8 Sep 2007
Jean-Luc Deuffic

Le jeu des échecs moralisés

When it first arrived in Europe, the game of chess was played with dice and for money. It was condemned and banned by the church which later softened its stance due to the increasing popularity of the game. The allegorical treatise Innocent Morality (Quaedam moralitas de scaccorio) attributed to pope Innocent III (1198-1216) was a first tentative attempt to \”moralise\” the game. Later, the Dominican monk Jacques de Cessoles gave Dominican sermons inspired by the game. Around 1315 he decided to compile these sermons under title Liber de moribus hominum et officiis nobilium sive super ludum sacchorum, which begins thus:
”In the name of the Lord, amen. Here begins the prologue to this Book of the Morals of Men and of the Duties of Noblemen according to the Game of Chess, which was written by brother Jacques de Cessoles of the order of the Preaching Brothers. Having been asked by the brothers of the Order, as well as by many laymen, to write about the entertaining game of chess which covers a remarkable amount of teaching to do with morals as well as with war, I am ceding to their request. It is true that I have previously preached on this subject to the people, and this was pleasing to many noblemen.”

(c) Paris BnF Fr. 1166. Ci-dessous détail du f. 14v:

A leur apparition en Europe, les échecs se jouent aux dés et pour de l’argent. Ils sont condamnés et interdits par l’Église mais celle-ci doit s’incliner devant la popularité croissante du jeu. Le traité Innocente Moralité, attribué au pape Innocent III (1198-1216), marque une première tentative de \”moraliser\” les échecs. Plus tard, le moine dominicain, Jacques de Cessoles, propose des prêches dominicaux inspirés du jeu. C’est vers 1315, qu’il décide de compiler ses sermons sous le titre de Liber de moribus hominum et officiis nobilium sive super ludum scacchorum qui débute ainsi:
”Au nom du Seigneur, amen. Ici commence le prologue de ce Livre des Moeurs des Hommes et des Devoirs des Nobles, au travers du Jeu des Échecs, qui fut composé par le frère Jacques de Cessoles, de l’ordre des Frères Prédicateurs. Ayant été prié par des frères de l’Ordre, ainsi que par divers séculiers, de transcrire l’amusant jeu des échecs, qui contient un enseignement remarquable quant à la conduite des moeurs ainsi que celle de la guerre, je réalise leur désir. Il est vrai que j’en avais prêché au préalable le contenu au peuple, et cela avait plu à moult gentilshommes”.
Avant tout, traité de morale, l’ouvrage connut de nombreuses traductions et adaptations en langue vernaculaire parmi lesquelles trois versions françaises dès la première moitié du XIVe siècle (Jean de Vignay, un anonyme lorrain et Jean Ferron).
It was above all a treaty of morals, and the work was translated and adapted numerous times into vernacular languages, including three in French from the first half of the fourteenth century (one by Jean de Vignay, one by an anonymous translator from the Lorraine, and another by Jean Ferron). A digital version is available online from the Lawrence J. Schoenberg Collection, ljs267 (Italy, 1409). f. 1-56:
Voir en ligne : Lawrence J. Schoenberg Collection
ljs267 (Italie, 1409). f. 1-56:
Jacobus de Cessolis, Ludo Schaccorum. Explicit : … donatem illo aquo descendit omnem donum optimum et perfectum. Deo igitur sit honor et gloria in saecula saeculorum amen.

Les traducteurs français
JEAN DE VIGNAY  [Religieux hospitalier de l’ordre de Saint-Jacques-du-Haut-Pas, a traduit du latin en français de nombreux textes à l’intention du roi Philippe VI de Valois … Lien Paris BnF]
Incipit prol. :
”A Tres noble et Excellent prinpce Iehan de france duc de Normandie et Ainsne fils de philippe pour la grace de dieu Roy de france frere Iehan de Vignay”
… Incipit tit. :
”Ci commencent les tiltres des chapistres du livre de la moralite des nobles hommes et des gens du pueple sur le gieu des esches translate de latin en francois par frere Iehan de vignay hospitalier de l’ordre de hault pas … ”
Incipit op. :
”Ci commence le livre de la moralite de nobles hommes fait sur le Gieu des esches et soubs quel Roy ils furent trouves premierement. Entre tous les mauves signes qui puent estre en nul homme C’est quant homme ne doubte a couroucier par pecchie …”

Voir : Christine Knowles, Jean de Vignay, un traducteur du XIVe. siècle, dans Romania, 75, 1954, p. 353-383.
C. S. Fuller, A Critical Edition of Le Jeu des eschés, moralisé, Translated by Jehan de Vignay, Thèse inédite, Catholic University of America, 1974, recense 48 manuscrits.

JEAN FERRON [Dominicain du couvent Saint-Honoré à Paris et chapelain de l’écuyer Bertrand Aubert de Tarascon en 1347 … Lien  ARLIMA]
Incipit prolog. :
”Au noble home Bertran Aubert de Tharascon, frere Jehan Ferron de l’ordre des freres prescheurs de Paris son petit et humble chappellain soy tout la Saincte Escripture dit que Dieux nous at fait a chescun mandement de pourchascier a tous noz prochains leur sauvement …”
Incipit op. :
”Moult ay este prie et requis de religieux et seculiers.”
Explicit :
”Or recourons donc a Celui qui est vertu et m a donné grace d escripre aucune chose a l honneur et a la doctrine des nobles selon mon petit povoir. Et nous doint en present grace sy que nous puissions vivre avec lui pardurablement. Ecce vivit et regnat etc. Amen. Explicit.” (Collet, éd. 1984, puis 1999).
Lire:
Thomas Kaeppeli, Scriptores Ordinis Praedicatorum Medii Aevi, II, Rome, 1975, n° 2323.

Quelques manuscrits
F : Ferron – V : de Vignay
§ Besançon BM 434. f. 245-292v. 1372. f. 245, ci-dessus : Jean de Vignay remettant son ouvrage à Jean II le Bon. Site Enluminures.
§ Chartres BM 419, f. 67-93v. XIVe s. (F)
§ Dijon BM 268. Jacobus de Cessolis, Jeu des echecs moralisés. Fin XIVe s. Site Enluminures.
§ Dijon BM 525, f. 185-201. 1355-1362. (F)
§ Paris BnF Fr. 578, f. 71-101. XVe s. (F)
§ Paris BnF Fr. 580. Jacques de Cessoles, Le Livre des échecs moralisés. Copie du XIVe siècle.
Livre des nobles hommes et des gens de peuple selon le jeu des eschies, translaté de latin en françois par frere Jehan de Vignay. Commence : \”A tres noble et excellent prince Jehan de France, duc de Normandie et ainsné filz de Phelippe … \”. Finit : \” … a la gloire du roy de paradis, a l’onneur des corps et ou proufit des ames.\”
§ Paris BnF Fr. 1165. Jacques de Cessoles, Le Livre de la moralité des nobles hommes et des gens du peuple sur le jeu des échecs. Traduction de Jean du Vignay.
§ Paris BnF Fr. 1166. Ibid. Paris, fin du XIVe siècle ou début du XVe. Parchemin. 305 f.
§ Paris BnF Fr. 1167.
§ Paris BnF Fr. 1170. XVe s. (F & V)
§ Paris BnF Fr. 1172. Jacques de Cessoles, Le Livre des échecs moralisés. Traduction française de Jean de Vignay.
§ Paris BnF Fr. 2000. Jacques de Cessoles, Le Jeu des échecs moralisés. Traduction française de Jean Ferron. Vers 1480-1485. Parchemin. 56 f. 237 x 155 mm. f. 4, ci-dessous : Sermon sur \”les moeurs et les devoirs des hommes à travers le jeu des échecs\”.

§ Paris BnF Fr. 2146. XVe s. (F & V)
§ Paris BnF Fr. 2147. XVe s. (F & V)
§ Paris BnF Fr. 2471. Jacques de Cessoles, Le Jeu des échecs moralisés. Vélin. XVe siècle. (F & V)
§ Paris BnF Fr. 12440. XVe s. (F & V)
§ Paris BnF 19115. XIVe s. (F)
§ Paris BnF Fr. 24274, f. 1-47. 156 f. 275 x 205 mm. 1487. (F) [Lien]
§ Paris BnF Nlle acq. fr. 720. Jacques de Cessoles, Le Jeu des échecs moralisés. Traduction française de Jean Ferron. Parchemin, 45 f. (28,5 x 21 cm). XIVe siècle.
§ Berlin Staatsbibliothek Ham. 349a. XVe s. (F)
§ Bruxelles BR 11045. XVe s. (F & V)
§ Chicago Univ. Libr. 392. XVe s. (F & V). De Ricci I, p. 583.
§ Huntington Library EL 26 A 3, f. 213-278v. France, Troyes? 1410/1415. (V)
§ La Haye KB 70H33. XV/2 s. Version allemande.
§ London British Library Royal 19 A VIII, f. 73-110. XVe s. (F)
§ London British Library Add. 20697, f. 1. XIVe s. (F)
§ London British Library Add. 21461. XVe s. (F)
§ Stockholm KB XLVIII. XVe s. (V & F)
§ Vatican Pal. Lat. 1965. XVe s. (F)
§ Schoenberg Collection ljs058. XVe s. (V)
§ Madrid Biblioteca Nacional de España. Jacobus de Cessolis, Tractatus de ludo Scacorum. 1430-40. Bohemia Tempera. 44 f. 183 x 128 mm. Illustration ci-dessous :
§ Voir sur le site de la librairie Les Enluminures la description d’un manuscrit copié à Avignon (1450-60). Au f 126-203, dans la traduction de Jean Ferron, le Jeu des Echecs. Au f. 207 : ”Alés en la premiere église des Celestins a Avignon et y trouverés c que cy dessus est escript en un tableau auquel est painct le corps mort d’une femme.”
[En ligne]

A propos de l’exposition Prague, The Crown of Bohemia, 1347-1437

It is in such a context that we also find the versified work of Guillaume de Saint-André, an advisor to the Duke of Brittany at the end of the fourteenth century. This text, which is found as the conclusion to his Livre du bon Jehan, is an echo of the contemporary debates on the question of power. It seems to be so placed in order to act as a kind of mediating text. Addenda & Corrigenda of the first edition can be read on the site Tudchentil.
C’est dans cet environnement que l’on situe l’oeuvre versifiée de Guillaume de Saint-André, conseiller du duc de Bretagne à la fin du XIVe s. Ce texte, placé en conclusion de son Livre du bon Jehan, se fait l’écho de débats contemporains sur la question du pouvoir. Il s’y place, semble-t-il, en médiateur.
Jean-Michel Cauneau et Dominique Philippe, Guillaume de Saint-André. Chronique de l’Etat breton : Le bon Jehan et Le jeu des échecs : XIVe siècle. Rennes, PUR, 2005.
Lire sur le site Tudchentil Addenda & Corrigenda de la première édition.

Les impressions incunables
§ Libro di givocho di scacchi. Firenze 1493. [Image La Haye KB]
§ Paris, pour Antoine Vérard, 1504. [Image Paris BnF]

Liens
Le jeu d’échecs. Incontournable : Dossier pédagogique sur le site de la Biblothèque nationale de France.
The Chess Theory Virtual Museum of Art
Sur le site ARLIMA:
Jacques de Cessoles
Jean de Vignay
Jean Ferron

Bibliographie
Thomas Kaeppeli, Scriptores Ordinis Praedicatorum Medii Aevi, II, Rome, 1975, n° 2066, p. 312-317, donne une liste des manuscrits du Libellus de moribus hominum et de officiis nobilium super ludo scaccorum de Iacobus de Cessolis. De même les manuscrits des traductions anglaise (Buke of the Chess), catalane, française, allemande (Schachzabelbuch), italienne, hollandaise (Scaecspel). Importante bibliographie.
Jean Rychner, Les traductions francaises de la Moralisatio super ludum scaccorum de Jacques de Cessoles, dans Mélanges Brunel, II, Paris, Société de l’Ecole des chartes, 1955, p. 480-493.
H.-J. Kliewer, Die mittelalterliche Schachallegorie und die deutschen Schachzabelbücher in der Nachfolge des Jacobus de Cessolis (thèse), Heidelberg, 1966.
Jacques de Cessoles, Le Livre du jeu d’échecs ou la société idéale au Moyen Âge, XIIIe siècle. Traduction et présentation de Jean-Michel Mehl. Paris, Stock-Moyen Âge, 1995.
Jacques de Cessoles, Le Livre des eschaz moralisé, traduction de Jean Ferron, 1347. Édition publiée par Alain Collet. Paris, Honoré Champion, 1999. Cf. du même, Jean Ferron, Le Jeu des Eschaz moralisé, 1347, édition critique, dans Perspectives médiévales, 10, 1984.
Jacques de Cessoles, Le Livre des moeurs des hommes et des devoirs des nobles au travers du jeu d’échecs, vers 1315. Adaptation de Jean-Michel Péchiné. Paris, Gallimard, \”Découvertes\”, 1997.
F. Lecoy, Guillaume de Saint André et son jeu des échecs moralisés in Romania, 67, 1942-43, 491-503.
J. Berlioz, L’invention du jeu d’échecs d’après Jacques de Cessoles (XIIIe s.). dans : Pays d’Islam et monde latin Xe-XIIIe siècles. Textes et documents, p. 277-281.
Jean-Michel Cauneau et Dominique Philippe, Guillaume de Saint-André. Chronique de l’Etat breton : Le bon Jehan et Le jeu des échecs : XIVe siècle. Rennes, PUR, 2005. Lire le compte-rendu de D. Dominé-Kohn sur le site des Cahiers de recherches médiévales [En ligne]

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