, n° 21) :

Aussi veult et ordonne ledict sieur testateur que, apres que l’asme sera séparée d’avec le corps, sondit corps estre mis en ung sceurcul de bois neuf et que les gans d’église de la parroisse de Vesgné et autres qui assisteront a son anterrement viennent quérir sondit corps et cadavert en se lieu, maison seigneurial de la Gueritaude, et le conduisent jusque en ladicte église de Vesgné avec la croix, chantant suffrages et autres prieres acoustumées, etque lesdites gens d’église soyent satisfaictz de chacun ung teston …
Davantage, veult et ordonne ledict sieur testateur que seur sa fosse soict eulevé ung arceau en forme d’arcadde de pierre de taille, pres et contre la muraille de la chapelle de la Gueritaude, seur sa fosse, sur lequel arceau sera portraict la figure dudit sieur, tirée au vif a deulx genoux, lequel portraict et figure sera faict d’une pierre la plus propre et blanche qui sce pourra recouvrer … (La maison de Maillé, preuves 549)

§ Renée de Maillé, née le 28 octobre 1530 (The Artz Hours, note), nommée dans les partages de 1585 et de 1589. Elle testa à la Guéritaude, le 30 mars 1591. De même que son frère, elle choisit sa sépulture en la chapelle de la Guéritaude. AD 37, G 1036 :

… et seront tenuz les procureurs fabriciers de ladite parroisse faire dire et selebrer en ladite esglise de Veigne, tous les dimanche des annees, une messe basse davant l’autel Sainct Sebastien en la chapelle de la Gueritaud , entre la premiere messe et la grande messe paroischialle dudit lieu, et au matin de ladite messe se retournant ledit chappellain  dira ladite messe sera tenu de dire en ses motz ou semblable : « La messe qui se dit ycy par chacun dimanche se dit a l’intention pour l’ame de deffunct Renee de Maille et Jehanne de Maille, fille de la Gueritaude ; s’il vous plaist, a 1’intention, vous direz devotement ung Pater noster et ung Ave Marya, et nous dirons nos De profondys a l’heure presente avecque Fidelium. »

§ Jeanne de Maillé, née le 16 février 1526 (The Artz Hours, note), nommée également dans les partages de 1585 et de 1589. Elle fit son testament à la Guéritaude, le 22 décembre 1593, avec codicille du 3 janvier 1594, à peu près dans les mêmes termes que sa soeur.  AD 37, G 1036, n° 6.
§ Janon, née le 23 décembre 1531 ( (The Artz Hours, note)
§ Hélie de Maillé, chevalier de l’ordre du roi, seigneur de Verrières, puis de la Géritaude et de l’Olive après son frère aîné, fit partage avec lui et avec ses soeurs le 26 décembre 1585 et le 27 janvier 1589. Il épousa : I° Marguerite de Ceps, fille de Pierre de Ceps, seigneur de la Ferrière, et de Charlotte Le Cirier ; 2°, par contrat du 21 décembre 1596, Madeleine de Chérité, fille de François de Chérité, écuyer, seigneur de Voisin, et de Madeleine de Bournen. Il mourut avant le 22 novembre 1618.

Source : Paris, BnF, Fr. 28282, n° 105 – La Maison de Maillé, par l’abbé Ambroise Ledru, et l’abbé L.-J. Denis ; avec table alphabétique des noms par Eugène Vallée, A. Lemerre, Paris, 1905, 3 vol. Numérisé sur Gallica.
Voir aussi : Histoire du Berry – Moréri, Dictionnaire

La Chapelle-de-la-Guéritaulde. Cne de Veigné (37). La Chapelle de la Guéritaude, 1648 (Pouillé de Tours, p. 48) ; La chapelle du château de la Gueritaude, paroisse de Veigné, 27 juillet 1776 (acte Thenon-Tours) ; Veigné. A la Guéritaude, château appartenant à M. Rouzel, thrésorier de Monsieur, en bon état, excepté l’un des vitraux et quelques crevasses à remplacer ;  cette chapelle est utile au canton selon le témoignage du Sr curé ; expédiée, 1775 (AD 37, G 14, f. 3 r) ; A la Guéritaude, château appartenant à M. du Rouzel, en bon état, 1787 (AD 37, G 14, f. 24r). Chapelle domestique fondée le 18 juillet 1588 par Yves de Maillé, desservie au château de la Guéritaulde. [ source Denis Jeanson ]


Veigné et son église au début du XXe s.

Litanies du Livre d’heures [ CHD ] : f. 78 // martine, germane, nicholae, iuliane, maurile (Angers), albine (Angers) // [ f. 78v :] renate (ep. Andegavensis), brice, serenede (Angers), licini (ep. Andegavensis), segi (= sergi), bache, magnobodi (ep. Andegav.), augustine, ieronime, germane, hylari, remigi, lupe (ep. Andegav.), benedicte (ep. Andegav.), anthoni, fiacri, //

Biblio
Seth Hindin, The Artz Hours. Analysis of a Fifteenth Century Book of Hours.
Liens
Erik Drigsdahl & CHD Center for Håndskriftstudier i Danmark [ en ligne ]
The Artz Hours numérisées : Explore the Artz Hours [ en ligne ] ou [ en ligne ]

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