Javier Docampo (1962-2020), director del departamento de Manuscritos, Incunables y Raros de la Biblioteca Nacional
Samuel Gras me transmet ce texte, au sujet du décès de Javier Docampo. Je l’en remercie.
Le 27 mars 2020 nous quittait Javier Docampo, directeur du département des Manuscrits, Incunables et Rares de la Biblioteca Nacional de España (BNE, Madrid). Sa passion pour les manuscrits remonte à ses années universitaires, qu’il achevait en 1985 avec une thèse portant sur un livre d’heure à l’usage de Paris conservé à la BNE (Mss/21547). Faisant ses classes en Galice, il obtenait peu de temps après un poste à la BNE au département des Beaux-Arts. Il travailla ensuite comme conseiller des bibliothèques de Castilla-La Mancha puis à celle du Museo del Prado à partir de 2005. Il fit de cette dernière un lieu de première importance pour la recherche en Histoire de l’art en Espagne. Javier était un bâtisseur de grands projets : il avait impulsé une importante politique d’achat d’ouvrages de référence pour la bibliothèque du Prado et avait modifié son statut pour l’ouvrir aux chercheurs et étudiants et stimuler ainsi la recherche. Au cours de son étape au Prado, il était commissaire en 2010 de l’exposition Bibliotheca Artis: tesoros de la Biblioteca del Museo del Prado et, avec José Riello, La biblioteca del Greco en 2014.
En juillet 2016, Javier Docampo avait pris la décision de revenir à la BNE, par amour pour les manuscrits. Quelques mois auparavant, alors qu’il était encore directeur de la bibliothèque du Prado, nous nous étions donnés rendez-vous près du « Casón del Buen Retiro », annexe du musée du Prado où il avait son bureau. Nous avions évoqué le projet, autour d’un café, de valoriser « un jour » le fonds des manuscrits de la BNE, en nous disant que nous nous rappellerions de ce moment si nous réussissions notre pari. Il avait donc un rêve, qu’il espérait réaliser depuis sa première nomination en 1985 : celui de mettre en valeur le précieux patrimoine que forment les manuscrits enluminés conservés au sein de la BNE. Quelques mois plus tard, Javier était nommé directeur de la BNE et, grâce à nos efforts conjugués, nous réussissions à obtenir les financements nécessaires et l’aide du Centro de Estudios Europa Hispánica pour la mise en route du projet. Le rêve commençait à prendre forme. Nous avons alors travaillé d’arrache-pied à la première étape de son « Proyecto Codex », en nous focalisant sur les fonds français et flamands. Tout début mars 2020, Javier révisait les dernières lignes du catalogue raisonné et celles des panneaux de l’exposition Luces del Norte dont l’ouverture était prévue pour mai 2020. Entre-temps, nous avions exposé au sein de la BNE des feuillets des Heures de Charles Quint (Vitr/24/3) suite à la restauration du manuscrit et coorganisé avec la Pr. Anne-Marie Legaré, du laboratoire IRHiS de l’Université de Lille, deux journées d’études internationales sur le fonds des manuscrits français et flamands.
J’ai été en contact avec Javier presque tous les jours durant cette période. Nous étions devenus non seulement des collègues mais aussi des amis. Sa passion pour les manuscrits enluminés n’avait d’égal que son savoir, sa bonté et son fin humour. Il était très apprécié de son personnel pour sa compassion, sa rigueur scientifique et l’amour de son prochain. Avec le temps, il aurait fort probablement hissé le département des Manuscrits, Incunables et Rares de la BNE à un niveau culturel de premier plan. Javier a surmonté entre 2019 et 2020 un cancer, et on venait tout juste de l’opérer des deux tumeurs dont il souffrait. Il était encore trop faible pour surmonter une autre infection, celle du coronavirus. Javier s’était fixé comme objectif d’être présent à l’inauguration de Luces del Norte, exposition qu’il portait sans son cœur et dont il parlait continuellement. Comme l’or des miniatures exposées, son esprit brillera encore à travers l’achèvement de son formidable projet, qui sera présenté à partir de l’automne 2020.
Voir également :IUS ILLUMINATUM https://iusilluminata.fcsh.unl.pt/